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dimanche 15 avril 2007

18 000

C’est le nombre de détenus comme « combattants ennemis illégaux » par les forces US en Irak, dont 250 sont des ressortissants de pays tiers. Ils étaient moins de 10 000 il y un an et 17 000 il y a un mois. Les 1000 nouveaux détenus ont été pris dans la grande opération de ratissage lancée par l’armée US à Bagdad il y a un mois. La durée moyenne de détention est d’un an, mais 8 000 d’entre eux ont été détenus depuis plus longtemps, parmi lesquels 1 300 deux ans et plus. 13 800 d’entre eux étaient détenus à Camp Bucca dans le sud de l’ Irak et 3 300 à Camp Cropper, près de Bagdad. La décision de détenir ou de libérer un prisonnier est prise par un commandant d’unité US assisté d’un juriste. Ensuite chaque cas est examiné par une cellule de magistrats. La décision est réexaminée après 18 mois par un Joint Detention Review Committee, un organe conjoint US-irakien. Toute décision de maintenir un prisonnier en détention au-delà de 18 mois doit être approuvée par le commandant des forces US en Irak, le général Petraeus et le Premier ministre Al Maliki. Celui-ci a signé un décret instaurant la loi martiale le 13 février dernier, qui autorise les perquisitions et arrestations sans mandat judiciaire. Les détentions par les forces US n’ont aucune assise légale. Pourquoi les prisonniers ne sont-ils pas remis aux « autorités » irakiennes ? Parce que, répondent les yankees, ils risquent d’être torturés (!) et d’être condamnés à de lourdes peines, « ils sont donc mieux entre nos mains » (!!!). Sur les 2000 prisonniers remis par les US aux Irakiens, 1747 ont été condamnés, dont 80% à des peines de plus de cinq ans ou même à la peine de mort. Outre les 18 000 prisonniers aux mains des forces US, 34 000 personnes sont détenues par les « autorités » irakiennes. 34 000 + 18 000 = 52 000, soit à peu près autant que le nombre de prisonniers en France, pour une population de 24 millions d’habitants…

mercredi 28 février 2007

La torture, une pratique routinière des forces US en Irak : témoignage d’ Abbas Z. Abid devant la commission des crimes de guerre de Kuala Lumpur

Le soussigné Abbas Z. Abid (Passeport irakien n° S379532), citoyen irakien majeur, déclare solennellement et sincèrement ce qui suit :
1. J’ai 43 ans
2. Je vis à Falloujah, en Irak.
3. Je suis ingénieur en électricité. Avant mon arrestation et ma détention j’étais ingénieur en chef au ministère des Sciences et des Technologies à Bagdad.
4. Le but de cette déclaration légale et d’enregistrer mon expérience de la torture lors de ma détention à la prison Al Jadiria.
5. Il s’agit d’un ancien abri souterrain reconverti en prison secrète.
6. Le 28 août 2005 vers 22 heures, une force conjointe de soldats US et de Gardes nationaux irakiens a effectué un raid sur la maison de mon frère. Cette force consistait en 4 Humvees pleins de soldats US et de 12 camions transportant des soldats irakiens. Plus de 15 soldats US e irakiens ont pénétré dans la maison d’une manière terrifiante.
7. Mes neveux ont couru à ma maison en appelant à l’aide car mon frère n’était pas à la maison ce soir-là. J’habite près de chez lui.

mardi 27 février 2007

La torture à Abou Ghraïb : le témoignage sous serment d’ Ali Shalal

Note de l’éditeur

Le texte qui suit est le témoignage présenté par le Professeur Ali Shalal, qui a été torturé à la prison d’ Abou Ghraïb. Cette déclaration a été faite devant la Commission des crimes de guerre mise en place sous les auspices de l’ancien Premier ministre, et constitue une preuve dans la procédure judicaire engagée à Kuala Lumpur contre le Président US Tun George W. Bush, le Premier ministre britannique Tony Blair et le Premier mnistre australien John Howard.
Ali Shalal, connu dans le monde comme « l’homme encagoulé », est un homme d’un courage et d’une détermination extaordinaires. J’ai écouté son témoignage et j’ai eu l’occasion de parler à plusieurs reprises avec lui au cours de la conféence sur les crimes de guerre. Nous avons établi des liens d’amitié et de solidarité. Nous partageons une même détermination à faire déférer en justice les criminels de guerre revêtant de hautes charges.
Ali Shalal est professeur de théologie. Il est une grande source d’inspiration. Il est important de comprendre que ce qu’il a subi fait partie d’un processus routinier de torture, qui est appliqué systématiquement à ceux qui sont arrêtés. Beaucoup de ses compagnons d’Abou Ghraïb sont morts des suites des tortures ou ont été exécutés après leur libération de manière ce qu’ils ne révèlent pas les horreurs et atrocités commises sur ordre de l’administration Bush.
Un autre fait significatif, confirmé par son témoignage est que des « civils » israéliens ont été partie prenante dans les interrogatoires menés par des agents US en prison.
Ali Shalal a survécu et a fourni son témoignage au nom de tous ceux qui ont été torturés à mort. Ses paroles entreront dans l’histoire.
Les criminels de guerre haut placés finiront devant la justice. Nous sommes aussi déterminés à ce qu’ils bénéficient d’un procès équitable.

