Par Marianne Ranke-Cormier , newropeans-magazine, 8 février 2007
(Editorial) - Mais si, mais si, les États-Unis et le gouvernement Bush, avec la très active Mme Rice ont encore des choses à dire en Europe.
Guantánamo et les scandales qui entourent les retours des premiers prisonniers européens, ne sont que feux de paille, des tempêtes dans un verre d’eau. D’ailleurs qui dans la presse européenne vient vous raconter les déboires du ministre des affaires étrangères allemand Frank-Walter Steinmeier dans l’affaire Murat Kurnaz ? - Né en Allemagne mais d’origine turque, Murat Kurnaz est ressorti récemment de Guantánamo après plus de 4 ans d’enfermement, sans aucune charge retenue contre lui. Oh pardon, vous étiez au Pakistan en 2002, vous aviez un nom étranger et nous avons cru que vous étiez un terroriste… Nos services ne nous ont pas avertis que vous pouviez être libérable… On croit rêver quand la classe politique allemande et les médias, se permettent malgré les défaillances avérées du système allemand et de ses responsables politiques, à retourner la situation. Car après tout le tort de Murat Kurnaz est de ne pas avoir opté à 18 ans pour la nationalité allemande (vous n’êtes pas allemand, vous êtes turc…) et d’avoir été soupçonné par les services secrets américains d’avoir l’intention de perpétrer des actes terroristes… (à l’époque, en 2002, les seules informations qui avaient filtré étaient que cet homme est « dangereux »). Ou encore de l’affaire El Masri, cet allemand d’origine libanaise, enlevé en Serbie en janvier 2003 par les agents de la CIA. Il sera transporté en Afghanistan, interrogé, torturé, et relâché quelques 6 mois après de retour sur le continent européen, en Albanie: Erreur sur la personne… Une affaire qui a d’ailleurs déclenché récemment, et sans doute suite aux pressions publiques, de la part de la justice allemande (bavaroise) une demande d’extradition auprès des États-Unis de 13 agents de la CIA, ravisseurs présumés… Nous ne savions pas, a déclaré Steinmeier, qui était à l’époque déjà Secrétaire d’état aux affaires étrangères… Personne ne savait vraiment ce que représentait Guantánamo à l’époque. Personne ? A quoi servaient donc nos services secrets en Europe ?
Le très inquiétant rapport du Parlement européen rendu fin janvier, sur les quelques 1.200 vols secrets de la CIA, les enlèvements sur le territoire européen et les prisons secrètes américaines en Pologne et en Roumanie, n’a trouvé aucun écho dans la presse européenne(1).
Guantánamo et les scandales qui entourent les retours des premiers prisonniers européens, ne sont que feux de paille, des tempêtes dans un verre d’eau. D’ailleurs qui dans la presse européenne vient vous raconter les déboires du ministre des affaires étrangères allemand Frank-Walter Steinmeier dans l’affaire Murat Kurnaz ? - Né en Allemagne mais d’origine turque, Murat Kurnaz est ressorti récemment de Guantánamo après plus de 4 ans d’enfermement, sans aucune charge retenue contre lui. Oh pardon, vous étiez au Pakistan en 2002, vous aviez un nom étranger et nous avons cru que vous étiez un terroriste… Nos services ne nous ont pas avertis que vous pouviez être libérable… On croit rêver quand la classe politique allemande et les médias, se permettent malgré les défaillances avérées du système allemand et de ses responsables politiques, à retourner la situation. Car après tout le tort de Murat Kurnaz est de ne pas avoir opté à 18 ans pour la nationalité allemande (vous n’êtes pas allemand, vous êtes turc…) et d’avoir été soupçonné par les services secrets américains d’avoir l’intention de perpétrer des actes terroristes… (à l’époque, en 2002, les seules informations qui avaient filtré étaient que cet homme est « dangereux »). Ou encore de l’affaire El Masri, cet allemand d’origine libanaise, enlevé en Serbie en janvier 2003 par les agents de la CIA. Il sera transporté en Afghanistan, interrogé, torturé, et relâché quelques 6 mois après de retour sur le continent européen, en Albanie: Erreur sur la personne… Une affaire qui a d’ailleurs déclenché récemment, et sans doute suite aux pressions publiques, de la part de la justice allemande (bavaroise) une demande d’extradition auprès des États-Unis de 13 agents de la CIA, ravisseurs présumés… Nous ne savions pas, a déclaré Steinmeier, qui était à l’époque déjà Secrétaire d’état aux affaires étrangères… Personne ne savait vraiment ce que représentait Guantánamo à l’époque. Personne ? A quoi servaient donc nos services secrets en Europe ?
