lundi 30 janvier 2017
Inquiétude sur le retour de la torture aux USA
vendredi 20 janvier 2017
Conférence : Guantánamo, la torture et les conséquences judiciaires et sociales
de 15h à 17h
Présentations d’experts sur le programme de torture américain: son développement et ses dommages
Lawrence Wilkerson, ex-chef de cabinet de l’ancien secrétaire d’Etat (ministre des affaires étrangères) Colin Powell
Mark Fallon, ancien enquêteur dans la section américaine anti-terroriste
Janis Karpinski, ancienne commandante en chef américaine de la brigade de police militaire en Irak, de 2003 à 2005
Aliya Hussain, CCR, représentation des victimes de Guantánamo
Wolfgang Kaleck, ECCHR, expert sur l'instruction de la Cour d'Appel de Paris dans l’affaire Guantánamo
La conférence sera uniquement en anglais.
Accès http://economix.fr/images/plan_G.jpg
jeudi 11 décembre 2014
Le rapport du Sénat US sur la torture ignore les crimes les plus brutaux de la CIA
Original: U.S. Senate Torture Report Ignores CIA’s Most Brutal Crimes


Après les événements tragiques du 11 Septembre, le ministère de la Justice a fabriqué une série de mémos juridiques autorisant l'utilisation par l'administration Bush de la torture contre des combattants ennemis. En 2002 et 2003, le vice-procureur général adjoint John Yoo a émis des mémos sur la torture, qui ont été signés par le procureur général adjoint Jay Bybee. L'Autorisation de recours à la force militaire, la Loi de 2006 sur les commissions militaires, et le Décret 13440 sont devenus les justifications légales pour l'utilisation de techniques d'interrogatoire "renforcées" et un mépris total pour les Conventions de Genève.

Le Dr Bruce Jessen (à gauche) et le Dr James Mitchell (à droite)
Blessé par balles et capturé lors d'un raid au Pakistan en 2002, l'un des premiers détenus, Abou Zoubaïda, était soigné dans un hôpital où il a fourni des informations aux agents du FBI au sujet de Khalid Cheikh Mohammed (KSM). Convaincus que Zoubaïda dissimulait des informations, les interrogateurs de la CIA l'ont soumis au waterboarding au moins 83 fois. Bien que Zoubaïda eût livré les informations sur KSM des semaines avant d'être torturé, la CIA a considéré cette violation des droits humains comme un succès et son interrogatoire est devenu un modèle pour de futures atrocités.
Capturé au Pakistan en 2003, KSM a été transporté dans un site noir de la CIA en Pologne avant d'être transféré à un autre site noir en Roumanie. Subissant des techniques d'interrogatoire "renforcées", KSM a fourni des fausses informations menant à l'arrestation de personnes innocentes et a fabriqué un complot visant à assassiner l'ancien président Jimmy Carter. KSM a été soumis au waterboarding au moins 183 fois et n'a fourni aucun renseignement opérationnel et aucune information utile à ses interrogateurs.
Selon la Commission, les techniques d'interrogatoire brutales ne sont pas des moyens efficaces d'obtention de renseignements. Sous la contrainte, les prisonniers diront tout ce qu'ils pensent que l'interrogateur veut entendre pour mettre fin au tourment. Bien que la CIA affirme que les informations obtenus par des interrogatoires "renforcés" ont sauvé des vies et conduit à la mort d'Oussama ben Laden, la Commission a découvert que ces allégations sont manifestement fausses.
La plupart des agents de la CIA impliqués dans le programme RDI avaient des antécédents de violence, d'abus et d'agressions sexuelles.
En plus du supplice de l'eau et des coups, les interrogateurs de la CIA ont également menacé de violer et de tuer des membres des familles des prisonniers, les ont privés de soins médicaux, et ont à plusieurs reprises effectué une réhydratation ou alimentation rectale sans nécessité médicale. Des détenus avec des pieds cassés et des chevilles foulées ont été contraints de rester debout pendant de longues périodes de temps pour les priver de sommeil.
En novembre 2002, les agents de la CIA ont laissé Gul Rahman, détenu dans un site noir, après l'avoir battu, à moitié nue de la taille aux pieds dans une cellule non chauffée pendant la nuit. Rahman a fini par mourir de froid dans sa cellule. Dans un cas d'erreur d'identité, le citoyen allemand Khalid El Masri a été enlevé par la police macédonienne et remis à la CIA. Après des mois de coups et de suppositoires introduits de force, El Masri a été libéré sans accusations.
Bien que le rapport mentionne Binyam Mohamed, la Commission a négligé d'enquêter sur ses allégations de torture. Arrêté au Pakistan le 10 avril 2002, Mohamed a été transporté dans un site noir de la CIA où il a été battu, brûlé, et a subi des entailles au scalpel sur le torse et le pénis. Les USA ont finalement abandonné toutes les charges contre Mohamed et l'ont remis en liberté.

Le contractuel de la CIA David Passaro (à gauche) et sa victime Abdul Wali (à droite)
La "remise" et la torture du religieux égyptien Hassan Mustafa Osama Nasr sont également absentes du résumé. Enlevé par des agents de la CIA à Milan le 17 Février 2003, Nasr a perdu l'usage d'une oreille après des mois de coups et de décharges électriques. Le 4 novembre 2009, un juge italien a condamné par contumace 22 agents de la CIA soupçonnés ou connus, un colonel de l'Armée de l'air et deux agents secrets italiens pour l'enlèvement de Nasr.