Michel Chossudovsky, Global Research, 19 février 2007



Déclaration légale



Le soussigné Ali Sh. Abbas (alias Ali Shalal), citoyen irakien majeur, déclare solennellement et sincèrement ce qui suit :
1. J’ai 45 ans.
2. Je vis actuellement à Amman, Jordanie.
3. J’étais chargé de cours islamiques dans la ville d’Al Alamiya en Irak.
4. Mon but en faisant cette déclaration légale et d’enregistrer mon expérience de la torture à la prison d’Abou Ghraïb.
5. Les troupes américaine sm’nt arrêté le 13 octobre 2003 alors que je me rendais à la mosquée Al Amraya pour y prier. Ils m’ont attaché les mains dans le dos et m’ont mis un sac sur la tête. Ils m’ont emmené dans une petite prison dans un camp militaire US à Al Amraya.
6. Le commandant de ce camp militaire, un certain capitaine Philips m’a dit qu’il avait reçu l’ordre de son supérieur de m’arrêter et qu’il ignorait ls raisons de mon arrestation. En prison, j’ai été en détention solitaire.
7. Deux jours plus tard, on m’a transféré à la prison d’Abou Ghraïb. Ils ont commencé par me faire subir un examen physique et des abus. Avec d’autres détenus, on nous a fait asseoir par terre puis on nous a traînés dans le local d’interrogatoire, qui était en fait une toilette d’environ 2X2 mètres, inondée d’eau et d’excréments qui nous arrivaient aux chevilles. On m’a fait asseoir dans cette eau sale pendant que l’interrogateur américain se tenait devant la porte, avec l’interprète.
8. Après l’interrogatoire, j’ai été déplacé de la toilette et avant que le prochain détenu y entre à son tour, les gardiens ont uriné dans l’eau sale devant les autres détenus.
9. La première question qu’ils m’ont posée a été : "Êtes-vous sunnite ou chiite?" J’ai répondu que c’était la première fois de ma vie qu’on me posait une telle question. J’étais surpris par cette question, car en tant qu’Irakiens, nous ne faisons aucune distinction ou différence de ce genre. L’interrogateur américain a rétorqué que devais donner des réponses directes et ne pas répondre à côté des questions. Il a dit ensute qu’en Irak, il y a des sunnites, des chiites et des Kurdes.
10. Les interrogateurs étaient en civil et l’interprète, un Afro-Américain, portait un uniforme de l’armée américaine.
11. Quand j’ai répondu que j’étais un Musulman irakien, l’interrogateur a refusé d’accepter ma réponse et m’a accusé des crimes suivants :
a- J’étais antisioniste et antisémite
b- Je soutenias la Résistance
c- Je poussais les gens à s’opposer à l’occupation
d- Je savais où se trouvait Oussama Ben Laden
12. J’ai protesté en disant que les musulmans et les juifs descendent de la même famille historique. J’ai dit que je ne pouvais être dans la Résistance car je suis handicapé et j’ai une main blessée.
13. L’interrogateur m’a accusé de m’être blessé à la main en attaquant de soldats américains.
14. L’interrogateur m’a informé qu’ils savaient que j’étais une personne importante dans la communauté et que je pourrais donc les aider. Il m’a offert des soins médicaux pour ma main blessée comme récompense en cas de coopération.
15. Comme je ne coopérais pas, l’interrogateur m’a demandé si je considérais l’armée américaine comme des « libérateurs » ou des « occupants ». Quand j’ai répondu qu’ils étaient des occupants, il a perdu son sang-froid et m’a menacé. Il m’a dit que je serais envoyé à Guantanamo où même des animaux ne pourraient pas survivre.
16. Ils m’ont emmené dans une autre pièce et ont relevé mes empreintes digitales, pris une photo de mon oeil et des échantillons de salive pour des analyses ADN. Après cette procédure, ils m’ont marqué en me mettant un bracelet au poignet portant mention de mon nom, un numéro, mon appartenance religieuse et mes antécédents judiciaires.
17. Puis ils m’ont battu à plusieurs reprises et m’ont mis dans un camion pour me transférer dans une autre partie de la prison d’Abu Ghraïb.
18. Cette partie de la prison était un espace ouvert divisé en cinq secteurs entourés de murs et de barbelés et appelé « le pays de Fiji ». Chaque secteur comprenait cinq tentes et était entouré de barbelés. Quand on m’a fait descendre du camion, les soldats ont marqué en rouge sur mon front "Big Fish" (gros poisson). Tous les détenus de ce camp étaient considérés comme « gros poissons ». Je me trouvais au camp "B".
19. Les conditions du camp étaient vraiment mauvaises. Chaque tente hébergeait de 45 à 50 détenus et chacun de nous diposait d’un espace de 30X30 centimètres. Il nous fallait attendre deux ou trois heures pour aller aux toilettes. Il y avait très peu d’eau. Chaque tente ne recevait que 60 litres d’eau par jour à partager entre tous les détenus. Cette eau nous sevrait à boire, à nous laver et à nettoyer les blessures infligées pendant les sessions de torture. Ils nous oblgeaient aussi à rester debout pendant de longues heures.
20. Parfois, en guise de punition, il ne nous donnaient pas à manger. Quand ils nous en donnaient, c’était petit déjeuner à 5 heures, repas à 8 heures et dîner à 13 heures. Pendant le Ramadan, ils nous donnaient deux repas, l’un à minuit et l’autre durant la période de jeûne, afin d’obliger les détenus à rompre le devoir religieux du jeûne.
21. Pendant ma captivité, dans le camp, j’ai été interrogé et torturé deux fois. Chaque fois, j’ai été menacé d’être envoyé à la prison de Guantanamo Bay. Pndant cette période, j’ai entendu mes codétenus raconter qu’ils avaient été soumis à des brûlures de cigarettes, qu’on leur avait injecté des produits hallucinogènes et qu’on les avait sodomisés avec divers instruments, par exemple des baguettes de bois et des tuyaux. Quand ils revenaient au camp, ils saignaient abondamment. Certains avient des os brisés.
22. Dans mon camp, j’ai vu des détenus qui avaient été conduits là depuis une prison secrète, dont j’ai su plus tad qu’elle était hébergée dans le bâtiment de l’Institut arabe du pétrole, dans le nord de Bagdad. Ces détenus étaient gravment blessés.
23. Au bout d’un mois de détention, juste avant le coucher du soleil, mon numéro a été appelé ; on m’a mis un sac sur la tête et on m’attaché les mains dans le dos. On m’a aussi entravé les pieds. Puis on m’a transféré dans une cellule.
