mardi 29 décembre 2009

Des prisons de la CIA découvertes en Lituanie

par Hans-Jürgen  FALKENHAGEN & Brigitte QUECK, 27/12/2009. Traduit par Michèle Mialane et édité par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Original : In Litauen wurde die Existenz von CIA-Gefängnissen aufgedeckt
Une Commission d’enquête sur les prisons de la CIA,  instituée par le Parlement lituanien  (Seimas), part du principe que les services secrets lituaniens (VSD) étaient au courant de leur existence. Un fait est avéré : en Lituanie les conditions nécessaires ont été établies dans les années 2004-2005. À cette époque le VSD était de temps à autre un « État dans l’État ». Il faut «désormais y mettre fin» a déclaré Audronius Azubalis,  Président de la Commission parlementaire aux Affaires étrangères. Adamkus, alors Président de Lituanie, aurait été lui aussi au courant  selon un commentaire d’Audrius Baeiulis dans l’hebdomadaire « Veidas » (voir Gazeta wyborcza du 23/12/2009, Varsovie)


Et voici que Rolandas Paksas, l’ex-Président de Lituanie, a fait à ce sujet une révélation sensationnelle. Paksas est à l’heure actuelle député européen. Il avait été élu Président au second tour de janvier  2003 où il affrontait son prédécesseur Adamkus. «  Ma charge de Président m’a conduit à savoir qu’on souhaitait interner en Lituanie des personnes accusées de terrorisme», a déclaré Paksas.  Il déclare que Mecys Laurinkus, l’ex-dirigeant du Département de la Sûreté de l’État (VSD)  lui a demandé au printemps 2003 s’il était possible d’interner en Lituanie, sans le faire savoir officiellement, des personnes suspectées de terrorisme par les USA. Laurinkus laissait entendre qu’une réponse positive rendrait service aux partenaires étrangers. Des politiciens lituaniens frappaient alors à la porte de l’OTAN ; ils étaient nombreux à Vilnius à  déclarer que la Lituanie souhaitait en devenir membre et estimaient qu’il était nécessaire, pour accélérer le processus d’admission, de faire en direction du pays qui joue les premiers violons dans l’organisation -les USA- « un geste d’amitié ». Paksas déclare avoir néanmoins rejeté la proposition du chef des services secrets. Six mois plus tard éclatait le plus grand scandale politique de toute l’histoire lituanienne, qui entraîna la révocation de Paksas. À l’automne 2003, Mecys Laurinkus, de son « exil doré » au poste d’ambassadeur à Madrid, avait fait parvenir aux médias occidentaux  des informations compromettantes accusant Roland Paksas d’entretenir d’étroites relations avec l’oligarque russe Iouri Borissovitch. Paksas lui aurait conféré illégalement la nationalité lituanienne en échange du financement de sa campagne.

Mecys Laurinkus, chef du VSD (Services secrets lituaniens) de 1998 à 2004

En avril 2004, alors que la Lituanie fêtait son entrée dans l’OTAN, le Parlement lituanien vota une procédure d’impeachment à l’encontre du Président Paksas. Paksas fut contrait de démissionner. Et peu de temps après la prison secrète de la CIA fut ouverte à Antavilia, à 20 km de Vilnius. « Je pense que mon refus de principe d’ouvrir cette prison de la CIA est en relation directe avec ma chute », a déclaré Paksas lors d’une récente audition au Parlement lituanien. C’est aussi la version, par exemple, du journal « Russkij Berlin » dans sa rubrique Odna Chestaïa dans son numéro 51 de l’année 2009. L’article publié était de la plume de Vladimir Vodo et Alexander Reutov, du journal russe « Kommersant ».
 Selon certains experts, la procédure d’impeachment à l’encontre du Président Paksas a été fort utile aux USA. Premièrement beaucoup voyaient en Paksas un politicien pro-russe. Deuxièmement les services secrets Usaméricains avaient dû abandonner fin 2003 leur prison secrète dans la Pologne voisine. En effet la révélation de son existence avait déclenché un énorme scandale dans le pays et la CIA était donc à la  recherche d’une autre base du même type en Europe. En Lituanie le seul obstacle était cet empêcheur de tourner en rond de Paksas. Son départ supprimait l’obstacle. Les membres « frais émoulus » de l’OTAN, dont la Lituanie, étaient si reconnaissants aux  USA de les avoir aidés à y entrer qu’ils disaient amen à tout  ce que ceux-ci demandaient, selon le Général Richard Clarke, ex-conseiller en chef de George Bush pour la guerre contre le terrorisme (déclaration sur ABC News). «  Nous savions parfaitement que la CIA travaillait à Antavilia » a déclaré au Washington Post  Domas Grigaliunas, ex-officier des Services secrets lituaniens.

La réélection en juin 2004 de l’Américano-lituanien Adamkus au poste de Président a joué un rôle décisif dans l’affaire. Né en 1926 à Kaunas (Lituanie), Valdas Adamkus, fils d’un haut fonctionnaire lituanien, avait fui le pays avec ses parents  en 1944 vers l’Allemagne, devant l’avancée de l’Armée rouge. Après une formation militaire dans son propre pays, Adamkus y était revenu après un petit stage de perfectionnement chez les nazis. Il y a combattu l’Armée Rouge à Seda dans une unité lituanienne en octobre 1944 (au cours de l’Opération balte [14 sept.-24 nov. 1944]). Non sans avoir préalablement reçu de « hautes distinctions » de la main des nazis, Adamkus, après la défaite allemande dans les pays baltes, s’est réfugié une seconde fois en Allemagne où il aurait, paraît-il, poursuivi sa formation militaire dans la Wehrmacht. Plusieurs témoins dignes de foi affirment qu’il aurait été un gradé SS de haut rang. On n’en sait pas plus sur ses activités durant cette période.

Valdas Adamkus Photo DELFI
Après la guerre Adamkus a obtenu son Abitur (baccalauréat) au lycée lituanien du monastère de Rebdorf près d’Eichstätt, puis fait des études à l’Université Ludwig-Maximilian de Munich. Ensuite il a émigré aux USA (1949). Il y a travaillé dans les Services de renseignements militaires et a dirigé des organisations clandestines  lituaniennes. En 1960 il a obtenu un diplôme d’ingénieur de l’Institute of Technology de l’Illinois. Il a fait carrière dans l’Agence américaine pour l’environnement (EPA) tout en poursuivant son engagement dans le Mouvement indépendantiste lituanien. En 1997, après avoir pris sa retraite, il est rentré en Lituanie où il a été élu président une première fois en 1998. C’est lui qui a donné son accord à l’ouverture d’au moins une prison de la CIA sur le sol lituanien. Mais la Lituanie avait déjà été admise dans l’OTAN en « remerciement de ses efforts ».













La prison de la CIA occupait une villa d’aspect extérieur élégant, munie de cellules souterraines et d’une salle garnie de micros. Selon les informations dont on dispose, on y a également pratiqué la torture. La Présidente lituanienne en exercice, Dalia Grybauskaïté, et son gouvernement, ne déplorent cependant pas qu’il y ait eu en Lituanie une prison pratiquant la torture, mais « que le gouvernement d’alors n’en ait pas été informé ». Andreus Kubilius, le Premier ministre, s’est  déclaré profondément affecté que « quelqu’un ait pu installer en Lituanie des prisons dont le gouvernement ignorait tout.» L’une des conséquences en a été le rappel par la Présidente Dalia Grybauskaïté de Mecys Laurinkus, devenu ambassadeur lituanien en Géorgie.

Laurinkus a sûrement été, vu son expérience des services secrets, un « précieux » conseiller de l’Occident avant et pendant  la guerre russo-géorgienne d’août 2008.

samedi 7 novembre 2009

Ombres italiennes-À propos du verdict dans le procès de l'enlèvement par la CIA d'Abou Omar


par Claudio FAVA, il manifesto, 5/11/2009. Traduit par Fausto Giudice
Le tribunal de Milan qui jugeait les auteurs et complices de l’enlèvement, par la CIA, de l’imam égyptien Abou Omar, en février 2003, a rendu son verdict : les 26 agents de la CIA, jugés par contumace, ont été condamnés à des peines de 5 à 8 ans de prison, leur chef Jeff Castelli a été acquitté pour immunité diplomatique. Deux agents des services de renseignement militaires italiens, le SISMI, ont été condamnés à 3 ans de prison, tandis que l’ex-chef du SISMI, Nicolò Pollari, et son adjoint Marco Mancini ont bénéficié d’un non-lieu. Voici le commentaire de l’ex-eurodéputé Claudio Fava, qui présida une commission d’enquête du Parlement européen sur les « transferts extraordinaires de la CIA ».-FG
La sentence était prévisible. Très italienne dans sa réticence polie, comme le furent les sentences sur le sénateur Giulio Andreotti (« c’est vrai, c’était un ami des mafieux, mais trop de temps est passé: tout est prescrit et nous restons amis comme avant).

Pourtant, c'est une sentence exemplaire : par ce qu’elle confirme et ce qu’elle admet. Elle confirme  que l'imam de Milan a été enlevé par la CIA dans l'un des premières «extraordinary restitutions» (transferts extraordinaires) rocambolesques auxquelles les services usaméricains se sont exercés de manière répétées après le 11 Septembre . la condamnation de tous les agents de la CIA et la grâce accordée à leur chef pour son immunité diplomatique alléguée scellent trois ans d'enquête rigoureuse et rapide menée par le Procureur Spataro et ses services. Mais à côté de cette confirmation il y a un aveu: si Pollari et Mancini s’en sortent avec un non-lieu, ils doivent remercier tous les gouvernements qui se sont succédés dans notre pays. Bien plus : Pollari doit remercier formellement Silvio Berlusconi, Romano Prodi et Francesco Rutelli, qui, plus que d'autres, se sont personnellement engagés pour faire prévaloir, sur la vérité, l’omertà d'un faux secret d'État.

Les ombres sur cette histoire sont particulièrement gênantes parce qu'elles ne racontent pas seulement un enlèvement maladroit, mais révèlent une conception dévastatrice de la lutte contre le terrorisme. Au nom de cette conception les services usaméricains et européens se sont mis en tête de dégrader les droits fondamentaux au rang de question secondaire, de jouet pour âmes candides, d’’oripeau.  C’est pour cela qu’Abou Omar a été enlevé: pour soustraire un terroriste présumé aux garanties et aux principes de la justice ordinaire. Et le SISMI, en acceptant d'offrir sa collaboration servile, a balayé en quelques instants  des siècles de culture et de civilisation juridique. Sur cette horreur, sur le prix politique payé, et sur les faveurs obtenues s’est ensuite abattu le couperet du secret d'État.

Nous vivons dans un pays qui a été trop souvent été offensé par ses secrets indicibles, dépossédé de toute vérité, obligé de garder le silence, de faire semblant, de ne pas comprendre. Mais jamais on n’avait trouvé, sur le besoin de nier les faits, une si parfaite harmonie entre tous les partis politiques. Comme sur la scène d'une tragédie grecque, les protagonistes ne sont plus les partis, mais le pouvoir. Ceux qui défendent l'indéfendable Pollari, défendent eux-mêmes, le privilège de mentir, de se considérér legibus solutus*. Pour une fois, n'est pas  de Berlusconi que nous devons parler, mais de cette nation. Heureuse de ne pas savoir, heureuse de ne pas juger. Convaincue désormais que pour exorciser la réalité il suffit de changer de canal.
* Princeps legibus solutus : le prince échappe à la loi, il est au-dessus d’elle.[NdT]

Source : il manifesto-Ombre italiane

Article original publié le 5/11/2009

Sur l’auteur

Fausto Giudice est membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteu et la source.