Michael Hayden
Bien que la Commission ait rendu publiques près de 500 pages largement expurgées de leur résumé analytique, le rapport complet contenant plus de 6700 pages reste classifié. Après que des agents de la CIA avaient piraté les ordinateurs appartenant à des membres de la Commission et à leur personnel l'an dernier, le directeur de la CIA John Brennan, dans une tentative d'empêcher la publication du rapport, a faussement accusé la commission d'avoir volé des dossiers classifiés. Comme les sénateurs ont appelé à sa démission, Brennan a été forcé de présenter des excuses à la Commission.
Au lieu de devoir rendre des comptes pour avoir mis au point ou utilisé des techniques d'interrogatoire "renforcées", le Dr Mitchell et le Dr Jessen ont reçu $ 81 millions de $ jusqu'à la résiliation de leur contrat en 2009. L'ancien agent de la CIA John Kiriakou a été condamné à 30 mois de prison après avoir révélé le programme de torture lors d'une interview sur ABC News. Kiriakou a été accusé d'avoir violé l'Intelligence Identities Protection Act (Loi de protection de l'identité d'agents du renseignement) de 1982 en donnant la carte de visite de Deuce Martinez au reporter du New York Times Scott Shane. Martinez avait été un interrogateur de la CIA travaillant pour Mitchell Jessen and Associates.
Tout en dénonçant les mensonges de la CIA sur la neutralisation d'attentats terroristes, la localisation d'Oussama ben Laden, et le sauvetage de vies grâce à l'utilisation de la torture, la Commission a omis de citer les pires atrocités commises en notre nom. Agissant en toute impunité, la CIA traîne une histoire sordide de décennies d'enlèvements, de tortures et d'assassinats, dont ne voit pas la fin.
mercredi 24 octobre 2012
Deux ans de prison pour John Kiriakou, un ancien de la CIA qui a divulgué le nom d'un agent
par AFP, 23/10/2012
Âgé de 47 ans, John Kiriakou était devenu célèbre en décembre 2007, sous l'administration Bush, en accordant un entretien à la chaîne de télévision ABC, lors duquel il avait confirmé pour la première fois que la technique de la simulation de noyade avait été utilisée contre Abou Zoubaydah, détenu de Guantanamo passé par ces prisons secrètes.
Dans un communiqué, le directeur de la CIA David Petraeus a salué l'accord de plaider coupable conclu par John Kiriakou, même si quatre autres chefs d'inculpation ont été abandonnés.
« Cela marque une importante victoire pour notre agence, pour la communauté du renseignement et pour notre pays. Les serments ont une importance », affirme M. Petraeus, rappelant que cette condamnation est « la première depuis 27 ans » pour divulgation de l'identité d'un agent.
En 1985, une agente de la CIA, Sharon Scranage, avait plaidé coupable d'avoir confié le nom d'autres agents à son petit ami et avait été condamnée à cinq ans de prison, selon Steven Aftergood, de la Fédération des scientifiques américains (FAS).
John Kiriakou avait d'abord refusé en avril de plaider coupable devant le tribunal fédéral d'Alexandria, en Virginie. En acceptant finalement un accord, il permet d'éviter un procès dont l'issue était pour lui incertaine.
vendredi 10 juillet 2009
Scotland Yard enquête...sur le MI5
L'Attorney general (principal conseiller juridique du gouvernement), la baronne Patricia Scotland, avait souhaité fin mars dans une déclaration écrite au parlement britannique que la police lance une enquête "aussi rapidement que possible au vu du sérieux et du caractère sensible des questions touchées".
"Les documents ont été examinés par la police métropolitaine (alias Scotland Yard, NDLR) et l'enquête a été acceptée", a précisé la police vendredi dans son communiqué, ajoutant qu'une "enquête criminelle a désormais débuté".
"Les recherches seront menées aussi diligemment, mais également minutieusement, que possible et suivront les éléments (de preuve) afin de déterminer si une quelconque infraction a été commise", a ajouté la police.
Binyam Mohamed, détenu à Guantanamo pendant plus de quatre ans, a été transféré début février en Grande-Bretagne, pays où il avait résidé à partir de 1994.
L'Ethiopien, âgé de 30 ans, a affirmé qu'un membre du MI5 avait fourni les questions lors des interrogatoires assortis de tortures qu'il a subis dans un site secret au Maroc, après son arrestation au Pakistan en 2002.
Source : Belga, 10/7/2009
Outsourcing
On savait que les services de renseignements américains avaient fait usage de la torture, notamment à Guantanamo, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme islamiste. Voilà que le Royaume-Uni aurait fait de même. C’est en tout cas ce qu’a affirmé le député conservateur britannique David Davis, mardi soir, devant la Chambre des communes, accusant le gouvernement de Sa Majesté d’avoir « sous-traité » au Pakistan la torture de Rangzieb Ahmed. Soupçonné de terrorisme et placé sous étroite surveillance policière, ce dernier avait étrangement été autorisé à se rendre au Pakistan en 2006. Les autorités britanniques auraient alors « suggéré » qu’il soit arrêté. Interpellé en août par l’Inter services intelligence (ISI), Rangzieb Ahmed est battu et torturé pendant treize mois par ses bourreaux pakistanais, qui lui ont notamment arraché trois ongles. Il aurait également été interrogé par des agents britanniques. Pour le député conservateur, il ne fait aucun doute que les autorités « savaient qu’il allait être torturé et elles ont élaboré une liste de questions qu’elles ont fournie à l’ISI ». Renvoyé au Royaume-Uni en septembre 2007, Rangzieb Ahmed est jugé coupable de terrorisme en 2008 et condamné à la prison à perpétuité « grâce à des preuves irréfutables ». Selon David Davis, « depuis un an, il y a eu au moins quinze cas de citoyens ou résidents britanniques torturés par des services de renseignements étrangers avec la complicité, voire la présence d’officiers de renseignements britanniques ». Voilà comment on défend une civilisation en bafouant ses propres valeurs.