24. Une fois dans la cellule, ils m’ont demandé en arabe de me déshabiller mais comme j’ai refusé, ils m’ont arraché mes vêtements et m’ont à nouveau entravé. Puis ils m’ont entraîné dans des escaliers, tout en me battant lorsque je n’avançais pas assez vite. Une fois arrivés en haut des escaliers, ils m’ont attaché à des barres d’acier. Puis ils m’ont aspergé d’excréments et ont uriné sur moi.
25. Puis ils ont pointé un fusil sur ma tête et ont dit qu’ils allaient m’excéuter sur-le-champ. Un autre soldat me criait dessus avec un mégaphone, m’insultant et m’humiliant. Pendant ce temps, je pouvais entendre les cris d’autres détenus qu’on torturait. Cela a duré jusqu’au lendemain matin.
26. Le matin, un Israélien se tenait devant moi ; il enleva le sac de ma tête et me dit en arabe qu’il était un Israélien qui avait interrogé et torturé des détenus en Palestine. Il me dit que quand les détenus ne voulaien pas coopérer, ils étaient tués. Il me demanda à plusieurs rprises des noms de combattanst de la résistance. Je lui ai dit que je ne connaissais aucun combattant de la résistance mais il ne voulait pas me croire et continua à me frapper.
27. Cet Israélien habillé en civil m’a sodomisé d’abord avec une baguette de bois déchiquetée puis avec un canon de fusil. J’ai eu des déchirures internes et j’ai saigné abondamment. Pendant tout ce temps, chaque fois qu’un garde passait devant moi, il me frappait. Ils ne m’ont rien donné à manger pendant 36 heures.
28. Le matin suivant l’interrogateur israélien est venu dans ma cellule, m’a attaché à la grille de la cellule et s’est mis à jouer la chanson pop "By the Rivers of Babylon" par le groupe Boney M, et cela sans interruption jusqu’au matin suivant. L’effet sur moi a été que j’ai perdu l’audition et j’ai perdu l’esprit. C’était très douloureux et j’ai perdu conscience. Je ne me suis réveillé que quand le garde israélien m’a versé de l’eau sur la tête et le visage. Quand j’ai repris connaissance, il a recommencé à me frapper et m’a demandé de lui donner les noms de combattants de la résistance et de lui dire quelles activités j’avais menées contre les soldats US. Chaque fois que je lui disais que je ne connaissais aucun combattant de la résistance, il me donnait des coups.
29. J’ai été en cellule, sans vêtements, pendant deux semaines. Pendant ce temps, un garde américan appelé Graner, accompagné d’un Juif marocain appelé Idel Palm ( aussi connu sous le nom d’ Abou Hamid) est venu dans ma cellule et m’a interrogé sur ma main bandée, qui avait été blessée avant mon arrestation. Je lui ai dit que j’avais été opéré. Il a alors enlevé le bandage imbibé de sang et en faisant cela, il a arraché de la peau et de la chair de ma main. Je souffrais horriblement et lorsque je lui ai demandé des calmants, il a marché sur mes mains et il a dit en riant : Ça, c’est les calmants américains ».
30. Au quinzième jour de détention, on m’a donné une couverture. J’étais soulagé qu’on m donne un peu de réconfort. Comme je n’avais pas de vêtements, j’ai fait un trou au centre de la couverture en la frottant contre le mur et j’ai donc pu couvrir mon corps. C’était la manière dont tous les détenus s’habillaient quand on leur donnait une couverture.
31. Un jour, un détenu passant devant ma cellule me dit que les interrogateurs voulaient accélérer leur enquête et allaient utiliser des méthodes plus brutales pour avoir les réponses qu’ils attendaient des prisonniers. J’ai été conduit à la salle d’interrogatoires, après qu’ils avaient mis un sac sur ma tête. Quand je suis entré dans la salle d’enquête, ils ont enlevé le sac de ma tête pour me faire voir les fils électriques qui étaient attachés à une prise électrique au mur. Étaient présents dans la salle le Juif marocain, Idel Palm, l’interrogateur israélien, deux Américains, "Davies" et "Federick" et deux autres. Ils étaient tous en civil, sauf les Américains, qui étaient en uniformes de l’armée US. Idel Palm m’a dit en arabe que si je ne coopérais pas, je perdrais ma dernière chance de rester en vie. Je lui ai dit que je ne savais rien sur la résistance. On m’a lors remis le sac sur la tête et on m’a laissé seul pendant un long moment. Pendant ce temps, je pouvais entendre les cris et les hurlements de détenus qu’on torturait.
32. Les interrogateurs sont revenus et m’ont forcé à monter sur un carton contenant des boîtes de conserves. Puis ils ont branché les fils électriques sur mes doigts, m’ont ordonné d’étendre mes mains à l’hrizontale et ils ont branché le courant électrique. Lorsque le courant a traversé tout mon corps, j’ai eu l’impression que mes yeux sortaient de leurs orbites et que je faisais des étincelles. Mes dents claquaient et mes jambes tremblaient violemment. Tout mon corps était secoué.
33. J’ai été électrocuté en trois séances distinctes. Dans les deux premières séances, j’ai été électrocuté deux fois, chaque fois quelques minutes. Durant la troisième séance, pndant que j’étais électrocuté, je me suis mordu la langue accidentellement et je me suis mis à saigner de la bouche. Ils ont arrêté l’électrocution et ils ont appelé un médecin. J’étais allongé par terre. Le médecin a versé un peu d’eau dans ma bouche et a utilisé ses pieds pour ouvrir ma bouche de force. Puis il a dit : « Rien de grave, continuez ! » et il a quitté la pièce. Mais le garde a arrêté l’électrocution comme j’étais en train de saigner abondamment et qu’il y avait du sang partout sur mon corps et sur la couverture. Ils ont continué à me fapper. Après un certain temps, ils ont interrmpu le tabassage et m’ont ramené à ma cellule. Pendant toute la séance de torture, les interrogateurs prenaient des photos.
34. J’ai ensuite été laissé seul dans ma cellule pendant 49 jours. Pendant cette période de détention, ils ont cessé de me torturer. À la fin du 49ème jour, j’ai été raméné au camp, dans la tente C et je suis resté là pendant 45 jours. Un détenu m’a dit qu’il avait entendu des gardes dire que j’avais été arrêté par erreur et que j’allais être libéré.
35. J’ai été libéré au début de mars 2004. J’ai été mis sur un camion, dont on m’a éjecté sur une autoroute. Une voiture qui passait m’a pris en stop et m’a conduit à la maison.