URL de cet article sur Tlaxcala :
http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=9205&lg=fr

mardi 13 octobre 2009

Pourquoi fermer Guantánamo (1/3)

par Aziz Enhaili, journal Attadamoun (Maroc) N° 142 du 11-22 Octobre 2009


Le président américain s’est engagé dès sa prise de fonctions à fermer Guantanamo d'ici janvier 2010. Ce symbole par excellence des dérives sécuritaires de la première puissance mondiale est le meilleur argument au service de la propagande du réseau terroriste Al-Qaïda pour cultiver l’antiaméricanisme dans le monde islamique et du coup attirer de nouvelles recrues dans ses filets.

Guantanamo, ce tristement célèbre centre d’incarcération et de torture de présumés terroristes, est le symbole par excellence à la fois du déni du droit (dont la convention de Genève sur le traitement des prisonniers de guerre), du mépris des droits humains et des dérives liberticides de l’administration républicaine du controversé George W. Bush. D’ailleurs, son successeur, Barack Hussein Obama, ne s’est pas trompé quand il s'est engagé dès sa prise de fonctions (le 20 janvier) à fermer d'ici janvier ce «goulag moderne» (selon l’expression consacrée d’Amnesty International). C’est dans ce cadre que, deux jours seulement après son investiture, il a signé un décret prévoyant sa fermeture dans un délai d’un an..

Huit mois plus tard, cette prison renferme, hélas, encore deux cent vingt-trois détenus (contre trois cent quarante et un prisonniers en janvier dernier et près de six cents fin 2002). Si cette baisse des chiffres des détenus est en soi un développement positif, liée notamment aux pressions internationales et à des arrangements entre États, il reste encore trop de prisonniers à Guantanamo pour clamer victoire. Et les différentes tactiques de représentants républicains (et même certains démocrates) visant, en fin de compte, à empêcher l’arrivée de prisonniers de Guantanamo dans leurs États respectifs, compliquent singulièrement la tâche du président Obama. Pourtant, il en va même de l’intérêt national des États-Unis et de la crédibilité de leur diplomatie publique d’effacer au plus vite cette tâche noire de la face de leur démocratie.

Raisons de fermeture de Gitmo

Suite aux attaques terroristes du 11 septembre 2001, des États-Unis fortement ébranlés ont lancé leur «guerre mondiale» contre le terrorisme jihadiste. Une entreprise précipitée et trop vague pour pouvoir être couronnée de quelque succès que ce soit sur le terrain. Au lieu de s’attaquer aux causes réelles qui alimentent la colère du radicalisme islamiste, les «architectes» de cette «guerre» d’un genre nouveau se sont fourvoyés dans des sentiers qui avaient plus à voir avec une politique de l’affect et du ressentiment qu’avec un cadre de réflexion stratégique bien défini. Alimentant à leur tour un retour de flamme.

C’est dans le cadre de ce flou artistique que des institutions d’importance comme le Pentagone (ministère de la Défense) et la CIA (Agence centrale d’espionnage) ont privilégié l’idée saugrenue d’humilier (même sexuellement) les détenus pour les briser psychologiquement et les empêcher durablement ainsi d’attenter aux intérêts et personnels américains dans le monde.

C’est ce cadre de «réflexion» qui expliquait, entre autres, pourquoi l’armée américaine n’avait même pas résisté (dès janvier 2002) à la tentation de diffuser des photographies des prisonniers à leur arrivée à la prison de Guantanamo, agenouillés, entravés, gantés, équipés de lunettes opaques, de casques assourdissants et de masques. Sans oublier leurs traitements dégradants et inhumains avant et après leur arrivée dans cet ilot de l’archipel de torture américain. À cela se sont ajoutées les images choquantes du centre irakien de détention et de torture d’Abu Ghraïb. Des images qui (dans les deux cas) avaient aussitôt suscité la colère et la stupéfaction de plusieurs milieux américains notamment de gauche. Sans oublier les critiques de la «communauté internationale».

Contrairement aux fruits escomptés du recours à ces techniques de torture et de traitement dégradants et inhumains par le Pentagone et la CIA (à savoir briser psychologiquement les présumés terroristes déjà détenus, distiller l’effroi dans le cœur des dirigeants recherchés et décourager les recrues potentielles), ces procédés ont d’abord ruiné pour longtemps l’image des États-Unis dans le monde entier, y compris dans les autres pays occidentaux et les nations islamiques. Voilà la nation considérée (jusqu’à ces tristes épisodes) comme le pays phare en matière de défense des droits humains, troquer les vils habits des pires dictatures du monde arabo-islamique en termes de violations caractérisées de ces mêmes droits humains au nom de la préservation de la sécurité nationale américaine. Cette perte de crédibilité s’est révélée dévastatrice pour l’autorité morale et le leadership international des États-Unis comme puissance globale ainsi que pour sa marge de manœuvre vis-à-vis d’autres puissances de moindre importance. C’est pourquoi, à titre d’exemple, le rapport annuel du département d’État consacré à la situation des droits humains dans le monde a perdu de sa crédibilité et donc de son mordant. Un développement stratégique à la faveur de la montée de nouvelles puissances rivales.

En exposant de manière brutale le monde islamique aux images des nouvelles pratiques américaines en termes de violation des droits humains, les États-Unis ont vu leur étoile rapidement pâlir. Eux dont la politique moyen-orientale traditionnelle (des deux poids, deux mesures) leur aliénait déjà ici de larges secteurs cultivés. En humiliant délibérément leurs détenus musulmans, ils n’ont fait que jeter de l’huile sur un feu qui couvait déjà depuis plusieurs décennies dans la région. Oussama ben Laden et sa garde rapprochée ne pouvaient rêver mieux de la part d’un George W. Bush ou Dick Cheney toujours aveuglés par la colère née des attentats du 11 septembre. Ces sergents recruteurs de facto ont apporté, à leur corps défendant, à l’état-major d’Al-Qaïda sur un plateau d’argent le meilleur des arguments pour motiver et recruter de nouvelles recrues. Des membres plus que jamais déterminés à venger l’honneur bafoué de leurs «frères» tombés aux mains des tortionnaires du «goulag moderne».

Au lieu de décourager de nouvelles vocations qaïdistes, les candidats sacrificiels se bousculaient au portillon pour rejoindre le réseau des réseaux jihadistes. Promettant de répandre la dévastation partout en Occident et de tuer le maximum de citoyens américains. Avec cette nouvelle génération, fille de la globalisation, nul n’est plus à l’abri. Même plusieurs pays musulmans (Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Arabie saoudite, Yémen, Pakistan, Afghanistan, Irak, Indonésie…) n’ont pas été épargnés de leur colère. Leur crime? L’alliance avec «l’ennemi lointain» (c’est-à-dire les États-Unis). Sans oublier plusieurs pays occidentaux touchés à leur tour (Grande-Bretagne, Espagne, etc.) ou demeurant dans le collimateur des candidats sacrificiels (Allemagne, France, Italie, Belgique, Canada, Australie…). Si les Américains ont réussi à ce jour à prévenir tout nouvel attentat jihadiste d’envergure sur leur propre sol, ils n’ont pas pu prévenir la mort de plusieurs de leurs soldats et officiels notamment au Grand Moyen-Orient.

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Gitmo est le symbole des dérives sécuritaires d’une grande démocratie. Au lieu de porter un coup fatal à l’expansion d’un réseau jihadiste comme Al-Qaïda et donc de renforcer la sécurité nationale américaine, ce centre de torture de présumés terroristes s’est au contraire révélé le meilleur argument de mobilisation et de recrutement de nouveaux candidats sacrificiels, des recrues motivées d’une forte rage contre des États-Unis dont ils voudraient fragiliser les fondations de sa sécurité nationale. D’où l’urgence de la fermeture de ce «goulag moderne».
À suivre
L'auteur
Aziz Enhaili est contributeur au volet «Moyen-Orient» du LEAP/E 2020 (Laboratoire Européen d'Anticipation Politique/Europe 2020), un Think Tank européen leader dans le domaine de la prospective internationale. Il est également contributeur au Global Research in International Affairs (GLORIA) Center. Il est notamment co-auteur de quatre ouvrages collectifs, dont deux dirigés par Barry Rubin: Political Islam (Londres: Routledge, 2006) & A Guide to Islamist Movements (New York, M.E. Sharpe, à venir en novembre 2009). Il est chroniqueur des affaires moyen-orientales au webzine canadien www.tolerance.ca.

dimanche 27 septembre 2009

Grève de la faim au centre de détention de Kirklarely (Turquie) - Hunger Strike in Kirklarely Detention Center (Turkey)

Déclaration de grève de la faim des réfugiés détenus au centre de détention de Kirklarely
Lors de la visite du Préfet de Kirklarely le dimanche 20 septembre 2009 au camp de détention, nous nous sommes mis en grève pour protester contre notre détention abusive en tant que personnes protégées par le Haut Commissariat aux Réfugiés. Certains d'entre nous ont porté plainte contre la Turquie qui veut nous expulser vers nos pays. Deux d'entre nous ont reçu l'acceptation de la Suède de nous recevoir en tant que réfugiés mais les autorités turques continuent de les retenir au camp sans justification et en toute illégalité.
C'est pour tout cela que nous sommes entrés en grève de la faim.
La première grève de la faim entreprise dans ce camp a été arrêtée le 14 juillet 2009 suite aux promesses des autorités turques de satisfaire nos revendications.
Nous demandons aux personnes actives dans les organisations des droits de l'homme d'interpeller les autorités turques, afin qu'elles nous libèrent de ce camp où nous vivons depuis plus d'un an et demi dans de mauvaises conditions et qu'elles nous trouvent un pays d'accueil.
Nous demandons que les responsables du Haut Commissariat aux réfugiés (UNHCR), interviennent auprès des autorités turques pour nous libérer, et qu'ils nous trouvent un pays d'accueil, comme il est stipulé dans leur mandat.
Nous demandons que les personnes qui ont été acceptées par la Suède puissent y aller immédiatement.
Nous avons commencé notre grève de la faim le 20 septembre 2009 et nous allons la continuer jusqu'à l'obtention de nos droits.
Kirklarely, le 21 septembre 2009
Les grévistes de la faim (avec le n° de leur recours à la Cour Européenne :
Saafi ben Fraj Dbouba : n° 15916/09
Mansour Edin Keshmiri no: 36370/08
Mahmood Shahi,
Personnes soutenant les grévistes dans le centre :
Latife Darya Navard, no: 12717/08
Mohammad Jaber Alipour, no:6909/08
Davood Bagheri, no: 33526/08
Parviz Ranjbar Shooredel, no: 43616/08
Zahra Nasiri Seighalan: n° 21896/08
Notre adresse : Gazi Osman pasa kamp ve Barindirma Merkezi Kowakli, Kirklarely, Turquie
Tél. n° : +905345945296 ; +905399707944