Philippe Peter , L'Humanité, 10/7/2009
mardi 17 mars 2009
Rapport confidentiel sur «la torture» dans les prisons secrètes de Bush
Le texte du Comité international de la Croix-Rouge rédigé en 2007 a été dévoilé par un professeur de journalisme. Il tombe bien pour ceux qui veulent juger les responsables
Il ne l’a jamais dit publiquement. Mais ce qui se passait dans le réseau de «prisons secrètes» mis en place par la CIA «constitue de la torture» ainsi qu’un traitement cruel, inhumain et dégradant des prisonniers, banni par les Conventions de Genève. On ne sait pas qui a laissé filtrer ce rapport. Mais on sait désormais que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) l’a rédigé en 2007, avant de le transmettre aux autorités américaines. Ce texte de 43 pages n’apparaît pas par hasard aujourd’hui. Il vient étoffer l’argumentaire de ceux qui veulent amener devant la justice les responsables de l’administration Bush pour leurs agissements commis au nom de la guerre contre le terrorisme.
Le rapport, qui vient d’être dévoilé par le professeur de journalisme Mark Danner dans la New York Review of Books, se base sur les témoignages de 14 prisonniers «de haute valeur» que les délégués du CICR ont été autorisés à rencontrer dans le camp de Guantanamo. Les prisons secrètes, dans lesquelles les détenus venaient de passer, étaient destinées à le rester. Jamais encore il n’y a eu de description aussi précise de ce qui se déroulait à l’intérieur de ces «black sites» installés en Thaïlande, en Pologne ou en Afghanistan.
A elle seule, la table des matières du rapport donne une première idée: «Suffocation par l’eau», «coups avec l’utilisation d’un collier», «confinement dans une boîte», «nudité prolongée», «privation de sommeil», «usage prolongé de menottes». Même si les détenus – parmi lesquels figurent «l’architecte» du 11 septembre Khalid Cheikh Mohammed ou le recruteur d’Al-Qaida Abou Zubaydah – n’ont jamais pu communiquer entre eux, les témoignages frappent par leurs similitudes, ce qui écarte l’hypothèse de pures affabulations.
Tour à tour placés dans une boîte réduite comme un cercueil, attachés sur une chaise pendant des jours ou suspendus par les menottes qu’ils portaient aux poignets, les prisonniers n’ont reçu aucun aliment solide pendant des semaines, étaient nus, soumis constamment à une aveuglante lumière artificielle, empêchés de s’essuyer après avoir déféqué, battus, menacés, aspergés d’eau glacée. Prises individuellement ou dans leur combinaison, ces méthodes constituent de la torture, tranche le CICR dans sa conclusion adressée aux responsables de la CIA.
Au passage, des détenus expliquent aussi qu’ils ont parfois inventé des informations de toutes pièces afin de faire cesser les tortures. Des témoignages qui semblent vider de leur substance les affirmations de la Maison-Blanche selon lesquelles ces informations auraient permis de déjouer des dizaines d’attentats.
Pour Mark Danner, l’un des pourfendeurs les plus minutieux des actions de contre-terrorisme de l’administration Bush, les conclusions coulent de source: les Etats-Unis ont utilisé la torture depuis 2002 et, parmi d’autres responsables de haut niveau du gouvernement américain, le président George Bush le savait et a menti à ce propos. Pour sa part, le Congrès disposait d’assez d’informations pour connaître la vérité et ne pas approuver la création des Commissions militaires qui donnaient une protection légale aux auteurs d’actes de torture. Les parlementaires démocrates, préoccupés à l’idée d’être accusés de «dorloter les terroristes» à l’approche des élections, méritent, pour l’enquêteur, une mention particulière.
Cet exposé en forme de charge frontale a été repris lundi par tous les médias américains. Il vise sans doute à redonner un peu de vigueur au débat, lancé par quelques sénateurs, sur la nécessité de poursuivre en justice les membres de l’ancienne administration, ou du moins de mettre en place une «commission vérité» chargée de faire toute la lumière sur cette période. «Nous devons aller au fond de ce qui est arrivé, et du pourquoi, afin d’être sûrs que cela ne se reproduira plus», affirme le sénateur Patrick Leahy, qui a pris la tête de ce mouvement.
Même s’il a tenu à l’occasion des propos pratiquement similaires («nul ne peut être placé au-dessus des lois»), le président Barack Obama a aussi souligné sa préférence à «aller de l’avant plutôt que de regarder en arrière». Alors qu’il est en train de démanteler le système mis en place par son prédécesseur, il risque gros à ouvrir ce dossier, de surcroît en plein marasme économique.
Dans l’immédiat, pourtant, d’autres veulent s’en charger à la place de Barack Obama. Alors que George Bush doit donner une conférence au Canada ce mardi, une coalition d’avocats veut l’interdire d’entrée au motif qu’il serait «un criminel de guerre»…
jeudi 3 avril 2008
Pour le Pentagone, la torture est de la "légitime défense"
Le département de la Justice américain avait envoyé au Pentagone, en 2003, un mémorandum dans lequel il assimilait le recours à la torture à un acte de « légitime défense » dans le cadre de l’interrogatoire d’un « ennemi combattant ». Un député irakien et un lieutenant colonel de l’armée française, spécialiste de la guerre d’Algérie, réagissent à ce document, déclassifié hier et que nous publions dans son intégralité.Le mémorandum, rédigé par un juriste du département de la Justice américain (DOD), affirme, en résumé, que le président américain est habilité par la Constitution à autoriser certaines formes de torture contre les militants d’Al-Qaïda, car il s’agit de protéger la nation. Le DOD a annulé ce mémorandum neuf mois après son émission. Mais, selon le Washington Post, ce document a formalisé un raisonnement qui a servi de "base légale (…) pour justifier des interrogatoires agressifs dans des moments-clefs, notamment lorsque les prisonniers en provenance d’Afghanistan affluaient dans les prisons militaires".
