lundi 22 décembre 2008

« Frappe-moi encore, baby » - Une histoire de la torture par la musique dans la guerre contre le terrorisme

par Andy Worthington, CounterPunch, 17 décembre 2008. Traduit par Djazaïri

Le message subliminal contenu dans le tube entraînant qui a projeté l’adolescente Britney Spears et ses couettes sur le devant de la scène mondiale en 1999 – avait conduit le label Jive Records a changer le titre de la chanson de « Hit Me Baby One More Time » (Frappe-moi encore , baby) en “... « Baby One More Time » (Encore une fois, baby) suite aux craintes de ses dirigeants de le voir considéré comme une approbation de la violence domestique.
On peut cependant parier à coup sûr que ni Britney ni Max Martin, l’auteur de la chanson, n’avaient pas envisagé que ce message puisse être récupéré par les militaires usaméricains lorsqu’on leur donna l’ordre de maintenir en éveil des prisonniers en leur faisant entendre de la musique à s’en crever les tympans – pendant des jours entiers voire des semaines ou même des semaines ou des mois – dans des prisons en Irak, en Afghanistan et à Guantánamo.
Le message, comme l’a expliqué dans une interview Ruhal Ahmed, un prisonnier libéré de Guantanamo, était moins important que le caractère implacable et sans échappatoire du bruit. Décrivant les fréquentes séquences de torture par la musique, Ahmed explique : “Je peux supporter les coups, ce n’est pas un problème. Une fois que vous avez accepté le fait que vous allez entrer dans la salle d’interrogatoire et être tabassé, ça va. Mais quand on vous torture psychologiquement, c’est insupportable.” Il ajoute cependant que “à partir de fin 2003 ils ont introduit la musique et c’est devenu encore pire. Avant ça, vous pouviez essayer de vous concentrer sur autre chose. Vous avez l’impression de devenir fou. Vous perdez les pédales, et c’est vraiment effrayant de penser que vous pourriez devenir fou à cause de toute cette musique, à cause du son à fond et parce qu’au bout d’un moment vous n’entendez plus du tout les paroles, tout ce que vous entendez c’est un énorme bang-bang.”
En dépit de ce fait, les soldats, qui avaient une grande latitude pour choisir les morceaux selon leurs goûts, optaient souvent pour des chansons aux textes agressifs – “Fuck Your God” (J’emmerde votre Dieu) de Deicide par exemple, qui est en réalité une diatribe anti-chrétienne mais dont le titre était supposé provoquer le consternation chez les adeptes de n’importe quelle religion – même si pour des prisonniers non familiers avec le rock occidental ou le rap, cette musique en elle-même suffisait à les mettre dans une situation très pénible. Quand des agents de la CIA s’exprimèrent sur ABC News en novembre 2005, dans le cadre d’un reportage choc sur l’utilisation du supplice du waterboarding* et d’autres techniques de torture sur des “détenus de première importance,” enfermés dans des prisons secrètes, ils rapportèrent que quand on forçait les prisonniers à écouter l’album Slim Shady d’Eminem, “La musique leur était si étrangère qu’elle les mettait dans tous leurs états.” Et en mai 2003, quand on a appris que la musique était utilise par les équipes d’action psychologique usaméricaines en Irak, le sergent Mark Hasdell, dont on dit que les chansons préférées seraient Bodies de Drowning Pool et Enter the Sandman de Metallica, avait déclaré à Newsweek, “Ces gens n’ont jamais entendu de Heavy Metal. Ils ne peuvent pas le supporter.”

L’approbation du recours à la torture par la musique dans la guerre contre le terrorisme
En fonction des goûts musicaux des gens, les réactions aux informations sur l’usage de la musique pour la torture de prisonniers consistent souvent en commentaires badins du genre, “Si je devais écouter Babylon de David Gray, le thème musical de Barneyle dinosaure violet par Christina Aguilera, je crierais à la ‘torture’ moi aussi.” Mais la réalité est malheureusement beaucoup plus sombre comme Hasdell l’a expliqué après avoir observé qu’en Irak, les prisonniers avaient un problème avec la musique heavy metal. “Si vous en passez pendant 24 heures,” expliquait Hasdell, “votre cerveau et votre métabolisme commencent à dysfonctionner, le fil de vos pensées ralentit et votre volonté est brisée. C’est alors que nous entrons pour leur parler.”
Tout comme d’importantes personnalités de l’administration, Hasdell était complètement inconscient du fait que “briser” les prisonniers plutôt que de chercher des moyens de les encourager à coopérer n’était pas la meilleure méthode pour obtenir des informations un tant soit peu fiables, mais les équipes de guerre psychologique n’étaient pas les seules dans ce cas. En septembre 2003, le général Ricardo Sanchez, commandant de l’armée US en Iraq, avait approuvé le recours à la musique comme élément d’un train de mesures à utiliser sur les prisonniers capturés “pour créer la peur, désorienter... et prolonger le choc de la capture,” et comme on l’apprend dans un nouveau rapport de la commission sénatoriale sur les services armé (Senate Armed Services Committee) sur la torture et les sévices infligés aux prisonniers sous garde US, le recours à la musique était une composante essentielle da la rétro-ingénierie de techniques sous le terme de Survie, Évasion, Résistance, Fuite (SERE) qui sont enseignées dans les écoles militaires des USA pour former le personnel à résister aux interrogatoires. Le rapport explique :
« Pendant la phase résistance de l’entraînement SERE, les membres de l’armée US sont soumis à des pressions psychologiques et physiques... conçues pour simuler les conditions auxquelles ils pourraient être soumis s’ils étaient faits prisonniers par des ennemis qui ne se conforment pas aux Conventions de Genève. Comme un... instructeur l’expliquait, l’entrainement SERE est “base sur l’exploitation illégale (aux termes des règles énumérées dans la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre) de prisonniers ces cinquante dernières années.” Les techniques utilisées dans la formation SERE, basées en partie sur les techniques utilises par les communistes chinois pendant la guerre de Corée pour détecter les faux aveux, comprennent l’arrachage des vêtements des détenus, les postures de stress, l’encapuchonnage de la tête, les interruptions de sommeil, le traitement comme des animaux, la soumission à de la musique à volume élevé et à des éclairages puissants, et l’exposition a des températures extrêmes. Elles peuvent aussi comprendre des coups au visage et sur le corps et, jusqu’à récemment, pour certains qui ont participé à la formation SERE de la Marine, le supplice du waterboarding. »
Le rapport de la commission sénatoriale fait porter la faute de l’application de ces pratiques sur de hauts responsables, dont le président George W. Bush, l’ancien secrétaire à la défense Donald Rumsfeld, Dick Addington, l’ex conseiller juridique (et actuellement chef de cabinet) du vice-président Dick Cheney et l’ancien conseiller pour les Affaires générales du Pentagone William J. Haynes II. Ce qui rend évident que non seulement l’utilisation de la musique fait partie d’un ensemble de techniques illégales mais aussi qu’au moins une partie de leur logique, selon les autorités chinoises qui les avaient appliquées, était de garantir l’obtention de faux aveux plutôt que “d’informations opérationnelles” que recherchait l’administration US.

Les expériences de Binyam Mohamed et Donald Vance
Si vous avez encore des doutes sur les effets pernicieux de la torture par la musique, considérez les propos de Binyam Mohamed, résident en Grande-Bretagne toujours détenu à Guantánamo, qui a été torturé au Maroc pendant 18 mois pour le compte de la CIA puis pendant quatre mois dans la “prison noire” de la CIA à Kaboul ou de Donald Vance, un sous-traitant de l’armée US en Irak qui a été soumis à la torture par la musique pendant 76 jours en 2006.
Parlant à son avocat, Clive Stafford Smith, directeur de l’association d’aide juridique Reprieve, Mohamed, comme Ruhal Ahmed, a expliqué comment la torture psychologique était pire que la torture physique qu’il avait endurée au Maroc, où les tortionnaires mandatés par la CIA lui entaillaient régulièrement le pénis avec une lame de rasoir. « Imaginez qu’on vous donne le choix : perdre la vue ou perdre l’esprit ».
Au Maroc, la musique ne représentait qu’une petite partie des tortures infligées à Mohamed. Vers la fin de ses 18 mois de calvaire, il se souvient que ses geôliers “me ligotèrent et me mirent des écouteurs sur la tête. Ils passaient du hip hop et de la musique rock, très fort. Je me rappelle qu’ils passaient et repassaient Meatloaf et Aerosmith. Je détestais ça. Ils passaient aussi 2Pac, All Eyez On Me, toute la journée et toute la nuit... Deux jours plus tard, ils firent la même chose. La même musique. Je ne pouvais pas ôter les écouteurs vu que j’étais attaché. Je devais dormir avec la musique et même prier avec.”
En revanche, à la Prison Noire qui n’était qu’une reconstitution plausible d’un donjon médiéval dans lequel les prisonniers étaient détenus dans une obscurité complète et étaient souvent enchaînés au mur par les poignets, le recours à la musique était constant. Ainsi que Mohamed l’a expliqué :
« C’était l’obscurité complète, et pas d’éclairage dans les cellules la plupart du temps... Ils m’ont suspendu immobilisé pendant deux jours. Mes jambes avaient enflé. Mes poignets et mes mains étaient engourdis... Il y avait de la musique à fond, Slim Shady et Dr. Dre pendant vingt jours. J’entendais ça en non stop, encore et encore. J’ai mémorisé la musique, toute, quand ils en changeaient pour passer d’horribles rires de fantômes et des bruits d’Halloween. C’était vraiment sinistre dans ce trou noir... L’interrogatoire a commencé dès le premier jour pour se poursuivre jusqu’au jour de mon départ. La CIA travaillait sur les gens, dont moi, jour et nuit. Beaucoup ont perdu l’esprit. Je pouvais entendre des gens se cogner la tête contre les murs et les portes, hurlant à s’en exploser la tête.... Pendant tout ce temps, j’ai eu droit à toutes sortes de musiques et de sons pénibles, perturbant le mental. J’appelle ça du lavage de cerveau. »
L’histoire de Vance prouve non seulement que la pratique d’utiliser la musique pour torturer était en vigueur pas plus tard qu’en 2006, mais qu’elle a aussi servi sur des usaméricains. Quand son histoire a été connue en décembre 2006, le New York Times écrivait qu’il “agissait comme taupe, fournissant au FBI des informations sur des activités suspectes de la société de sécurité pour laquelle il travaillait en Irak, dont ce qui selon lui était un possible trafic illégal d’armes,” mais que “quand les soldats usaméricains firent à sa demande une descente sur l’entreprise, M. Vance et un autre usaméricain qui y travaillait furent arrêtés en tant que suspects par l’armée qui ignorait que M. Vance était un informateur.”
Vance, qui fut détenu au Camp Cropper à Bagdad, a expliqué qu’il était soumis de façon routinière à la privation de sommeil, emmené pour interrogatoire en pleine nuit et place dans une cellule éclairée en permanence par des lampes fluorescentes. Il ajouté, “La plupart du temps, du heavy metal ou de la country music beuglait dans le corridor.” Parlant à l’Associated Press la semaine dernière, il a déclaré que l’usage de la musique comme torture “peut rendre fou un home innocent,” et ajouté une précision sur l’usage de la musique pendant son incarcération, indiquant qu’il était “bouclé dans une cellule de 3 X 3 mètres trop climatisée qui comportait un haut-parleur protégé par une grille métallique. Il y avait deux grands hauts-parleurs dans le couloir.” Selon lui, “La musique passait presque constamment, du hard rock principalement. Il y avait beaucoup de morceaux de Nine Inch Nails dont March of the Pigs. Je suis incapable de vous dire combien de fois j’ai entendu We will Rock You de Queen.” Il explique que cette expérience “vous fait sortir en quelque sorte de vous-même. Vous devenez incapable de formuler vos propres pensées dans un tel environnement.”
Après sa libération, Vance dit avoir résolu de poursuivre Rumsfeld en justice pour violation de ses droits constitutionnels et il observe que “Saddam Hussein avait plus d’avocats que je n’en ai jamais eu.” Il ajoute avoir écrit une lettre au commandant du camp “constatant que ces mêmes idéaux démocratiques que nous essayons d’instiller dans un Irak qui s’éveille à la démocratie, des procédures judiciaires de base à la Magna Carta, nous refusons nous-mêmes absolument et carrément de les respecter.”
Pour signer la pétition de Zero DB : http://www.zerodb.org/

