dimanche 16 août 2009

Le procès le plus étrange de l'histoire de la justice marocaine

par Mohamed Sassi, Al Massae, 6/8/2009. Traduit par Tafsut Aït Baamrane, Tlaxcala
Original : أغــرب محاكمة في تاريخ القضاء المغربي

Le 27 juillet dernier, la cour spéciale antiterroriste de Rabat-Salé, au terme du long procès surréaliste du soi-disant « réseau Belliraj », a rendu un verdict incroyable mais attendu.
Le principal accusé, Abdelkader Belliraj a été condamné à la réclusion à perpétuité. Les six prisonniers politiques faisant partie des 35 accusés ont reçu les condamnations suivantes :
Mustapha Mouatassim et Mohamed Amine Regala, dirigeants du parti Al Badil Al Hadari (Alternative civilisationnelle), Mohamed Marouani, dirigeant du parti Oumma : 25 ans
Laabadla Maâ El Aïnine, du Parti Justice et Développement, et Abdelhafid Sriti, correspondant la chaîne de télévision Al Manar : 20 ans
Hamid Najibi, Parti socialiste unifié : 2 ans.
Voici un commentaire du juriste marocain Mohamd Sassi, publié par le quotidien marocain Al Massae . (Tlaxcala)


Le procès le plus étrange qu’ait connu le Maroc dans une période où le ministre de la Justice est le premier secrétaire de l’UFSP. Il n’était pas supposé porter atteinte à l’impartialité du juge mais plutôt créer une ambiance favorable à celle-ci.

Les deux conditions à remplir pour un juge ayant à rendre un verdict, où que ce soit dans le monde, sont la transparence et le caractère équitable du jugement au terme d’un procès où le débat contradictoire a été possible et où les droits des accusés ont été respectés. Toute personne, où qu’elle se trouve sur la planète, devrait pouvoir discuter un jugement et apprécier s’il a été rendu dans le respect des lois et des droits des accusés. C’est ce raisonnement qui a conduit les organisations de défense des droits humains les plus représentatives et les plus influentes à exprimer leur solidarité avec les six prisonniers politiques de l’affaire Belliraj.

Ces six hommes étaient connus pour leur engagement de longue date dans un travail politique pacifique et le choix de la violence fait autrefois par certaines organisations auxquelles certains d’entre eux ont appartenu fait partie d’un passé lointain et d’une histoire révolue. Cette évolution est de notoriété publique. Les affirmations du ministre l’Intérieur, selon lequel ces hommes auraient fait partie d’une cellule jihadiste armée n’ont jamais été étayées, elles ont été contradictoires et, pour tout dire, peu convaincantes pour quiconque réfléchit un tant soit peut. C’est pou ces raisons qu’un grand nombre de personnalités, d’organisations politiques et de la société civile ont pris et fait et cause pour les accusés et ont défendu les six prisonniers politiques. Le juge aurait du trouver d’autres éléments que les accusations sans fondement émanant du ministère de l’Intérieur, pour pouvoir convaincre l’opinion publique par des preuves concrètes.

Ceux et celles qui ont défendu Marouani, Mouatassim, Regala, Laabadla Maâ El Aïnine, Sriti et Najibi ne sont pas moins soucieux que le juge ou le ministre de la sécurité intérieure et de la paix domestique. Ils ne peuvent pas être moins intelligents et clairvoyants pour identifier les menaces contre la sécurité intérieure.

La version officielle a été présentée sous trois angles :
1°- Cette « organisation terroriste » aurait été fondée lors de la « rencontre de Tanger » de 1992, avec deux ailes, l’une politique –ce sera l’association « Al Badil Al Hadari » (Alternative civilisationnelle), fondée en 1995 et l’association Al Haraka Min Hajli El Oumma (Mouvement pour la Cause de la Nation), fondée en 1998, toutes deux confluant dans le parti Al Badil Al Hadari, créé en 2005 -, et l’aile militaire, chargée d’opérations terroristes avec armes à feu et explosifs, de l’assassinat de personnalités connues – ministres, responsables, officiers supérieurs et citoyens juifs -, de hold-up et de cambriolages pour se financer ;

2°- La police a dit avoir saisi des armes hautement sophistiquées que la « cellule » aurait introduit au Maroc, et ce serait là la preuve de l’extrême dangerosité de ces « terroristes » ;

3°- Cette « cellule » aurait commencé –ou essayé de commencer - à mettre en œuvre son programme : exemple : l’opération « Macro » (une tentative de hold-up). Elle aurait aussi essayé d’assassiner un citoyen juif marocain appelé Azemkot.