36. Le résultat de cette expéience a été que j’ai décidé de fonder une association pour venir en aide à toutes victimes de tortures, avec l’aide de douze autres victimes de la torture.
37. Je suis très triste d’avoir à me remémorer et à revivre encore et encore cette horrible expérience et j’espère que le peupel malaysien répondra à notre appel à l’aide. Qu’il plaise à Dieu.Et je fais cette déclaration sollennelle en toute conscience et connaissance de cause en vertu des dispsitions de la loi sur les déclarations légales de 1960.
Le susnommé Ali Sh. Abbas alias Ali Shalal, Kuala Lumpur, février 2007, par l’interpétation d’ABBAS Z. ABID (Passeport irakien N° S379532), lequel a déclaré avoir traduit de manière véridique, dinstincte et audible le contenu de la présente déclaration légale du requérant Ali Sh. Abbas alias Ali Shalal
Nom: ABBAS Z. ABID
(Passeport irakien N° S379532)
Comparaissant devant moi,
Saw Ah LeongCommissaire des serments,
Kuala Lumpur, Malaysia

Original : Global Research
Traduit de l’anglais par Fausto Giudice, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est en Copyleft pour tout usage non-commercial : elle est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner sources et auteurs.
URL de cet article :
http://www.tlaxcala.es/pp.asp?lg=fr&reference=2117

dimanche 9 mai 2004

Guantanamo, un défi mondial, un enjeu planétaire

par Fausto Giudice*, Genève, 8 mai 2004
Intervention à la conférence : « Guantanamo : Prisonniers sans droit, le droit prisonnier?», organisée par le groupe des juristes de le section suisse d’Amnesty International.