Les musiciens passent à l’action
La semaine dernière, Reprieve a lancé une nouvelle initiative, Zéro décibel (Zero dB Against Music Torture), qui vise à encourager les musiciens à prendre position contre l’utilisation de leur musique comme instrument de torture. Ce n’est pas la première fois que les musiciens ont été encouragés à donner de la voix. En juin, Clive Stafford Smith avait soulevé le problème dans The Guardian. Dans un des articles de ce dossier, The Guardian signalait que la chanson Babylon de David Gray était désormais associée au débat sur la torture après que Haj Ali, l’homme encagoulé dans les célèbres photos d’Abou Ghraïb ait raconté avoir été entièrement déshabillé, ligoté et forcé à écouter en boucle un passage de la chanson à un volume si élevé qu’il craignit que sa tête explose. Gray a publiquement condamné cette pratique. « Le problème moral n’est pas de savoir s’ils utilisent ou pas ma chanson, c’est absolument hors de propos » a-t-il affirmé. « Ce serait situer notre réflexion au-dessous du niveau des gens auxquels nous sommes supposés nous opposer, et c’est à l’opposé de toute notre histoire et de tout ce que nous prétendons représenter. Tout ce qui attire l’attention sur l’étendue de l’horreur et de la bassesse dans laquelle nous avons sombré est une bonne chose. »
Dans une interview subséquente à la BBC, Gray a regretté que le seul aspect remarqué de l’affaire de la torture par la musique a été son “aspect nouveauté” – qu’il a compare à des Greatest Hits de Guantánamo – avant de condamner à nouveau avec force le détournement de sa musique et celle d’autres artistes.
“Ce dont nous parlons ici, c’est de personnes dans une pièce obscure, physiquement entravés par des menottes, des sacs sur la tête et de la musique qui déferle sur eux 24 heures par jour, sept jours par semaine,” a-t-il déclaré. “C’est de la torture et rien d’autre. Peu importe de quelle musique il s’agit – ce pourrait être un chef d’œuvre de Tchaïkovski ou Barney le Dinosaure. Ce n’est vraiment pas le problème, ça rend complètement dingue. Personne ne veut même réfléchir sur ce sujet ou discuter du fait que nous sommes allés bien au delà des procédures de droit et que nous torturons des gens.”
Tous les musiciens ne partagent pas la révulsion de Gray. Bob Singleton, qui a écrit la chanson theme de Barney, largement utilisée pendant la guerre contre le terrorisme, reconnait dans une colonne d’opinion publiée par le Los Angeles Times en juillet que “si vous balancez de la musique suffisamment fort assez longtemps, j’imagine que ça devient insupportable,” mais refuse par contre d’admettre que des auteurs puissent légitimement avoir un mot à dire sur la façon dont leur musique est utilisée ou qu’il existe des circonstances dans lesquelles passer de la musique continuellement à des prisonniers pourrait être considéré comme de la torture.
“C’est complètement absurde,” écrit-il. “Une chanson qui a été conçue pour que de petits enfants se sentent bien et aimés pourrait d’une manière ou d’une autre menace la santé mentale d’adultes et les amener au point de rupture de leur équilibre mental? » Il ajoutait : “L’idée que la répétition d’une chanson amènera quelqu’un aux limites de la stabilité émotionnelle ou le fera agir contrairement à sa propre nature transforme la musique en quelque chose comme le vaudou, ce qu’elle n’est pas.”
Singleton n’est pas le seul artiste à méconnaitre la façon dont la musique peut, en fait, constituer une torture – spécialement quand elle est utilisée comme pièce d’un ensemble de techniques imaginées pour briser des prisonniers.
Steve Asheim, le batteur de Deicide, a déclaré : “Ces types ne sont pas un groupe de lycéens. Ce sont des guerriers et ils sont entrainés à résister à la torture. Ils s’attendent à ce qu’on les brûle avec des torches et à ce qu’on les frappe à leur rompre les os. Si j’étais prisonnier à Guantánamo et qu’on me balançait un paquet de musique à fond, j’en viendrais à dire : ‘C’est tout ce que vous avez? Allez , allez.’ Je ne suis absolument pas pour torture des gens, mais je ne crois pas non plus que passer de la musique à volume élevé soit de la torture.”
Par ailleurs, d’autres musiciens ont été clairement enthousiastes au sujet de l’utilisation de leur musique. Stevie Benton de Drowning Pool, qui a joué pour les troupes US en Irak, a déclaré au magazine Spin : “Des gens s’imaginent que nous devrions être offensés que quelqu’un dans l’armée pense que notre chanson est suffisamment rasoir pour que, passée encore et encore, elle puisse briser une personne psychologiquement. Je prends comme un honneur de penser que notre chanson pourrait peut-être servir à empêcher un autre 11 septembre ou quelque chose de ce genre.”
Heureusement pour ceux qui comprennent que l’utilisation de la musique comme élément d’un système de techniques de torture n’est pas une affaire qui prête à rire, l’initiative Zero dB représente la tentative la plus significative à ce jour pour que cet usage cesse. Christopher Cerf, compositeur de la musique de Sesame Street, a été horrifié d’apprendre que la chanson thème de l’émission avait été utilisée pour des interrogatoires. “Je ne voudrais pas que ma musique fasse partie de ça,” a-t-il déclaré.
Tom Morello de Rage Against the Machine a été particulièrement net dans sa dénonciation de l’utilisation de la musique dans la torture. En 2006, il avait déclaré au magazine Spin : “Le fait que notre musique a été incluse de cette manière barbare est vraiment dégoûtant. Si vous êtes quelque peu au fait de la ligne idéologique de notre groupe et de notre soutien aux droits de l’homme, c’est vraiment difficile à supporter.” Dans sa tournée mondiale de cette année, Rage Against the machine s’est régulièrement produit sur scène en portant des cagoules et des combinaisons orange et, pendant un concert récent à San Francisco Morello a proposé une vengeance contre le président Bush ; “Je suggère qu’ils rasent Guantánamo Bay mais qu’ils conservent une petite cellule et qu’ils y mettent Bush... et qu’ils lui passent du Rage Against the machine.”
Et le 11 décembre, juste après l’annonce de la champagne Zero dB, Trent Reznor de Nine Inch Nails a publié le message suivant sur son blog :
« Il m’est difficile d’imaginer quelque chose de plus profondément insultant, avilissant et cause de colère que de découvrir que la musique que vous avez créée avec votre cœur et votre âme a été utilisée à des fins de torture. S’il existe n’importe quelle possibilité d’action en justice réaliste, elles seront menées sans faiblesse, et tout gain financier éventuel sera versé à des organisations de droits de humains. DIEU merci, ce pays semble s’être rangé du côté de la raison et nous pourrons laisser derrière nous l’administration Bush et son règne de puissance, d’avidité, de non-droit et de folie. »
Même James Hetfield de Metallica, qui a généralement été dépeint comme un défenseur de l’utilisation par l’armée US de la musique de son groupe, a exprimé des réserves. Dans une interview radio de novembre 2004, il avait déclaré être “fier” que l’armée ait utilisé sa musique (même si elle “ne lui en avait pas demandé la permission ni ne lui avait verse de royalties”). “Pour moi, les paroles so t une forme d’expression, la liberté d’exprimer ma folie,” avait-il expliqué avant d’ajouter “Si les Irakiens n’ont pas l’habitude de la liberté alors je suis heureux de participer à leur initiation.” Hetfield trouvait risible les affirmations selon lesquelles la musique pouvait server à la torture, disant : “Nous avons puni pour toujours nos parents, nos épouses, nos êtres aimés avec cette musique. Pourquoi en irait-il autrement pour les Irakiens?” Néanmoins, il reconnait la raison pour laquelle l’armée se sert de sa musique : “C’est le caractère implacable de la musique. Elle est absolument implacable. Si j’écoutais un groupe de death metal pendant douze heurs d’affilée, je deviendrais dingue moi aussi. Je vous dirais tout ce que vous voulez savoir.”
Si ces musiciens se sont exprimés publiquement, d’autres – dont Eminem, AC/DC, Aerosmith, les Bee Gees, Christina Aguilera, Prince et les Red Hot Chili Peppers – sont restés silencieux sur l’utilisation de leur travail. Le point de vue de Britney Spears est également inconnu, mais si on devait se baser sur ses propos à CNN en septembre 2003, il est peu probable qu’elle y voie un mal. Quand Tucker Carlson lui avait dit, “De nombreux artistes ont pris position contre la guerre en Irak. Et vous? Britney avait répondu, “Honnêtement, je pense que nous devons seulement faire confiance au président dans toutes ses décisions et seulement le soutenir, vous savez, et être confiants en ce qui va se passer.” Elle devrait peut-être parler avec Pamela Anderson qui a récemment publié sur son blog un message simple à Barack Obama : “S’il vous plait, fermez Guantánamo Bay – comprenez bien – faisons amende honorable/ stop à la torture – le temps est venu pour des solutions pacifiques”.

Andy Washington est écrivain et historien et est l’auteur de The Guantánamo Files.