Statement of Hunger Strikers in Kirklarely Detention Center in Turkey :
We are refugees at Kirklarely detention center in Turkey.
This is our second hunger strike. Our first hunger strike was stopped on 14th July 2009 after promises from turkish authorities which never took place.
We require from people who care about human rights to put forward our requests to Turkish authorities and UNHCR Office in Ankara Turkey.
Our requests are :
1- we ask to be freed from this center and want to know why we have been kept in custody for more than 16 months.
2-we ask from turkish government to respect the human beings and human rights in our detention center.
3- we have an official protection from the UNHCR office in Turkey, so we ask this office to intervene to protect our rights as refugees in detention, and to fulfill its obligations to look for a country for our asylum.
We begin our hunger strike on Sunday 20th September 2009 until that these violations of our human rights will be stopped.
Kirklareli, 21th September 2009
Mansour Edin Keshmiri
Saafi ben Fraj Dbouba
Mahmood Shahi
Our address : Gazi Osman pasa kamp ve Barindirma Merkezi Kowakli Kirklarely, Turkey
Mobile Phones n° : +905345945296 ; +905399707944

jeudi 24 septembre 2009

Après Guantanamo

Un reportage de Hugo Plagnard et Saïd Bakhtaoui
Envoyé Spécial, France 2, 24/9/2009
En annonçant la fermeture de Guantanamo pour janvier 2010, quelques jours seulement après son investiture, Barack Obama avait-il mesuré l’ampleur de la tâche ? Pour comprendre ce casse-tête de l’après-Guantanamo, nous sommes allés à la rencontre de huit hommes, libres après avoir passé plusieurs années dans les geôles de l’armée américaine. Certains ont été reconnus innocents de tout lien avec Al Qaeda mais n’ont pu retourner dans leur pays d’origine et vivent aujourd’hui un terrible exil. D’autres ont été relâchés faute de preuves ou au terme de longues années de tractations diplomatico-sécuritaires devant s’assurer qu’ils ne rejoindraient pas les rangs d’Al Qaeda après leur libération. Ils sont français, chinois, saoudiens ou yéménites, mais ont tous en commun de devoir aujourd’hui reconstruire leur vie après avoir été suspectés de compter parmi "les pires terroristes" de la planète. Autant de parcours qui illustrent les difficultés auxquelles l’administration Obama fait face dans sa recherche de solution pour les 226 prisonniers encore détenus à Guantanamo.

dimanche 16 août 2009

Le procès le plus étrange de l'histoire de la justice marocaine

par Mohamed Sassi, Al Massae, 6/8/2009. Traduit par Tafsut Aït Baamrane, Tlaxcala
Original : أغــرب محاكمة في تاريخ القضاء المغربي

Le 27 juillet dernier, la cour spéciale antiterroriste de Rabat-Salé, au terme du long procès surréaliste du soi-disant « réseau Belliraj », a rendu un verdict incroyable mais attendu.
Le principal accusé, Abdelkader Belliraj a été condamné à la réclusion à perpétuité. Les six prisonniers politiques faisant partie des 35 accusés ont reçu les condamnations suivantes :
Mustapha Mouatassim et Mohamed Amine Regala, dirigeants du parti Al Badil Al Hadari (Alternative civilisationnelle), Mohamed Marouani, dirigeant du parti Oumma : 25 ans
Laabadla Maâ El Aïnine, du Parti Justice et Développement, et Abdelhafid Sriti, correspondant la chaîne de télévision Al Manar : 20 ans
Hamid Najibi, Parti socialiste unifié : 2 ans.
Voici un commentaire du juriste marocain Mohamd Sassi, publié par le quotidien marocain Al Massae . (Tlaxcala)


Le procès le plus étrange qu’ait connu le Maroc dans une période où le ministre de la Justice est le premier secrétaire de l’UFSP. Il n’était pas supposé porter atteinte à l’impartialité du juge mais plutôt créer une ambiance favorable à celle-ci.

Les deux conditions à remplir pour un juge ayant à rendre un verdict, où que ce soit dans le monde, sont la transparence et le caractère équitable du jugement au terme d’un procès où le débat contradictoire a été possible et où les droits des accusés ont été respectés. Toute personne, où qu’elle se trouve sur la planète, devrait pouvoir discuter un jugement et apprécier s’il a été rendu dans le respect des lois et des droits des accusés. C’est ce raisonnement qui a conduit les organisations de défense des droits humains les plus représentatives et les plus influentes à exprimer leur solidarité avec les six prisonniers politiques de l’affaire Belliraj.

Ces six hommes étaient connus pour leur engagement de longue date dans un travail politique pacifique et le choix de la violence fait autrefois par certaines organisations auxquelles certains d’entre eux ont appartenu fait partie d’un passé lointain et d’une histoire révolue. Cette évolution est de notoriété publique. Les affirmations du ministre l’Intérieur, selon lequel ces hommes auraient fait partie d’une cellule jihadiste armée n’ont jamais été étayées, elles ont été contradictoires et, pour tout dire, peu convaincantes pour quiconque réfléchit un tant soit peut. C’est pou ces raisons qu’un grand nombre de personnalités, d’organisations politiques et de la société civile ont pris et fait et cause pour les accusés et ont défendu les six prisonniers politiques. Le juge aurait du trouver d’autres éléments que les accusations sans fondement émanant du ministère de l’Intérieur, pour pouvoir convaincre l’opinion publique par des preuves concrètes.

Ceux et celles qui ont défendu Marouani, Mouatassim, Regala, Laabadla Maâ El Aïnine, Sriti et Najibi ne sont pas moins soucieux que le juge ou le ministre de la sécurité intérieure et de la paix domestique. Ils ne peuvent pas être moins intelligents et clairvoyants pour identifier les menaces contre la sécurité intérieure.

La version officielle a été présentée sous trois angles :
1°- Cette « organisation terroriste » aurait été fondée lors de la « rencontre de Tanger » de 1992, avec deux ailes, l’une politique –ce sera l’association « Al Badil Al Hadari » (Alternative civilisationnelle), fondée en 1995 et l’association Al Haraka Min Hajli El Oumma (Mouvement pour la Cause de la Nation), fondée en 1998, toutes deux confluant dans le parti Al Badil Al Hadari, créé en 2005 -, et l’aile militaire, chargée d’opérations terroristes avec armes à feu et explosifs, de l’assassinat de personnalités connues – ministres, responsables, officiers supérieurs et citoyens juifs -, de hold-up et de cambriolages pour se financer ;

2°- La police a dit avoir saisi des armes hautement sophistiquées que la « cellule » aurait introduit au Maroc, et ce serait là la preuve de l’extrême dangerosité de ces « terroristes » ;

3°- Cette « cellule » aurait commencé –ou essayé de commencer - à mettre en œuvre son programme : exemple : l’opération « Macro » (une tentative de hold-up). Elle aurait aussi essayé d’assassiner un citoyen juif marocain appelé Azemkot.

Seul point faible dans ce scénario : tout cela – Tanger, Macro, Azemkot – se serait passé avant la création de l’Instance Equité et Réconciliation et l’adoption de la législation antiterroriste. Or, la première a tourné définitivement la page du passé et de la violence d’avant 1999, et la seconde ne peut s’appliquer que rétroactivement. Pour surmonter ces failles dans le scénario, on a trouvé des explications comiques : ainsi le projet terroriste relève d’une criminalité chronique, récurrente de 1992 à 1996, en 2002, 2004 et 2005 – or, pendant toute cette période, le seul événement a été la tentative d’assassinat d’Azemkot ; quant aux armes qui auraient été introduites au compte-gouttes au Maroc , on a interprété les propos tenus par Mustapha Mouatassim à Redouane Khalidi, lors de l’enterrement, en 2004, du père du journaliste Hassan Moukdad –« Nous tiendrons ce que nous avons promis ».

Cette phrase, selon la vision officielle, est une preuve suffisante de ce que le projet terroriste était toujours en cours : pendant douze ans, les concepteurs de ce projet auraient « planifié soigneusement », sans jamais passer aux actes. Après les attentats du 16 mai 2003, Mouatassim et Regala ont été les premiers à descendre manifester sur l’avenue Mohamed V à Rabat pour manifester et dire non au terrorisme. Comment imaginer qu’une telle hypocrisie et une telle duplicité soient possibles chez des êtres humains, pendant une si longue période, qui auraient caché leur double jeu à toute monde, y compris leurs proches ?

Quand les avocats ont pu consulter les dossiers de l’accusation, la première infamie qu’ils ont trouvé, c’était que l’unique source ayant orienté l’enquête était le « président » de la « cellule Belliraj », évoqué dans un procès-verbal du 18 février 2008. Mouattasim et Regala ont été arrêtés sur cette seule base, au même moment où sortait l’information que les deux hommes étaient interdits de se rendre à l’étranger. Ces arrestations politiques se sont fondées sur les prétendus aveux de Belliraj. On a ensuite assisté à un feuilleton d’absurdités, d’où il ressort que Belliraj lui-même était une victime de la guerre des services [marocains et belges, NdT]. Les défenseurs des droits humains étaient, quant à eux, convaincus dès le départ, de l’innocence des six prisonniers politiques et que le dossier d’accusation était un tissu d’absurdités qui ne pouvait déboucher sur un procès équitable. Où sont les preuves fiables que les six étaient impliqués dans un projet terroriste ?

On ne nous a rien montré au procès, à part les armes présentées en vrac, comme des bibelots dans une brocante, sans qu’il soit possible pour le public et les observateurs de les regarder de près ou sur un grand écran. Il est indiscutable que des armes peuvent entrer au Maroc. En 1994, suite à l’opération « Atlas Isni » [attaque d’un hôtel de Marrakech, pour laquelle plusieurs Franco-Algériens et Franco-MArocains ont été condamnés à mort et attendent leur exécution à la prison de Kénitra, NdT], on a en effet débusqué des réseaux de trafiquants de drogue utilisant ce genre d’armes pour régler des comptes entre eux ou contre la Sûreté nationale. Il est possible que des armes achetées en Europe et destinées à alimenter la guerre civile dans l’Algérie voisine aient transité par le Maroc, mais comment affirmer la provenance et la destination des armes exhibées au procès Belliraj ? Aucun lien n’ pu être établi entre les accusés et ces armes.

En outre, les armes présentées au tribunal ne l’ont pas été dans les formes légales –presque toute la presse l’a noté – et on remarqué sur les photos que les armes d’abord présentées par la police à la presse puis au tribunal n’étaient pas les mêmes, ce qui n’est vraiment pas sérieux, comme tout le procès, mené par la justice avec un je-m’en-foutisme flagrant. Aucun des détails scabreux qui ont émaillé le procès n’ a suscité la moindre réaction du président de la cour, comme par exemple la confusion dans la date de création du groupe « Choix islamique » créée en 1981 et non pas, comme l’affirment les procès-verbaux, en 1992.