Les contributeurs
Haytham Manna Izzat Shahbandar Michel Goya
Extraits du mémorandum
"Si le défenseur du gouvernement en venait à blesser un ennemi combattant pendant un interrogatoire, enfreignant ainsi le code pénal, il le ferait pour éviter de nouvelles attaques contre les Etats-Unis par le réseau terroriste Al-Qaïda. Nous pensons qu’il serait possible de justifier cette infraction en arguant que l’exécutif est chargé par la Constitution de protéger la nation. (...) [Ces infractions pourraient être considérées comme] une version internationale du droit à l’autodéfense".
Le document complet (en anglais - fichiers de plusieurs mégas) :
Partie 1
Partie 2
"Leurs techniques n’ont rien à envier à celles utilisées dans les prisons syriennes"
Haytham Manna, porte-parole de la Commission arabe des droits de l’Homme.
Haytham a interviewé de nombreux anciens détenus des forces américaines à Guantanamo et en Irak.
"J’avais déjà ce document. Il a été déclassifié hier, mais il avait fuité : ça n’est pas pour être transparent que le Pentagone a déclassifié ce mémorandum, mais parce qu’il était déjà dans le domaine public.
Le recours à la torture a été codifié dès 2001, avant même l’invasion de l’Afghanistan. L’Administration américaine a créé tout un vocabulaire tournant autour de la torture, sans la nommer, et cela pour ne pas enfreindre les conventions internationales. Elle fait référence à des interrogatoires ‘musclés’ ou ‘fermes’, alors qu’il s’agit bien de torture.
C’est ce type de mémo qui a justifié le supplice de la planche à eau (le prisonnier est presque étouffé), de la température (la salle d’interrogatoire passe de 130° à -25°) ou du bruit (le prisonnier est exposé à un volume sonore insupportable pendant plusieurs heures). Ce type d’interrogatoire, pratiqué à Guantanamo, est suivi par une équipe d’experts, les « spécialistes du comportement » (behavior team) qui sont là pour éviter que le prisonnier soit torturé à mort. Mais ils ne sont pas toujours efficaces. Il y a eu au moins quatre personnes tuées à Guantanamo, des morts déguisées en suicides par les Américains.
Et les tortures utilisées à Guantanamo ne sont rien comparées à celles pratiquées en Irak. L’armée américaine, et les milices irakiennes qu’elle soutient, n’ont plus aucune retenue. Leurs techniques n’ont rien à envier à celles utilisées dans les prisons syriennes. Mais ce qui se passe dans les centres de détention afghans ou irakiens, tout le monde s’en fiche. Car, de toute façon, les prisonniers sont toujours isolés pendant les interrogatoires. Il n’y a jamais de témoin de ces tortures".
"Leur conception d’une torture 'limitée’ est risible"
Izzat Shahbandar, député membre de la Liste nationale irakienne, une coalition de partis opposés au gouvernement actuel.
C’est une très bonne chose que ce document soit déclassifié. Il en dit long sur le caractère répressif de la politique étrangère américaine. Washington dénonce la torture quand elle est pratiquée par d’autres pays, notamment par des pays du Sud. Mais quand il s’agit d’eux, c’est autorisé. C’est un double discours inacceptable. Et leur conception d’une torture ‘limitée’ est risible. La torture, c’est la torture. C’est inhumain, un point c’est tout. Je me demande pourquoi ils rendent public ce genre de document. Au fond, ce doit être parce que ce mémo ne les gêne pas vraiment".
"Ne pourrions plus avoir recours à la torture, même si nous étions dans la même situation que les Américains"
Michel Goya est lieutenant colonel dans l’armée française et spécialiste des conflits au Moyen-Orient. Il est également historien. Il a notamment écrit sur l’Irak et la guerre d’Algérie.
"Le problème c’est que les Américains font face à une guerre asymétrique. Lorsqu’une armée lutte contre une guérilla ou un groupe terroriste, elle est tentée de recourir à ce genre de pratique, parce que le renseignement est un facteur déterminant. Or, la façon la plus rapide pour obtenir des informations, c’est l’interrogatoire.
Ca n’est pourtant pas le meilleur calcul à long terme. Déjà parce qu’un prisonnier peut dire n’importe quoi sous la torture. Ensuite parce que cette pratique, une fois révélée, porte atteinte à l’image de l’armée. Et sur le long terme une guerre se gagne difficilement sans le soutien de la population. Une meilleure façon d’obtenir des informations fiables peut être, par exemple, d’avoir recours à l’infiltration et le retournement du groupe adverse. L’armée française a par exemple gagné la bataille d’Alger grâce à ces deux méthodes. Le colonel Godard, qui a dirigé les opérations, était d’ailleurs opposé à la torture.