* Waterboarding : expression issue d’un jeu de mots macabre (aux USA, le Water Board est la Compagnie des Eaux) désignant une forme de torture pratiquée depuis le Moyen-Âge : « Le prisonnier est attaché à une planche inclinée, les jambes levées et la tête légèrement plus basse que les pieds. On lui enveloppe la tête de cellophane et de l'eau lui est versée dessus. Inévitablement, les réflexes de suffocation s'enclenchent et une peur panique de la noyade force le prisonnier à supplier que l'on arrête le traitement. D'après nos sources, les officiers de la CIA qui se sont soumis à la technique du waterboarding on résisté en moyenne 14 secondes avant de craquer. Ils rapportent que le prisonnier d'Al-Qaida le plus dur, Khalid Cheikh Mohammed, s'est attiré l'admiration des interrogateurs en résistant entre deux minutes et deux minutes et demi avant de supplier qu'on le laisse parler. "La personne croit qu'elle est en train de se faire tuer, ce qui équivaut à un simulacre d'exécution, ce qui est illégal d'après les lois internationales", dit John Sifton de Human Rights Watch." (Brian Ross et Richard Esposito, ABC News , 18 novembre 2005)

vendredi 28 novembre 2008

« Le plan de Barack Obama pour fermer Guantánamo » … en juillet 2010

...Si tout va bien...
par Michel PORCHERON, 28/11/2008

« Le 20 juillet 2010 », si tout va bien


La question de la fermeture du centre de détention de Guantánamo Bay est désormais dépassée. Le centre de sinistre réputation, ouvert fin 2001, sera bien fermé, mais l’affaire est loin d’être simple en raison d’un ensemble complexe d’obstacles, de difficultés, de problèmes juridiques ou encore d’incertitudes à partir d’interrogations posées, qui n’ont actuellement pas de réponses, ni à court ou moyen terme. Cette affaire fait partie « des plus lourds fardeaux légués par le gouvernement Bush » (Dan Ephron, Newsweek). « Le centre de détention à partir duquel s’est développé un système compliqué spécifique de justice d’exception, pose une infinité (un sinfín) de problèmes » (Mónica C.Belaza, Washington pour El Pais, 22 novembre 2008).


Quelque 255 détenus sur les 778 qui y sont passés sont toujours emprisonnés, pour certains depuis plus de six ans et sans avoir été jugés. Les autres ont été relâchés sans avoir été jugés ou rapatriés, et ce depuis mai 2002. Seulement trois détenus ont fait l'objet d'une procédure judiciaire jusqu'à présent et vingt-trois autres sont inculpés pour « crimes de guerre ».


Le président élu des USA, Barack Obama a confirmé dimanche 16 novembre sur la chaîne CBS sa volonté de fermer la prison de Guantánamo , ce qui devrait être une réalité prioritaire au lendemain (mais quand ?) de son investiture le 20 janvier prochain. Barack Obama pourrait faire de la fin de Guantánamo l’amorce d’une refonte de toute la politique pénale antiterroriste. «J'ai dit plusieurs fois que je voulais fermer Guantánamo , et je vais m'y tenir», a-t-il déclaré lors de son premier entretien télévisé depuis son élection le 4 novembre. Il a promis à plusieurs reprises pendant sa campagne de fermer le centre de détention, symbole des excès de «la guerre contre le terrorisme» menée par George W. Bush et critiqué par la communauté internationale. Par ailleurs, Obama a également confirmé qu'il entendait donner un coup d'arrêt à la torture comme méthode d'interrogation par l'armée usaméricaine: «J'ai dit plusieurs fois que l'Amérique ne torture pas. Et je vais m'assurer que nous ne torturons pas.» La fermeture de Guantánamo et l'arrêt de la torture, a ajouté Obama, «font partie d'un effort pour permettre à l'Amérique de retrouver son rang sur le plan moral».


Contre tous les principes de la justice usaméricaine, des hommes sont détenus pour une durée illimitée sans aucun chef d'inculpation. Simplement déclarés «combattants ennemis» par un tribunal militaire, ils ne disposent que depuis juin d'une possibilité réelle de recours devant un tribunal fédéral. Fermer la prison de Guantánamo , selon l’AFP, s'annonce une tâche des plus délicates pour le nouveau président, qui devra trouver une solution pour ces détenus qualifiés de «pires terroristes» par l'administration sortante et que personne, ni aux USA ni à l'étranger, ne s'empresse d'accueillir.


Avant d’aborder la question de cette fermeture, les récentes informations (quatre) sur Gitmo et ses premiers procès donnent un aperçu des obstacles qui attendent la future administration démocrate.


- L’ancien chauffeur d’Oussama ben Laden, Salim Ahmed Hamdan, détenu depuis 7 ans et premier condamné par un tribunal militaire d’exception, est « attendu au Yémen dans la semaine », a annoncé le gouvernement de ce pays. De « complexes » négociations ont permis le transfert de cet homme qui doit encore purger un mois de prison. Il avait été condamné en août à cinq ans et demi de prison pour « soutien matériel au terrorisme ».


- Un juge a ordonné la libération de cinq Algériens. Pour la deuxième fois depuis la décision de la Cour suprême fin juin rétablissant l'habeas corpus pour les prisonniers de Guantánamo , un juge civil a ordonné, jeu­di 20 novembre, la libération de détenus. Le juge fédéral Richard Leon était saisi du cas de six Algériens, Lakhdar Boume­diene, 42 ans, Mustafa Aït Idir, 38 ans, Mohamed Nechla, 40 ans, Hadji Boudel­la, 43 ans, Saber Lahmar, 39 ans, et Belka­cem Bensayah, 46 ans. Ils avaient été kidnappés en Bosnie en 2001 et transférés à Guantánamo début 2002. Le magistrat a ordon­né la libération des cinq premiers. Il a esti­mé que le gouvernement n'avait pas réus­si à prouver la qualification d'« ennemis combattants » qu’il leur appliquait. Concernant Belkacem Bensayah, il a en revanche estimé qu'il était « probable » qu'il ait prévu de se rendre en Afghanis­tan pour y prendre les armes contre les for­ces usaméricaines, apportant un « soutien direct » à Al Qaida.


Le juge a rendu sa décision à l'issue d'un procès qui a duré sept jours, dont six à huis clos. Le verdict a été rendu en public au tribunal de Washington. Les détenus algériens ont pu l'entendre en direct depuis Guantánamo .


C'est la première fois qu'un juge se prononce sur la validité de la qualification d'ennemi combattant. Le 7 octobre, un autre juge, Ricardo Urbina, avait déjà ordonné la mise en liberté de 17 Ouïgours, mais ceux-­ci n'étaient plus considérés comme des ennemis combattants par le Pentagone. Les 17 Ouïgours sont toujours en déten­tion, le gouvernement ayant fait appel. Il est vraisemblable que le sort des Algé­riens ne changera pas davantage. Les juges sont en droit d'ordonner la libéra­tion des prisonniers, mais il revient à l'ar­mée d'organiser leur libération. A moins de deux mois de la fin de son mandat, le président George Bush n'a pas l'intention de prendre la responsabilité de libérer des hommes que l'armée juge susceptibles de retourner au combat et de tuer des sol­dats usaméricains.



Ammer, Wiener Zeitung, Autriche


Quelque 150 dossiers sont encore sur les bureaux de la quinzaine de juges de la cour fédérale de Washington autorisés à exami­ner les plaintes des détenus de Guantánamo par la dernière décision de la Cour suprême. Celle-ci a étendu les garanties constitutionnelles américaines à la base de Guantánamo , contredisant l'opinion de l'administration Bush, pour qui il s'agit d'une zone de flou juridique (source Le quotidien Le Monde).


- C’est le 27 janvier prochain que les six Français ex-détenus à Guantánamo connaitront le jugement de la Cour d’appel de Paris. Cinq d’entre eux avaient été condamnés en première instance fin 2007 à 5 ans de prison – dont quatre avec sursis - pour leurs activités au sein de la mouvance ben Laden. Khaled Ben Mustapha, l’un des prévenus, en a profité pour déposer une nouvelle plainte contre X pour « enlèvement et séquestration arbitraires ».


- Ali Hamza Ahmad Al Bahlul, un Yéménite accusé d'être le propagandiste d'Oussama Ben Laden, a été condamné à la prison à vie par un tri­bunal militaire d'exception, composé de neuf officiers usaméricains, sur la base de Guantánamo , après avoir été reconnu coupa­ble de « complot avec Oussama Ben Laden, et d'autres, pour assassiner des per­sonnes protégées, attaquer des civils et com­mettre d'autres crimes » de terrorisme, a indiqué, lundi 3 novembre, un porte-­parole du Pentagone. L'accusé, âgé de 39 ans, a également été reconnu coupa­ble d'« incitation à des actes de terrorisme [et de] soutien matériel au terrorisme ». Ali Hamza Ahmad Al Bahlul a été l'un des premiers à arriver à Guantánamo , début 2002, et à être inculpé. Il s'agit du deuxième procès (le premier étant celui du chauffeur Hamdan) d'un détenu de Guantánamo devant une commission militaire, une procédure jamais vue depuis la seconde guerre mondiale. Celle-ci a fait l'objet de multiples critiques de la part des avocats de la défense, tant militaires que civils, mais aussi des associations de défense des droits de l'homme. L’accusé et son avocat militaire usaméricain sont restés silencieux pendant tout le procès, en signe de protestation. Les interrogateurs ont témoigné que l’inculpé avait rédigé le script des testaments filmés de deux pirates de l’air du 11 septembre, Mohamed Atta et Ziad Al Jarrah, qui étaient ses colocataires à Kandahar, en Afghanistan (source : agences).


Ken Gude, le « Monsieur Guantánamo » de Barack Obama


Le quotidien français Libération a publié le mercredi 26 novembre 2008 une double page intitulée « Le plan d’Obama pour fermer Guantánamo » qui est un entretien avec Ken Gude, présenté comme étant l’expert qui a « élaboré pour le président élu le dispositif qui conduirait à la fermeture du centre de détention en juillet 2010 ». Ken Gude est membre d’un think tank (centre de réflexion) démocrate, le Center For American Progress (CFAP), l’un des plus importants de Washington, créé en 2003 et dirigé par John Podesta, ex-chef de cabinet de Bill Clinton, actuellement coprésident de l’équipe de transition de Barack Obama. Les propos de Ken Gude ont été recueillis par Philippe Grangereau, correspondant à Washington.



Barack Obama a chargé Ken Gude, spécialiste des questions de sécurité au CFAP, qui sert de vivier à la future administration démocrate, d’élaborer un plan détaillé pour fermer le centre de détention de Guantánamo en dix-huit mois.