Chers amis,
Je tiens tout d’abord à remercier Amnesty International de m’avoir invité, non pas tant parce que cela signifie une reconnaissance du travail de fourmi que mène le Collectif guantanamo, créé en février 2003 en France, mais par l’occasion que cela donne d’engager un dialogue avec vous, avec des personnes physiques, ce qui nous change un peu du dialogue par écrans interposés, dans le “monde virtuel”. Répondant à la demande des organisateurs, j’avais préparé une intervention calibrée pour ne pas dépasser 20 minutes. Mais les événements des derniers jours - le “scandale” des photos d’Abou Ghraïb en Iraq - me conduit à faire quelques remarques préliminaires non-prévues.
Je commencerai par une blague : Savez-vous quelle est la différence entre guantanamo et Abou Ghraïb ? Eh bien, à guantanamo, le personnel militaire n’a pas le droit d’introduire des appareils photo numériques. Le général Geoffrey Miller s’est bien chargé de mettre en place des dispositifs de surveillance interne pour éviter toute fuite. C’est ce même Geoffrey Miller qui a été chargé des prisons US en Iraq. Son mot d’ordre est un néologisme : il faut, dit-il, “gitmo-ize” - “guantanamoïser” les prisons en Iraq.
Qui est Miller ? C’est un général de 54 ans, ancien parachutiste, Texan. Il a été responsable du camp de guantanamo d’octobre 2002 à mars 2004. En 18 mois, il a mis au point un système carcéral performant, qu’il considère comme un “modèle” et un “laboratoire”. Il est désormais charger d’appliquer ce modèle en Iraq. Un modèle qui se résume à “surveiller, punir et...interroger”.
Miller a été nommé à guantanamo après des cafouillages sévères dans la direction du camp. Le premier commandant du camp n’a été en poste que de janvier à octobre 2002. C’est que ce général de réserve, spécialiste du renseignement militaire, avait un petit défaut : il était aussi docteur en droit et avocat dans le civil. Un juriste donc. Et ce général Michael Dunlavey, au bout de quelques mois, au vu des résultats des interrogatoires des prisonniers, a pris un coup de sang. Il a donc pris l’avion pour Bagram, en Afghanistan, la base militaire US près de Kaboul d’où étaient envoyés les prisonniers à guantanamo, et il est allé passer un savon aux gens de la CIA en leur disant : «Mais arrêtez donc de nous envoyer des Mickey Mouse ! Il n’y a pas un seul terroriste là-dedans !»
Exit donc Dunlavey. Avec son successeur, Rick Baccus, ce sera encore pire : ce général de la Garde nationale de Rhode Island s’est fait tout de suite mal voir en montrant du respect aux détenus, qu’il saluait par “Salam Aleikum”. Il a aggravé son cas en demandant à la Croix-Rouge d’afficher dans le camp des affiches indiquant aux prisonniers quelles étaient leurs obligations en tant que prisonniers de guerre : ils n’étaient obligés de déclarer que le leur nom, lieu et date de naissance et numéro matricule, rien de plus. Baccus croyait que les “combattants ennemis illégaux” étaient des prisonniers de guerre. Il avait tout faux !
Exit donc Baccus et arrive Miller. Miller installe un système de sécurité et de contrôle des prisonniers, fondé sur un système de punitions e(t de récompenses, qui vont d’un Twinkie ou un Happy meal jusqu’au transfert dans des dortoirs d’une dizaine de prisonniers. Il met au point le modèle de guantanamo, effcacement secondé par son bras droit, qui s’appelle - cela ne s’invente pas - Adolf...McQueen ! Maintenant qu’il est attelé à appliquer le modèle guantanamo en Iraq, c’est le général Jay Hood qui a pris la relève, continuant sur la lancée de Miller à guantanamo même.
Ces remarques faites, j’en viens à mon intervention.
Comme je crois qu’il y a suffisamment d’intervenants hautement qualifiés à cette tribune pour parler de guantanamo du point de vue du droit, je vais donc essayer de faire une série de remarques à partir d’une triple approche : politique, stratégique et historique.
Je crois qu'il est nécessaire de situer guantanamo dans l’espace et dans le temps pour bien comprendre à quoi exactement nous avons affaire.
Tout d’abord une définition de guantanamo; c’est celle donnée par le Collectif guantanamo dans son appel fondateur de février 2003. guantanamo, c’est le premier camp de concentration off shore de l’Empire.
Les quatre termes sont également importants :
- camp de concentration d’abord : guantanamo s’inscrit dans une lignée qui va des camps de prisonniers sudistes des Confédérés durant la Guerre de sécession aux camps d’internement des citoyens US d’origine japonaise pendant la deuxième guerre mondiale, en passant par les camps de concentration britanniques pour les Boers en Afrique du Sud au début du XXème siècle ou pour les Malais en Malaisie pendant les années 40, sans oublier bien sûr les camps nazis et l’archipel du goulag soviétique. guantanamo est donc une sorte de condensé historique de toute l’expérience de l’enfermement concentrationnaire en même temps qu’il est un laboratoire d’expérimentation de nouvelles méthodes, adaptées à la situation du XXIème siècle.
- Premier camp de concentration off shore ensuite. Off shore, c’est le terme qu’on utilise pour les plateformes pétrolières en mer et ça signifie : extraterritorial. Tous les autres camps de concentration se trouvaient toujours sur un territoire juridiquement défini, en général un territoire national ou un territoire annexé comme la Pologne occupée par les nazis. Et tous les camps avaient en général, du moins formellement, des structures et des instances juridiques internes et même dépendaient d’instances juridiques formelles, même si cela ne changeait pas grand chose au sort des prisonniers. Avec guantanamo, on assiste à l’invention d’un système carcéral échappant à toute juridiction. En somme, on est sur la lune...
- Premier camp de concentration off shore de l’Empire enfin. Oui, c’est l’aspect le plus frappant de guantanamo. Voilà des citoyens originaires de 42 pays de toute la planète capturés en Afghanistan, au Pakistan, en Gambie ou ailleurs par des soldats et des policiers venus des USA et déportés à 24 heures d’avion de là, dans les Caraïbes. La dimension planétaire du phénomène est évidente. Planétaire et impériale. À guantanamo, un pays membre de l’ONU sur cinq est représenté. guantanamo est la première prison mondialiste d’un Empire qui a une ambition de domination mondiale.