Les Américains veulent des résultats rapidement. C’est dans leurs gênes. Ils ont en outre le sentiment de participer à une croisade, de lutter contre le mal. Enfin, ils sont face à un ennemi qui ne respecte lui aucune règle, aucun code de déontologie. Ils sont donc tentés de recourir à des méthodes extrêmes. L’armée française a également torturé pendant la guerre d’Algérie (dans une bien moindre mesure que le le FLN, toutefois). Mais cette expérience a profondément traumatisé notre institution. C’est une plaie encore ouverte, dont on a du mal à parler. Je peux donc affirmer que ne pourrions plus avoir recours à la torture, même si nous étions dans la même situation que les Américains".
lundi 21 janvier 2008
Le Canada place les USA et Israël sur une liste de surveillance des pays soupçonnés de pratiquer la torture
D'autre part il considère que certaines techniques d'interrogatoire utilisés par les USA constituent des actes de torture.
C'est ce qu'indique un document obtenu par Reuters jeudi. La révélation est de nature à embarrasser le gouvernement conservateur minoritaire, qui est un allié indéfectible des USA et d'Israël.
Les deux pays ont nié qu'ils permettaient l'utilisation d'actes de torture dans leurs prisons. Le document fait partie du matériel de formation d'un cours de sensibilisation des diplomates sur l'utilisation de la torture, mentionne la prison US de Guantanamo Bay à Cuba, où un Canadien est détenu.
L'homme, Omar Khadr, est le seul Canadien à Guantanamo. Ses défenseurs affirment que le document montre combien sont ridicules les affirmations d'Ottawa selon lesquelles Khadr n'a pas été maltraité. Sous la rubrique «définition de la torture», le document énumère les techniques US d'interrogatoire telles que la nudité forcée, l'isolement, la privation de sommeil et l'utilisation d'un bandeau sur les yeux des détenus.
«Les USA ne permettent ni ne tolèrent la torture en aucune circonstance", a indiqué un porte-parole de l'ambassade US à Ottawa.
Un porte-parole du ministre des Affaires étrangères, Maxime Bernier a tenté de distancer Ottawa du document. «Ce manuel de formation n'est pas un document de politique et ne reflète pas les vues ou les politiques de ce gouvernement», a-t-il dit.
Le gouvernement a fourni par erreur le document à Amnesty International Canada dans le cadre d'une plainte judiciaire lancée par l’organisation contre Ottawa au sujet du traitement des détenus en Afghanistan.
Le secrétaire général d'Amnesty, Alex Neve, a déclaré à Reuters que son groupe avait des preuves très claires de violation des droits de la personne dans les prisons israéliennes et US.
«Il est donc rassurant et réconfortant de voir que ... ces deux pays ont été lis sur la liste et que les considérations de politique étrangère ne l'ont pas emporté sur le souci des droits de l'homme», a-t-il dit.
Khadr est détenu à Guantanamo Bay depuis cinq ans. Il est accusé d'avoir tué un soldat états-unien lors d'un affrontement en Afghanistan en 2002, quand il avait 15 ans.
Des groupes de défense des droits de la personne affirment que Khadr devrait être rapatrié au Canada, idée que le premier ministre Stephen Harper rejette en alléguant que l'homme doit répondre à de graves accusations.
«À un moment donné au cours de la détention d'Omar Khadr, le gouvernement canadien commencé à soupçonner qu'il était soumis à des actes de torture», a déclaré William Kuebler, avocat US de Khadr. «Le gouvernement canadien n'a cependant rien fait pour obtenir la libération de Khadr de la prison de Guantanamo et pour protéger ses droits, contrairement à tous les autres pays du monde occidental qui ont eu des ressortissants détenus à Guantanamo, a déclaré l'avocat à la chaîne de télévision CTV.
La liste de surveillance comprend la Syrie, la Chine, l'Iran, l'Afghanistan, le Mexique et l'Arabie Saoudite.
«Si Israël est inclus dans la liste en question, l'ambassadeur d'Israël s'attendrait à sa suppression», a déclaré le porte-parole de l'ambassade israélienne, Michael Mendel.
Le cours de sensibilisation a commencé après qu'Ottawa a été critiqué pour la façon dont il a traité le cas du Canadien Maher Arar, qui avait été déporté des USA vers la Syrie en 2002. Arar affirme avoir été torturé à plusieurs reprises au cours de l'année qu'il a passé dans les prisons de Damas. Une enquête sur cette affaire a révélé que des diplomates canadiens n'avaient pas reçu de formation officielle leur permettant de détecter si les détenus sont maltraités.
Alan Baker croit que la personne qui a dressé cette liste a été induite en erreur ou mal informée.
Il est néanmoins heureux de la déclaration du ministre des Affaires étrangères, Maxime Bernier, qui a annoncé que le manuel allait être révisé et que les noms des États-Unis et d'Israël allaient en être retirés.
Les États-Unis étaient cités dans le manuel compte tenu des inquiétudes que soulèvent les conditions de détention des présumés terroristes sur la base de Guantanamo. Le groupe de défense des droits de la personne, Amnistie internationale, s'est déjà fait critique à l'égard de Guantanamo et des techniques d'interrogatoire de l'armée et des services secrets israéliens.
Selon l'ambassadeur Baker, Amnistie a été trop prompte à accepter des accusations de torture qu'il juge non fondées sans les vérifier.
Le ministre des Affaires étrangères du Canada regrette la 'liste de torture"
Maxime Bernier, ministre des Affaires étrangères du Canada
Le ministre des Affaires étrangères du Canada a demandé des excuses pour l'inclusion des États-Unis et d'Israël dans la liste des pays qui risquent de torturer.
Maxime Bernier a dit que la liste, qui faisait partie d'un manuel de sensibilisation à la torture donné à des diplomates «comprend de façon erronnée certains de nos plus proches alliés».
Monsieur Bernier a affirmé que le manuel ne constitue pas un document relatif aux politiques et ne représentait pas les opinions de son gouvernement.