« Ken Gude a toutes les chances d’être entendu », affirme Libération. Selon Gude, le dispositif mis au point conduirait à la fermeture de la prison de Guantánamo en juillet 2010, le 20 juillet 2010 pour être précis. « La première phase du plan débutera avec l’annonce d’une date de fermeture définitive en dix-huit mois - c’est-à-dire le 20 juillet 2010, si Obama fait cette annonce le 20 janvier 2009 même, le jour de son entrée en fonctions ».


Principaux extraits sur Guantánamo de l’entretien accordé par ce proche de Barack Obama, Ken Gude à Philippe Grangereau.

Comment fermer Guantánamo ? D’ici à juillet 2010, « il faudra transformer l’univers secret de Guantánamo en modèle de transparence, en y invitant des représentants de gouvernements et d’organisations internationales ». Le premier mois, il faudra établir trois catégories de prisonniers : « ceux qui seront inculpés d’activités criminelles, ceux qui doivent être libérés et ceux qui n’entrent pas dans ces deux catégories ».


Que faire des tribunaux militaires spéciaux mis en place par George W. Bush ?- Le président Obama devra les suspendre. Ce système a été conçu pour condamner et non pas pour rendre un jugement équitable.


Pendant cet examen des cas, les déclarations d’hier obtenues sous la torture seront-elles retenues ?- (...) Je considère que les informations obtenues sous la torture ne sont pas fiables, que cet a priori doit prévaloir et que donc, au final, il convient de les ignorer presque totalement. Dans les cas où un procès devant une cour fédérale est recommandé, il faudra que les preuves soient recevables et la manière dont le prisonnier a été traité sera un facteur à prendre en considération.


Où se dérouleront les procès ?- Les détenus seront traduits, selon les cas, devant un tribunal fédéral civil à New York ou à Washington s’ils sont accusés d’actes terroristes, ou bien devant une cour militaire régulière s’ils sont accusés d’actes visant l’armée américaine (...) Il s’agit de montrer qu’il est possible, contrairement à ce que dit l’administration Bush, de juger des détenus de Guantánamo devant une cour fédérale civile.



Kiro, Le Canard Enchaîné


Quels seront les problèmes les plus importants posés par la fermeture de Guantánamo ?- Le plus difficile sera de trouver une terre d’accueil pour ceux qui seront libérés. C’est pourquoi il faudra mettre en place un programme de réhabilitation et de réintégration, qui visera à convaincre des pays d’accueil de les prendre.


Les 17 Ouïghours seront-ils réimplantés aux Etats-Unis ?- Oui, je pense que l’administration Obama prendra cette décision. Ils ne sont plus considérés comme des «ennemis combattants illégaux». Leur libération a été ordonnée par un juge américain et la communauté ouïghoure américaine est prête à les accueillir et faciliter leur intégration. L’administration Bush a fait appel de la décision de ce juge en arguant qu’il n’a pas l’autorité de décider s’ils doivent être libérés sur le territoire américain. Mais il n’y a pas d’autre solution, car il est pratiquement impossible de leur trouver un autre pays d’accueil.


Cela ne va-t-il pas créer un précédent ?- C’est justement ce que cherche à éviter à tout prix l’administration Bush. L’administration Obama ne veut pas non plus créer de précédent judiciaire et c’est pourquoi elle va sans doute ordonner d’autorité leur libération, sans passer par un juge.


Combien y a-t-il maintenant de détenus à Guantánamo et quel est leur statut ? – Environ 250, et le dernier à être arrivé est, semble-t-il, un Kenyan capturé l’an dernier. L’administration Bush estime qu’environ 70 d’entre eux sont libérables, mais n’est pas parvenue à leur trouver un pays d’accueil. Une centaine de détenus sont yéménites et seuls quelques-uns sont accusés d’activités criminelles. Les autres pourraient tous être renvoyés au Yémen, si tant est qu’il existe un programme de réhabilitation ou une prison sûre.


Comment fonctionnerait un programme de réhabilitation ? - Le modèle est le programme de dé-radicalisation et de réintégration (...) Il s’agit essentiellement de se servir de religieux musulmans pour convaincre les détenus de rejeter la violence et l’islam radical. Un tel programme pourrait être réalisé à Guantánamo. Il ferait partie intégrante du processus de fermeture (...) L’administration Bush avait une définition incroyablement large (de la notion d’ « ennemis combattants ») l’administration Obama aura une définition plus étroite de ce statut. L’administration Obama établirait un mécanisme permettant de déterminer, aux termes de l’article 5 des Conventions de Genève, si ces personnes sont des «prisonniers de guerre» ou des «ennemis combattants illégaux».


Où seraient détenus ces derniers prisonniers de Guantánamo ?- En Afghanistan, où le gouvernement américain finance la construction d’une nouvelle prison. Cette prison serait placée sous l’autorité non pas des Etats-Unis, mais de l’Otan. Le choix de l’Afghanistan est logique, puisque c’est là que ces «ennemis combattants» ont été appréhendés. (c’est nous qui soulignons)


Où et comment seront détenus les suspects appréhendés à l’avenir ?- Le fait est qu’aujourd’hui, nous continuons de détenir des personnes liées au conflit en Afghanistan et au Pakistan. L’administration Obama va se trouver confrontée à cette question (...) Elle va devoir élaborer une définition précise de qui peut être légalement détenu.


Qui va prendre cette décision, les militaires sur le terrain ?- Non. Il faudra passer par un processus de détermination, aux termes de l’article 5 des Conventions de Genève, qui n’existe pas à l’heure actuelle.


Y aura-t-il une limite de temps à la détention d’un suspect ? - Les procédures seront certainement accélérées par rapport à ce qui se passe maintenant. Il ne faudra pas qu’il y ait, comme c’est le cas actuellement dans la prison de Bagram (Afghanistan), des gens détenus pendant des mois sans audience.


Quelle sera la décision la plus dure à prendre durant le processus de fermeture de Guantánamo ? C’est la question de savoir ce qu’on va faire des prisonniers qui ne peuvent pas être inculpés, qui n’entrent pas dans la définition d’«ennemis combattants», mais qu’on pense être dangereux. Certains ont suggéré de les emprisonner aux Etats-Unis, mais je ne pense pas que l’administration Obama adoptera cette solution, qui est à l’opposé de ses convictions. Il va donc falloir se résoudre à les relâcher, tout en sachant qu’il y a un risque. L’administration Bush dit qu’il y en a des dizaines, voire une centaine qui ont ce profil. En réalité, il y en aurait 10 ou 15.


Source : http://www.liberation.fr:80/monde/0101268839-le-plan-d-obama-pour-fermer-guant-namo


Arcadio, La Prensa, Panamá


En finir avec Gitmo, plus facile à dire qu’à faire


Bush lui-même et la plupart de ses ministres s’étaient déclarés favorables à une fermeture du centre de détention. Ces bonnes intentions sont restées au stade du vocabulaire. Un vœu pieux. Or Guantánamo était devenu synonyme de tous les maux dont sont porteurs les USA, avec ces temps derniers quelques améliorations matérielles dans la vie des détenus, c’est le moins que pouvait faire la Joint Task Force. Le tristement célèbre camp X-Ray, où des hommes enchaînés, les yeux bandés, étaient détenus dans des cages en grillage métallique sous le seul abri d'un toit plat, est à l'abandon, comme l’a écrit The Economist de Londres en novembre 2007, précisant alors que quelque 80 détenus pourraient être jugés pour crimes de guerre.


Le premier détenu condamné fut un Australien, David Hicks, qui écopa en mars 2006 de sept ans de prison pour terrorisme (il a plaidé coupable et purge aujourd'hui la fin de sa peine en Australie). Fin 2007, soit plus de six ans après la mise en place des commissions militaires, un seul autre détenu, le Canadien Omar Khadr, fut officiellement inculpé, début novembre. Le vrai tournant dans l’affaire de Guantánamo a été la décision de la Cour suprême d’accepter la requête en habeas corpus d'un prisonnier [procédure permettant à un détenu de contester la légalité de sa détention].


Une bataille au long cours


« Si les prisonniers sont auto­risés à contester leur détention pour une durée indéterminée devant des tri­bunaux civils américains, alors le cen­tre de détention de Guantánamo per­drait sa raison d'être, écrivait The Economist dans l’article déjà cité. C'est précisément parce que l'on pensait que cette par­celle de territoire cubain louée aux autorités de La Havane était hors d'at­teinte du droit américain et interna­tional qu'elle avait été choisie pour abriter « les ennemis combattants ».


Si techniquement, l'affaire n'est pas sim­ple, « quel que soit le prix de la surveillance à l'extérieur (des anciens de Guantánamo , plus radicalisés que jamais, jusqu’à être des kamikazes de demain), une démocratie digne de ce nom doit cesser de détenir des prisonniers sur une base juridique contraire au droit », a commenté pour le quotidien français Le Monde, Caroline Fourest (21 novembre 2008). Elle précise que des universitaires usaméricains ont propo­sé « une commission vérité. Le minimum serait que les responsables politiques d'une telle aberration, juridique et morale, rendent des comptes »


Pour Caroline Fourest, « le vocabulaire employé après le 11-Septembre est à l'image de la straté­gie choisie. L'administration Bush s'est crue au Far West face à des Indiens (...) En choisissant d'envahir l'Irak au mépris des conventions internationales, en ouvrant Guantánamo et en pratiquant la torture, elle est passée du statut de victime à celui du bourreau. Elle a cogné à bras raccourcis sur le symptôme (le terroris­me) sans pouvoir le faire disparaître, tout en nourrissant la propagande de sa matri­ce (l'idéologie intégriste) »


« C'est ce cercle infernal que l'élection de Barack Obama et son softpower donnent l'espoir de pouvoir inverser ». « L'état de grâce d'Obama ne durera pas éternellement. Après huit ans de passion (...) il est urgent de passer au sang ­froid et à l'efficacité »


Dans Newsweek de la seconde quinzaine de novembre 2008, Dan Ephron insiste pour dire qu’il « va falloir du temps et de l'imagination pour assainir ce bourbier carcéral créé par Bush et qui, en sept ans, a pris de l'ampleur ».


Pour Ephron -- dans son article, antérieur aux déclarations de Ken Gude-- quatre raisons majeures « laissent penser que le centre de détention sera probablement encore en activité dans un an », avançant des arguments que l’on retrouve dans l’analyse de Gude.


LE « FACTEUR YÉMÉNITE ». En effet, comme on l’a vu plus haut, la fermeture de Guantánamo implique le rapatriement de la majorité des quelque 255 prisonniers toujours détenus. « Avant de les renvoyer chez eux, il faudra négocier avec leur pays d'origine »Comme les Yéménites forment le groupe de prisonniers le plus important, « il faudra discuter avec Sanaa », souligne Ephron qui ajoute : « Or le Yémen a été l'interlocuteur le plus inflexible dans ce dossier », contrairement à l'Arabie Saoudite qui a gardé en prison certains « anciens » de Gitmo, restreint les déplacements d'autres et obligé ceux qu'elle pen­sait pouvoir réintégrer à suivre un programme de "déradicalisation ».