Dans les années 70, à l’époque de la bande à Baader et des Brigades rouges, certains fonctionnaires allemands avaient conçu un projet qui avait été repoussé avec une certain répulsion par leurs collègues européens : construire une prison centrale européenne de haute sécurité pour les terroristes de tous les pays du Marché commun, comme on disait alors. Le projet avait été rapidement abandonné. Aujourd’hui, guantanamo incarne le pire cauchemar paranoïaque que l’on puisse imaginer.
Mais guantanamo n’est que la pièce centrale d’un dispositif planétaire que nous avons baptisé la galaxie guantanamo. Comme l’archipel du Goulag, la galaxie guantanamo a de nombreuses filiales et succursales. Les unes sont gérées directement par l’Empire yankee, les autres sont gérées par les alliés et les marquis - c’est-à-dire les administrateurs des marches de l’Empire.
Dans la première catégorie, il faut citer la base aérienne de bagram, près de Kaboul, où sont détenus un nombre inconnu de “combattants ennemis étrangers illégaux”. Et puis, il y a Diego Garcia, une île de l’Océan Indien louée par les Anglais à l’US Army, qui en chassée les 2 000 habitants. À Diego Garcia sont sans doute détenus des “gros poissons” capturés en Afghanistan et au Pakistan. Et on est en droit de supposer que d’autres centres de détention clandestins sont disséminés dans les bases militaires US de par le monde.
Dans la deuxième catégorie, on peut citer la prison anglaise de haute sécurité de Belmarsh, où sont détenus depuis plus de 2 ans 12 étrangers musulmans sans être inculpés et privés de tout droit. 2 autres détenus, un Libyen et un Algérien ont pu enfin sortir récemment de ce guantanamo anglais. On peut encore citer la prison du Cygne blanc, dans la région russe de Stavropol, où sont détenus 7 des 8 détenus russes de guantanamo livrés à la Russie, ou encore les prisons de Malaysia, où sont détenus sans inculpation depuis 2 ans plus de 80 suspects de terrorisme.
guantanamo est le centre d’une toile d’araignée qui s’étend sur toute la planète.
Ses fonctions sont multiples :
La première fonction est la propagande de la terreur. guantanamo comme menace pour tous les enfants turbulents du Sud de la planète : “si tu n’es pas sage, je t’envoie à guantanamo”.
La deuxième fonction est le dressage. Le système carcéral adopté à guantanamo a pour objet de transformer des hommes musulmans, maigres, barbus, jugés fanatiques, solidaires entre eux, forcément ignorants et mal élevés puisqu’ils ne parlent même pas l’anglais, bref sauvages en bonshommes obèses, individualistes, amateurs de hamburgers, de coca-cola, de musique rock et de pin-ups pour calendriers de camionneur et bien sûr disposés à dénoncer leurs frères, en un mot en consommateurs modèles de l’american way of life. Les prétendus talibans doivent devenir des Mister Smith, des hommes nouveaux de l’Empire. On n’a pas cherché à les convertir en presbytériens, baptistes, méthodistes ou épiscopaliens mais cela ne saurait tarder.
La troisième fonction est l’expérimentation de nouvelles méthodes d’enfermement, de disciplinage, d’interrogatoire et, il faut le dire, de torture. C’est la dimension laboratoire. À chaque nouvel ennemi, le système impérial US a cherché à trouver des nouvelles tactiques de combat militaire, politique, idéologique et policier, donc aussi de nouvelles méthodes pour “surveiller, punir et interroger”.
C’est que guantanamo n’a pas été improvisé, mais pensé et préparé, avant même le 11 septembre 2001 et la guerre contre l’Afghanistan. Utilisée pour concentrer des boat people haïtiens dans les années 90, la base de guantanamo devait accueillir des “réfugiés” ou des prisonniers de la guerre du Kosovo, mais on y a renoncé au dernier moment. Elle devait accueillir des prisonniers faits en Iraq, mais là aussi, on y a renoncé lorsqu’on s’est rendu compte que Saddam Hussein avait préparé sur place un dispositif carcéral amplement suffisant.
Mais la quatrième et principale fonction de guantanamo est celle-ci : c’est un outil stratégique de commandement au service de la diplomatie guerrière de l’Empire. De guantanamo émanent des messages multiples, des directives même aux pays dont des ressortissants sont enfermés.
Citons quelques-uns de ces messages directifs :
1°- Les interrogatoires de tel ou tel de vos ressortissants ont permis d’établir l’existence de tel ou tel réseau terroriste dans votre pays. Nous vous demandons donc avec insistance de sévir contre telle ou telle organisation, telle ou telle personne. Sur la base d’interrogatoires surréalistes, le FBI et la CIA agissent même directement dans une série de pays, supervisant les arrestations. L’exemple le plus massif est le Pakistan, le plus meurtrier est le Yémen.
2° - Deuxième message aux pays dont des ressortissants sont détenus à guantanamo : si vous collaborez avec nos projets impériaux, on pourra éventuellement vous rendre vos détenus. C’est ce qui s’est passé avec une série de pays, qui ont pu récupérer certains de leurs ressortissants (Pakistan, Afghanistan, Arabie saoudite, Soudan, Danemark, Grande-Bretagne, Tadjikistan, Algérie entre autres). Colin Powell a envoyé un tel message à la France, la semaine dernière depuis Copenhague. Il a dit à mots couverts ceci : si la France accepte d’envoyer des troupes en Iraq, ne serait-ce que pour protéger la mission de l’ONU, les sept détenus français pourraient être libérés.Ainsi donc, les détenus de guantanamo jouent à leur corps défendant le rôle d’ambassadeurs si l’on se souvient que les ambassadeurs, historiquement, étaient des otages.
Désormais, guantanamo, auparavant connu à cause d’une célèbre chanson cubaine, est devenu un gros mot. Je citais le cas de Belmarsh, baptisé le guantanamo anglais. Je pourrais citer le local 1391, cette prison clandestine israélienne où sont détenus des Palestiniens et des Libanais, qui a été immédiatement baptisée le guantanamo israélien par les médias israéliens lorsqu’ils ont découvert son existence l’année dernière.
Rappel historique
Je passe maintenant au rappel historique qui me semble très pertinent pour replacer guantanamo.
Il touche à l’origine même de guantanamo, qui est un souvenir vivant du Premier Empire yankee.
