jeudi 1 février 2007

La détention d'un Turc d'Allemagne à Guantanamo fragilise la coalition

par Cécile Calla, Le Monde, 31 janvier 2007
La pression ne se relâche pas outre-Rhin pour tirer au clair le rôle qu'a pu jouer l'actuel ministre des affaires étrangères, le social-démocrate Frank-Walter Steinmeier, dans le maintien d'un jeune islamiste turc vivant en Allemagne, Murat Kurnaz, au centre de détention américain de Guantanamo, à Cuba. Chef de la chancellerie sous Gerhard Schröder jusqu'en 2005, il était à ce titre chargé de superviser les services secrets. Arrêté en décembre 2001 au Pakistan, avant d'être transféré en janvier 2002 à Guantanamo, Murat Kurnaz, de nationalité turque mais qui a grandi à Brême, dans le nord de l'Allemagne, n'a été relâché qu'en août 2006, après l'intervention de la chancelière Angela Merkel. Selon plusieurs documents cités par la presse allemande, le précédent gouvernement aurait refusé de le reprendre, alors même que les Etats-Unis auraient implicitement proposé de le libérer dès 2002 et qu'à la même date un rapport des services allemands le considérait comme inoffensif. Trois ans plus tard, en 2005, Berlin aurait même cherché à constituer des preuves pour empêcher son retour en Allemagne.
Impliqué au premier plan dans ces décisions, M. Steinmeier dément avoir eu connaissance d'une offre officielle de libération des Etats-Unis et a assuré qu'il allait témoigner le plus rapidement possible sur cette affaire devant la commission d'enquête parlementaire. Sans pouvoir faire retomber la polémique. L'idée qu'un ministre allemand ait pu prolonger le séjour injustifié du jeune Turc à Guantanamo suscite une grande émotion outre-Rhin.
L'affaire a pris une telle ampleur qu'elle perturbe le climat de la grande coalition. Face aux accusations croissantes dont M. Steinmeier fait l'objet, l'Union chrétienne, qui gouverne avec le Parti social-démocrate (SPD), commence à prendre ses distances et demande une rapide élucidation des faits. "Nous voulons la vérité sur ce qui s'est passé", souligne Wolfgang Bosbach, vice-président du groupe parlementaire CDU-CSU (Union chrétienne-démocrate et Union chrétienne-sociale) au Bundestag.
De son côté, le SPD accuse les chrétiens-démocrates d'opportunisme. "Nous avons le sentiment que l'Union chrétienne cherche à porter un coup à l'image positive dont a bénéficié le SPD, en refusant, en 2003, de soutenir les Etats-Unis dans la guerre en Irak", souligne Angelica Schwall Dürren, vice-présidente du groupe parlementaire SPD. Le président du SPD, Kurt Beck, a fait part de son agacement à la chancelière lors d'une réunion entre les principaux représentants de la coalition.La chancelière, qui n'est pourtant pas toujours de l'avis de son ministre sur de nombreux points, notamment la politique russe, lui a fait part de son soutien total. Malgré l'actuelle polémique, M. Steinmeier reste très populaire outre-Rhin. Un récent sondage montre que 64 % d'Allemands s'opposent à une démission du ministre.
Source : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-861809@51-853474,0.html

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