« Le Yemen ne veut pas donner l'impres­sion d'accéder à quelque demande que ce soit des USA", explique un ancien haut fonctionnaire cité par Ephron pour qui si le gouvernement de Barck Obama « consent à libérer certains pri­sonniers sans rien exiger de leur pays d'origine, cela se fera au détriment de la sécurité des USA».


LE « SYNDROME NIMBY » (Not in my backyard) [littéralement "pas dans mon jardin"]. Les USA, selon Newsweek, vont garder sous les verrous quelques dizaines de suspects qu'ils veulent juger ou qu'ils considèrent comme trop dangereux pour être libérés. La question est de savoir où. Selon un ancien membre du Pentagone une étude secrète réalisée en 2006 indique quelques possibilités sur le sol usaméricain, dont la prison militaire de Fort Leavenworth, au Kansas, et celle de Charleston, en Caroline du Sud. Mais les représentants de ces États ou d'autres régions dotées de centres de détention militaires ont déjà averti qu'ils s'opposeraient à tout projet en ce sens. « On a là un problème », explique Charles Stimson, qui était jusqu'à l'année dernière sous-secrétaire à la Défense chargé des détenus.


« MIRANDA » [règle de notification des droits aux détenus] est la troisième raison majeure avancée par Ephron : une fois trans­férés, les prisonniers déjà inculpés puis jugés soit par un tribunal pénal fédéral, soit par un tribunal militaire, pourraient faire valoir leurs droits de détenus, jusqu’à « compromettre la possibilité d’une condamnation », selon Morris Davis, ancien procureur général à Gitmo. « Rien, dit le journaliste usaméricain, ne garantit que les procès seraient gagnés, même contre des membres importants d’Al Qaida, comme le cerveau présumé des attentats du 11 sep­tembre, Khaled Cheikh Mohammed ».


Dan Ephron cite certains experts, comme Neal Katyal, professeur de droit à l'université de Georgetown, qui ont proposé de créer de nouvelles « cours de sécurité nationale » où les inculpés auraient davantage de droits que dans les commissions militaires, mais sans bénéficier de toutes les protections accordées habituelle­ment. « L'idée a suscité une contro­verse dans le monde judiciaire, mais ce pourrait être la seule solution viable pour remplacer les commissions militaires de Guantánamo, complètement discréditées ».


Dernier argument : « BAGRAM », sur le sort qui sera réservé aux nouveaux prisonniers dans le futur. « Des travaux d'agrandissement sont actuellement en cours dans le centre de détention situé sur la base aérienne de Bagram, en Afghanistan. Mais Bagram a la même réputation de sévices, de secret et de détention sans procès que Guantánamo ».


On sait que les organisations de défense des droits de l'homme considèrent le centre de détention de Bagram comme un second Guantánamo .


« Pour véritablement changer les choses, souligne Ephron, le nouveau gouvernement va devoir instaurer de nouvelles règles qui garantissent aux terroristes présumés un procès rapide et juste ». Les USA ont besoin d’un cadre « solide » pour traiter leur cas. Mais, conclut Ephron pour Newsweek, «ce ne sont pas les idées qui manquent. Mais en choisir une et bâtir une nouvelle structure autour d'elle demandera de l'autorité et du temps ».


La fermeture de Guantánamo devrait être concomitante du retrait des troupes US d’Irak, mais aussi de l’augmentation de celles engagées en Afghanistan, autre priorité annoncée par le président élu, s’appuyant sur deux hommes qui ont fait leurs preuves sous Bush, le général Petraeus, patron du CentCom US et Robert Gates, maintenu au Pentagone. A son actif sur les théâtres militaires, le réseau de « forces spéciales » et la contre-insurrection. Tout cela dans un nouveau contexte, de multilatéralisme et d’appui réel européen. Ce sont les souhaits, entre autres, du président élu.



Marino Degano


Bonus-malus :


Tradition de fin de mandat, le président sortant George W. Bush a gracié une quinzaine de condamnés anonymes, usant de son pouvoir discrétionnaire. Pas mal, non ? Très bien pour les susdits condamnés qui bénéficient d’une grâce bien frappée au coin Bush, puisque on ne trouve parmi eux que de petits poissons, tombés pour fraude fiscale, détournement de fonds, usage de pesticides contre une espèce protégée ou trafic de drogue. Bien connu pour avoir été prodigue de mesures y compris illégales pour mettre au pas la justice de son pays y compris la violer, Bush restera aussi comme le président US le plus avare de grâces et commutations de peines. Avec, jusqu’ici, un score de 171 purges de casiers judiciaires sur plus de 2000 demandes et 10 peines commuées sur 7000 requêtes (source : Le Figaro). Moitié moins que Clinton, moitié moins que ...Reagan.


Bush dans le même temps a été vraiment « sympa » avec quelques-uns de ses amis qui ont eu des démêlés avec la justice, comme Lewis «Scooter » Libby, ancien chef de cabinet du vice-président Cheney, condamné en 2007 pour « parjure et obstruction à la justice ». Deux affaires sont à suivre : celle d’un ancien représentant républicain de Californie, Randy Cunningham et celle de l’ex-gouverneur de Louisiane Edwin Edwards. « Mais la question qui plane sur les intentions de Bush, selon le correspondant à Washington du Figaro, Philippe Gélie, dépasse les cas individuels, mais concerne l'hypothèse d'une immunité générale qu'il pourrait accorder, sous forme de grâce préventive, à tous les acteurs de la lutte antiterroriste. En 2002, John Yoo, conseiller au département de la Justice, avait rédigé un mémo autorisant le sup­plice de l'eau (waterboarding), qui provoque une sensation de noyade et d'autres techniques violentes contre les suspects de terroris­me. La CIA a reconnu avoir fait usage de ces méthodes contre au moins trois détenus de Guantánamo. Certains élus démo­crates souhaitent ouvrir des enquêtes après l'accession d'Oba­ma au pouvoir ».








Le philosophe Michel Terestchenko dans
Du bon usage de la torture : Ou comment les démocraties justifient l’injustifiable, propose une réfutation serrée de tous les « arguments » fallacieux qui justifient l’usage de la torture (Editions La Découverte, coll. Cahiers libres, 15 €).


Présentation de l’éditeur : Depuis le 11 septembre 2001, la torture est devenue, aux Etats-Unis, une pratique d’Etat politiquement et juridiquement justifiée par la « guerre globale contre la terreur ». Mais on sait moins, en Europe, qu’elle y a également fait l’objet d’une légitimation morale : pour d’éminents penseurs américains, la torture serait un mal nécessaire, voire un bien, dans certaines situations de menace extrême. Comment comprendre cette dramatique régression de la « première démocratie » ? La réponse à cette question est moins évidente qu’il n’y paraît. D’où l’importance de cet essai, dans lequel Michel Terestchenko l’affronte dans toutes ses dimensions. Historique d’abord, car les techniques d’« interrogatoire coercitif » sont le fruit de recherches scientifiques entreprises par l’US Army dès les années 1950. Juridique ensuite, avec les justifications légalisées par le Congrès américain, qui a permis la création d’un véritable archipel mondial de la torture. Philosophique et morale, enfin et surtout, avec une réfutation serrée de l’« idéologie libérale de la torture ». L’auteur explique notamment pourquoi son argument central, l’hypothèse de la « bombe à retardement » justifiant la torture de l’individu qui l’a posée, n’est en réalité qu’une fable perverse, popularisée notamment par la série télévisée « 24 heures ». Ainsi légitimée, démontre l’auteur, la torture devient le venin de la démocratie : en acceptant de briser les corps des hommes et des femmes « ennemis », elle mine inévitablement les principes mêmes de l’Etat de droit, corrompant la société tout entière.


Michel Terestchenko est Maître de conférences de philosophie à l’Université de Reims. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages de philosophie morale et politique, dont Un si fragile vernis d’humanité. Banalité du mal, banalité du bien (La Découverte/Poches, 2007), salué comme l’un des essais les plus importants de l’année 2005. Il est également l’auteur du blog michel-terestchenko.blogspot.com

samedi 22 novembre 2008

Un juge US ordonne la libération de cinq Algériens détenus à Guantanamo

Pour la deuxième fois depuis la décision de la Cour suprême fin juin rétablissant l'habeas corpus pour les prisonniers de Guantanamo, un juge civil a ordonné, jeudi 20 novembre, la libération de captifs détenus par les forces américaines sur la base navale de l'île de Cuba.
Le juge fédéral Richard Leon était saisi du cas de six Algériens, Lakhdar Boumediene, 42 ans, Mustafa Aït Idir, 38 ans, Mohamed Nechla, 40 ans, Hadji Boudella, 43 ans, Saber Lahmar, 39 ans, et Belkacem Bensayah, 46 ans. Ils avaient été arrêtés en Bosnie en 2001 et transférés à Guantanamo début 2002. Le magistrat a ordonné la libération des cinq premiers. Il a estimé que le gouvernement n'avait pas réussi à prouver la qualification d'"ennemis combattants" qu'il leur appliquait. Concernant Belkacem Bensayah, il a en revanche estimé qu'il était "probable" qu'il ait prévu de se rendre en Afghanistan pour y prendre les armes contre les forces américaines, apportant un "soutien direct" à Al-Qaida.
Le juge a rendu sa décision à l'issue d'un procès qui a duré sept jours, dont six à huis clos. Le verdict a été rendu en public au tribunal de Washington. Les détenus algériens ont pu l'entendre en direct depuis Guantanamo. C'est la première fois qu'un juge se prononce sur la validité de la qualification d'ennemi combattant. Le 7 octobre, un autre juge, Ricardo Urbina, avait déjà ordonné la mise en liberté de 17 Ouïgours, mais ceux-ci n'étaient plus considérés comme des ennemis combattants par le Pentagone. Les 17 Ouïgours sont toujours en détention, le gouvernement ayant fait appel. Il est vraisemblable que le sort des Algériens ne changera pas davantage. Les juges sont en droit d'ordonner la libération des prisonniers, mais il revient à l'armée d'organiser leur libération. A moins de deux mois de la fin de son mandat, le président George Bush n'a pas l'intention de prendre la responsabilité de libérer des hommes que l'armée juge susceptible de retourner au combat et de tuer des soldats américains.
Quelque 150 dossiers sont encore sur les bureaux de la quinzaine de juges de la cour fédérale de Washington autorisés à examiner les plaintes des détenus de Guantanamo par la dernière décision de la Cour suprême. Celle-ci a étendu les garanties constitutionnelles américaines à la base de Guantanamo, contredisant l'opinion de l'administration Bush, pour qui il s'agit d'une zone de flou juridique.
Corine Lesnes, Le Monde, 22/11/2008