Seul point faible dans ce scénario : tout cela – Tanger, Macro, Azemkot – se serait passé avant la création de l’Instance Equité et Réconciliation et l’adoption de la législation antiterroriste. Or, la première a tourné définitivement la page du passé et de la violence d’avant 1999, et la seconde ne peut s’appliquer que rétroactivement. Pour surmonter ces failles dans le scénario, on a trouvé des explications comiques : ainsi le projet terroriste relève d’une criminalité chronique, récurrente de 1992 à 1996, en 2002, 2004 et 2005 – or, pendant toute cette période, le seul événement a été la tentative d’assassinat d’Azemkot ; quant aux armes qui auraient été introduites au compte-gouttes au Maroc , on a interprété les propos tenus par Mustapha Mouatassim à Redouane Khalidi, lors de l’enterrement, en 2004, du père du journaliste Hassan Moukdad –« Nous tiendrons ce que nous avons promis ».

Cette phrase, selon la vision officielle, est une preuve suffisante de ce que le projet terroriste était toujours en cours : pendant douze ans, les concepteurs de ce projet auraient « planifié soigneusement », sans jamais passer aux actes. Après les attentats du 16 mai 2003, Mouatassim et Regala ont été les premiers à descendre manifester sur l’avenue Mohamed V à Rabat pour manifester et dire non au terrorisme. Comment imaginer qu’une telle hypocrisie et une telle duplicité soient possibles chez des êtres humains, pendant une si longue période, qui auraient caché leur double jeu à toute monde, y compris leurs proches ?

Quand les avocats ont pu consulter les dossiers de l’accusation, la première infamie qu’ils ont trouvé, c’était que l’unique source ayant orienté l’enquête était le « président » de la « cellule Belliraj », évoqué dans un procès-verbal du 18 février 2008. Mouattasim et Regala ont été arrêtés sur cette seule base, au même moment où sortait l’information que les deux hommes étaient interdits de se rendre à l’étranger. Ces arrestations politiques se sont fondées sur les prétendus aveux de Belliraj. On a ensuite assisté à un feuilleton d’absurdités, d’où il ressort que Belliraj lui-même était une victime de la guerre des services [marocains et belges, NdT]. Les défenseurs des droits humains étaient, quant à eux, convaincus dès le départ, de l’innocence des six prisonniers politiques et que le dossier d’accusation était un tissu d’absurdités qui ne pouvait déboucher sur un procès équitable. Où sont les preuves fiables que les six étaient impliqués dans un projet terroriste ?

On ne nous a rien montré au procès, à part les armes présentées en vrac, comme des bibelots dans une brocante, sans qu’il soit possible pour le public et les observateurs de les regarder de près ou sur un grand écran. Il est indiscutable que des armes peuvent entrer au Maroc. En 1994, suite à l’opération « Atlas Isni » [attaque d’un hôtel de Marrakech, pour laquelle plusieurs Franco-Algériens et Franco-MArocains ont été condamnés à mort et attendent leur exécution à la prison de Kénitra, NdT], on a en effet débusqué des réseaux de trafiquants de drogue utilisant ce genre d’armes pour régler des comptes entre eux ou contre la Sûreté nationale. Il est possible que des armes achetées en Europe et destinées à alimenter la guerre civile dans l’Algérie voisine aient transité par le Maroc, mais comment affirmer la provenance et la destination des armes exhibées au procès Belliraj ? Aucun lien n’ pu être établi entre les accusés et ces armes.