On a pratiqué des amalgames incroyables : ainsi, pour l’opération « Macro », les avocats des Six ont exposé au tribunal que d’autres accusés avaient déjà été convaincus de culpabilité et condamnés et que leurs clients n’avaient donc rien à voir avec cette affaire. Le dossier d’accusation du « réseau Belliraj » contenait des procès-verbaux qui étaient des copiés-collés de ceux du procès des vrais auteurs de l’opération « Macro », remontant à 1994. Cela a laissé le président de la cour imperturbable. De même lorsque Me Khalid Soufiani a demandé au président de lui montrer où, parmi les accusés, se trouvait le « Grand Blond avec des taches de rousseur » évoqué dans un procès-verbal. Ce « Grand Blond » venait tout droit des procès-verbaux d’enquête sur la tentative d’assassinat contre Azemkot, que les policiers s’étaient contentés de reverser au dossier Belliraj…

Ces procès-verbaux falsifiés auraient du normalement conduire à une nullité de procédure mais il n’en a rien été. La cour a rejeté toutes les requêtes en nullité présentée par les défenseurs comme elle refusé d’entendre des témoins comme le professeur Harazni [président du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme, ancien militant d’extrême--gauche détenu sous Hassan II, aujourd’hui membre du PPS, gauche modérée, NdT], qui avait déclaré devant des millions de téléspectateurs marocains que Mouatassim l’avait prévenu qu’il avait eu vent que des armes avaient pénétré au Maroc et qu’il avait transmis l’information à qui de droit.

Y a-t-il un tribunal au monde qui puisse prétendre qu’un témoignage comme celui d’El Harazni n’aurait pas été essentiel ici et de nature à changer l’issue du procès ? Et comment un procès pouvait-il être équitable alors qu’on refusait de donner la parole à des personnalités, associatives et officielles, défenseurs des droits humains, hommes politiques ou représentants de la société civile marocaine, dont Sion Assidon [ancien prisonnier politique, sous Hassan II, détenu à Kénitra, NdT]. Ce dernier s’était présenté au tribunal, demandant à témoigner sur les accusés, qu’il connaissait bien. Devant le refus de la cour de l’entendre, il a du rédiger un témoignage écrit.

Comment ce procès pouvait-il être équitable, quand la cour a refusé d’examiner le passeport de Laabadla, où il apparaît qu’il n’avait pas quitté le territoire national, alors qu’il était accusé de s’être rendu en Belgique ?

Comment ce procès pouvait-il être équitable alors qu’on a refusé d’entendre les six accusés sur les tortures subies pendant leur détention, de la part de tortionnaires dont ils connaissaient même l’identité ?
Comment ce procès pouvait-il être équitable alors que le président de la cour déclarait qu’il n’avait pas d’opinion sur la présence de caméras dans l’enceinte du tribunal alors que celle-ci relevait théoriquement de son autorité ?

Et comment ce procès pouvait-il être équitable alors que les avocats ont vécu des galères qu’ils n’avaient jamais connu dans leur carrière ? Comme par exemple la quasi-impossibilité de rencontrer leurs clients et de consulter leurs dossiers d’accusation ?
Est-ce que la télévision publique marocaine peut aire une émission spéciale pour interroger ces avocats sur cet étrange procès ?

Deux éléments provoquent la douleur : ce procès le plus étrange dans l’histoire judiciaire du Maroc s’est déroulé ici et maintenant [et pas à une époque reculée, NdT], alors que c’est le premier Secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires qui est ministre de la Justice. Il n’était pas supposé porter atteinte à l’impartialité du juge mais plutôt créer une ambiance favorable à celle-ci.

samedi 15 août 2009

Pardon pour ce film

par Slimane Hadjar, 10/8/2009



J'ai participé à un film qui traite d'islam, de guerre et de politique, je tiens donc à m'excuser auprès des spectateurs, des croyants et des musulmans en particulier qui se sont sentis mal à l'aise à l'issue de ce film pour différentes raisons. Je m'explique.

L'aveuglement dont fait preuve la majorité des comédiens qui débutent et qui veulent à tout prix entrer dans le cercle très fermé des acteurs « qui travaillent » ne leur permet pas à priori de s'interroger sur le contenu d'un scénario, et c'est d'autant plus vrai lorsque l'on vous propose un premier rôle et de surcroît très bien payé.
Décrocher le rôle de Chérif dans
Djihad de Félix Olivier (Canal Plus) m'avait rempli de joie. C’était mon premier rôle principal. J'étais trop content ! Après de longues années d’auditions, de doutes, d’incertitudes, enfin ! Incroyable ! Ajoutez à cela le fait d’avoir coiffé au poteau une centaine de comédiens aux auditions et de jouer avec des acteurs connus et les conditions sont réunies pour que l'aspect politique du film et ses intentions ne fassent plus partie de vos préoccupations. Enfin, un petit peu mais le train était déjà en marche.
Nous avons tourné une bonne partie du film au Moyen-Orient dans les villes arabes comme Jaffa ou Akka et Allah l'Unique m'a permis de visiter Jérusalem le « berceau des religions », une ville magnifique et tout particulièrement l’Esplanade des mosquées (Haram al-Sharif) où j’ai eu le privilège de prier la prière du vendredi à la mosquée sacrée d'Al- Aqsa (Masjid Al-Aqsa), troisième lieu saint de l’islam après Médine et La Mecque. Je souhaite à tout croyant de visiter un jour ce lieu sacré qui laisse un souvenir impérissable. C’est pour moi le seul souvenir positif de cette expérience, outre le fait d’avoir goûté à ce que je voulais faire depuis des années, maintenant que c’est fait je peux passer à autre chose.
J’ai découvert de cette manière ce qu'on ne vous enseigne pas en fac de cinéma ou dans les conservatoires de théâtre ; le code de bonne conduite : l'hypocrisie, l'orgueil, l'immodestie, les faux semblants, le pathétisme etc. La course à la reconnaissance et aux richesses finit forcément par vous déconnecter du monde réel et vous plonge dans les bas-fonds de quelque chose que vous ne soupçonniez pas. Un autre « délire » quoi, la simplicité et la sincérité en moins.
C'est aussi la période de ma vie où paradoxalement j'ai été le plus triste, allant même jusqu'à regretter la période ou j'étais vendeur de chaussures à Usine Center pour environ 450 euros le mois et à plus de d'une heure trente de trajet de chez moi. Comment expliquer ce sentiment ? En Islam, en parle de « baraka », de bénédiction. Ce peu d'argent aussi minime soit-il me contentait. Je m'en rends compte aujourd'hui. Depuis, j'ai enchaîné avec d'autres films mais ce n'était plus du tout comme avant. C'est toujours comme ça, les meilleurs moments sont toujours ceux ou l’on désire les choses puis quand on les obtient...
Et il y a surtout le sujet du film et l'objet même de mon mea culpa. L'Islam. L'Islam dans le double téléfilm Djihad est encore associé au terrorisme où les musulmans sont des êtres manipulables et violents. Si ces personnages montrés à l'écran existent ou ont existé, est-il nécessaire de représenter une infime minorité pour convaincre une majorité que l'islam c'est « ça », une religion venue d'ailleurs qu'on associe aux armes à feu, aux explosions et aux kamikazes?
Le film montre aussi le fantasme de l'endoctrinement des jeunes de banlieue totalement écervelés en proie à l'éclatement de la cellule familiale et au deal de la cité qui vont combattre pour « l'amour de Dieu ». Pourquoi ne montre-t-on pas les musulmans qui combattent pour la paix, l’amour, la tolérance dans leur quotidien ?
Dans un passage du film, j'avais demandé à la production qu’il serait judicieux que mon personnage, qui va combattre en Irak, ne tue personne et se retrouve embarqué à Guantanamo par accident, pour être en accord avec la réalité où la plupart des prisonniers détenus sur la base américaine étaient innocents. Ce changement n'a pu être possible. L’incarcération de Chérif à Guantanamo Bay devait être en quelque sorte justifiée. Sauf que la réalité dépasse la fiction, la justice française a relaxé les cinq Français présents là-bas, ces mêmes Français présumés coupables.
Je regrette sincèrement et profondément d'avoir participé à une œuvre qui ne reflète pas la vraie nature de l'Islam mais plutôt son fantasme et ses peurs. Je n'ai pas le pouvoir de revenir en arrière, bien que ce film ait changé ma vie (...), je m'excuse donc et demande pardon auprès des spectateurs en général et des musulmans en particulier que j'ai pu offenser. Pour s’intéresser à l'Islam il faut se pencher directement sur le Saint Coran et sa science, pas sur l'amas d'idées reçues véhiculées ici et là.
Je ne crache sur personne, je m'excuse juste en mon nom propre pour ma participation à quelque chose qui même si fondamentalement n'atteint pas l'Islam, ne lui fait pas du bien. Idem pour mes participations précédentes, je m'excuse si cela a atteint des personnes car ce n'était pas mon intention. Je ne veux pas me retrouver parmi ceux qui ont vendu leur religion à vil prix car c'est aujourd'hui la chose la plus importante à mes yeux. Une des conditions du repentir sincère en islam c'est de demander pardon aux personnes à qui l'on a fait du mal ou du tort et Allah m'en est témoin via cette lettre.
A tout ceux qui ne comprennent pas ma soudaine envie d'arrêter le cinéma et mon intérêt pour l'Islam alors je répondrai que l'important c'est que je me comprenne moi-même. Ce film a été diffusé dans plusieurs pays du monde, notamment dans les pays du Maghreb, en espérant que mes excuses atteignent les personnes qui se sont senties mal à l’aise ou offensées, au-delà des frontières. Merci d'avance de véhiculer ce message, insignifiant pour les gens mais très important pour moi.
Faites des du'aas, (invocations) pour moi dans vos prières. Merci d’avance.
Qu'Allah l'Unique me pardonne. Amin.
Salam Aleykoum (Paix sur vous).
Slimane Hadjar
Contact :
slimanehadjar@hotmail.fr

dimanche 9 août 2009

Sami El Haj fonde le Guantánamo Justice Centre



Nous avons eu le privilège de rencontrer, le 29 juillet 2009, Sami al-Haj (1), ce journaliste et cameraman d’Al Jazeera emprisonné durant plus de 6 ans à Guantánamo, qui était de passage à Genève. Il a annoncé, à cette occasion, la création de l’Organisation humanitaire « Centre Guantánamo pour la justice », (Guantánamo Justice Centre) qu’il préside, et dont le siège sera basé à Londres, comme il le dira dans la conférence de presse qu’il tiendra le 30 juillet dans cette capitale. Cette ONG sera dirigée par l’ancien détenu britannique Moazzam Begg en qualité de Secrétaire général et aura une représentation à Genève et à Paris.

Pourquoi cette nouvelle ONG ?

Le « Centre Guantánamo pour la justice », a pour objectif d’obtenir la fermeture de Guantánamo, la libération de tous les prisonniers qui y sont encore détenus, et la reconnaissance de leur innocence et des abus que l’administration des États-Unis leur a fait subir. Elle a également pour objectif d’obtenir réparation pour les dommages financiers et moraux subis par les anciens détenus et de leur apporter un soutien psychologique.

Parallèlement, cette ONG se prépare à lancer, avec d’anciens détenus de Guantánamo,, une « action légale conjointe » (joint legal action) contre l’ancien président George W. Bush et d’autres membres de son administration pour les détentions illégales et les tortures subies.

