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mardi 27 février 2007

Forfaiture

Promesses non tenues : livrés par Tony Blair, emprisonnés en Algérie
The Guardian, 26-27 févrer 2007




Deux Algériens déportés de Grande-Bretagne vont être jugés : l’Algérie n’a pas tenu ses promesses
Par Clare Dyer, The Guardian, 26 février 2007

Deux suspects algériens de terrorisme qui ont été déportés vers leur pays le mois dernier y ont été arrêtés, emprisonnés et inculpés pour activités terroristes, malgré les assurances données par des représentants algériens en Grande-Bretagne qu’ils ne seraient pas poursuivis.

L’un d’eux, connu comme « H. », avait retiré son appel contre la déportation après qu’un representant britannique avait déclaré à la Commission spéciale d’appel sur l’immigration (SIAC) : « Le gouvernement britannique n’a absolument aucune raison de penser que H. sera arrêté ou détenu d’une autre manière pour une période prolongée s’il est déporté vers l’Algérie. »
Mais ses défenseurs et Amnesty International disent maintenant qu’ils craignent qu’il n’ait à subir un procès inéquitable où seront utilisées des preuves obtenues par la torture.Cette péripétie jette des doutes sur l’argument du gouvernement que l’on peut faire confiance aux assurances données par l’Algérie et que des suspects peuvent être déportés en toute sécurité, même si leur pays a refusé de signer un mémorandum d’entente garantissant leurs droits humains.
La nouvelle de l’emprisonnement des deux Algériens survient alors que le prêcheur islamiste extrémiste Abou Qatada attend une décision de la SIAC demain sur son appel contre sa déportation vers la Jordanie.D’après ce que l’on a appris, les deux Algériens seront jugés pour « participation dans un réseau terroriste opérant à l’étranger ».
Le deuxième Algérien, Reda Dendani, a été impliqué par Mahmoud Meguerba, une source de renseignement dans le procès de la ricine, selon des informations reçues par Amnesty International. Meguerba, qui n’avait pas été entendu comme témoin car il n’était pas considéré comme fiable, aurait été torturé par le DRS, la police de sécurité militaire algérienne. « H. » et Dendani, auparavant connu comme « Q. », avaient été détenus pour une durée indéfinie sans procès en vertu de la législation antiterroriste puis soumis à une arrestation domiciliaire virtuelle sous des ordres de contrôle. En août 2005 ils ont été emprisonnés en application des lois sur l’immigration dans la perspective de leur déportation.
Leur avocat Gareth Pierce, a dit qu’ils ne pouvaient plus supporter la pression d’une détention indéfinie et qu’ils avaient retiré leurs appels après avoir reçu des assurances qu’ils ne seraient pas poursuivis en Algérie.Hier soir, Amnesty International a appelé la Grande-Bretagne à cesser de déporter des suspects de terrorisme vers l’Algérie.
Avant les attentats du métro de Londres en juillet 2005, le gouvernement avait accepté l’idée que le renvoi de suspects vers l’Algérie constituerait, vu l’état des droits humains dans ce pays, une violation de la Convention européenne des droits humains, qui bannit les traitements inhumains ou dégradants ou la torture. Mais en août 2005, le ministère de l’Intérieur a engagé les démarches pour déporter 15 Algériens considérés, sur la base de preuves émanant des services de renseignement et inutilisables devant des tribunaux britanniques, comme un danger pour la sécurité nationale.
La Grande-Bretagne a promis de négocier avec l’Algérie et les autres pays dont sont originaires des suspects des mémorandums d’entente garantissant qu’ils ne seraient ni torturés ni maltraités en cas de retour. Il y aurait aussi une surveillance indépendante, vu l’état lamentable des droits humains dans ces pays. Mais l’Algérie avait déclaré que cela porterait atteinte à sa souveraineté.
Le ministère de l’Intérieur a déclaré : « Nous sommes satisfaits de pouvoir déporter des suspects de terrorisme vers l’Algérie sans enfreindre les obligations intérieures et internationales du Royaume-Uni en matière de droits humains. »
Source : The Guardian

Asile politique, série Scènes de Belmarsh, de Lucy Edkins, acrylique sur papier, 2005

La drôle de formule inventée par Tony Blair pour garantir des déportations « correctes »
par Alan Travis, 27 février 2007