En outre, les armes présentées au tribunal ne l’ont pas été dans les formes légales –presque toute la presse l’a noté – et on remarqué sur les photos que les armes d’abord présentées par la police à la presse puis au tribunal n’étaient pas les mêmes, ce qui n’est vraiment pas sérieux, comme tout le procès, mené par la justice avec un je-m’en-foutisme flagrant. Aucun des détails scabreux qui ont émaillé le procès n’ a suscité la moindre réaction du président de la cour, comme par exemple la confusion dans la date de création du groupe « Choix islamique » créée en 1981 et non pas, comme l’affirment les procès-verbaux, en 1992.

On a pratiqué des amalgames incroyables : ainsi, pour l’opération « Macro », les avocats des Six ont exposé au tribunal que d’autres accusés avaient déjà été convaincus de culpabilité et condamnés et que leurs clients n’avaient donc rien à voir avec cette affaire. Le dossier d’accusation du « réseau Belliraj » contenait des procès-verbaux qui étaient des copiés-collés de ceux du procès des vrais auteurs de l’opération « Macro », remontant à 1994. Cela a laissé le président de la cour imperturbable. De même lorsque Me Khalid Soufiani a demandé au président de lui montrer où, parmi les accusés, se trouvait le « Grand Blond avec des taches de rousseur » évoqué dans un procès-verbal. Ce « Grand Blond » venait tout droit des procès-verbaux d’enquête sur la tentative d’assassinat contre Azemkot, que les policiers s’étaient contentés de reverser au dossier Belliraj…

Ces procès-verbaux falsifiés auraient du normalement conduire à une nullité de procédure mais il n’en a rien été. La cour a rejeté toutes les requêtes en nullité présentée par les défenseurs comme elle refusé d’entendre des témoins comme le professeur Harazni [président du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme, ancien militant d’extrême--gauche détenu sous Hassan II, aujourd’hui membre du PPS, gauche modérée, NdT], qui avait déclaré devant des millions de téléspectateurs marocains que Mouatassim l’avait prévenu qu’il avait eu vent que des armes avaient pénétré au Maroc et qu’il avait transmis l’information à qui de droit.

Y a-t-il un tribunal au monde qui puisse prétendre qu’un témoignage comme celui d’El Harazni n’aurait pas été essentiel ici et de nature à changer l’issue du procès ? Et comment un procès pouvait-il être équitable alors qu’on refusait de donner la parole à des personnalités, associatives et officielles, défenseurs des droits humains, hommes politiques ou représentants de la société civile marocaine, dont Sion Assidon [ancien prisonnier politique, sous Hassan II, détenu à Kénitra, NdT]. Ce dernier s’était présenté au tribunal, demandant à témoigner sur les accusés, qu’il connaissait bien. Devant le refus de la cour de l’entendre, il a du rédiger un témoignage écrit.

Comment ce procès pouvait-il être équitable, quand la cour a refusé d’examiner le passeport de Laabadla, où il apparaît qu’il n’avait pas quitté le territoire national, alors qu’il était accusé de s’être rendu en Belgique ?

Comment ce procès pouvait-il être équitable alors qu’on a refusé d’entendre les six accusés sur les tortures subies pendant leur détention, de la part de tortionnaires dont ils connaissaient même l’identité ?
Comment ce procès pouvait-il être équitable alors que le président de la cour déclarait qu’il n’avait pas d’opinion sur la présence de caméras dans l’enceinte du tribunal alors que celle-ci relevait théoriquement de son autorité ?

Et comment ce procès pouvait-il être équitable alors que les avocats ont vécu des galères qu’ils n’avaient jamais connu dans leur carrière ? Comme par exemple la quasi-impossibilité de rencontrer leurs clients et de consulter leurs dossiers d’accusation ?
Est-ce que la télévision publique marocaine peut aire une émission spéciale pour interroger ces avocats sur cet étrange procès ?

Deux éléments provoquent la douleur : ce procès le plus étrange dans l’histoire judiciaire du Maroc s’est déroulé ici et maintenant [et pas à une époque reculée, NdT], alors que c’est le premier Secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires qui est ministre de la Justice. Il n’était pas supposé porter atteinte à l’impartialité du juge mais plutôt créer une ambiance favorable à celle-ci.

samedi 15 août 2009

Pardon pour ce film

par Slimane Hadjar, 10/8/2009



J'ai participé à un film qui traite d'islam, de guerre et de politique, je tiens donc à m'excuser auprès des spectateurs, des croyants et des musulmans en particulier qui se sont sentis mal à l'aise à l'issue de ce film pour différentes raisons. Je m'explique.