À ce sujet, Sami El Haj [1] précise : « Le but de notre organisation est d’ouvrir une action en justice contre l’administration Bush. Nous sommes en train de collecter des informations, notamment des attestations médicales, auprès de tous ceux qui en détiennent. Cela prend du temps. »

Mais dans l’immédiat, il y a selon Sami El Haj la nécessité d’apporter une aide matérielle et un soutien moral à toutes ces victimes laissées sans solutions, qui ont cru en janvier aux promesses d’Obama et ont pensé que leur sort s’améliorerait :

« Obama avait promis de supprimer les commissions militaires, mais il a battu en retraite en disant que les commissions militaires seraient maintenus avec quelques changements. Il avait promis de rendre publiques les photos des sévices exercés sur les prisonniers des deux guerres en cours, en Irak et en Afghanistan, mais il s’est ravisé en disant que cela porterait préjudice à l’image des États-Unis. Il avait dit qu’il traduirait en justice ceux qui s’étaient rendus coupables de tortures, mais là aussi il a reculé.

Et nous avons maintenant la preuve [
2] que les tortures n’ont jamais cessé à Guantánamo (projections contre des murs privations de sommeil et de nourriture, waterboarding et autres techniques dites « d’interrogatoire poussé », nda).

Obama n’a pas tenu ses promesses. Nous aurions besoin qu’il tienne au moins celle de fermer Guantanamo. Nous croyons qu’il le fera. Mais la question n’est pas seulement celle de la fermeture. Le problème le plus difficile est devant nous.

Il y avait environ 256 prisonniers à Guantánamo quand Obama est arrivé au pouvoir. Aujourd’hui, plus de six mois après sa promesse de fermer cette prison dans un délai d’une année, elle héberge encore 229 détenus. C’est-à-dire qu’en six mois, seuls 27 détenus ont été libérés. Ce faible nombre de détenus libérés nous effraie.

L’administration US va-t-elle libérer les 229 détenus qui se trouvent encore à Guantánamo ? J’en doute. Parce que nous avons des informations fiables, de gens qui vivent sur place, selon lesquelles les États-Unis sont en train de construire un camp de prisonniers à Bagram, en Afghanistan. Et ce camp serait destiné à y enfermer des prisonniers transférés de Guantánamo.

Cela indique que le problème ne sera pas résolu par la simple fermeture de Guantánamo ; il ne sera résolu que quand les détenus libérés auront recouvré leur entière liberté. Et c’est dans ce but, pour aider ces détenus, que notre organisation dénommée « Centre Guantánamo pour la justice », (Guantánamo Justice Centre) va travailler.

L’administration Obama affirme : "personne ne coopère avec nous, personne ne nous aide à fermer Guantánamo". Je ne pense pas que cela corresponde aux faits. Cela dit, la libération des prisonniers implique qu’ils puissent obtenir une aide à leur sortie. Par exemple, sur les 229 détenus encore à Guantánamo, beaucoup sont Yéménites, et jusqu’ici le Yémen n’a pas réglé les choses avec les États-Unis pour accueillir ses ressortissants.

Pour les quelque 500 détenus qui ont déjà été libérés, leurs souffrances ne sont de loin pas terminées une fois de retour chez eux. Ils se heurtent à des difficultés d’insertion du fait qu’ils sont étiquetés comme "terroristes", laissés sans aucun soin, alors qu’ils ont des traumatismes et ont besoin de soutien psychologique.

C’est pour toutes les raisons indiquées que nous avons créé cette organisation humanitaire, pour rappeler au monde que ces prisonniers de Guantánamo sont innocents et qu’il faut les aider, que Guantánamo était une erreur des États-Unis et qu’il leur revient de résoudre ce grave problème.
»

[1] Voir : « Sami El Haj, journaliste d’Al-Jazira, témoigne », par Silvia Cattori, Réseau Voltaire, 18 juillet 2008. En présence de Sami El Haj, on a peine à croire que des êtres aussi exquis aient pu être associés au « terrorisme », enfermés dans des cages, soumis à des sévices inimaginables, sous prétexte qu’ils menaçaient nos sociétés.
[2] Sami El Haj a pu recueillir le témoignage d’un détenu avec lequel il a pu communiquer récemment par téléphone à Guantanamo.

mercredi 5 août 2009

Sauvez mon mari, S'il vous plaît !

Lettre ouverte d''Angela Toumi à MM. José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne et Terry Davis, Secrétaire Général du Conseil de l'Europe
Bolzano, Italie, 5 août 2009

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Je vous adresse un appel urgent afin de vous exprimer ma plus grande inquiétude sur le sort de mon mari Ali Toumi porté disparu depuis que l'avion que les autorités italiennes l'ont forcé à prendre a atteRri à Tunis-Carthage le 2 août 2009 à 19H30 heure locale.
Depuis ce moment, personne ne sait où il se trouve. Je crains fort qu'il soit actuellement détenu dans les locaux du ministère de l'Intérieur où la pratique de la torture a été évoquée par de nombreuses ONG tunisiennes et internationales, et reconnue par la Cour européenne des droits de l'homme dans son jugement rendu en faveur d'un autre Tunisien, Nassim Saadi, menacé d'expulsion en Tunisie par l'Italie.
Je vous demanderais de bien vouloir intervenir en urgence auprès des autorités tunisiennes afin qu'elles nous informent sur le sort de mon mari, qu'elles permettent que son avocat Maître Samir Ben Amor puisse lui rendre visite et qu'il soit examiné par un médecin désigné par sa famille.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait que mon mari a été expulsé en Tunisie malgré une décision de la Cour européenne des droits de l'homme qui s'est opposée à cette mesure du fait qu'elle constitue une menace pour la vie de mon mari, et contreviendrait à la Convention européenne des droits de l'homme non seulement en mettant en péril la vie d'un être humain, mais aussi en arrachant mon mari à l'affection de ses trois enfants en bas âge et en brisant toute une famille.
Je tiens l'Union européenne pour responsable de cette tragédie que je vis depuis dimanche dernier, et de ce qui pourrait arriver à mon mari, et je l'exhorte à prendre ses responsabilités en matière de la protection des citoyens qui vivent dans l'Union européenne et qui font confiance à ses institutions. Je vous demanderais de dénoncer publiquement les agissements inadmissibles de mon pays l'Italie, et d'agir dans l'urgence afin de sauver mon mari et de le rendre à sa famille en Italie pour qu'il y vive en paix comme tous les autres citoyens vivant en Europe et sous sa protection.
Veuillez agréer, Messieurs le Président, et le Secrétaire Général, l'expression de mes salutations les plus respectueuses
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AMNESTY INTERNATIONAL
URGENT ACTION
TUNISIAN DETAINED AFTER FORCIBLE RETURN

Tunisian national Ali Ben Sassi Toumi has been held incommunicado since being forcibly returned from Italy on 2 August. His relatives have not been informed of his whereabouts, and he is at risk of torture and other ill-treatment.
Ali Ben Sassi Toumi, aged 44, was arrested at the airport in the Tunisian capital, Tunis, following his forcible return from Italy. He sent an SMS (text) message to his wife in Italy to say that he had arrived, but he did not meet a friend who was waiting for him at the airport, and his family has not heard from him since. He is believed to be held at the Department of State Security (DSS) of the Ministry of Interior in Tunis. Detainees held incommunicado there are at risk of torture and other ill-treatment.
The Tunisian authorities have not informed any of Ali Ben Sassi Toumi’s immediate relatives in Tunisia about the reasons for and place of his detention, as required under Tunisian law, despite inquiries from his lawyer.
Ali Ben Sassi Toumi was released from prison in Benevento, Italy, on 18 May, after serving four years of a six-year sentence on charges of belonging to a terrorist cell in Italy and recruiting fighters for the insurgency in Iraq. He applied for asylum in Italy, but his claim was rejected on the basis that he had been convicted of committing a “serious crime”. He had been held in an immigration detention centre known as an Identification and Expulsion Centre (Centro di identificazione ed espulsione) in Isola di Capo Rizzuto in the Province of Crotone, south-east Italy, since his release from prison. He was forcibly returned despite the European Court of Human Rights calling three times on the Italian authorities to stay the deportation, on the grounds that he was at risk of torture and other ill-treatment in Tunisia.
PLEASE WRITE IMMEDIATELY in English, Arabic or your own language:
- urging the authorities to disclose Ali Ben Sassi Toumi’s whereabouts immediately, and give him access to a lawyer of his choice, his family and any medical attention he may require;
- urging them to ensure that he is not tortured or otherwise ill-treated;
- urging them to release Ali Ben Sassi Toumi immediately and unconditionally, unless he is promptly charged with a recognizably criminal offence and brought to trial in proceedings that meet international standards for fair trial.

PLEASE SEND APPEALS BEFORE 16 SEPTEMBER 2009 TO:
Minster of Interior
Rafik Haj Kacem
Ministry of Interior
Avenue Habib Bourguiba
1000 Tunis
Tunisia
Fax: + 216 71 340 888
Salutation: Your Excellency

Minister of Justice and Human Rights
Béchir Tekkari
Ministry of Justice and Human Rights
31 Boulevard Bab Benat
1006 Tunis - La Kasbah
Tunisia
Fax: + 216 71 568 106
Salutation: Your Excellency

And copies to:
Ridha Khemakhem
General Coordinator for Human Rights
Ministry of Justice and Human Rights
31 Boulevard Bab Benat
1006 Tunis - La Kasbah
Tunisia
Salutation: Dear Sir

Also send copies to diplomatic representatives accredited to your country. Please check with your section office if sending appeals after the above date.
URGENT ACTION
TUNISIAN DETAINED AFTER FORCIBLE RETURN

Additional Information
Over the years, Amnesty International has received numerous reports of torture and other ill-treatment by the Tunisian security forces. In virtually all cases, allegations of torture are not investigated and the perpetrators are not brought to justice. Individuals are most at risk of torture when in incommunicado detention. The most commonly reported methods of torture are beatings on the body, especially the soles of the feet; suspension by the ankles or in contorted positions; electric shocks; and burning with cigarettes. There are also reports of mock executions, sexual abuse, including rape with bottles and sticks, and threats of sexual abuse of female relatives.
As a state party to the Convention against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment, Tunisia is under an obligation to prevent torture and to “ensure that its competent authorities proceed to a prompt and impartial investigation, wherever there is reasonable ground to believe that an act of torture has been committed in any territory under its jurisdiction”.
UA: 210/09 Index: MDE 30/009/2009 Issue Date: 05 August 2009
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URGENT : Arrêtez immédiatement l'expulsion d'Ali Toumi en Tunisie!
par Maître Barbara Manara,Avocate de Ali Toumi, Milan, 2/8/2009, 17h45
Je lance à travers les médias internationaux un appel urgent à M. Terry Davis, Secrétaire Général du Conseil de l'Europe d'intervenir à nouveau auprès des autorités italiennes pour arrêter l'expulsion d'Ali Toumi
Ali Toumi, Tunisien, condamné en Italie pour appartenance à association « terroriste » vient d'être transféré à la Préfecture de Rome pour identification avant d'être embarqué très probablement sur le vol TU853 de 19.15h à destination de Tunis.
La Garde Nationale tunisienne a informé hier le père de Ali Toumi que celui-ci arriverait à Tunis aujourd'hui dimanche et elle lui a demandé de rester tranquille.
Hier quand Ali Toumi, marié à une Italienne et père de trois enfants en bas âge, a su qu'il allait être emmené, il a réussi à monter sur le toît du centre où il est détenu à Crotone et a menacé de se suicider si on le forçait à l'expulsion. A 5.30h ce matin, il s'est rendu aux forces de l'ordre après que les autorités italiennes lui eurent promis de ne pas l'expulser, mais ils l'ont emmené à la Préfecture de Rome avant son embarquement qui est maintenant imminent.
La Cour européenne est internvenue à trois reprises les 18, 19 mai 09, et le 24 juillet 09 auprès de l'Italie pour empêcher l'expulsion, mais finalement, le Ministre de l'Intérieur en a décidé autrement.
A l'heure actuelle il est encore temps d'agir pour empêcher l'expulsion d'Ali Toumi qui est attendu par la police tunisienne pour être interrogé par le Ministère de l'Intérieur tunisien et on craint qu'il soit torturé.
J'appelle les ONG et les hommes politiques à sauver Ali Toumi en exigeant du Ministre de l'Intérieur italien l'arrêt immédiat de son expulsion et le respect de la décision de la Cour européenne.