Abu Qatada, connu comme l’ambassadeur spirituel d’Al Qaïda en Europe, était l’un des dix suspects de terrorisme international détenus dans les prisons de haute sécurité de Full Sutton et Long Lartin en août 2005 en vue d’être déportés pour « raisons de sécurité nationale ».La plupart d’entre eux avaient déjà été détenus sans inculpation à la prison de Belmarsh pendant plus de deux ans en application de la désormais caduque loi d’urgence antiterroriste.Tony Blair a décidé de chercher à passer des accords stipulant « pas de tortures, pas de mauvais traitements » avec les pays d’origine des suspects pour pouvoir déporter les détenus de Belmarsh suite aux attentats du métro de Londres de juillet 2005. Depuis lors, 30 Algériens, Libyens et Jordaniens ont été détenus dans l’attente d’une déportation pour des raisons de sécurité nationale.
Des ministres successifs ont cherché à obtenir des mémorandums d’entente avec plusieurs pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord qui ont tous un bilan contestable en matière de droits humains. Des accords complets n’ont pu être obtenus qu’avec la Libye, le Liban et la Jordanie. Dans ce dernier cas, l’assurance que la peine capitale ne serait pas appliquée aux déportés de Grande-Bretagne n’a pu figurer dans l’accord mais seulement dans une lettre annexe.
Dans le cas de l’Algérie, seules des assurances diplomatiques ont éé données, mais elles ont été considérées comme valables légalement par la Commission spéciale d’appel pour l’immigration.À ce jour, seuls 7 des 30 ont été déportés : six en Algérie et un en France. Trois autres Algériens ont retiré leurs appels mais n’ont pas encore été expulsés. Les autres vingt continuent leurs démarches contre la déportation. M. Blair a récemment nommé Lord Triesman comme envoyé spécial chargé d’obtenir d’autres accords pour des « déportations sûres » avec des États du Moyen-Orient.Source :
The Guardian
Source : The Guardian
Traduit de l’anglais par Fausto Giudice, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est en Copyleft pour tout usage non-commercial : elle est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner sources et auteurs.

jeudi 1 février 2007

L’Amérique m'a kidnappé

La politique US de “transferts extraordinaires” a un visage humain, et c'est le mien Par Khaled El Masri, Los Angeles Times, 19 décembre 2005
KHALED EL-MASRI, citoyen allemand, né au Liban, était vendeur de voitures avant son enlèvement en décembre 2003.


Je ne suis pas encore remis d'une expérience complètement hors des limites du tolérable, hors des limites de n'importe quel cadre légal, inadmissible dans n'importe quelle société civilisée. J'ai foi dans le système de justice US, c'est pourquoi j'ai déposé une plainte la semaine dernière contre George Tenet, l'ex-directeur de la CIA. Ce qui m'est arrivé ne doit plus jamais se produire.

Je suis né au Koweit et j'ai grandi au Liban. En 1985, alors que le Liban était déchiré par la guerre civile, j'ai fui vers l'Allemagne en quête d'une vie meilleure. Je suis devenu un citoyen de ce pays où j'ai fondé ma famille. J'ai cinq enfants.Le 31 décembre 2003, j'ai voyagé par bus d'Allemagne pour la Macédoine. A notre arrivée, mon cauchemar a commencé. Des agents aacédoniens ont confiqué mon passeport et m'ont gardé en détention pendant 23 jours. Tout contact m'était interdit, même avec mon épouse.

Ensuite on m'a forcé à enregistrer une vidéo où je déclarais avoir été bien traité. Puis on m'a menotté, bandé les yeux et emmené dans un bâtiment où j'ai été durement frappé. Mes vêtements ont été découpés à l'aide d'une lame ou de ciseaux et mes sous-vêtements arrachés. On m'a jeté à terre, les mains maintenues en arrière et une botte faisant pression sur mon dos. J'étais humilié. Parfois ils ôtaient mon bandeau, et je pouvais voir des hommes habillés en noir et portant des lunettes de ski noires. J'ignorais leur nationalité. Ils m'ont placé sur un matelas, enchaîné les poignets et les chevilles, mis un cache-oreilles, un bandeau aux yeux et une cagoule. On m'a jeté dans un avion, mains et jambes écartées et solidement arrimées au sol. J'ai senti qu'on me faisait deux injections puis j'ai pratiquement perdu conscience. J'ai senti l'avion décoller, atterrir puis décoller à nouveau.

J'ai appris plus tard qu'on m'avait emmené en Afghanistan.

Dans ce pays on m'a encore frappé et placé dans une petite cellule froide en béton. J'avais très soif, mais il n'y avait qu'une bouteille d'eau croupie dans la cellule. L'eau fraîche m'était refusée.Cette première nuit on m'a emmené dans la salle d'interrogatoire où j'ai vu un homme portant les mêmes vêtements noirs et les mêmes lunettes de ski que précédemment. Ils m'ont déshabillé et photographié, prélevé des échantillons de sang et d'urine. On m'a replacé dans la cellule où je suis resté à l'isolement pendant plus de quatre mois.La nuit suivante, les interrogatoires ont commencé. Ils m'ont demandé si je savais pourquoi on m'avait arrêté. J'ai répondu que non. Ils m'ont dit que j'étais à présent dans un pays sans lois et demandé si je comprenais ce que cela signifiait. Ils m'ont souvent demandé si je connaissais les hommes qui étaient responsables des attentats du 11 septembre, si j'avais séjourné dans des camps d'entraînement en Afghanistan, quels étaient mes liens avec certaines personnes à Ulm, la ville où je vis en Allemagne. J'ai dit la vérité : que je n'avais aucune relation avec aucun terroriste, que je n'étais jamais venu en Afghanistan et que je n'avais jamais été impliqué dans aucune forme d'extrémisme.