L'aveuglement dont fait preuve la majorité des comédiens qui débutent et qui veulent à tout prix entrer dans le cercle très fermé des acteurs « qui travaillent » ne leur permet pas à priori de s'interroger sur le contenu d'un scénario, et c'est d'autant plus vrai lorsque l'on vous propose un premier rôle et de surcroît très bien payé.
Décrocher le rôle de Chérif dans
Djihad de Félix Olivier (Canal Plus) m'avait rempli de joie. C’était mon premier rôle principal. J'étais trop content ! Après de longues années d’auditions, de doutes, d’incertitudes, enfin ! Incroyable ! Ajoutez à cela le fait d’avoir coiffé au poteau une centaine de comédiens aux auditions et de jouer avec des acteurs connus et les conditions sont réunies pour que l'aspect politique du film et ses intentions ne fassent plus partie de vos préoccupations. Enfin, un petit peu mais le train était déjà en marche.
Nous avons tourné une bonne partie du film au Moyen-Orient dans les villes arabes comme Jaffa ou Akka et Allah l'Unique m'a permis de visiter Jérusalem le « berceau des religions », une ville magnifique et tout particulièrement l’Esplanade des mosquées (Haram al-Sharif) où j’ai eu le privilège de prier la prière du vendredi à la mosquée sacrée d'Al- Aqsa (Masjid Al-Aqsa), troisième lieu saint de l’islam après Médine et La Mecque. Je souhaite à tout croyant de visiter un jour ce lieu sacré qui laisse un souvenir impérissable. C’est pour moi le seul souvenir positif de cette expérience, outre le fait d’avoir goûté à ce que je voulais faire depuis des années, maintenant que c’est fait je peux passer à autre chose.
J’ai découvert de cette manière ce qu'on ne vous enseigne pas en fac de cinéma ou dans les conservatoires de théâtre ; le code de bonne conduite : l'hypocrisie, l'orgueil, l'immodestie, les faux semblants, le pathétisme etc. La course à la reconnaissance et aux richesses finit forcément par vous déconnecter du monde réel et vous plonge dans les bas-fonds de quelque chose que vous ne soupçonniez pas. Un autre « délire » quoi, la simplicité et la sincérité en moins.
C'est aussi la période de ma vie où paradoxalement j'ai été le plus triste, allant même jusqu'à regretter la période ou j'étais vendeur de chaussures à Usine Center pour environ 450 euros le mois et à plus de d'une heure trente de trajet de chez moi. Comment expliquer ce sentiment ? En Islam, en parle de « baraka », de bénédiction. Ce peu d'argent aussi minime soit-il me contentait. Je m'en rends compte aujourd'hui. Depuis, j'ai enchaîné avec d'autres films mais ce n'était plus du tout comme avant. C'est toujours comme ça, les meilleurs moments sont toujours ceux ou l’on désire les choses puis quand on les obtient...
Et il y a surtout le sujet du film et l'objet même de mon mea culpa. L'Islam. L'Islam dans le double téléfilm Djihad est encore associé au terrorisme où les musulmans sont des êtres manipulables et violents. Si ces personnages montrés à l'écran existent ou ont existé, est-il nécessaire de représenter une infime minorité pour convaincre une majorité que l'islam c'est « ça », une religion venue d'ailleurs qu'on associe aux armes à feu, aux explosions et aux kamikazes?
Le film montre aussi le fantasme de l'endoctrinement des jeunes de banlieue totalement écervelés en proie à l'éclatement de la cellule familiale et au deal de la cité qui vont combattre pour « l'amour de Dieu ». Pourquoi ne montre-t-on pas les musulmans qui combattent pour la paix, l’amour, la tolérance dans leur quotidien ?
Dans un passage du film, j'avais demandé à la production qu’il serait judicieux que mon personnage, qui va combattre en Irak, ne tue personne et se retrouve embarqué à Guantanamo par accident, pour être en accord avec la réalité où la plupart des prisonniers détenus sur la base américaine étaient innocents. Ce changement n'a pu être possible. L’incarcération de Chérif à Guantanamo Bay devait être en quelque sorte justifiée. Sauf que la réalité dépasse la fiction, la justice française a relaxé les cinq Français présents là-bas, ces mêmes Français présumés coupables.
Je regrette sincèrement et profondément d'avoir participé à une œuvre qui ne reflète pas la vraie nature de l'Islam mais plutôt son fantasme et ses peurs. Je n'ai pas le pouvoir de revenir en arrière, bien que ce film ait changé ma vie (...), je m'excuse donc et demande pardon auprès des spectateurs en général et des musulmans en particulier que j'ai pu offenser. Pour s’intéresser à l'Islam il faut se pencher directement sur le Saint Coran et sa science, pas sur l'amas d'idées reçues véhiculées ici et là.
Je ne crache sur personne, je m'excuse juste en mon nom propre pour ma participation à quelque chose qui même si fondamentalement n'atteint pas l'Islam, ne lui fait pas du bien. Idem pour mes participations précédentes, je m'excuse si cela a atteint des personnes car ce n'était pas mon intention. Je ne veux pas me retrouver parmi ceux qui ont vendu leur religion à vil prix car c'est aujourd'hui la chose la plus importante à mes yeux. Une des conditions du repentir sincère en islam c'est de demander pardon aux personnes à qui l'on a fait du mal ou du tort et Allah m'en est témoin via cette lettre.
A tout ceux qui ne comprennent pas ma soudaine envie d'arrêter le cinéma et mon intérêt pour l'Islam alors je répondrai que l'important c'est que je me comprenne moi-même. Ce film a été diffusé dans plusieurs pays du monde, notamment dans les pays du Maghreb, en espérant que mes excuses atteignent les personnes qui se sont senties mal à l’aise ou offensées, au-delà des frontières. Merci d'avance de véhiculer ce message, insignifiant pour les gens mais très important pour moi.
Faites des du'aas, (invocations) pour moi dans vos prières. Merci d’avance.
Qu'Allah l'Unique me pardonne. Amin.
Salam Aleykoum (Paix sur vous).
Slimane Hadjar
Contact :
slimanehadjar@hotmail.fr