La liste a été critiquée par les États-Unis et par Israël, qui ont exigé que celle-ci soit modifiée.
«Nous trouvons insultant d'être placé ans la même liste que des pays comme l'Iran et la Chine. C'est franchement absurde», a déclaré l'ambassadeur des États-Unis au Canada, David Wilkins.
Un porte-parole de l'ambassade d'Israël à Ottawa, Michael Mendel, a dit que la Cour suprême d'Israël «a déclaré qu'elle interdit expressemment tout type de torture».
«Si le nom d'Israël est indiqué sur la liste en question, l'ambassadeur d'Israël s'attend à ce qu'il en soit enlevé», a-t-il ajouté.
Dans une déclaration émise samedi, monsieur Bernier a dit qu'il regrettait l'embarras causé par la diffusion publique de la liste et a promis qu'elle serait changée de façon a présenter la position officielle du gouvernement canadien.
«Le manuel n'est ni un document sur les politiques ni une déclaration politique. Il ne représente pas les points de vue ou les positions du gouvernement.»
«Le manuel contient une liste qui inclue de façon erronnée certains de nos plus proches alliés. J'ai ordonné la révision et la réécriture du manuel» a-t-il déclaré.
«Le manuel n'est ni un document sur les politiques ni une déclaration politique. Il ne représente, en tant que tel, pas les points de vue ou les positions du gouvernement.»
Le manuel enumère les techniques d'interrogatoire des États-Unis telles que la nudité forcée, l'isolement, la privation de sommeil et le fait de bander les yeux des détenus, et indiquen que ces actes correspondent à la «définition de la torture». Il se réfère également au camp de détention américain de Guantanamo Bay, où un homme canadien, Omar Khadr, est actuellement détenu. Les critiques disent que cela rend ridicules les affirmations d'Ottawa selon lesquelles ce dernier n'est pas maltraité. Le manuel se réfère à Guantanamo Bay où un Canadien est actuellement détenu.
D'autres pays sur la liste des pays à surveiller sont les suivants: Afghanistan, Chine, Iran, Israël, Mexique, Arabie saoudite et la Syrie. Le document a été fourni par erreur au groupe de défense des droits humains Amnesty International dans le cadre d'un procès qu'il intente au gouvernement canadien au sujet du traitement des détenus en Afghanistan. Le cours de sensibilisation aux cas de torture a été mis en place après qu'Ottawa ait été vivement critiqué pour sa gestion du cas d'un Canadien qui a été déporté des États-Unis vers la Syrie en 2002.
Né en Syrie, Maher Arar, qui a été accusé d'être membre d'Al-Qaïda, a déclaré qu'il avait été torturé pendant les 10 mois de sa détention dans une prison de Damas. Une enquête a reconnu qu'il n'avait aucun lien avec des groupes terroristes en 2006.
TOUT COMMENTAIRE EST SUPERFLU
Source : http://news.bbc.co.uk/1/hi/world/americas/7198435.stm
mardi 21 août 2007
Les psychologues US et la torture (suite)
Les psychologues pourront participer aux interrogatoires de Guantanamo
par Sudhin Thanawala , Associated Press, San Francisco, 20 août 2007
L'Association américaine de psychologie (APA), considérée comme la plus grande organisation professionnelle du pays, a décidé dimanche de ne pas interdire à ses membres de participer aux interrogatoires de détenus à Guantanamo et dans d'autres centres de détention militaires américains. Alors que certains réclamaient une interdiction sous peine d'expulsion, l'APA n'a pas voulu aller aussi loin, se contentant de réaffirmer son opposition à la torture.
Ce débat au sein de l'association a été rendu nécessaire par la présence avérée de psychologues à Guantanamo et dans la tristement célèbre prison irakienne d'Abou Ghraïb. À l'occasion de son congrès annuel à San Francisco, l'APA (148.000 membres), a étudié une motion interdisant à ses membres d'être impliqués de quelque façon que ce soit dans les interrogatoires menés dans de tels centres de détention. Ses promoteurs ont souligné qu'il fallait que l'APA suive l'exemple de l'Association médicale américaine et de l'Association américaine de psychiatrie, qui ont décidé que leurs membres ne pouvaient jouer aucun rôle dans les interrogatoires menés dans des prisons telles que Guantanamo. Mais d'autres, opposés à l'interdiction, ont fait valoir que la présence de psychologues pouvait aider à s'assurer que des abus ne soient pas commis lors des interrogatoires. Cette tendance l'a donc emporté, au grand dam de certains. «Si on en arrive à justifier la présence de psychologues par le simple fait que ça permet d'empêcher que des détenus ne soient tués, alors la seule chose à faire, sur le plan moral et éthique, c'est de s'en aller», a réagi Laurie Wagner, qui exerce à Dallas. L'APA s'est donc contentée d'adopter une résolution réaffirmant son opposition à la torture et interdisant à ses membres de se livrer ou d'être partie prenante à plus d'une dizaine de pratiques spécifiques, incluant la nudité forcée ou la privation de sommeil. «Nous avons profité de ce congrès pour montrer que l'APÀ attire l'attention sur des actes qui n'ont pas de raison d'être, qui ne sont pas éthiques et qu'aucun psychologue ne doit commettre», s'est justifiée la porte-parole de l'APA, Rhea Farberman. Le débat au sein de l'association fait suite à la publication des rapports qui impliquent des spécialistes de la santé mentale dans les scandales d'abus sur des détenus à Guantanamo et à Abou Ghraïb, près de Bagdad. Certains de ces psychiatres et psychologues sont notamment accusés d'avoir aidé les interrogateurs à augmenter le niveau de tension chez les prisonniers, en exploitant leurs peurs. Un rapport du ministère de la Défense récemment déclassifié confirme que depuis 2002, des psychiatres et psychologues ont aidé les interrogateurs militaires à développer de nouvelles techniques afin de soutirer des informations aux prisonniers.