mardi 18 novembre 2008

Obama face au casse-tête juridique de la fermeture de Guantánamo

Barack Obama en avait fait une de ses promesses de campagne. "J'ai dit plusieurs fois que je voulais fermer Guantanamo et je vais m'y tenir", a-t-il répété, dimanche 16 novembre, sur CBS. Le centre de détention de la base navale américaine est devenu le symbole des excès de la "guerre contre le terrorisme" de l'administration Bush. Plus de huit cents hommes et adolescents sont passés par le centre depuis son ouverture en janvier 2002, et deux cent cinquante-cinq s'y trouvent encore incarcérés, pour la plupart depuis des années, sans inculpation ni procès. Seulement trois détenus ont fait l'objet d'une procédure judiciaire jusqu'à présent et vingt-trois autres sont inculpés pour crimes de guerre.
"Pendant trop longtemps, les pratiques interrogatoires abusives à Guantanamo ont entaché la réputation de notre pays, qui se veut la patrie des droits de l'homme, écrit le San Francisco Chronicle. De même, l'absence de procédures judiciaires a entaché (...) le principe d'une protection égale pour tous." L'objectif de l'incarcération à Guantanamo, selon le Time, n'a jamais été de mener des procès mais de collecter des renseignements. Toutefois, si la fermeture de ce centre est urgente pour restaurer la crédibilité des Etats-Unis, elle pose un problème logistique inédit : qui libérer, qui maintenir en détention et où placer les prisonniers ?
NÉGOCIATIONS DIPLOMATIQUES
Interrogé par Foreign Policy, Matthew Waxman, ex-secrétaire adjoint à la défense chargé des questions relatives aux détenus – qui a quitté ses fonctions en 2005 après avoir échoué à faire appliquer les conventions de Genève aux incarcérés de Guantanamo –, s'attend à une longue procédure. Au premier rang des obstacles, "les difficiles tractations diplomatiques pour transférer certains détenus vers leur pays d'origine", explique le juriste. Ces dernières années, des accords avec l'Arabie saoudite et l'Afghanistan ont permis d'y renvoyer de nombreux prisonniers, note le Houston Chronicle. Ils ont alors été soit incarcérés, soit libérés. Mais le Yémen, dont est originaire une centaine de détenus, est réticent à passer de tels accords et n'accepte pas les conditions posées par Washington.
Par ailleurs, une soixantaine de prisonniers seraient passibles d'être jugés aux Etats-Unis, selon la CIA, mais sur quelle base juridique ? Matthew Waxman envisage trois options : un procès devant les tribunaux américains – cours fédérales ou cours martiales ; leur détention en tant que "combattants ennemis" ; ou bien une détention préventive, pour laquelle la Maison Blanche devrait chercher une nouvelle légitimité juridique.
JEU D'ÉQUILIBRISTE
Autre problème de taille : de nombreux aveux ont été obtenus "sous contrainte", rendant nuls les actes d'accusation pouvant servir de base à d'éventuels procès. Or, les Américains ne sont pas tous prêts à voir des terroristes présumés libérés pour vice de procédure. Ainsi, le chef du service étranger de Sky News, Tim Marshall, souligne sur son blog que la fermeture de Guantanamo pourrait conduire à remettre en liberté Khaled Sheikh Mohammed, cerveau présumé des attentats du 11-Septembre. "Allons-nous réellement libérer ces hommes alors que nous savons [en gras dans le texte] qu'ils sont coupables de crimes ?" Toute la difficulté pour Barack Obama, selon le Christian Science Monitor, sera de rassurer les Américains en trouvant un équilibre entre respect des libertés civiles et garanties sur la sécurité nationale du pays. D'autant plus, souligne le Time, que "des terroristes présumés vont continuer à tomber dans les mains de la CIA, du FBI et de l'armée américaine" et qu'il faudra aussi convenir de leur sort. C'est pourquoi, pour le Middle-East Times, la fermeture du centre de Guantanamo Bay n'est qu'un "premier pas" vers la mise en œuvre d'une nouvelle stratégie de lutte contre le terrorisme, qui mette définitivement fin aux atteintes aux droits de l'homme commises sous Bush Jr. Guantanamo n'est, en effet, pas le seul centre de détention américain sur le sol étranger, rappelle Al-Jazira, soulignant que Barack Obama devra aussi se pencher sur le sort des détenus en Irak, en Ethiopie ou encore à Diego Garcia (territoire britannique de l'océan Indien).
Mathilde Gérard, Le Monde, 18/11/2008

mardi 21 octobre 2008

Guantanamera

Si ça te fait mal, c'est que tu es encore vivant
Dessin de Juan Kalvellido

vendredi 3 octobre 2008

Les prisonniers palestiniens refusent les salopettes oranges "à la Guantánamo"

Le comité général des prisonniers appartenant au mouvement de la résistance islamique Hamas enfermés dans les prisons de l’occupation israélienne a lancé un appel exhortant les nations arabe et islamique, ainsi tous les hommes libres du monde entier, à soutenir les prisonniers palestiniens.
Ils ont besoin de soutien surtout dans cette affaire de vêtements orange que les occupants israéliens veulent imposer par la force. Le comité attire l’attention sur le fait que cette couleur a des effets psychologiques néfastes sur les détenus. Elle évoque les condamnés à mort. De plus, elle est liée aux prisonniers du fameux centre usaméricain de Guantánamo.

Avec ces vêtements, l'administration pénitentiaire veut traiter les captifs palestiniens comme des terroristes, non comme des détenus politiques et des résistants. Imposer cette couleur confirme cette volonté.Les prisonniers palestiniens s’étonnent de cette volonté d’imposer les couleurs jaune et orange qui rappelent les triangles imposés par les nazis aux détenus juifs, dans les camps de concentration.L’affaire devient plus grave, lorsqu’on sait que l’habit orange porte une bande phosphorique grise sur le dos, sur la poitrine et sur les jambes. Cela fait du captif une cible à abattre, exactement comme dans les camps de concentration nazis.

Source : Palestine Info

jeudi 2 octobre 2008

L'Europe doit protéger les détenus blanchis

Une commission du Conseil de l'Europe a demandé jeudi aux pays européens de protéger des détenus de Guantanamo blanchis mais menacés de persécution dans leur pays, voyant là un signe de coopération envers le futur président des États-Unis.
Les deux candidats à la Maison-Blanche, John McCain et Barack Obama, se sont en effet engagés à fermer ce centre de détention.La Commission des questions juridiques et des droits de l'homme s'inquiète du sort d'une cinquantaine de personnes suspectées de terrorisme détenues sur la base américaine de Guantanamo, à Cuba, «qui ont été lavées de tout soupçon d'activité terroriste, mais ne peuvent retourner dans leur pays d'origine où elles risquent la persécution».
«L'empressement des pays européens à leur proposer une assistance humanitaire serait un signe fort apprécié de coopération en direction du futur président des Etats-Unis», indique cette commission de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
Elle exhorte les gouvernements européens, qui ont demandé aux Etats-Unis de fermer Guantanamo, «à traduire leurs paroles dans les faits et à offrir une protection humanitaire aux détenus qui ne peuvent retourner dans leur pays d'origine».
«Les deux candidats à la Maison Blanche ont exprimé leur intention de fermer le centre de Guantanamo et ils auront certainement besoin de la coopération des partenaires européens pour cela», conclut la déclaration.
John McCain et Barack Obama se sont tous deux engagés à fermer Guantanamo, mais ils divergent sur la question de savoir qui doit être jugé et devant quels types de tribunaux.
M. McCain est favorable au maintien des tribunaux militaires d'exception, malgré les critiques de juristes qui estiment qu'ils ne préservent pas les droits de la défense.
M. Obama voudrait traduire les accusés devant des juges civils, ou des tribunaux militaires ordinaires.
Source : AFP, 2/10/2008

mercredi 1 octobre 2008

Appel pour Omar Khadr

Neuf organisations réclament des leaders politiques qu'ils s'engagent à exiger le rapatriement du jeune Canadien détenu à Guantánamo
Photo: Jacques Nadeau
Avocats sans frontières et huit autres organisations de défense des droits profitent de la présente campagne électorale fédérale pour réclamer le rapatriement au Canada du jeune Omar Khadr, détenu depuis maintenant six ans à la prison militaire de Guantánamo Bay, à Cuba. Ils pressent par la même occasion tous les partis politiques qui sont dans la course de se prononcer sur le sujet.
«Nous demandons aujourd'hui à tous les partis politiques fédéraux de se prononcer sans réserve en faveur du rapatriement au Canada d'Omar Khadr et de préciser quelles démarches ils entreprendront afin que tel rapatriement se réalise dans les meilleurs délais», a ainsi demandé hier le directeur général d'Avocats sans frontières (ASF), Pascal Paradis, au cours d'un point de presse organisé à la Place du Canada, à Montréal.
Les porte-parole de l'association ont du même coup rappelé les allégations de mauvais traitements dont aurait été victime le jeune canadien, capturé en Afghanistan alors qu'il n'avait que 15 ans. «Il a vraisemblablement été victime de traitements cruels, inhumains et dégradants, y compris des allégations de torture, mais aussi des menaces et des périodes d'isolation ou d'exposition à des températures extrêmes», a fait valoir Fannie Lafontaine, professeure de droit à l'Université Laval et membre du Conseil d'administration d'ASF. Qui plus est, a-t-elle ajouté, les autorités américaines ne respectent pas les normes juridiques les plus élémentaires.
«La commission militaire qui est appelée à le juger n'est pas un tribunal indépendant et impartial. Elle applique un système fondé sur la présomption de culpabilité qui est une parodie de justice et qui contrevient aux normes minimales du droit international et du droit national du Canada et des États-Unis», a souligné Mme Lafontaine, devant une rangée de figurants vêtus chacun d'une salopette orange comme celle que portent les prisonniers à Guantánamo. Et s'il est rapatrié au pays, M. Khadr ne se retrouvera pas dans une situation d'impunité, a-t-elle précisé. Un «véritable» tribunal judiciaire pourra, le cas échéant, juger de son innocence ou de sa culpabilité au terme d'un procès juste et équitable respectant la règle de droit.
Chose certaine, on ne peut se permettre de maintenir le statu quo. «Il est inacceptable que le Canada ait participé aux graves violations des droits humains dont il a été victime et qu'il continue à s'en faire complice», a soutenu Fannie Lafontaine. «Si les Canadiens ne demandent pas au gouvernement de mettre fin à cette situation, on accepte tous qu'un précédent soit crée et Omar Khadr pourrait ne pas être le seul à en payer le prix», a renchéri son collègue, Pascal Dufour.
Ce dernier a aussi dit souhaiter que la question soit abordée lors des débats des chefs de ce soir et demain soir. La demande d'ASF est appuyée par le Barreau du Québec. Dans un communiqué diffusé hier, le Barreau a d'ailleurs soutenu que le Canada doit offrir protection et assistance à tous les citoyens canadiens aux prises avec un système judiciaire étranger, quels que puissent être les crimes dont ils sont accusés, et notamment faire en sorte que les normes minimales du droit international soient respectées. On demande en outre qu'il ne soit pas jugé comme un adulte, puisqu'il était mineur au moment des faits qui lui sont reprochés.
Le Barreau est déjà intervenu le 1er février dernier auprès du gouvernement canadien et a pris position en faveur du rapatriement de Omar Khadr.
L'Association du Barreau canadien, l'Association du jeune Barreau de Montréal, le Réseau des juristes d'Amnistie internationale Canada francophone, Amnesty International Canada Legal Network, Lawyers Rights Watch Canada, la Ligue des droits et libertés et Canadian Lawyers Abroad appuient aussi la démarche d'ASF. Ensemble, ces organisations représentent 50 000 membres de la communauté juridique.
Omar Khadr est le seul citoyen d'un pays du monde occidental détenu à Guantánamo dont le rapatriement n'a pas été demandé. Il a été capturé par les forces armées des États-Unis au cours d'un combat en Afghanistan alors qu'il avait 15 ans. Il était donc un enfant en vertu du droit international. Transféré en octobre 2002 à la base navale de Guantánamo Bay, il est privé de sa liberté depuis six ans. Khadr n'a pu voir un avocat que 27 mois après le début de sa détention et n'a appris les chefs d'accusation pesant contre lui qu'au bout de trois ans et demi.
Source : Le Devoir, 1er Octobre 2008