dimanche 19 juillet 2009

Guantanamo, le dilemme yéménite

par François-Xavier Trégan, Le Monde, 18/7/2009
La scène se passait il y a quelques mois au Sheba, un grand hôtel international de Sanaa. Les familles des prisonniers yéménites de Guantanamo s'étaient réunies pour dénoncer le maintien de leurs proches en détention. Etranges circonstances, qui plaçaient ce jour-là en quasi vis-à-vis des jeunes femmes légèrement vêtues, concentrées à capter le soleil sur les margelles de la piscine, et un cortège d'anciens djihadistes manifestement gênés. Le frère de Ramzi Bin Sheiba, l'un des cerveaux présumés des attaques du 11 septembre 2001, se faisait alors pédagogue : "Laissez-moi vous dire une chose, mon ami, les plus riches partent en premier et le Yémen est un pays pauvre ; alors nous sommes en fin de liste", nous expliquait-il.

L'approche purement arithmétique de la question des Yéménites de Guantanamo est sans appel : ils y sont plus de 90, parmi les 230 détenus de la prison américaine. Moins de 30 sont rentrés au pays alors qu'il ne resterait plus que 13 Saoudiens sur un total initial de 139.

Quel que soit leur curriculum vitae, élèves d'écoles religieuses au Pakistan, en Afghanistan, ou soutiens actifs du terrorisme, Sanaa demande leur retour afin d'appliquer à chacun les mesures adéquates : réinsertion, procès. Mais cette demande intervient en même temps qu'un regain d'activité des islamistes au Yémen.

Al-Qaida a annoncé y avoir établi une nouvelle branche pour frapper, indifféremment, les pays de la péninsule arabique. L'un de ses derniers messages vidéo, diffusé sur Internet, mettait en scène les quatre figures de cette nouvelle ossature. Deux anciens prisonniers de Guantanamo, ex-pensionnaires du programme de réinsertion saoudien, apparaissent assis en tailleur, kalachnikov en bandoulière. Le verbe haut, ils appellent à tour de rôle à la mobilisation générale. Al-Qaida revendique le recrutement de 300 jeunes Yéménites partis faire le djihad au cours de l'année 2008. Plus de 60 ex-détenus de Guantanamo auraient repris les armes.

Le Yémen multiplie donc les actions et les effets d'annonce, avec la volonté de convaincre les Etats-Unis de son sérieux sur le terrain de la lutte antiterroriste. La mission n'est pas simple. Car Sanaa a été pointée du doigt par Washington à plusieurs reprises, pour sa gestion jugée trop molle de certains cas. Dont celui de Jamal Al-Badawi, l'un des acteurs présumés de l'attentat contre le destroyer USS-Cole, qui avait fait 17 morts en octobre 2000 dans la rade d'Aden.. Après une évasion rocambolesque de la prison de haute sécurité de Sanaa, en février 2006, l'homme s'était finalement rendu à la police en octobre 2007. Depuis, un bras de fer est engagé entre le Yémen et les Etats-Unis pour son extradition.

Par le passé, le gouvernement a ouvertement privilégié le dialogue et la médiation avec les anciens membres d'Al-Qaida. Une méthode assimilée par beaucoup à de la faiblesse, pour ne pas dire de la connivence. Alors, aujourd'hui, les unités antiterroristes n'hésitent plus à lancer généreusement leurs filets dans les milieux islamistes présumés de la capitale, quitte à engorger les prisons de bien inoffensifs citoyens. C'est d'un air déterminé que le président Ali Abdallah Saleh nous assure pouvoir détourner "les prisonniers de Guantanamo de la violence et de l'extrémisme".

"Réinsertion, rééducation, intégration sociale." Voici donc la devise des officiels depuis plusieurs semaines. Des mots d'ordre mis en pratique bien avant l'épineux dossier de Guantanamo. Dès septembre 2002, un programme de "dialogue religieux" a été institué, afin d'insérer les acteurs les plus violents de la scène islamiste dans le giron de l'islam tolérant et pacifique. Le juge Hittar, ministre des affaires religieuses, porte fièrement ce programme. Il revendique 98 % de succès. Il est aujourd'hui l'un des promoteurs du centre de réinsertion réservé aux anciens de Guantanamo, un centre qui "n'existe pas encore, admet-il, mais qui fonctionnera une fois les Yéménites revenus".

Le volet théorique du programme, explique le ministre, porte sur le dialogue, "pour essayer de parvenir à une convergence entre les différents points de vue, supprimer les idées fausses et corriger les notions erronées". Quant au volet pratique, il concerne "la réintégration des détenus dans la société".

Concrètement, des imams seront chargés de démonter le discours du djihadisme armé, qui puise dans l'ignorance et la pauvreté. Puis les autorités suivront pas à pas le retour à la société de ces ex-combattants ennemis, en facilitant leur accès au travail et au logement.

La force du discours et de la parole, tel est donc le pari tenté par Sanaa. Et pour de nombreuses personnalités de la scène religieuse yéménite, cette approche peut en effet permettre de détourner les plus jeunes du terrorisme. Le cheikh Omar Ben Hafiz - "Habib Omar" comme l'appellent avec respect ses disciples - est un homme d'influence dans la région ; au moment où nous le rencontrons, il est à peine rentré des Comores que dans quelques heures il s'envolera pour Djeddah, en Arabie saoudite. "Habib Omar" n'est pas uniquement le responsable respecté de l'une des principales écoles religieuses au Yémen, à Tarim, dans la province orientale du pays. Il est pour beaucoup un modèle, qui diffuse avec l'autorité du sage la pensée soufie de tolérance. La prière du soir achevée, le cheikh s'installe, entouré de disciples, un châle vert largement déployé sur les épaules. "De nombreux jeunes musulmans vivent un malentendu ou ont une vision fausse de la religion, dit-il. Le dialogue et la clarification sont les moyens que les prophètes ont mis en oeuvre pour expliquer la religion. Quand on leur révèle la réalité, alors beaucoup d'entre eux se dégagent de ces malentendus."

Khaled Al-Anissi, le directeur de Hood, une importante ONG de défense des droits de l'homme, ne cherche pas ses mots pour qualifier le concept de réinsertion conçu par le gouvernement. "Ce sera un centre de détention, pas de réinsertion, une sorte de petit Guantanamo, rien de plus, affirme avec un brin de malice celui qui se tient aux côtés des familles de prisonniers depuis le début. La démarche est avant tout sécuritaire. Or, il faut qu'il y ait un dialogue dans un espace de liberté, sans pression." M. Anissi ne croit pas au retour au pays de cette petite centaine de prisonniers yéménites, mais bien à leur transfert vers d'autres pays, dont l'Arabie saoudite. Une voie que privilégie ouvertement l'administration américaine du président Obama.

Mohammad Omar attend son frère depuis six ans. Depuis six ans, sa mère n'a pas quitté le périmètre de la maison familiale, à Sanaa, de peur d'être absente au moment du retour de son jeune fils. Il y a un an jour pour jour, il nous confiait ses peurs. Aujourd'hui, "on a de l'espoir, dit-il. Toute la question est de savoir comment libérer les prisonniers tout en sauvant la face pour les Etats-Unis". Quant au centre de réinsertion, "il ne faut pas le chercher très loin. Il est à la maison, c'est la famille. J'ai déjà loué un appartement pour mon frère. Je l'aiderai pour un travail, pour un mariage, je lui donnerai de l'argent". Que lui dira-t-il à son retour ? "Je lui dirai : "Sois le bienvenu, nous avons confiance en toi, tu feras quelque chose de bien de ta vie, pour la société et ta famille"."

Nasser Al-Bahri, dit Abou Jandal, "le tueur", reçoit dans son modeste appartement, à proximité de l'ambassade américaine. Cet ancien garde du corps d'Oussama Ben Laden a 37 ans et quatre conflits à son actif - Bosnie, Somalie, Tadjikistan et Afghanistan. Les combattants, il les connaît. La réinsertion sociale, il l'attend toujours. Il est sans emploi et sans illusions sur les maux qui rongent le Yémen. Il arpentait les couloirs du Salon du livre de Sanaa lors de l'attaque contre l'USS-Cole. Son profil lui a valu vingt et un mois d'emprisonnement. L'ancien homme de confiance de Ben Laden dénonce d'un débit rapide les opportunistes et les orateurs qui, "à coups de discours, de films de propagande et de séances de qat", embrigadent les plus jeunes au Yémen. Et le programme du juge Hittar, dont il est un ancien élève ?

"J'ai vraiment beaucoup de respect pour lui, débute prudemment Bahri, mais quand je suis sorti de prison, on ne m'a rien proposé. Les gens viennent dans les prisons et vous font signer un papier pour vous faire renoncer à la violence, ils vous font un discours et c'est tout. Ils donnent un peu d'argent au moment du ramadan ou d'un mariage. Mais les conditions des jeunes sont très difficiles ici. Alors si quelqu'un a été réhabilité, montrez-le moi, qu'il devienne un exemple !"

L'homme est assez pessimiste pour monter son propre centre consacré au djihadisme, mais "le djihad des origines, celui qui oeuvre pour l'accomplissement de soi et des autres, via le dialogue". Il mise sur la formation professionnelle pour détourner les plus fragiles des armes et des concepts erronés. Il revendique le soutien des autorités, mais un soutien discret : accompagner l'ancien membre d'Al-Qaida dans son nouvel itinéraire pourrait paraître paradoxal.

Le débat sur le retour des prisonniers yéménites de Guantanamo est bien ouvert. Mais il dépasse de loin la seule question de la prison américaine. Le terrorisme obéit aux lois de "l'offre et de la demande", rappelle, sous couvert d'anonymat, un proche du palais présidentiel : "C'est un business comme un autre. Nous devons nous attaquer à la question de l'ignorance et de la pauvreté qui poussent les jeunes à devenir des combattants. Sinon, je crains le pire pour les générations futures, pour mon pays."

mercredi 15 juillet 2009

Fin de la grève de la faim à Kirklareli, mais...