Below is link to a Resolution, Substitute Motion 3, which was passed by an overwhelming majority of the members of the American Psychological Association’s Council of Representatives at their annual meeting on Sunday, August 19, 2007. This Resolution leaves fewer ethical loopholes than the previous year’s Resolution and has been welcomed by Physician’s for Human Rights as a significant step forward. Nonetheless, this Resolution leaves room for improvement. Although it unequivocally condemns over a dozen forms of torture, in line 97 you will see that these tortures are not to be used in a manner that represents significant pain or suffering, leaving open the question of what happens when they cause mild or moderate pain and suffering. Further these prohibitions are limited to interrogations, the conditions of detention and what happens outside of interrogations are not addressed. The conditions of detention, themselves have been called tantamount to torture by the International Committee of the Red Cross.Most disappointing to Psychologists for an Ethical APA is that the following amendment was not passed:
Here is a link to is the wording of the Resolution (Substitute Motion 3).
dimanche 19 août 2007
Les psychologues US face à la torture
Le groupe de psychologues le plus important des Etats-Unis doit décider dimanche du rôle que ses membres peuvent jouer dans l'interrogation des suspects à Guantanamo et auprès d'autres centres de détention militaires américains.L'Association psychologique américaine (APA), qui se retrouve pour son rendez-vous annuel à San Francisco, doit choisir entre deux mesures concernant la participation de ses 148.000 membres aux interrogatoires militaires.
L'une des propositions, qui est soutenue par le comité de direction de l'APA, serait de réaffirmer l'opposition du groupe à la torture et d'interdire à ses membres de prendre part à plus d'une douzaine de pratiques spécifiques, incluant la nudité forcée ou les noyades simulées (waterboarding).
Un membre de l'APA qui violerait cette résolution sur la torture pourrait être exclu de l'organisation basée à Washington. Il pourrait ainsi perdre son diplôme étatique professionel lui permettant de pratiquer sa profession, a déclaré le porte-parole de l'association Rhea Farberman.
Une autre mesure consisterait à empêcher les membres de l'APA d'être impliqués de quelque façon que ce soit dans les interrogatoires faits auprès d'installations militaires où les étrangers sont détenus.
Le moratoire ne serait pas soutenu par des sanctions, mais il soutiendrait l'"autorité morale" d'APA, estime le psychologue Neil Altman, qui a écrit la résolution proposée.
Le vote de l'association suit la publication des rapports qui impliquent des spécialistes de la santé mentale dans les scandales d'abus de prisonniers à Guantanamo et dans la prison d'Abou Ghraib en Irak. Les pyschiatres et psychologues sont notamment accusés d'y aider les interrogateurs à augmenter le niveau de tension chez les prisonniers, en exploitant leurs peurs.
Un rapport du département Défense récemment déclassifié a affirmé que depuis 2002, les psychiatres et psychologues ont aidé les interrogateurs militaires à développer de nouvelles techniques afin de soustraire de l'information aux prisonniers.
L'interrogatoire militaire l'un des problèmes majeurs traités lors de la rencontre annuelle de cette année de l'APA, une association qui représente la plupart des psychologues américains.
Les défenseurs du moratoire soulignent qu'ils veulent que l'APA suive l"exemple des l'Association médicale américaine et de l'Association psychiatrique américaine, qui ont déclaré que leurs membres n'avaient pas de rôle légitime dans les interrogatoires auprès de centres de détention comme Guantanamo".
Ceux qui critiquent le moratoire disent cependant que la présence de psychologues aide à s'assurer que les interrogatoires ne soient pas abusifs.
Sur Internet:
Association psychologique américaine: http://www.apa.org/
Pyschologues pour une éthique APA: http://www.ethicalapa.com
Read the media round-up on the protests against APA here : http://www.ethicalapa.com/files/APA_media_round-up.doc
Source : AP, 18 août 2007
mardi 14 août 2007
Les sites noirs
Au moins nous ne sommes pas aussi mauvais que les islamofacsistes, n'est-ce pas ?Affiche d'Austin Cline
Marianne Pearl fut déconcertée. En 2003, elle avait reçu un appel de Condoleezza Rice, qui était alors conseillère à la sécurité nationale du président Bush, lui donnant la même information. Mais la révélation de Rice avait été secrète. L’annonce de Gonzales ressemblait à un coup de pub. Pearl lui demanda s’il avait des preuves que la déclaration de Mohammed était crédible; Gonzales prétendit avoir des preuves corroborantes mais qu’il ne les divulguerait pas. “Il ne suffit pas que des responsables m’appellent pour me dire qu’ils y croient”, dit Pearl. “Il faut des preuves.” (Gonzales n’a pas répondu à mes demandes de commentaire).