En février 1903, le président Theodore Roosevelt signe avec le premier président cubain, Thomas Estrada Palma - qui était également citoyen des USA - un accord pour la « cession de terrains pour l’établissement de dépôts de charbon et de bases navales » à Bahia Honda et à guantanamo. Bahia Honda ne vit jamais le jour mais guantanamo devint une base navale permanente. L’accord, confirmé en juillet 1903, stipulait effectivement qu’il ne pouvait être rompu que par décision conjointe des deux signataires : la République dépendante de Cuba autorisait par là les forces navales des USA à stationner sur une portion de son territoire autant de temps que l’Empire l’estimait nécessaire. Et la nécessité devint d’autant plus durable que la « diplomatie de la canonnière » de Roosevelt Ier créa, quelques mois plus tard, l’État du Panama, jusque-là province des États-Unis de Colombie. Le gouvernement fédéral colombien ayant eu l’insolence de refuser une concession territoriale aux USA, pour la reprise de la construction du canal de Panama, la présidence US se fit l’instigatrice d’une sécession panaméenne. Aussitôt dit, aussitôt fait, la République de Panama était proclamée le 3 novembre 1903. Le 18 novembre, le Panama concédait aux USA, à perpétuité, l'« usage, l'occupation et le contrôle d'une zone de terrains […] pour la construction, l'entretien, l'exploitation, l'assainissement et la protection du dit canal. » La mer des Caraïbes devenait un point de passage direct entre l’Atlantique et le Pacifique : l’intérêt stratégique de la base navale de Guantanamo prenait une ampleur qui ne souffrait plus aucune contestation.
Mais il est fort utile de rappeler les circonstances historiques qui ont permis aux USA d’établir leur contrôle sur Cuba. Pour cela, il faut revenir quelques années en arrière.
En 1895, le Parti révolutionnaire cubain relance la guérilla contre l’Espagne, puissance coloniale. Ne parvenant pas à venir à bout de l’insurrection, la Couronne espagnole passe la main aux USA. On assiste alors à une mise en scène magique : le 15 février 1898, le navire cuirassé USS Maine de la flotte yankee explose en rade de La Havane, tuant les 268 hommes d’équipage, à l’exception notable de l’ensemble des officiers, tous invités, précisément ce soir-là, à un dîner en ville. L’explosion fut présentée par le gouvernement et les médias yankees comme une attaque espagnole. En 1975, une enquête de l’armée US conclut pourtant que la cause la plus probable était une explosion provenant de l’intérieur même du Maine. La thèse officielle privilégia alors l’hypothèse d’une explosion accidentelle de poussière de charbon dans une soute localisée près de la salle des munitions. Quelques 105 années plus tard, l’autre hypothèse - plausible bien que non retenue par la commission d’enquête militaire - est celle d’un « attentat » délibérément préparé, ou délibérément laissé préparer (il y a peu de différence), afin de justifier le déclenchement du conflit. Que conclura la commission d’enquête de l’an 2079 sur le 11 septembre 2001 ?
Le 25 avril 1898, répondant aux vœux des grands groupes de presse, des premiers grands trusts industriels et des firmes d’armement, le président McKinley déclare donc la guerre à l’Espagne. Sous le slogan « N’oubliez pas le Maine », l'escadre du commodore Dewey détruit, le 1er mai, la flotte espagnole des Philippines sans perdre un seul homme. Une guerre chirurgicale en somme. Le 3 juillet, c’est au tour de la flotte de l’amiral Cervera – dont le Cristobal Colon ! – d’être coulée, toujours en souvenir du Maine, dans la baie de Santiago de Cuba. Ce fut une véritable « guerre-éclair » : sans avions et sans blindés, 20 000 yankees opposés à plus de 300 000 soldats espagnols obtiennent, en moins de trois mois, la reddition des armées de la régente Elisabeth d’Espagne.
Le Traité de Paris de décembre 1898 organise une simple passation de souveraineté, contre paiement d’une indemnité, entre la Couronne espagnole et le gouvernement des USA sur les îles de Cuba, de Porto-Rico, de Guam et sur l’archipel des Philippines.
Contrairement à l’île de Porto-Rico qui fut annexée pour demeurer sous la tutelle directe du président des États-Unis d’Amérique jusqu’en 1952 et aux Philippines qui ne deviendront indépendantes qu’en 1946, Cuba est placée sous l’administration d’un gouvernement militaire d’occupation. L’armée yankee remplace l’armée espagnole, avec la même mission à remplir : mettre un terme à la Révolution cubaine. Le gouvernement militaire US se consacre au remplacement de l’Armée de libération par une garde rurale qu’il pouvait aisément contrôler et à l’élimination de l’« Assemblée représentative du peuple cubain armé », qui administrait les territoires libérés de l’occupation espagnole. Ce n’est qu’une fois cette politique contre-révolutionnaire appliquée par son armée d’occupation que le gouvernement yankee consentira à envisager la possibilité d’une république cubaine.
Une assemblée constituante est élue en novembre 1900, et la constitution de la République de Cuba votée en février 1901. Le peuple cubain s’étant doté d’une constitution lui permettant d’exercer sa souveraineté, les troupes yankees pouvaient évacuer l’île avec le sentiment du devoir accompli : la puissance coloniale européenne avait cédé la place à une nouvelle république américaine. Mais tel n’était pas le souhait de l’Empire.Le 27 février 1901, l'amendement proposé par le sénateur Orlando Platt est adopté par le Sénat US : son article 3 édicte que le gouvernement cubain autorise les USA à « intervenir en faveur de la sauvegarde de l’indépendance cubaine et du maintien d’un gouvernement attaché à la protection de la vie, de la propriété et de la liberté individuelle ».
Afin de permettre l’exercice de ce « droit d’intervention », l’article 7 prévoit que les USA pourront acquérir ou louer auprès du gouvernement cubain des terrains servant à « l’établissement de dépôts de charbon et de bases navales en certains points qui seront déterminés avec le Président des USA. »Surtout, et c’était là la mesure la plus destructrice de la souveraineté cubaine, l’amendement Platt proclamait que le président US ne laisserait « le gouvernement et le contrôle de l’île » au peuple cubain qu’à condition que l’amendement lui-même, voté par une institution yankee, soit « partie intégrante » de la constitution de la République de Cuba.
C’est Theodore Roosevelt qui mettra en application ce que prévoyait l’amendement Platt. Theodore Roosevelt avait préparé la guerre contre l’Espagne en tant que secrétaire adjoint à la Marine. Il était devenu vice-Président par l’utilisation médiatique de son engagement à Cuba où il incorpora des reporters au sein de son corps de volontaires, les Rough Riders (les « Rudes Cavaliers ») . L’assassinat de Mc Kinley lui permettra d’accéder à la présidence.