Le très inquiétant rapport du Parlement européen rendu fin janvier, sur les quelques 1.200 vols secrets de la CIA, les enlèvements sur le territoire européen et les prisons secrètes américaines en Pologne et en Roumanie, n’a trouvé aucun écho dans la presse européenne(1).
Ce rapport, étayé par des investigations très poussées auxquelles a procédé le Parlement européen pendant plus de 12 mois, malgré l’opposition ouverte et le refus de coopérer de certains états-membres, du Conseil et des hauts responsables communautaires, comme Mr Solana, qui tient actuellement le rôle de Super Ministre aux Affaires Etrangères de l’UE, met directement en cause et à l’index plusieurs états membres dont l’Allemagne, la Grande Bretagne, la Pologne, l’Italie, pour violation des droits de l’homme, principes fondamentaux de l’Union européenne auxquels ils ont pourtant adhéré et dont ils sont les garants… Ayant pourtant rassemblé un consensus droite/gauche au sein des parlementaires européens, ce rapport semble voué à être enterré corps et biens, accusations et sanctions. Comment se fait-il que ce rapport soit passé autant inaperçu auprès du public européen ? Nos leaders politiques sont-ils à ce point là irresponsables et déresponsabilisés ? Nos députés européens sont-ils à ce point muselés par les enjeux politiques nationaux et la bureaucratie bruxelloise ? Nos médias, et nos agences de communication sont ils à ce point manipulés ?
Enfin, depuis ces derniers mois on peut assister à des tractations dans le plus grand secret de la diplomatie trans-atlantique, c'est-à-dire bilatérales, d’état à état, entre les Etats-Unis et leur partenaire privilégié en Europe, sous bien entendu la sainte bénédiction des instances exécutives de l’UE, Conseil et Commission, qui ne semblent pas s’offusquer outre mesure de ces petites tractations entre amis…Un coup c’est l’Italie, un autre ce sera la Pologne et la République tchèque, hier c’était l’Allemagne. Après les concluantes négociations avec Prodi et son gouvernement, pourtant bien mâtiné de gauche, pour le renforcement de la base américaine de Vicence, en Italie (promesse qui soit dit en passant avait été faite par son prédécesseur Berlusconi), celles pour l’implantation de nouvelles bases (boucliers) antimissiles en République tchèque et en Pologne, donc de nouvelles bases pour leurs services secrets, appelez-les CIA, FBI ou ce que vous voulez, ce sont les mêmes, Rice vient de conclure avec succès l’implantation de l’Africom, une nouvelle (encore !) base anti-terroriste dont le nouveau commandement régional spécifique pour l’Afrique a été implanté à Stuttgart, en Allemagne… Décidément l’Allemagne est de retour sur la grande scène atlantique, et Merkel n’économise pas ses efforts. Bientôt ce ne sera plus seulement une base dont elle autorise l’implantation, des avions Tornado qu’elle va engager, mais aussi des hommes qu’elle va envoyer en Afghanistan pour venir appuyer les forces américaines.