dimanche 9 août 2009

Sami El Haj fonde le Guantánamo Justice Centre



Nous avons eu le privilège de rencontrer, le 29 juillet 2009, Sami al-Haj (1), ce journaliste et cameraman d’Al Jazeera emprisonné durant plus de 6 ans à Guantánamo, qui était de passage à Genève. Il a annoncé, à cette occasion, la création de l’Organisation humanitaire « Centre Guantánamo pour la justice », (Guantánamo Justice Centre) qu’il préside, et dont le siège sera basé à Londres, comme il le dira dans la conférence de presse qu’il tiendra le 30 juillet dans cette capitale. Cette ONG sera dirigée par l’ancien détenu britannique Moazzam Begg en qualité de Secrétaire général et aura une représentation à Genève et à Paris.

Pourquoi cette nouvelle ONG ?

Le « Centre Guantánamo pour la justice », a pour objectif d’obtenir la fermeture de Guantánamo, la libération de tous les prisonniers qui y sont encore détenus, et la reconnaissance de leur innocence et des abus que l’administration des États-Unis leur a fait subir. Elle a également pour objectif d’obtenir réparation pour les dommages financiers et moraux subis par les anciens détenus et de leur apporter un soutien psychologique.

Parallèlement, cette ONG se prépare à lancer, avec d’anciens détenus de Guantánamo,, une « action légale conjointe » (joint legal action) contre l’ancien président George W. Bush et d’autres membres de son administration pour les détentions illégales et les tortures subies.

