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jeudi 3 avril 2008

Pour le Pentagone, la torture est de la "légitime défense"

Le département de la Justice américain avait envoyé au Pentagone, en 2003, un mémorandum dans lequel il assimilait le recours à la torture à un acte de « légitime défense » dans le cadre de l’interrogatoire d’un « ennemi combattant ». Un député irakien et un lieutenant colonel de l’armée française, spécialiste de la guerre d’Algérie, réagissent à ce document, déclassifié hier et que nous publions dans son intégralité.
Le mémorandum, rédigé par un juriste du département de la Justice américain (DOD), affirme, en résumé, que le président américain est habilité par la Constitution à autoriser certaines formes de torture contre les militants d’Al-Qaïda, car il s’agit de protéger la nation. Le DOD a annulé ce mémorandum neuf mois après son émission. Mais, selon le Washington Post, ce document a formalisé un raisonnement qui a servi de "base légale (…) pour justifier des interrogatoires agressifs dans des moments-clefs, notamment lorsque les prisonniers en provenance d’Afghanistan affluaient dans les prisons militaires".

Les contributeurs
Haytham Manna Izzat Shahbandar Michel Goya

Extraits du mémorandum
"Si le défenseur du gouvernement en venait à blesser un ennemi combattant pendant un interrogatoire, enfreignant ainsi le code pénal, il le ferait pour éviter de nouvelles attaques contre les Etats-Unis par le réseau terroriste Al-Qaïda. Nous pensons qu’il serait possible de justifier cette infraction en arguant que l’exécutif est chargé par la Constitution de protéger la nation. (...) [Ces infractions pourraient être considérées comme] une version internationale du droit à l’autodéfense".
Le document complet (en anglais - fichiers de plusieurs mégas) :
Partie 1
Partie 2
"Leurs techniques n’ont rien à envier à celles utilisées dans les prisons syriennes"
Haytham Manna, porte-parole de la Commission arabe des droits de l’Homme.
Haytham a interviewé de nombreux anciens détenus des forces américaines à Guantanamo et en Irak.
"J’avais déjà ce document. Il a été déclassifié hier, mais il avait fuité : ça n’est pas pour être transparent que le Pentagone a déclassifié ce mémorandum, mais parce qu’il était déjà dans le domaine public.
Le recours à la torture a été codifié dès 2001, avant même l’invasion de l’Afghanistan. L’Administration américaine a créé tout un vocabulaire tournant autour de la torture, sans la nommer, et cela pour ne pas enfreindre les conventions internationales. Elle fait référence à des interrogatoires ‘musclés’ ou ‘fermes’, alors qu’il s’agit bien de torture.
C’est ce type de mémo qui a justifié le supplice de la planche à eau (le prisonnier est presque étouffé), de la température (la salle d’interrogatoire passe de 130° à -25°) ou du bruit (le prisonnier est exposé à un volume sonore insupportable pendant plusieurs heures). Ce type d’interrogatoire, pratiqué à Guantanamo, est suivi par une équipe d’experts, les « spécialistes du comportement » (behavior team) qui sont là pour éviter que le prisonnier soit torturé à mort. Mais ils ne sont pas toujours efficaces. Il y a eu au moins quatre personnes tuées à Guantanamo, des morts déguisées en suicides par les Américains.
Et les tortures utilisées à Guantanamo ne sont rien comparées à celles pratiquées en Irak. L’armée américaine, et les milices irakiennes qu’elle soutient, n’ont plus aucune retenue. Leurs techniques n’ont rien à envier à celles utilisées dans les prisons syriennes. Mais ce qui se passe dans les centres de détention afghans ou irakiens, tout le monde s’en fiche. Car, de toute façon, les prisonniers sont toujours isolés pendant les interrogatoires. Il n’y a jamais de témoin de ces tortures".

"Leur conception d’une torture 'limitée’ est risible"
Izzat Shahbandar, député membre de la Liste nationale irakienne, une coalition de partis opposés au gouvernement actuel.
C’est une très bonne chose que ce document soit déclassifié. Il en dit long sur le caractère répressif de la politique étrangère américaine. Washington dénonce la torture quand elle est pratiquée par d’autres pays, notamment par des pays du Sud. Mais quand il s’agit d’eux, c’est autorisé. C’est un double discours inacceptable. Et leur conception d’une torture ‘limitée’ est risible. La torture, c’est la torture. C’est inhumain, un point c’est tout. Je me demande pourquoi ils rendent public ce genre de document. Au fond, ce doit être parce que ce mémo ne les gêne pas vraiment".