Bush et son gouvernement, après un semblant de pause dans la conquête de l’espace et de l’esprit européen, réimplantent à force de grandes manœuvres de diversion la stratégie de guerre américaine. A croire que le renversement de la majorité dans les chambres américaines, lui a donné un souffle nouveau. Pendant qu’elles se débattent avec des questions de politique intérieure, au moins a-t-il le champ libre en matière de politique internationale. La pression des Etats-Unis pour obtenir des partenaires européens qu’ils s’engagent dans les conflits dans lesquels ils ne peuvent pas s’en sortir seuls, est très forte, elle vient de tous les fonts, Irak, Liban, Moyen Orient, Afghanistan, dernièrement Somalie… aujourd’hui la région trans-saharienne… et il semble qu’elle paye…Ce que Bush a compris c’est que rien ne sert de prendre l’Europe de front. Il vaut mieux diviser pour mieux régner, et une UE divisée sur ses engagements envers son partenaire atlantique, est plus facilement malléable et gérable qu’une UE qui sait se positionner en tant que force politique stratégique. Et effectivement l’état de déroute dans lequel nous nous trouvons actuellement en Europe, laisse le champ libre sur le territoire européen. Sans aucune unité pour défendre nos valeurs et nos droits communs, qui font que les dossiers comme Guantánamo , les vols secrets, les enlèvements secrets, les prisons secrètes… ne sont pas tolérables, sans définition urgente d’une Europe politique capable de mettre en place et de défendre une politique étrangère et de la défense commune, qui font que la violation flagrante de l’intégrité territoriale européenne n’est pas acceptable, les états-membres iront toujours en braves soldats jouer au héros à l’ombre du géant. Malheureusement ce géant s’effondre et dans quelques années il nous aura inexorablement entraînés dans sa chute, tous, toute l’Europe, pas seulement ceux qui veulent bien le suivre. On le voit bien, ce n'est pas la stratégie de résurrection d'une constitution européenne qui va nous sortir de là. Aujourd'hui nous en sommes beaucoup plus loin qu'une simple redistribution des pouvoirs et réaffirmation des principes qui nous gouvernent déjà... Et à bien y regarder ce que font Merkel, la Commission européenne, le Conseil et Solana, ce n'est rien d'autre que de secouer un épouvantail pour détourner notre attention...Des pays comme la France qui ont su ou pu dire non, ne seront pas éternellement les porte-parole d’une Europe alternative (les prochaines présidentielles d’ailleurs risquent d’en marquer la fin) si les autres citoyens européens ne les rejoignent pas. Or il nous appartient à nous citoyens européens de redéfinir ce partenariat trans-atlantique qui pèse tant sur l’équilibre démocratique de l’Union européenne, des Etats-Unis et aussi du monde.
« Europe's denial of its autonomy vis-à-vis the United States is unnatural, prevents European political maturation, hurts its interests, and distorts its dealings with America in ways that do a disservice to both. » - Michael Brenner (3)
Notes:
Enfin, depuis ces derniers mois on peut assister à des tractations dans le plus grand secret de la diplomatie trans-atlantique, c'est-à-dire bilatérales, d’état à état, entre les Etats-Unis et leur partenaire privilégié en Europe, sous bien entendu la sainte bénédiction des instances exécutives de l’UE, Conseil et Commission, qui ne semblent pas s’offusquer outre mesure de ces petites tractations entre amis…Un coup c’est l’Italie, un autre ce sera la Pologne et la République tchèque, hier c’était l’Allemagne. Après les concluantes négociations avec Prodi et son gouvernement, pourtant bien mâtiné de gauche, pour le renforcement de la base américaine de Vicence, en Italie (promesse qui soit dit en passant avait été faite par son prédécesseur Berlusconi), celles pour l’implantation de nouvelles bases (boucliers) antimissiles en République tchèque et en Pologne, donc de nouvelles bases pour leurs services secrets, appelez-les CIA, FBI ou ce que vous voulez, ce sont les mêmes, Rice vient de conclure avec succès l’implantation de l’Africom, une nouvelle (encore !) base anti-terroriste dont le nouveau commandement régional spécifique pour l’Afrique a été implanté à Stuttgart, en Allemagne… Décidément l’Allemagne est de retour sur la grande scène atlantique, et Merkel n’économise pas ses efforts. Bientôt ce ne sera plus seulement une base dont elle autorise l’implantation, des avions Tornado qu’elle va engager, mais aussi des hommes qu’elle va envoyer en Afghanistan pour venir appuyer les forces américaines.