J'ai demandé maintes fois à rencontrer un représentant des autorités allemandes, ou un avocat, ou encore d'être traduit en justice. À chaque fois mes demandes étaient ignorées.

Au désespoir, j'ai entamé une grève de la faim. Après 27 jours sans nourriture, on m'a emmené pour rencontrer deux Américains - le directeur de la prison et un autre homme qu'ils appelaient "le Boss". Je les ai suppliés de me relâcher ou de me traduire en justice, mais le directeur de la prison m'a répondu qu'il ne pouvait me libérer sans l'autorisation de Washington. Il a également dit qu'il pensait que je n'aurais pas dû me retrouver en prison.

Après 37 jours sans nourriture, on m'a traîné jusqu'à la salle d'interrogatoire où on m'a intubé de force pour me nourrir. J'ai été très très mal, endurant les pires souffrances de ma vie.

Trois mois plus tard, on m'a emmené voir un Américain qui disait revenir de Washington et m'a promis que je serais rapidement libéré. J'ai aussi reçu la visite de quelqu'un qui parlait allemand et m'a expliqué que je serai autorisé à rentrer chez moi mais m'a averti que je ne devrais jamais parler de ce qui s'était passé car les Américains tenaient à garder cette affaire secrète.

Le 28 mai 2004, près de cinq mois après mon enlèvement, on m'a bandé les yeux, menotté et enchaîné à un siège d'avion. On m'a dit que j'atterrirai dans un pays autre que l'Allemagne parce que les USA ne voulaient pas laisser de trace de leur implication, mais que je pourrais en fin de compte rentrer en Allemagne.

Après l'atterrissage on m'a emmené en voiture dans des montagnes, les yeux toujours bandés. Mes ravisseurs ont ôté mes menottes et mon bandeau puis ordonné d'avancer sur un sentier sombre et désert sans regarder derrière moi. J'avais peur qu'on me tire dans le dos.

A un tournant j'ai rencontré trois hommes qui m'ont demandé le pourquoi de ma présence illégale en Albanie. Ils m'ont conduit à l'aéroport où j'ai acheté un billet pour l'Allemagne (mon portefeuille m'avait été restitué). C'est seulement après le décollage que j'ai vraiment cru à mon retour à la maison. J 'avais les cheveux longs, ma barbe avait poussé et j'avais perdu 30 kilos. Ma femme et les enfants étaient partis au Liban, ils croyaient que je les avais abandonnés. Heureusement, nous sommes désormais tous ensemble en Allemagne. J'ignore toujours ce qui m'est arrivé. On m'a dit que la Secrétaire d'Etat US, Condoleezza Rice, avait confirmé lors d'une rencontre avec la Chancelière allemande que mon affaire était une "erreur" - mais aussi que des officiels US ont démenti plus tard qu'elle ait tenu ces propos. Je n'étais pas présent à cette rencontre. Aucun membre du gouvernement US ne m'a jamais contacté pour me donner une explication ou s'excuser des souffrances qu'ils m'ont infligées.Mme Rice a déclaré publiquement, au cours d'une discussion sur mon affaire, que "n'importe quelle politique peut déboucher parfois sur des erreurs." Mais c'est précisément pourquoi le “transfert extraordinaire” ("Extraordinary Rendition") est si dangereux.

Si ceux qui m'interrogeaient m'ont dit clairement qu'on m'avait emmené dans un pays sans lois, c'est que le but premier du transfert extraordinaire est de soustraire les personnes à la protection de la loi.

J'ai supplié maintes fois mes ravisseurs de me déférer devant un tribunal, où je pourrais expliquer à un juge qu'une erreur avait été commise. A chaque fois ils ont refusé. Ainsi, une "erreur" qui aurait pu être rapidement corrigée a conduit à plusieurs mois d'un traitement cruel et de souffrances dépourvues de sens, pour ma famille et moi-même.

Mes ravisseurs ne voulaient pas me traduire en justice, alors, la semaine dernière c'est moi qui les ai traduits en justice. Avec l'aide de l' American Civil Liberties Union, j'ai déposé une plainte contre le gouvernement US parce que j'ai la certitude que ce qui m'est arrivé était illégal et ne devrait pas arriver à d'autres. Et je suis certain que le peuple US, quand il connaîtra mon histoire, sera d'accord avec moi.
Traduit par MB pour quibla.net.
Source : http://quibla.net/guantanamo/guanta55.htm#d
Deutsche Fassung
Die amerikanische Politik der „ausserordentlichen Überstellungen“ hat eine menschliche Form und zwar meine