À ce sujet, Sami El Haj [1] précise : « Le but de notre organisation est d’ouvrir une action en justice contre l’administration Bush. Nous sommes en train de collecter des informations, notamment des attestations médicales, auprès de tous ceux qui en détiennent. Cela prend du temps. »

Mais dans l’immédiat, il y a selon Sami El Haj la nécessité d’apporter une aide matérielle et un soutien moral à toutes ces victimes laissées sans solutions, qui ont cru en janvier aux promesses d’Obama et ont pensé que leur sort s’améliorerait :

« Obama avait promis de supprimer les commissions militaires, mais il a battu en retraite en disant que les commissions militaires seraient maintenus avec quelques changements. Il avait promis de rendre publiques les photos des sévices exercés sur les prisonniers des deux guerres en cours, en Irak et en Afghanistan, mais il s’est ravisé en disant que cela porterait préjudice à l’image des États-Unis. Il avait dit qu’il traduirait en justice ceux qui s’étaient rendus coupables de tortures, mais là aussi il a reculé.

Et nous avons maintenant la preuve [
2] que les tortures n’ont jamais cessé à Guantánamo (projections contre des murs privations de sommeil et de nourriture, waterboarding et autres techniques dites « d’interrogatoire poussé », nda).

Obama n’a pas tenu ses promesses. Nous aurions besoin qu’il tienne au moins celle de fermer Guantanamo. Nous croyons qu’il le fera. Mais la question n’est pas seulement celle de la fermeture. Le problème le plus difficile est devant nous.

Il y avait environ 256 prisonniers à Guantánamo quand Obama est arrivé au pouvoir. Aujourd’hui, plus de six mois après sa promesse de fermer cette prison dans un délai d’une année, elle héberge encore 229 détenus. C’est-à-dire qu’en six mois, seuls 27 détenus ont été libérés. Ce faible nombre de détenus libérés nous effraie.

L’administration US va-t-elle libérer les 229 détenus qui se trouvent encore à Guantánamo ? J’en doute. Parce que nous avons des informations fiables, de gens qui vivent sur place, selon lesquelles les États-Unis sont en train de construire un camp de prisonniers à Bagram, en Afghanistan. Et ce camp serait destiné à y enfermer des prisonniers transférés de Guantánamo.

Cela indique que le problème ne sera pas résolu par la simple fermeture de Guantánamo ; il ne sera résolu que quand les détenus libérés auront recouvré leur entière liberté. Et c’est dans ce but, pour aider ces détenus, que notre organisation dénommée « Centre Guantánamo pour la justice », (Guantánamo Justice Centre) va travailler.

L’administration Obama affirme : "personne ne coopère avec nous, personne ne nous aide à fermer Guantánamo". Je ne pense pas que cela corresponde aux faits. Cela dit, la libération des prisonniers implique qu’ils puissent obtenir une aide à leur sortie. Par exemple, sur les 229 détenus encore à Guantánamo, beaucoup sont Yéménites, et jusqu’ici le Yémen n’a pas réglé les choses avec les États-Unis pour accueillir ses ressortissants.

Pour les quelque 500 détenus qui ont déjà été libérés, leurs souffrances ne sont de loin pas terminées une fois de retour chez eux. Ils se heurtent à des difficultés d’insertion du fait qu’ils sont étiquetés comme "terroristes", laissés sans aucun soin, alors qu’ils ont des traumatismes et ont besoin de soutien psychologique.

C’est pour toutes les raisons indiquées que nous avons créé cette organisation humanitaire, pour rappeler au monde que ces prisonniers de Guantánamo sont innocents et qu’il faut les aider, que Guantánamo était une erreur des États-Unis et qu’il leur revient de résoudre ce grave problème.
»

[1] Voir : « Sami El Haj, journaliste d’Al-Jazira, témoigne », par Silvia Cattori, Réseau Voltaire, 18 juillet 2008. En présence de Sami El Haj, on a peine à croire que des êtres aussi exquis aient pu être associés au « terrorisme », enfermés dans des cages, soumis à des sévices inimaginables, sous prétexte qu’ils menaçaient nos sociétés.
[2] Sami El Haj a pu recueillir le témoignage d’un détenu avec lequel il a pu communiquer récemment par téléphone à Guantanamo.

mercredi 5 août 2009

Sauvez mon mari, S'il vous plaît !