Bush et son gouvernement, après un semblant de pause dans la conquête de l’espace et de l’esprit européen, réimplantent à force de grandes manœuvres de diversion la stratégie de guerre américaine. A croire que le renversement de la majorité dans les chambres américaines, lui a donné un souffle nouveau. Pendant qu’elles se débattent avec des questions de politique intérieure, au moins a-t-il le champ libre en matière de politique internationale. La pression des Etats-Unis pour obtenir des partenaires européens qu’ils s’engagent dans les conflits dans lesquels ils ne peuvent pas s’en sortir seuls, est très forte, elle vient de tous les fonts, Irak, Liban, Moyen Orient, Afghanistan, dernièrement Somalie… aujourd’hui la région trans-saharienne… et il semble qu’elle paye…Ce que Bush a compris c’est que rien ne sert de prendre l’Europe de front. Il vaut mieux diviser pour mieux régner, et une UE divisée sur ses engagements envers son partenaire atlantique, est plus facilement malléable et gérable qu’une UE qui sait se positionner en tant que force politique stratégique. Et effectivement l’état de déroute dans lequel nous nous trouvons actuellement en Europe, laisse le champ libre sur le territoire européen. Sans aucune unité pour défendre nos valeurs et nos droits communs, qui font que les dossiers comme Guantánamo , les vols secrets, les enlèvements secrets, les prisons secrètes… ne sont pas tolérables, sans définition urgente d’une Europe politique capable de mettre en place et de défendre une politique étrangère et de la défense commune, qui font que la violation flagrante de l’intégrité territoriale européenne n’est pas acceptable, les états-membres iront toujours en braves soldats jouer au héros à l’ombre du géant. Malheureusement ce géant s’effondre et dans quelques années il nous aura inexorablement entraînés dans sa chute, tous, toute l’Europe, pas seulement ceux qui veulent bien le suivre. On le voit bien, ce n'est pas la stratégie de résurrection d'une constitution européenne qui va nous sortir de là. Aujourd'hui nous en sommes beaucoup plus loin qu'une simple redistribution des pouvoirs et réaffirmation des principes qui nous gouvernent déjà... Et à bien y regarder ce que font Merkel, la Commission européenne, le Conseil et Solana, ce n'est rien d'autre que de secouer un épouvantail pour détourner notre attention...Des pays comme la France qui ont su ou pu dire non, ne seront pas éternellement les porte-parole d’une Europe alternative (les prochaines présidentielles d’ailleurs risquent d’en marquer la fin) si les autres citoyens européens ne les rejoignent pas. Or il nous appartient à nous citoyens européens de redéfinir ce partenariat trans-atlantique qui pèse tant sur l’équilibre démocratique de l’Union européenne, des Etats-Unis et aussi du monde.
« Europe's denial of its autonomy vis-à-vis the United States is unnatural, prevents European political maturation, hurts its interests, and distorts its dealings with America in ways that do a disservice to both. » - Michael Brenner (3)
Notes:
1) En ce qui concerne ces deux affaires, vous trouverez tous les éléments dans la presse allemande ;
2) Rendons à EUobserver ce qui lui appartient, c’est l’un des seuls magazines à avoir publié les deux articles de référence sur le rapport du Parlement européen concernant les vols secrets de la CIA, adopté le 23 janvier 2007 : MEPs in political infighting ahead of final CIA report & MEPs roast EU states and Solana for 'lies' on CIA
3) Voir l'invitation à la conférence "Why Europe Should Liberate Itself From The United States" - The Center for Transatlantic Relations (source: Tiesweb)
Source : http://www.newropeans-magazine.org/index.php?option=com_content&task=view&id=5277&Itemid=85
Source : http://www.newropeans-magazine.org/index.php?option=com_content&task=view&id=5277&Itemid=85
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