Les circonstances entourant la confession de Mohammed, que les fonctionnaires désignent par ses initiales - KSM -, avaient de quoi rendre perplexe. Il n’avait pas d’avocat. Après sa capture au Pakistan en mars 2003, la Central Intelligence Agency l’avait détenu dans des lieux secrets pendant plus de deux ans; l’automne dernier, il a été transféré à Guantánamo Bay, à Cuba. Aucun témoin n’était indiqué pour sa confession initiale et il n’y avait aucune information solide sur la forme d’interrogatoire qui avait pu l’amener à faire des aveux, bien que des articles eussent été publiés, dans le New York Times et ailleurs, suggérant que des agents de la CIA l’avaient torturé. Lors d’une audience à Guantánamo, Mohammed déclara que son témoignage était donné librement, mais il indiquait aussi qu’il avait été victime d’abus de la part de la CIA (le Pentagone a classé “top secret” une déclaration écrite de lui détaillant les mauvais traitements allégués). Et bien que Mohammed ait déclaré que des photos confirmaient sa culpabilité, les autorités U.S. n’en ont trouvé aucune. Au lieu de cela, elles avaient une copie de la vidéo qui avait été diffusée sur Internet, montrant les bras du tueur mais ne permettant pas de l’identifier.
Pour accroître la confusion, un Pakistanais nommé Ahmed Omar Saeed Sheikh avait déjà été jugé coupable pour l’enlèvement et le meurtre, en 2002. Ce terroriste éduqué en Grande-Bretagne, organisateur de kidnappings, avait été condamné à mort au Pakistan pour ce crime. Mais le gouvernement pakistanais, guère réputé pour sa clémence, avait reporté son exécution. De fait, les audiences sur cette affaire avaient été reportées un nombre remarquable de fois — au moins trente — sans doute à cause de ses liens avec le service de renseignement pakistanais, qui ont pu servir à le faire libérer après qu’il avait été emprisonné en Inde pour activités terroristes. Les aveux de Mohammed allaient encore retarder son exécution, puisque, selon la loi,pakistanaise, toute novelle preuve peut donner lieu à un appel.
Un nombre surprenant de gens proches de l’affaire ont des doutes sur les aveux de Mohammed. Une amie de longue date des Pearl, l’ancienne reporter du Journal Asra Nomani, dit : “La publication des aveux de est tombée à point en plein scandale des procureurs US, alors que tout le monde réclamait à cor et à cri la démission de Gonzales. Ça avait tout l’air d’une stratégie calculée pour changer de sujet. Pourquoi maintenant ? Ils avaient ces aveux depuis des années”. Marianne et Daniel Pearl habitaient chez Nomani à Karachi à l’époque de l’assassinat de Daniel, et Nomani avait suivi l’affaire méticuleusement; à l’automne prochain, elle donnera un cours sur ce thème à l’Université de Georgetown. Elle dit : “Je ne pense pas que ces aveux résolvent l’affaire. On ne peut pas établir la justice sur la base des aveux d’une seule personne, surtout dans des circonstances aussi inhabituelles. Pour moi, ça n’est pas convaincant”. Et elle ajoute : “J’ai appelé tous les enquêteurs. Ils n’étaient pas seulement sceptiques, ils n’y croyaient pas du tout.”
L’agent spécial Randall Bennett, chef de la sécurité au consulat US de Karachi au moment du meurtre de Pearl — et dont le rôle dans la conduite de l’enquête est décrit dans le film de Michael Winterbottom A Mighty Heart (Un coeur indomptable) — dit qu’il a interrogé tous les complices impliqués qui sont aujourd’hui détenus au Pakistan, et qu’aucun d’eux n’a indiqué que Mohammed aurait joué un rôle quelconque dans cette affaire. “Le nom de KSM n’est jamais apparu”, dit-il. Robert Baer, un ancien officier de la CIA , dit : “Mes anciens collègues disent être sûrs à 100% que ce n’est pas KSM qui a tué Pearl.” Un fonctionnaire du gouvernement impliqué dans l’affaire dit : “On peut craindre que KSM serve à en couvrir d’autres, et que ces gens-là vont être remis en liberté.” Et Judea Pearl, le père de Daniel, dit : “Il y a quelque chose de louche là-dedans. Il y a plein de questions sans réponses. KSM peut dire qu’il a tué Jésus — il n’avait rien à perdre.”
Marianne Pearl, qui dot bien s’en remettre à l’administration Bush pour que justice soit faite dans l’affaire de son mari, est prudente quand elle parle de l’enquête. “On a besoin d’une procédure qui mette à jour la vérité”, dit-elle. “Une agence de renseignement n’est pas censée être au-dessus de la loi.”
Les interrogatoires de Mohammed faisaient partie d’un programme secret de la C.I.A, lancé après le 11 Septembre, dans lequel des suspects de terrorisme comme Mohammed ont été détenus dans des “ sites noirs”—des prisons secrètes hors des USA— et soumis à un traitement dur hors du commun. Le programme a été effectivement suspendu à l’automne dernier, quand le président Bush a annoncé qu’il vidait les prisons de la CIA et qu’il faisait transférer les détenus à Guantánamo. Cet acte faisait suite à une décision de la Cour suprême dans l’affaire Hamdan contre Rumsfeld, selon laquelle tous les détenus – y compris ceux détenus par la CIA – devaient être traités en accord avec les Conventions de Genève. Ces traités, adoptés en 1949, interdisent les traitements cruels et dégradants et la torture. Fin juillet, la Maison blanche a édicté un décret promettant que la CIA allait rectifier ses méthodes afin de satisfaire aux critères de Genève. En même temps, le décret de Bush déclarait expressément qu’il ne désavouait pas le recours à des “techniques d’interrogatoire améliorées” susceptibles d’être considérées comme illégales si elles étaient utilisées par des fonctionnaires à l’intérieur des USA. Le décret implique que l’agence peut une fois de plus détenir de suspects de terrorisme pour une durée indéfinie et sans inculpation, dans des sites noirs, sans avoir à notifier leur détention ni à leurs familles ni aux autorités locales et sans avoir à leur permettre l’accès à un défenseur.
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