Roosevelt II (Franklin Delano) confirmera par le traité de 1934, qu’il n’y aurait pas de « nouvelle donne » (new deal en anglais) concernant Cuba : les limites territoriales de la base de Guantanamo demeureraient « aussi longtemps que les USA n’abandonneront pas la dite base navale ». La Deuxième Révolution cubaine de 1959 et la contestation par le gouvernement castriste de l’atteinte à la souveraineté du peuple de Cuba n’entama pas l’existence de la plus ancienne base outre-mer de l’Empire. Tout au plus, la base fut aménagée pour devenir autosuffisante en eau grâce à une usine de désalinisation, devenant plus totalement encore une enclave US sur le sol cubain.
Et c’est cette enclave qui a servi de laboratoire d’essai au Premier Empire yankee (1898-1941) avant que les bases militaires se multiplient et soient disséminées aux différents points stratégiques du Deuxième Empire (1941-2001) et du Troisième Empire (2001-…). Là est le lien entre Guantanamo et l’histoire de l’Empire yankee : c’est à guantanamo que le modèle impérial a été testé.
Quel est le modèle de domination impériale yankee ? Il peut être résumé en un schéma simple : « attentat » -> guerre -> occupation -> bases militaires. Ce schéma peut être développé ainsi :
• Un « attentat » vise une cible US, la plus symbolique possible (selon le contexte historique) afin de marquer l’opinion publique des citoyens US, et pourquoi pas l’opinion mondiale ;
• Le gouvernement US, au nom du droit de la victime à se défendre contre une agression (et sans attendre les résultats d’une quelconque enquête), déclare la guerre à un État qui fait obstacle aux Droits de l’Homme ainsi qu’aux intérêts de l’Empire (cette confusion entre les droits de l’humanité et les impérieux intérêts de l’Empire n’est-elle pas la preuve qu’il s’agit là de l’Empire du Bien ?) ;
• Les armées de l’Empire remportent une victoire par capitulation qui leur permet d’occuper le pays vaincu et d’y installer un gouvernement sensible aux intérêts yankees ;
• Ce gouvernement mis en place par l’armée d’occupation s’empresse de céder aux USA, afin que ceux-ci protègent l’indépendance du peuple fraîchement libéré (car les USA, comme Napoléon Ier, n’entreprennent que des guerres de libération), des bases militaires pour une durée proche de la permanence.
Par une répétition qui doit nous interroger, c'est ce schéma grossier de domination qui a été suivi lors des trois vagues d’expansion impériale yankee :
• L’explosion du Maine a justifié l’invasion de Cuba et des Philippines et l’élimination de leurs mouvements révolutionnaires, l’imposition de l’amendement Platt à Cuba, l’ouverture de l’économie cubaine aux capitaux yankees et l’établissement de la base de guantanamo ;
• L’attaque du 7 décembre 1941 sur Pearl Harbor a permis une vaste offensive dans le Pacifique, l’élimination de la concurrence de l’Empire nippon, son remplacement par une « démocratie industrieuse » et l’utilisation du Japon comme base de contrôle et de surveillance face à la Chine communiste. Remarque en passant sur Pearl Harbor : L’attaque a, encore récemment, suite aux attentats du 11 septembre 2001, été présentée comme un « attentat » dans le sens où il se serait agi d’une attaque surprise puisque l’Empire nippon n’avait pas déclaré la guerre à l’Empire yankee.
L’argument doit être sérieusement réexaminé lorsque l’on sait que le gouvernement US avait mis en place, à l’été 1941, un embargo total sur l’approvisionnement japonais en fer et en pétrole ; des mesures que Radhabinod Pal, un des juges au procès pour crimes de guerre des responsables japonais, en désaccord avec le verdict final, estima être « une menace claire et réelle pour l’existence même du Japon ». En réalité, le gouvernement US avait prévu, et voulu, cette guerre : l’attaque aérienne contre la base hawaiienne lui permit de faire basculer l’opinion publique jusque-là opposée au déclenchement de toute hostilité. Pearl Harbor offrit également l’occasion de créer un gigantesque complexe militaro-industriel qui permit aux forces US d’intervenir simultanément dans le Pacifique, en Afrique du Nord et en Europe au cours de la seconde guerre mondiale et de s’imposer comme le seul empire capitaliste – le 2e Empire yankee – face à l’Empire soviétique.
Enfin, il faut se rappeler que l’attaque sur Pearl Harbor eut lieu sous la présidence de Franklin D. Roosevelt, cousin de Théodore Roosevelt et, comme lui, ancien Secrétaire adjoint à la Marine. Elle servit également de justification à l’internement de plusieurs dizaines de milliers de citoyens US d’origine japonaise dans des camps de concentration.
• On observe un mécanisme similaire dans le déclenchement de l’intervention militaire US au Vietnam. Entre le 2 août et le 4 août 1964, deux destroyers US, le Maddox et le Turner Joy, qui se sont aventurés dans les eaux territoriales du Nord-Vietnam, essuient des tirs de la part des Nord-Vietnamiens. C'est du moins ce qu'affirment les services secrets de Washington (les équipages des navires concernés nieront plus tard la réalité de cette agression). Cet incident du golfe du Tonkin fournit au président Johnson le prétexte à une intervention militaire. Il lance dès le 4 août les premiers raids sur les positions communistes au Sud-Vietnam et, le 7 août, il obtient du Congrès les pleins pouvoirs militaires pour un engagement contre le Nord-Vietnam. Le 7 février 1965, l’aviation US commence à bombarder le Nord-Vietnam. On connaît la suite : 10 ans de guerre et le plus grand échec de toute l’histoire impériale des USA.
• Enfin, les attentats du 11 septembre 2001, ont justifié – pour l’heure - l’invasion de l’Afghanistan et de l’Iraq, l’élimination de deux régimes qui refusaient de céder à l’Empire sur la question d’un oléoduc pour les Talibans et des deuxièmes réserves mondiales de pétrole pour Saddam Hussein, la mise en place de gouvernements aux ordres à Kaboul et à Bagdad (lorsqu’aura cessé une période d’administration militaire US qui pourrait durer de quelques mois à plusieurs années) et l’établissement ou le renforcement de multiples bases militaires en Asie centrale et au Proche-Orient.
Voilà ce que je tenais à dire pour tracer un cadre général dans lequel replacer le défi mondial constitué par guantanamo. J’ai voulu ainsi vous donner une idée de la philosophie générale qui motive le Collectif guantanamo. Et je conclurai en rappelant que seules des multitudes humaines colorées, éclairées et organisées peuvent faire échec à l’Empire et à son goulag tropical. Je pense que nous aurons à débattre de cet aspect de la problématique qui nous réunit.

* Président du Collectif guantanamo, France.