Lettre ouverte d''Angela Toumi à MM. José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne et Terry Davis, Secrétaire Général du Conseil de l'Europe
Bolzano, Italie, 5 août 2009

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Je vous adresse un appel urgent afin de vous exprimer ma plus grande inquiétude sur le sort de mon mari Ali Toumi porté disparu depuis que l'avion que les autorités italiennes l'ont forcé à prendre a atteRri à Tunis-Carthage le 2 août 2009 à 19H30 heure locale.
Depuis ce moment, personne ne sait où il se trouve. Je crains fort qu'il soit actuellement détenu dans les locaux du ministère de l'Intérieur où la pratique de la torture a été évoquée par de nombreuses ONG tunisiennes et internationales, et reconnue par la Cour européenne des droits de l'homme dans son jugement rendu en faveur d'un autre Tunisien, Nassim Saadi, menacé d'expulsion en Tunisie par l'Italie.
Je vous demanderais de bien vouloir intervenir en urgence auprès des autorités tunisiennes afin qu'elles nous informent sur le sort de mon mari, qu'elles permettent que son avocat Maître Samir Ben Amor puisse lui rendre visite et qu'il soit examiné par un médecin désigné par sa famille.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait que mon mari a été expulsé en Tunisie malgré une décision de la Cour européenne des droits de l'homme qui s'est opposée à cette mesure du fait qu'elle constitue une menace pour la vie de mon mari, et contreviendrait à la Convention européenne des droits de l'homme non seulement en mettant en péril la vie d'un être humain, mais aussi en arrachant mon mari à l'affection de ses trois enfants en bas âge et en brisant toute une famille.
Je tiens l'Union européenne pour responsable de cette tragédie que je vis depuis dimanche dernier, et de ce qui pourrait arriver à mon mari, et je l'exhorte à prendre ses responsabilités en matière de la protection des citoyens qui vivent dans l'Union européenne et qui font confiance à ses institutions. Je vous demanderais de dénoncer publiquement les agissements inadmissibles de mon pays l'Italie, et d'agir dans l'urgence afin de sauver mon mari et de le rendre à sa famille en Italie pour qu'il y vive en paix comme tous les autres citoyens vivant en Europe et sous sa protection.
Veuillez agréer, Messieurs le Président, et le Secrétaire Général, l'expression de mes salutations les plus respectueuses
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AMNESTY INTERNATIONAL
URGENT ACTION
TUNISIAN DETAINED AFTER FORCIBLE RETURN

Tunisian national Ali Ben Sassi Toumi has been held incommunicado since being forcibly returned from Italy on 2 August. His relatives have not been informed of his whereabouts, and he is at risk of torture and other ill-treatment.
Ali Ben Sassi Toumi, aged 44, was arrested at the airport in the Tunisian capital, Tunis, following his forcible return from Italy. He sent an SMS (text) message to his wife in Italy to say that he had arrived, but he did not meet a friend who was waiting for him at the airport, and his family has not heard from him since. He is believed to be held at the Department of State Security (DSS) of the Ministry of Interior in Tunis. Detainees held incommunicado there are at risk of torture and other ill-treatment.
The Tunisian authorities have not informed any of Ali Ben Sassi Toumi’s immediate relatives in Tunisia about the reasons for and place of his detention, as required under Tunisian law, despite inquiries from his lawyer.
Ali Ben Sassi Toumi was released from prison in Benevento, Italy, on 18 May, after serving four years of a six-year sentence on charges of belonging to a terrorist cell in Italy and recruiting fighters for the insurgency in Iraq. He applied for asylum in Italy, but his claim was rejected on the basis that he had been convicted of committing a “serious crime”. He had been held in an immigration detention centre known as an Identification and Expulsion Centre (Centro di identificazione ed espulsione) in Isola di Capo Rizzuto in the Province of Crotone, south-east Italy, since his release from prison. He was forcibly returned despite the European Court of Human Rights calling three times on the Italian authorities to stay the deportation, on the grounds that he was at risk of torture and other ill-treatment in Tunisia.
PLEASE WRITE IMMEDIATELY in English, Arabic or your own language:
- urging the authorities to disclose Ali Ben Sassi Toumi’s whereabouts immediately, and give him access to a lawyer of his choice, his family and any medical attention he may require;
- urging them to ensure that he is not tortured or otherwise ill-treated;
- urging them to release Ali Ben Sassi Toumi immediately and unconditionally, unless he is promptly charged with a recognizably criminal offence and brought to trial in proceedings that meet international standards for fair trial.

