Allemagne . L’actuel ministre des affaires étrangères est accusé de complicité avec la CIA dans l’affaire d’une détention illégale à Guantanamo.
Par Charlotte Noblet, L’Humanité, 31 janvier 2007
Dès sa libération, le 24 août 2006, Muraz Kurnaz a témoigné des conditions inhumaines de sa détention à Guantanamo et évoqué les interrogatoires et violences exercés par des soldats allemands. Mais c’est seulement maintenant que l’affaire rebondit, des documents cités par le quotidien Süddeutsche Zeitung mettant en cause l’actuel ministre des Affaires étrangères allemand.
Alors chef de la Chancellerie du gouvernement Schröder et coordinateur des services secrets, Frank-Walter Steinmeier (SPD) aurait refusé, en octobre 2002, la proposition des États-Unis de libérer Kurnaz. « Sous prétexte qu’il était de nationalité turque, l’État allemand n’a pas voulu se montrer garant de ce résident allemand », s’indigne Rolf Gössner, président de la Ligue internationale des droits de l’homme en Allemagne.
Ce jeune de vingt-quatre ans, né à Brême de parents turcs, avait été arrêté par les autorités pakistanaises fin 2001, remis aux forces américaines basées en Afghanistan puis transféré début 2002 à Guantanamo. C’est faute de preuves, son dossier s’avérant vide, qu’il sera libéré. Après quasi cinq ans de détention sans inculpation ni jugement. Le « cas Kurnaz » n’est pas seulement une illustration de la violation du droit international par Washington. En révélant l’ampleur de la coopération cachée du gouvernement SPD-Verts de l’ex-chancelier Schröder - alors pourtant officiellement opposé à la guerre en Irak - avec la CIA, il fait beaucoup de bruit outre-Rhin.
Et lorsque Thomas Oppermann, représentant des services secrets (BND) au sein de la commission d’enquête parlementaire ouverte à ce sujet, affirme qu’il s’agissait « seulement » d’une idée du BND et de la CIA que de libérer Kurnaz pour en faire un espion au sein des milieux islamistes en Allemagne, il déclenche au mieux l’hilarité, au pire l’indignation générale. Au point de soulever même la colère de Wolfgang Bosbach, vice-président de la CDU au Bundestag, qui a demandé une enquête sur les services secrets : « aider les Américains, a-t-il déclaré, à l’interrogatoire d’un dangereux combattant ennemi au nom de la lutte contre le terrorisme puis, l’individu s’avérant non dangereux, penser à l’enrôler comme indicateur pour enfin renoncer à sa libération, ça en devient grotesque ! »
Les liens des ex-autorités allemandes avec les pratiques illégales des États-Unis paraissent ainsi de plus en plus établis. Déjà en juin 2004, le « présumé terroriste » allemand Khalid al Masri affirmait avoir été « enlevé » par la CIA grâce à l’aide du BND. En janvier 2006, on a appris que deux agents du BND avaient transmis en mars 2003 des plans de défense de Bagdad aux forces américaines (voir l’Humanité du 28 février 2006).
Et en novembre dernier, une commission d’enquête parlementaire reconnaissait que des soldats allemands de l’Unité spéciale de combat avaient mené des interrogatoires dans les camps de prisonniers clandestins des États-Unis en Afghanistan dans des conditions « ne correspondant pas exactement aux critères du droit international et des droits de l’homme ».
Source : http://www.humanite.presse.fr/journal/2007-01-30/2007-01-30-844928
Source : http://www.humanite.presse.fr/journal/2007-01-30/2007-01-30-844928
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