"Ne pourrions plus avoir recours à la torture, même si nous étions dans la même situation que les Américains"
Michel Goya est lieutenant colonel dans l’armée française et spécialiste des conflits au Moyen-Orient. Il est également historien. Il a notamment écrit sur l’Irak et la guerre d’Algérie.
"Le problème c’est que les Américains font face à une guerre asymétrique. Lorsqu’une armée lutte contre une guérilla ou un groupe terroriste, elle est tentée de recourir à ce genre de pratique, parce que le renseignement est un facteur déterminant. Or, la façon la plus rapide pour obtenir des informations, c’est l’interrogatoire.
Ca n’est pourtant pas le meilleur calcul à long terme. Déjà parce qu’un prisonnier peut dire n’importe quoi sous la torture. Ensuite parce que cette pratique, une fois révélée, porte atteinte à l’image de l’armée. Et sur le long terme une guerre se gagne difficilement sans le soutien de la population. Une meilleure façon d’obtenir des informations fiables peut être, par exemple, d’avoir recours à l’infiltration et le retournement du groupe adverse. L’armée française a par exemple gagné la bataille d’Alger grâce à ces deux méthodes. Le colonel Godard, qui a dirigé les opérations, était d’ailleurs opposé à la torture.
Les Américains veulent des résultats rapidement. C’est dans leurs gênes. Ils ont en outre le sentiment de participer à une croisade, de lutter contre le mal. Enfin, ils sont face à un ennemi qui ne respecte lui aucune règle, aucun code de déontologie. Ils sont donc tentés de recourir à des méthodes extrêmes. L’armée française a également torturé pendant la guerre d’Algérie (dans une bien moindre mesure que le le FLN, toutefois). Mais cette expérience a profondément traumatisé notre institution. C’est une plaie encore ouverte, dont on a du mal à parler. Je peux donc affirmer que ne pourrions plus avoir recours à la torture, même si nous étions dans la même situation que les Américains".

dimanche 25 février 2007

« Les suicidés de Guantánamo Bay : victimes d’une exécution extrajudiciaire ou auteurs d’un acte de guerre contre les Etats-Unis ? »

Le Club suisse de la Presse – Geneva Press Club a le plaisir d’inviter les journalistes suisses et étrangers et ses membres à une conférence de presse avec
Me Rachid Mesli
Alkarama for Human Rights, Genève
Prof. Patrice Mangin
Institut universitaire de Médecine légale, Lausanne
Dr. Haytham Manna
Arab Commission for Human Rights, Paris
Vendredi 2 mars 2007 à 11 h.
« La Pastorale », Route de Ferney 106, 1202 Genève
Tél: 022/918 50 40
Fax: 022/918 50 43
E-mail :
Secretariat@csp.ge.ch
Site Web : www.pressclub.ch

M. Ahmed Ali Abdullah, de nationalité yéménite, et MM. Yassir Talal az-Zahrani et Mani’ Shaman al-Utaybi, de nationalité saoudienne, sont décédés le 10 juin 2006 au camp de détention de Guantánamo Bay. Les autorités américaines ont affirmé que ces trois détenus s’étaient suicidés. Le commandant du camp, Harry B. Harris, n’a pas hésité à affirmer : « Je pense qu’il ne s’agissait pas d’un acte de désespoir, mais d’un acte de guerre asymétrique dirigé contre nous, ici à Guantánamo ».
Les corps des trois victimes ont été autopsiés à l’intérieur du camp par une équipe médicale militaire puis, après plusieurs jours, rapatriés et remis à leurs familles.
Sollicitée par la famille d’Ahmed Ali Abdullah afin de les assister à organiser une seconde autopsie médico-légale du corps de leur fils, l’organisation Alkarama for Human Rights a mandaté une équipe médicale, dirigée par le Prof Patrice Mangin de l’Institut de Médecine légale de l’Université de Lausanne, pour effectuer l’autopsie et procéder aux analyses toxicologiques complémentaires. L’autopsie a eu lieu le 21 juin 2006 à l’Hôpital militaire de Sanaa.
Le rapport d’autopsie sera présenté à la presse et ses conclusions commentées par des médecins, des juristes et des militants des droits de l’homme.