PLEASE SEND APPEALS BEFORE 16 SEPTEMBER 2009 TO:
Minster of Interior
Rafik Haj Kacem
Ministry of Interior
Avenue Habib Bourguiba
1000 Tunis
Tunisia
Fax: + 216 71 340 888
Salutation: Your Excellency

Minister of Justice and Human Rights
Béchir Tekkari
Ministry of Justice and Human Rights
31 Boulevard Bab Benat
1006 Tunis - La Kasbah
Tunisia
Fax: + 216 71 568 106
Salutation: Your Excellency

And copies to:
Ridha Khemakhem
General Coordinator for Human Rights
Ministry of Justice and Human Rights
31 Boulevard Bab Benat
1006 Tunis - La Kasbah
Tunisia
Salutation: Dear Sir

Also send copies to diplomatic representatives accredited to your country. Please check with your section office if sending appeals after the above date.
URGENT ACTION
TUNISIAN DETAINED AFTER FORCIBLE RETURN

Additional Information
Over the years, Amnesty International has received numerous reports of torture and other ill-treatment by the Tunisian security forces. In virtually all cases, allegations of torture are not investigated and the perpetrators are not brought to justice. Individuals are most at risk of torture when in incommunicado detention. The most commonly reported methods of torture are beatings on the body, especially the soles of the feet; suspension by the ankles or in contorted positions; electric shocks; and burning with cigarettes. There are also reports of mock executions, sexual abuse, including rape with bottles and sticks, and threats of sexual abuse of female relatives.
As a state party to the Convention against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment, Tunisia is under an obligation to prevent torture and to “ensure that its competent authorities proceed to a prompt and impartial investigation, wherever there is reasonable ground to believe that an act of torture has been committed in any territory under its jurisdiction”.
UA: 210/09 Index: MDE 30/009/2009 Issue Date: 05 August 2009
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URGENT : Arrêtez immédiatement l'expulsion d'Ali Toumi en Tunisie!
par Maître Barbara Manara,Avocate de Ali Toumi, Milan, 2/8/2009, 17h45
Je lance à travers les médias internationaux un appel urgent à M. Terry Davis, Secrétaire Général du Conseil de l'Europe d'intervenir à nouveau auprès des autorités italiennes pour arrêter l'expulsion d'Ali Toumi
Ali Toumi, Tunisien, condamné en Italie pour appartenance à association « terroriste » vient d'être transféré à la Préfecture de Rome pour identification avant d'être embarqué très probablement sur le vol TU853 de 19.15h à destination de Tunis.
La Garde Nationale tunisienne a informé hier le père de Ali Toumi que celui-ci arriverait à Tunis aujourd'hui dimanche et elle lui a demandé de rester tranquille.
Hier quand Ali Toumi, marié à une Italienne et père de trois enfants en bas âge, a su qu'il allait être emmené, il a réussi à monter sur le toît du centre où il est détenu à Crotone et a menacé de se suicider si on le forçait à l'expulsion. A 5.30h ce matin, il s'est rendu aux forces de l'ordre après que les autorités italiennes lui eurent promis de ne pas l'expulser, mais ils l'ont emmené à la Préfecture de Rome avant son embarquement qui est maintenant imminent.
La Cour européenne est internvenue à trois reprises les 18, 19 mai 09, et le 24 juillet 09 auprès de l'Italie pour empêcher l'expulsion, mais finalement, le Ministre de l'Intérieur en a décidé autrement.
A l'heure actuelle il est encore temps d'agir pour empêcher l'expulsion d'Ali Toumi qui est attendu par la police tunisienne pour être interrogé par le Ministère de l'Intérieur tunisien et on craint qu'il soit torturé.
J'appelle les ONG et les hommes politiques à sauver Ali Toumi en exigeant du Ministre de l'Intérieur italien l'arrêt immédiat de son expulsion et le respect de la décision de la Cour européenne.