dimanche 28 septembre 2008

Loi anti-terrorisme canadienne :le premier verdict de culpabilité inquiète les experts

Toronto -- La Loi anti-terrorisme canadienne a soulevé les questions de plusieurs observateurs, hier, à la suite du verdict de culpabilité prononcé jeudi contre un adolescent accusé d'activités terroristes, bien qu'un informateur de la GRC ait affirmé sous serment que l'accusé n'était pas au courant du complot terroriste.
Des spécialistes juridiques et des défenseurs des droits de la personne, qui s'inquiètent des répercussions de la loi sur les libertés civiles, ont prévenu du danger que des innocents n'en soient victimes. Cette loi, selon eux, ratisse large et son seuil de déclaration de culpabilité est anormalement bas.
La définition que fait la loi de «groupe terroriste» ou de «participation» à l'un de ceux-ci est très vague, selon l'avocat Robert Diab, en entrevue de North Vancouver.
«Une personne pourrait être accusée d'avoir fréquenté des terroristes, lorsque son implication ne serait en réalité qu'une participation très marginale à des activités, ce qui pourrait être très sérieux», a indiqué Me Diab, qui vient tout juste de publier Guantanamo North: Terrorism and the Administration of Justice in Canada.
«L'objectif [de la loi] est louable, mais on doit se demander si nous nous y prenons bien. Je ne le crois pas», a-t-il estimé.
Malgré le témoin vedette
La loi, adoptée dans une atmosphère de crise à la suite des attentats du 11-Septembre 2001, criminalise toute participation évidente à un complot terroriste.
Un juge de la Cour supérieure de l'Ontario a rendu jeudi le premier verdict de culpabilité au pays en vertu de cette Loi anti-terrorisme, déclarant que l'adolescent soupçonné était coupable d'avoir participé activement au sein d'un groupe qui voulait perpétrer des attentats au Canada.
Le juge John Sporat en est venu à cette conclusion malgré le témoignage sous serment du témoin vedette de la poursuite, un informateur payé par la GRC, Mubin Shaikh, que le juge avait trouvé crédible et digne de confiance.
M. Shaikh a maintenu catégoriquement, au cours du procès et par la suite, que les dirigeants du plan terroriste n'avaient pas informé l'accusé de leur projet meurtrier et que l'adolescent n'avait aucune idée du complot terroriste.
«Comment est-il possible qu'un verdict de culpabilité soit prononcé alors que tout au long du procès, le témoin vedette [de la Couronne] a fait des déclarations très publiques et très contradictoires, qui minaient les arguments mêmes de la poursuite?», a dit James Clark, de l'organisme Presumption of Innocence Project.

vendredi 26 septembre 2008

Canada: intervention de la gouverneure générale en faveur d'Omar Khadr

MONTRÉAL - La gouverneure générale du Canada Michaëlle Jean a demandé au Premier ministre Stephen Harper de rapatrier le jeune Omar Khadr, seul ressortissant d'un pays occidental encore détenu à Guantanamo, affirme vendredi un quotidien québécois.
Selon La Presse, Mme Jean est intervenue auprès de M. Harper avant le déclenchement, début septembre, de la campagne en cours pour les législatives du 14 octobre.
Omar Khadr a été arrêté en Afghanistan en 2002 à l'âge de 15 ans et est détenu depuis près de six ans à Guantanamo. Aujourd'hui âgé de 22 ans, il doit être jugé en novembre pour le meurtre présumé d'un soldat américain, en lançant une grenade lors de son arrestation.
M. Harper a jusqu'à présent refusé de demander son rapatriement au Canada avant la fin des procédures américaines. Les partis d'opposition et plusieurs organisations de défense des droits de l'Homme plaident pour le rapatriement immédiat au Canada du jeune homme et réclament qu'il soit traité comme un enfant-soldat.
La gouverneure générale Michaëlle Jean est la représentante de la reine Elizabeth II, chef d'Etat en titre du Canada. Elle n'a pas de pouvoirs réels, mais elle est garante de la Constitution et représente une autorité morale.
Sa porte-parole, Marthe Blouin, a déclaré à l'AFP que les entretiens entre la gouverneure générale et le Premier ministre sont "confidentiels" et qu'elle ne pouvait faire aucun commentaire.
Selon La Presse, M. Harper ne s'est pas montré totalement hostile à un éventuel rapatriement, mais il aurait fait valoir que son groupe parlementaire et une partie de la population n'accepteraient pas une telle décision.
"Cette information est fausse", a déclaré le Premier ministre, interrogé à ce sujet lors d'une étape de sa campagne pour les législatives du 14 octobre. "Ma position sur M. Khadr est claire. Il est accusé de crimes très sérieux et nous croyons qu'il doit être jugé pour répondre de ces accusations".
Les appels au rapatriement d'Omar Khadr s'étaient multipliés après la diffusion en juillet d'une vidéo montrant la détresse de l'adolescent, alors âgé de 16 ans, pleurant et exhibant ses blessures, devant des agents des services de renseignement canadiens.
Source : AFP, 26 septembre 2008

jeudi 25 septembre 2008

Le lieutenant-colonel Darrell Vandeveld claque la porte

Un procureur militaire des commissions militaires chargées de juger les détenus de Guantanamo inculpés, a démissionné en dénonçant, selon les avocats militaires de la défense jeudi, un manque d'éthique dans la procédure, indiquent plusieurs médias américains vendredi.
Le lieutenant-colonel Darrell Vandeveld, en charge de l'accusation dans le dossier de Mohammed Jawad, un jeune Afghan arrêté et transféré à Guantanamo alors qu'il n'avait que 16 ans, a démissionné en évoquant, selon les avocats militaires «des inquiétudes éthiques», explique le Washington Post.Il a notamment regretté que ses collègues refusent de «remettre aux avocats de la défense des documents déclassifiés» allant dans le sens de la disculpation du détenu, ajoute le quotidien.
Le colonel Vandeveld avait recommandé au Pentagone de privilégier dans ce cas une procédure en plaider coupable qui aurait permis au jeune Afghan, enfermé depuis plus de six ans, d'être libéré à très court terme, selon le major David Frakt, avocat de Mohammed Jawad, qui a parlé à la presse sur la base américaine de Guantanamo (Cuba) et dont les propos sont rapportés par le New York Times.
La démission de ce procureur, censé appliquer les règles fixées par le gouvernement, est une nouvelle claque pour l'administration Bush dans sa gestion du dossier Guantanamo.
Si les associations de défense des droits de l'Homme et de nombreuses voix de la communauté internationale se sont élevées à de multiples reprises contre le principe même d'enfermer des hommes indéfiniment sans les juger, les avocats militaires, eux-aussi, mènent la fronde. Mais jusqu'ici, les protestations se limitaient à la défense.
Affectés au conseil des détenus lorsque la Cour suprême les y a autorisés, en 2004, les avocats militaires protestent contre le choix de leur hiérarchie de juger la vingtaine de détenus inculpés devant des tribunaux militaires d'exception.
Source : AFP, 25 Septembre 2008

mercredi 10 septembre 2008

Salt Pit


Du fond de sa cellule, Ali revit sa vie. Celle d’avant, celle du temps où il s’appelait encore Franck. Une cassure, le départ du père. Puis tout s’enchaîne : la découverte de l’islam, une rixe avec la police au nom de l’amitié, le prosélytisme d’un islamiste en prison. Franck le rebelle se trouve une cause à défendre. Il devient Ali, un apprenti djihadiste. Dans cette guerre, tous les coups sont permis. La CIA enlève, emprisonne, torture, dans l’ombre de prisons secrètes. Celle d’Ali se trouve en Afghanistan. Son nom : Salt Pit.

Salt Pit, premier roman-graphique des auteurs Sasha et François Vataux sort le 8 septembre chez votre libraire. L’album est sélectionné par le prestigieux festival de Blois "BD Boum" dans la catégorie "Prix Région Centre". Une exposition est organisée par le festival du 2 novembre au 2 décembre et les auteurs seront en dédicace les 21/22 et 23 novembre. Tous les détails .
« Salt Pit » est le nom de code d’une prison secrète de la CIA au nord de Kaboul, en Afghanistan. C’est l’un des « black sites », ou centres d’interrogation secrets, de l’agence américaine. Son existence a été révélée en mars 2005 par le Washington Post. Officiellement fermée, cette installation faisait partie d’un réseau mondial de centres de détentions déployé par les Etats-Unis à l’extérieur de leur territoire, après les attaques terroristes du 11 septembre 2001. Dans ces prisons, les agents de la CIA étaient autorisés à pratiquer des « techniques d’interrogatoires poussées », interdites sur le sol américain.


dimanche 24 août 2008

Deux missiles anti-Bush

George Clooney et Oliver Stone attaquent
par Michel Porcheron, 24 Août 2008

Dans deux films considérés déjà comme très polémiques, George Clooney et Oliver Stone mettent en scène « la présidence chaotique et les travers personnels de George W. Bush » (*)

George Clooney et l’ancien chauffeur de Ben Laden

Quelques jours à peine après avoir fait la une de la (bonne) presse, comme premier prisonnier de Guantanamo à avoir été jugé, à l’issue d’un procès de quinze jours, le Yéménite Salim Ahmed Hamdan, ex chauffeur privé d’Oussama Ben Laden, est revenu en force dans l’actualité.(voir notre article)

Anonyme pendant sept ans, comme tant d’autres anonymes, dans l’ombre d’une cellule de la forteresse de Guantanamo (1) – qui a perdu son statut de bastion imprenable- Hamdan va voir braqués sur son cas, et pour une juste cause, les projecteurs ...d’une production américaine appelée à faire plus que des remous dans le monde politique aux USA.