Fin de la grève de la faim de Saafi Dbouba à son 44ème jour, avec Mansour Edin Keshmiri et Mahmood Shahi
Les autorités turques se sont engagées à améliorer les conditions de détention
Mais le plus important reste sans réponse : les conditions de libération des détenus du Gantanamo turc de Kirklareli
par le CCTE, Paris, 15/7/2009
Nous venons d'apprendre que les grévistes de la faim : Saafi Dbouba (44 jours de GF), Mansour Edin Keshmiri et Mahmood Shahi (15 jours de GF) ont cessé leur mouvement en ce mardi 14 juillet 2009 après la visite que leur a rendue Mr. Mehmet Behzat Cambazoglu, Chef de Sûreté du district de Kirklareli, qui a reconnu que les conditions de détention au Centre de Kirklareli n'étaient pas aux normes et il a agi immédiatement en permettant aux détenus (au nombre d'environ 25) de pouvoir sortir de leurs chambres de 9h du matin à 9h du soir. Il leur a promis de changer le personnel dont les détenus se sont plaints. Il a promis d'améliorer les conditions d'hygiène et de nourriture.
C'est donc une avancée substantielle que les grévistes ont fini par arracher, et qui a motivé leur décision de mettre fin à leur mouvement de grève de la faim.
Néanmoins, un autre chapitre non moins important de leurs revendications reste encore sans solution : Mr Mehmet Behzat Cambazoglu a refusé de leur donner des engagements au sujet de leur sortie du Centre où la plupart sont détenus depuis plus d'un an et sans motif déclaré.
C'est donc une avancée toute relative qu'on vient d'enregistrer, mais qui nous motive pour redoubler nos efforts pour qu'une solution soit trouvée aux détenus du Gantanamo turc de Kirklareli.
Nous en appelons à la mobilisation d'Amnesty International, de HRW, de l'OMCT, de l'ACAT afin de soulever au niveau politique européen et onusien le problème des Gantanamo européens non seulement en Turquie mais aussi en Italie, en Espagne, en France et dans bien d'autres pays européens qui se revendiquent encore de l'Etat de droit : il est urgent de démanteler les Gantanamo et les pratiques d'un autre âge.
mondher.sfar@club-internet.fr

lundi 13 juillet 2009

Grève de la faim dans un guantánamo turc

Quarantième jour de grève de la faim de Saafi Dbouba, Tunisien,
détenu en Turquie au centre de Kirklareli
Deux Iraniens se sont joints à cette grève de la faim depuis dix jours : Mansour Edin Keshmiri (52 ans) et Mahmood Shahi (greffé du rein)
par CCTE, Paris, 11/7/2009
Nous alertons l'opinion internationale sur le sort de nombreux détenus dans le Gantanamo de Kirklareli en Turquie, détenus sans raison, jugés et innocentés par la justice turque, mais sous la menace d'expulsion dans leurs pays. Certains d'entre eux sont sous la protection de l'UNHCR, mais rien n'est fait pour les arracher de leur détention dans des conditions inhumaines et dégradantes.
Le Tunisien Saafi Dbouba est aujourd'hui à son quarantième jour de grève de la faim pour protester contre les conditions de sa détention et se bat pour sortir de cette prison.
M Dbouba, 42 ans, a été membre d'Ennahda depuis 1986. Il a fui son pays en 1992, pour s'installer en Turquie depuis 1996, sans papiers. En juin 2007, il fut arrêté avec de nombreux turcs tous accusés d'appartenance à al Quaida. En janvier 2008, ils sont tous relâchés sauf M. Dbouba, à cause de sa nationalité tunisienne, et menacé d'expulsion. Le CCTE a porté plainte auprès de la Cour Européenne, qui a immédiatement joint au Gouvernement turc de geler toute mesure d'expulsion en Tunisie. Mais cette situation qui dure depuis un an et demi risque de perdurer à l'infini, car peu de pays sont prêts à accueillir ce réfugié du fait des accusations gravissimes dont il est victime.
En réaction à cette situation insupportable et aux conditions inhumaines du Centre de Kirklareli, M. Dbouba a entamé depuis le début de juillet une grève de la faim illimitée.
Cette situation est la même pour de nombreux détenus de Kirklareli qui attendent dans des conditions inhumaines une libération improbable.
C'est le cas notamment de deux Iraniens : Mansour Keshmiri et Mahmood Shahi. Leur cas est encore plus cruel que celui de M Dbouba : ils ont obtenu l'accord de deux pays d'accueil, mais les autorités turques refusent de les relâcher prétextant notamment du fait qu'ils ont déposé une plainte auprès de la Cour européenne : en somme ils sont punis d'avoir porté plainte contre la Turquie. Ils sont en grève de la faim depuis dix jours.
Nous appelons les autorités onusiennes notamment l'UNHCR, et européennes à intervenir pour mettre fin au calvaire des détenus du Gantanamo turc de Kirklareli et de leur trouver un pays d'accueil.
Nous demandons que les autorités turques mettent fin immédiatement aux conditions inhumaines en hygiène, en nourriture et en mesures vexatoires contre les détenus illégaux de Kirklareli.
Nous demandons aux ONG de par le monde d'apporter leur soutien aux grévistes de la faim et de dénoncer les détentions arbitraires dans les Gantanamo turcs.
Merci d'appeler au téléphone cellulaire M Saafi Dbouba au +90 53 99 70 79 44.
Envoyer un mail de soutien à M. Mansour Keshmiri :
mansour_keshmr@yahoo.co.uk
Téléphoner pour soutenir un autre détenu de Kirklareli, Tunisien membre d'Ennahda Malek Shiraheely : +90 53 87 91 40 74.
Source: mondher.sfar@club-internet.fr

vendredi 10 juillet 2009

Scotland Yard enquête...sur le MI5

La police britannique a ouvert une enquête sur le rôle du MI5, les renseignements intérieurs britanniques, dans les tortures présumées infligées à Binyam Mohamed, ancien détenu du camp de Guantanamo, a annoncé vendredi Scotland yard dans un communiqué.
L'Attorney general (principal conseiller juridique du gouvernement), la baronne Patricia Scotland, avait souhaité fin mars dans une déclaration écrite au parlement britannique que la police lance une enquête "aussi rapidement que possible au vu du sérieux et du caractère sensible des questions touchées".
"Les documents ont été examinés par la police métropolitaine (alias Scotland Yard, NDLR) et l'enquête a été acceptée", a précisé la police vendredi dans son communiqué, ajoutant qu'une "enquête criminelle a désormais débuté".
"Les recherches seront menées aussi diligemment, mais également minutieusement, que possible et suivront les éléments (de preuve) afin de déterminer si une quelconque infraction a été commise", a ajouté la police.
Binyam Mohamed, détenu à Guantanamo pendant plus de quatre ans, a été transféré début février en Grande-Bretagne, pays où il avait résidé à partir de 1994.
L'Ethiopien, âgé de 30 ans, a affirmé qu'un membre du MI5 avait fourni les questions lors des interrogatoires assortis de tortures qu'il a subis dans un site secret au Maroc, après son arrestation au Pakistan en 2002.
Source : Belga, 10/7/2009

Outsourcing

Torture : Londres sous-traiterait au Pakistan (pourquoi ce conditionnel, camarades de L'Humanité???)
On savait que les services de renseignements américains avaient fait usage de la torture, notamment à Guantanamo, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme islamiste. Voilà que le Royaume-Uni aurait fait de même. C’est en tout cas ce qu’a affirmé le député conservateur britannique David Davis, mardi soir, devant la Chambre des communes, accusant le gouvernement de Sa Majesté d’avoir « sous-traité » au Pakistan la torture de Rangzieb Ahmed. Soupçonné de terrorisme et placé sous étroite surveillance policière, ce dernier avait étrangement été autorisé à se rendre au Pakistan en 2006. Les autorités britanniques auraient alors « suggéré » qu’il soit arrêté. Interpellé en août par l’Inter services intelligence (ISI), Rangzieb Ahmed est battu et torturé pendant treize mois par ses bourreaux pakistanais, qui lui ont notamment arraché trois ongles. Il aurait également été interrogé par des agents britanniques. Pour le député conservateur, il ne fait aucun doute que les autorités « savaient qu’il allait être torturé et elles ont élaboré une liste de questions qu’elles ont fournie à l’ISI ». Renvoyé au Royaume-Uni en septembre 2007, Rangzieb Ahmed est jugé coupable de terrorisme en 2008 et condamné à la prison à perpétuité « grâce à des preuves irréfutables ». Selon David Davis, « depuis un an, il y a eu au moins quinze cas de citoyens ou résidents britanniques torturés par des services de renseignements étrangers avec la complicité, voire la présence d’officiers de renseignements britanniques ». Voilà comment on défend une civilisation en bafouant ses propres valeurs.

Philippe Peter , L'Humanité, 10/7/2009

jeudi 2 juillet 2009

Une victime italienne de « transfert extraordinaire» toujours détenue au Maroc, après des aveux obtenus sous la torture

Des ONG de droits humains demandent aux rapporteurs spéciaux des Nations Unies d'enquêter et d’agir sur l’affaire Abou Elkassim Britel

par ACLU, 25/6/2009. Traduit par Isabelle Rousselot et édité par Fausto Giudice, Tlaxcala


NEW YORK – Des groupes de droits humains ont demandé aujourd'hui aux rapporteurs spéciaux des Nations Unies d'enquêter sur l'affaire d'Abou Elkassim Britel, un citoyen italien et une victime du programme illégal de « transferts extraordinaires » (« extraordinary rendition») de la CIA, qui est actuellement détenu dans une prison marocaine sur la base d'aveux qui lui ont été extorqués sous la contrainte physique. L'ACLU (Union américaine pour les libertés civiles) et l'ONG Alkarama for Human Rights ont exigé que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la Promotion et la protection des droits humains dans la lutte contre le terrorisme, enquêtent sur les circonstances de la disparition forcée, de l'enlèvement, de la détention et de la torture de Britel, et soulève son cas après des gouvernements des USA, du Maroc, du Pakistan et d'Italie.

« Des victimes du programme d’« extraordinary rendition », détenues à Guantánamo et dans d'autres prisons du monde, sont ignorées par le gouvernement Usaméricain, dont le programme illégal a causé leur situation, » a indiqué Steven Watt, avocat pour le programme des droits humains de l'ACLU. « Les USA ont refusé de prendre leur responsabilité envers des actions manifestement nuisibles, ne laissant d'autres choix à M. Britel et à d'autres innombrables victimes que de se retourner vers la communauté internationale pour obtenir justice. »

Britel, qui est également un plaignant dans l'affaire judiciaire opposant l'ACLU à une filiale de Boeing, Jeppesen DataPlan, pour son rôle dans le programme de’« extraordinary rendition », fait partie des quelques victimes dont l'identité est connue et qui est toujours détenu à l'extérieur de Guantánamo Bay.

Initialement, Britel a été appréhendé et détenu au Pakistan par les autorités pakistanaises pour des présumés violations des lois sur l'immigration, en février 2002. Après une période de détention et d'interrogatoires là-bas, il a été livré aux autorités Usaméricaines.

En mai 2002, des fonctionnaires usaméricains ont déshabillé et battu Britel avant de lui mettre une couche et une salopette, de l'entraver comme un animal, de lui bander les yeux et de l'envoyer au Maroc pour y être détenu et interrogé. Une fois au Maroc, les responsables US l'ont livré aux services de renseignement marocains qui l'ont emprisonné, sans contact avec l'extérieur, dans le centre de détention de Témara, où il a été interrogé, battu, privé de sommeil et de nourriture et menacé de sévices sexuels.