Salim Hamdan et son avocat Charles Swift durant une audience préliminaire à Guantánamo le 24 Août 2004. Dessin Art Lein, Getty Images

Bien connu pour ses convictions démocrates - il est aujourd’hui un des meilleurs soutiens du candidat Barack Obama- ainsi que pour ses choix cinématographiques, George Clooney (2) a décidé, pour son prochain film, de prendre en effet pour cible l’administration Bush. Sa maison de production, Smoke House vient d'acquérir les droits d’adaptation au cinéma du thriller juridico-politique du journaliste Jonathan Mahler, «The Challenge», exactement The Challenge, Hamdan Vs Rumsfeld and the Fight over Presidential Power.


Neat Katyal (à g.) et Charles Swift, le 29 juin 2006. Photo Joshua Roberts, Getty Images

Ce film n’a actuellement (22 août) aucun titre, ni scénario, ni casting, ni réalisateur. Il serait tourné en 2009. Inspirée de faits plus que réels, cette adaptation raconte le combat mené pendant six ans contre les faucons de l’entourage de Bush par deux hommes, Charles Swift et Neal Katyal, pour garantir à Salim Hamdan, un procès équitable à Guantanamo. Il s'est agi du premier procès pour "crimes de guerre" devant une juridiction militaire d'exception depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, terminé le 7 août dernier.

Le livre de Mahler prend fin à un moment marquant, en 2006, au moment où la Cour suprême des USA déclare que les tribunaux militaires dont ressortent Hamdan et les autres détenus de Guantanamo Bay, violaient la Convention de Genève ainsi que le Uniform Code for Military Justice des USA. Mahler a prévu de mettre à jour sa première version publiée afin d’y inclure la sentence (clémente) du procès de Hamdan.

Le comédien et coproducteur de Syriana (Stephen Gaghan, 2006) et le réalisateur, acteur et scénariste de Good Night, and Good Luck, (sur le maccarthysme) interpréterait le personnage de Charles Swift, principal défenseur de Salim Hamdan, avocat de la marine américaine, selon la publication US Variety. Swift est connu pour être un officier en lutte contre les abus de l'armée américaine à l'encontre des prisonniers étrangers. Neal Katyal est professeur de droit à Georgetown.

Fils du journaliste de TV Nick Clooney, connu pour la qualité de ses interviews et son sens du débat politique, l’acteur aux tempes grises, élevé dans le culte des news, un temps tenté par une carrière de journaliste, expliquait en septembre 2007 pour le quotidien Le Figaro : « Je ne peux changer les institutions ni la politique de mon pays. Mon devoir de citoyen et d’homme de bonne volonté m’autorise à prendre parti sur ce qui se passe dans le monde. Mon père m’a montré le chemin pour éveiller les consciences ».

Pour défendre « la notion de justice contre celle de vengeance », Clooney, le producteur, consacrerait entre 30 et 40 millions de dollars à ce film sur Hamdan, dont la seule annonce a provoqué une controverse dans les milieux et médias conservateurs américains, qui ne veulent pas comprendre qu’une telle somme puisse être dépensée pour mettre en scène un employé du redouté Oussama Ben Laden, ennemi public n° 1 aux USA. Or Clooney ne s’érige pas en nouvel avocat de Hamdan, mais souhaite montrer comment l'on choisit des boucs émissaires pour expédier certaines situations...

Les délais, hélas, du tournage feront que ce film sera sur les grands écrans alors que George W. Bush coulera des jours tranquilles, comme retraité, dans son ranch du Texas, sauf évènement imprévu. Mais il fera un heureux, Hamdan (3) qui sera (devrait être) libre dans son pays lors de la sortie du film.

George Clooney, 47 ans, qui a décroché en 2006 l'Oscar du second rôle pour "Syriana", alterne depuis quelques années films grand public et projets à tonalité politique.

En attendant, on pourra voir George Clooney dans la nouvelle comédie des frères Coen, Burn After Reading, aux côtés de Brad Pitt, dès le 12 septembre, quinze jours après sa présentation à la Mostra de Venise. Si aucune date n’est connue pour la sortie du film sur Hamdan, on sait d’ores et déjà que Clooney ne s'arrêtera pas là, puisqu'il produira et réalisera prochainement Escape From Tehran, un film tiré également de faits réels impliquant Hollywood et la CIA. Clooney reviendra sur l’assaut de l’ambassade américaine en Iran en 1980 et raconte comment la CIA aurait eu recours à un faux film de science-fiction pour libérer certains otages américains. La fiction dépassait la réalité.

«Pour pouvoir, pour oser dire de grandes vérités, il ne faut pas dépendre de son succès.» Jean-Jacques Rousseau n’avait pas imaginé qu’à notre époque, le succès aiderait autant à se faire entendre, soulignait le 20 août sur son site l’hebdomadaire culturel français Les Inrockuptibles.

Oliver Stone, « W » : un homme malade, alcoolo-dépendant

Programmé également pour 2009, un nouveau film d’Oliver Stone, intitulé tout simplement W, traité comme un biopic classic, selon la terminologie actuelle, risque de provoquer plus que des vagues, un tsunami. On y verra Bush, qu’interprétera Josh Brolin (No Country for Old Men des frères Coen) dans une époque pathétique de sa vie personnelle : celle, avant sa première présidence, où il connaissait de sérieux problèmes avec la boisson. Le trailer de W, mis sur YouTube fin juillet, a récolté près de 300 000 clics). Ces premières images "sont étonnantes" (les Inrocks). Oliver Stone se demande comment un alcoolique a pu devenir président des USA...

Notes

(1)- Avant le camouflet subi par Bush avec le verdict du procès Hamdan, un détenu de Guantanamo avait obtenu l'abandon du statut d' «ennemi combattant ». Huzaifa Parhat, un prisonnier chinois a obtenu récemment une victoire judiciaire lorsqu'une cour d'appel fédérale a annoncé qu'elle abandonnait la qualification d'« ennemi combattant » retenue contre lui. Cette décision représente un autre revers pour l'administration Bush, elle intervient alors que 160 procédures d'appel ont été engagées par des détenus de Guantanamo. Le cas de Huzaifa Parhat est atypique : c’est un Ouïgour de Chine qui aurait milité dans un groupe « séparatiste » soupçonné de liens avec Al Qaïda, selon l’agence AP.

(2)- Clooney, réalisateur, a à son actif trois films : Confessions of a dangerous mind, Good night, and good luck , Jeux de dupes. Réalisateur, acteur, producteur, scénariste, producteur executive, George Timothy Clooney est né le 6 Mai 1961 à Lexington, Kentucky (Etats-Unis). Actuellement au cinéma dans : Darfour : du sable et des larmes, Jeux de dupes, La Ligne rouge.

On peut consulter : http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne_gen_cpersonne=18069.html

Dans Du sable et des larmes, documentaire consacré au Darfour, de l’Américain Paul Freedman, déjà auteur d’un documentaire sur le génocide rwandais, George Clooney est au générique, comme producteur et narrateur. Le rôle de Clooney est celui d’un « aspirateur à spectateurs, en effet son apparition à l’écran dure en tout et pour tout deux secondes. Sur 90 minutes, c’est peu. Et c’est tant mieux » (quotidien Libération, 20 août 2008).

(3)- Salim Hamdan devrait être libéré avant la fin de l’année 2008. Mais le Pentagone n’entend pas qu’il soit libéré dans la mesure où pour les USA, il reste un «combattant ennemi», qui doit pouvoir être gardé détenu indéfiniment. Mais son cas pourrait être réexaminé. Des dizaines de détenus de Guantanamo, sur les quelque 800 passés par le centre de détention, ont « bénéficié » de ce réexamen et ont été transférés dans leur pays d’origine.

On peut aussi consulter : http://www.legrandsoir.info/spip.php?article6989

*titre extrait du site lesinrocks.com

Sur l’auteur

Michel Porcheron est un auteur associé de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteur, le réviseur et la source.

URL de cet article sur Tlaxcala :
http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=5759&lg=fr

samedi 23 août 2008

Waterboarding



Un détenu algérien de Guantánamo, Djamel Ameziane, a accusé ses gardiens d'avoir pratiqué sur lui la technique d'interrogatoire dite de la planche à eau, a indiqué vendredi son avocat.
C'est la première fois que ce mode d'interrogatoire assimilé à la torture est dénoncé sur une base usaméricaine. Une commission des droits de l'homme de l'Organisation des Etats américains, après avoir été informée de cet abus supposé, a annoncé vendredi qu'elle avait demandé au Département d'Etat usaméricain de s'assurer que le détenu n'est pas maltraité et reçoit des soins adéquats.
Les responsables du camp de Guantánamo ou le Pentagone n'ont pas répondu immédiatement à ce sujet, mais ils ont affirmé à plusieurs reprises que tous les prisonniers de Guantánamo sont traités humainement.
Djamel Ameziane, détenu depuis 2002 dans le camps de Guantánamo sans chef d'inculpation, a déclaré à son avocat Wells Dixon, que des gardiens avaient placé son nez et sa bouche sous une lance à eau, actionnée pendant plusieurs minutes. La technique a été appliquée plusieurs fois, jusqu'à ce qu'il suffoque, selon le détenu.
"J'avais l'impression que ma tête coulait sous les eaux" a affirmé Djamel Ameziane. "J'ai encore des séquelles psychologiques maintenant. Rien que d'y penser cela me fait frissonner" a ajouté le prisonnier.
Il a aussi indiqué que ses gardiens lui avait appliqué lors de la même séance du poivre sur tout le corps, l'avaient mis dans un sac et laissé trempé et tremblant devant une bouche d'air conditionné dans la salle d'interrogatoire.
Trois autres prisonniers de la base de Cuba ont évoqué cette méthode de la planche à eau, mais elle leur aurait été appliqué dans les prisons secrètes de la CIA, avant leur transfert à Guantánamo.

Source : AP, 23 Août 2008