« Sur la foi du récit de M. Britel lui-même sur le traitement qu'il a subi et la longue histoire très documentée sur la torture et les abus commis dans les centres de détention dirigés par le gouvernement marocain, nous avons des raisons solides de croire que M. Britel a subi et subit toujours des tortures », a déclaré Rachid Mesli, Directeur du service juridique d’Alkarama. « M. Britel et les autres victimes de « l'extraordinary rendition » méritent un procès équitable devant un tribunal, non entaché par des preuves obtenues sous la torture. Nous espérons que les rapporteurs spéciaux vont prendre acte immédiatement de notre demande pour apporter une attention rapide et nécessaire à l'affaire de M. Britel, avant que les conditions dans lesquelles il est détenu ne causent encore plus de dégâts à sa santé physique et mentale. »

Selon la requête auprès des rapporteurs spéciaux, après avoir été libéré par les autorités marocaines en février 2003, Britel a été à nouveau arrêté et remis en détention en mai 2003 alors qu'il tentait de quitter le Maroc pour rentrer chez lui, en Italie. Alors qu'il était détenu sans contact avec l'extérieur dans le même centre de détention où il avait été brutalement torturé à peine quelques mois plus tôt, Britel a fait de faux aveux, sous la torture, sur son implication dans le terrorisme. Britel a été jugé et reconnu coupable d'accusations liées au terrorisme et purge une peine de neuf ans dans une prison marocaine.

En 2006, un juge d’instruction italien a prononcé un non-lieu sur une enquête qui avait duré de six ans sur l'implication alléguée de Britel dans le terrorisme, après avoir constaté un manque total de preuves l'associant à une activité liée au terrorisme ou d'ordre criminel.

Tous les dossiers remis aux rapporteurs spéciaux sont disponibles en ligne sur :
www.aclu.org/intlhumanrights/nationalsecurity/relatedinformation_resources.html


Plus d'information sur le procès de l'ACLU contre Jeppesen DataPlan en ligne sur :
www.aclu.org/jeppesen


Pour mettre fin à l'injustice : la femme d'une victime de
"transfert extraordinaire" s'exprime sur l’obligation de rendre des comptes et la torture

Par Nahal Zamani, programme des droits humains, ACLU

Aujourd'hui, le Programme des droits humains de l'ACLU et l'ONG Alkarama for Human Rights ont envoyé une demande à deux rapporteurs spéciaux des Nations Unies (experts en droits de l'homme) pour qu'ils enquêtent sur la détention et la torture au terme d’une "extraordinary rendition" d'Abou Elkassim Britel, un citoyen italien.

L'ACLU représente Britel ainsi que quatre autres hommes dans un procès au civil dans le système judiciaire des USA. Dans cette affaire – Mohamed et al. contre Jeppesen – Jeppesen, une filiale de Boeing, est accusée d'avoir participé, en connaissance de cause, au programme illégal d’ « extraordinary rendition » des USA, en fournissant un vol et des services de soutien logistique à l'avion utilisé par la CIA pour transporter Britel, du Pakistan au Maroc, en mai 2002.

La requête aux deux experts des droits de l'homme des Nations Unies est une demande d’enuqêtes sur les circonstances entourant l'arrestation de Britel, son enlèvement, sa détention et son interrogatoire au Pakistan ainsi que son transfert clandestin de ce pays jusqu'au Maroc. Britel fait partie des quelques victimes du programme « extraordinary rendition » des USA dont les identités sont connues et il est le seul citoyen européen, à notre connaissance, à être toujours en détention. À ce jour, Britel demeure incarcéré dans une prison marocaine.

J'ai récemment parlé avec la femme de Britel, Khadija Anna Lucia Pighizzini, citoyenne italienne, et je lui ai demandé de nous raconter leur histoire. Ce qui suit est extrait et traduit de notre conversation.

Khadija Anna Lucia Pighizzini : le 10 mars 2002 est le dernier jour où j'ai parlé à mon mari et je me souviens que la communication téléphonique était horrible et grésillante. Nous avons pensé que nous continuerions notre conversation le lendemain. Mais ensuite je n'ai plus eu aucune nouvelle – il avait disparu. Pendant 11 mois, je n'ai eu aucune nouvelle. Je ne savais pas s'il était vivant ou mort.

ACLU : Le 10 mars 2002, Britel qui était en voyage d'affaires au Pakistan a été arrêté et détenu au Pakistan pour des questions d'immigration. Après plusieurs mois en détention au Pakistan, durant lesquels il a été interrogé autant par des fonctionnaires pakistanais qu’usaméricains, Britel fut finalement transféré sous la garde exclusive des Usaméricains. Les responsables usaméricains l'ont vêtu d'une couche et d'une salopette puis l'ont entravé comme une bête, lui ont bandé les yeux avant de l'envoyer, en avion, au Maroc pour y être détenu et subir d'autres interrogatoires. Britel a été détenu, sans contact avec l'extérieur, par les services de sécurité marocains, dans le centre de détention de Témara, et a subi des violences physiques, la privation de sommeil et de nourriture, et a été menacé de sévices sexuels, y compris sodomie avec une bouteille et castration. La famille de Britel n'a eu connaissance de son sort qu'une fois Britel libéré, presque une année après sa première disparition, sans inculpation, en février 2003.

Tragiquement, alors qu'il rentrait chez lui en Italie en mai 2003, Britel a été à nouveau arrêté par les autorités marocaines, qui l'ont placé en détention et l'ont forcé, sous la contrainte physique, à signer un aveu comme quoi il était impliqué dans des actions terroristes au Maroc. Britel fut finalement déclaré coupable d'actes en relation avec le terrorisme et condamné à neuf ans. À ce jour, il est toujours emprisonné au Maroc.

Khadija Anna : le soir où Kassim était censé enfin quitter le Maroc, le 16 mai 2003, il y a eu des attaques terroristes à Casablanca. Cet événement tragique a coûté 45 vies et a provoqué une enquête policière de grande envergure. Kassim fut repris par l'administration marocaine alors qu'il était en train de quitter le pays. Son arrestation faisait partie d'une vague d'arrestations qui ont eu lieu immédiatement après ces attaques. Encore une fois, Kassim disparut et je n'avais aucune idée de l’endroit où il se trouvait, j'ai cherché dans tout le Maroc pour le retrouver. J'ai interrogé à son sujet l'ambassade italienne et les autorités marocaines, mais les deux nièrent savoir quelque chose. Je craignais le pire car il y avait eu un accroissement des disparitions causées par le gouvernement marocain ; des milliers de gens étaient emprisonnés, et d'autres sont même morts durant des interrogatoires, entre les mains de la police marocaine.

Plus tard, j'ai appris que Kassim avait été secrètement détenu pendant quatre mois à Témara ; dans le même centre de détention où il avait été détenu et torturé quelques semaines plus tôt.

Après quatre mois de détention et d'interrogatoires, Kassim est passé devant un prétendu tribunal qui, selon son avocat, répondait à peine aux normes d'un procès équitable. Il a été condamné à 15 ans de prison, mais en appel, sa peine a été ramenée à neuf ans. Pendant ce temps, la presse italienne s'était emparée de son histoire et avait présenté Britel comme le cerveau des attentats de Casablanca – un mensonge dont même les autorités marocaines ne l'avaient pas accusé.

Kassim est maintenant incarcéré dans la prison Oukasha à Casablanca. Il est prévu qu'il ne soit pas relâché avant septembre 2012, pourtant il n'a rien fait de mal.

ACLU : En septembre 2006, après six années d'une longue enquête criminelle, en Italie, sur l'implication supposée de Britel dans des activités terroristes, le juge en charge débouta son affaire, pour manque total de preuve associant Britel à de quelconques activités criminelles ou terroristes. Depuis ce non-lieu, les membres du parlement italien et européen ont adressé une pétition au gouvernement du Maroc pour qu'il gracie et libère Britel immédiatement. A ce jour, les autorités marocaines ont omis de répondre à ces efforts diplomatiques et depuis janvier 2007, le gouvernement italien n'a toujours rien fait pour représenter les intérêts de Britel.

Khadija Anna : Des investigations officielles ont mis en cause quatre gouvernements dans l' "extraordinary rendition" et la torture de mon mari. Le gouvernement pakistanais l'a torturé si violemment qu'il a avoué être un terroriste. La CIA l'a enlevé et l'a maintenu en détention au Pakistan avant de le livrer illégalement à une torture certaine au Maroc ; le gouvernement marocain l'a emprisonné et l'a torturé ; et le gouvernement italien était complice dans toute l'affaire ; tous savaient parfaitement bien ce qui se passait et ont fait peu, voire rien, pour l'aider.

Le gouvernement usaméricain est influent, ils doivent intervenir pour assurer la libération de mon mari et le ramener à la maison, en Italie. Si le gouvernement usaméricain intervient, je pense que l'Italie exigera que Britel soit libéré et le Maroc s'exécutera. C'est le moins qu'ils puissent faire étant donné leur implication dans son « extraordinary rendition ». J'ai déjà demandé une rendez-vous à l'ambassade usaméricaine au Maroc ou une intervention pour libérer mon mari. Je me suis également rendue deux fois à l'ambassade et j'ai parlé aux employés là-bas. Pas besoin de vous dire qu'ils sont restés sourds à ma demande et je ne sais plus vers qui me retourner.

ACLU : Depuis mars 2002, Britel a subi des tortures physiques et psychologiques et un traitement cruel – comme des bastonnades sévères, l'isolation, la privation de sommeil et des menaces de mort. Les expériences de Britel font partie d'un large schéma de tortures et d'abus généralisés, commis par le gouvernement des USA sous l'administration Bush. Une sérieuse responsabilité pour des crimes commis au nom de la sécurité nationale doit comprendre la reconnaissance et des réparations pour les victimes de la torture.

Khadija Anna : Physiquement, Kassim est faible et a beaucoup de problèmes physiques dus à la torture et aux abus qu'il a subis. Il en garde des traces, pas seulement dans son âme mais aussi dans son coeur. Il se bat pour rester en vie. Il se bat également pour les droits des autres prisonniers détenus avec lui ; pour améliorer leurs conditions ainsi que les siennes. Il a fait plusieurs grèves de la faim, seul ou avec d'autres prisonniers – espérant attirer l'attention sur les conditions à l'intérieur de la prison et pour protester contre sa torture.

Quand à moi, je suis toujours fatiguée, et je suis toujours dans l'attente. Cela fait sept longues années que Kassim a disparu. Ces années ont été si douloureuses, mais je sais que l'injustice que j'ai vécu va bientôt se terminer. Je ne me suis pas laissée aller à la haine ; Kassim, non plus. Au contraire, nous attendons sa libération. Nous voulons vivre nos vies et retrouver nos droits pour vivre dans la dignité comme tout citoyen et être humain. Nous regardons vers l'avenir quand la vérité sera entendue, quand nos droits seront restaurés et quand la justice sera enfin rendue.

Pour en savoir plus : http://www.giustiziaperkassim.net/

Source : aclu.org et blog.aclu.org