jeudi 23 novembre 2006

Un journaliste à Guantánamo


par Simon Petite, Le Courrier, Genève, éditorial, 23 novembre 2006


Que n'a-t-on pas dit ou écrit sur Guantánamo? Le camp militaire abrite-t-il un journaliste. Il s'appelle Sami al-Hajj et il est Soudanais. «C'est le seul représentant des médias qui puisse parler avec les détenus de Guantánamo... Et il travaille pour Al-Jazira, la chaîne de télévision tant honnie par l'administration Bush», ironise son avocat, le Britannique Clive Stafford-Smith, qui travaille pour l'ONG Reprieve. Sami Al-Hajj a été arrêté le 15 décembre 2001 à la frontière afghane. Le régime taliban était à peine tombé, le caméraman et son équipe venaient couvrir l'intronisation du nouveau régime. Des mains pakistanaises, Sami al-Hajj passe rapidement à celles étasuniennes. Il est transféré sur la base de Bagram près de Kaboul –«le pire moment» de sa vie– puis dans une prison de Kandahar, avant d'atterrir à Guantánamo le 13 juin 2002. Le Courrier a décidé de parrainer le caméraman. En collaboration avec Reporters sans frontières (RSF), nous vous donnerons de ses nouvelles chaque fois que nous le pourrons. Selon RSF, 139journalistes se trouvent actuellement derrière les barreaux du monde entier et ce jeudi 23 novembre 2006 leur est dédié pour la dix-septième année consécutive. «Depuis 1989, plus de cent journalistes ont été parrainés par divers médias. Près de la moitié d'entre eux ont été libérés, et c'est en partie grâce au soutien que leurs parrains leur ont apporté. Beaucoup de journalistes remis en liberté ont insisté sur l'importance de ne pas se sentir oublié de tous et de tout», écrit RSF. La dernière filleule du Courrier –la cyberdissidente des Maldives Jennifer Latheef– a été libérée cet été. «Ce n'est pas près d'arriver à Sami al-Hajj, prédit M. Stafford-Smith. Aucune charge officielle ne pèse contre lui. Il ne sera donc jamais jugé.» L'avocat pense qu'au début le Pentagone soupçonnait son client d'être le caméraman attitré d'Al-Qaïda, l'auteur des fameuses cassettes de Ben Laden. Par la suite, les interrogateurs ont tenté de prouver des liens entre Al-Jazira et l'organisation terroriste. Sami al-Hajj aurait reçu la promesse d'une libération s'il acceptait d'espionner son employeur. Selon M. Stafford-Smith, le caméraman a subi 130 interrogatoires. Enduré des privations de sommeil ou des expositions au froid. Mené une grève de la faim. Vu plusieurs de ses camarades de Guantánamo se suicider. «Je l'ai rencontré pour la dernière fois en septembre, raconte M. Stafford-Smith. On ne le questionne plus qu'une fois par mois. Depuis le temps qu'ils sont là-bas, les prisonniers n'ont plus rien à avouer. Sami aurait besoin d'une opération au genou et de médicaments pour se soigner des suites d'un cancer à la gorge. C'est de l'éloignement avec sa famille, mais surtout d'avec son fils de 5 ans dont il souffre le plus.»

mercredi 22 novembre 2006

Carton rouge à Robert Ménard

L’inimitable et inamovible secrétaire général de Reporters sans frontières, Robert Ménard, qui vise sans doute à battre les records de longévité de Fidel Castro et Saddam Hussein, a commis une bourde grave, qui reflète le peu d’attention que porte en réalité RSF au sort de Sami Al Haj, le caméraman d’Al Jazeera enfermé à Guantánamo. Dans une tribune publiée par le quotidien Le Monde et cosignée par le président-potiche de RSF, Pierre Veilletet (dont personne n’a jamais entendu parler), à l’occasion de la journée annuelle organisée par RSF pour faire son numéro de charme auprès des donateurs (cette année, ils ont sorti un album de photos du Studio Harcourt, avec la pulpeuse mannequin corse Letizia Casta, dont on se demande ce qu’elle vient faire dans cette affaire : à quand les calendriers de pin-up style « Camionneurs sans frontières ?), Ménard écrit que Sami Al Haj est un journaliste…irakien ! NON, Missié Ménard, Sami n’est pas Irakien, il est Soudanais ! Révisez votre copie ! À moins que vous ayez des informations exclusives et confidentielles. Dans ce cas, toutes nos excuses et bonjour chez vous, à Helsinki (si Sami est Irakien, alors Ménard est Finlandais).
(Lire l’article :
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-837298,0.html)

mardi 21 novembre 2006

La barbarie à visage humain

Un juge fédéral, saisi en urgence par un détenu cardiaque de Guantánamo qui doit subir une angioplastie et demande à être opéré ailleurs, a estimé lundi que la base navale américaine à Cuba était suffisamment équipée."Le plaignant ne montre pas en quoi il risque des dommages irréparables", a déclaré le juge Paul Friedman, chargé de l'affaire au tribunal fédéral de Washington. Saifullah Paracha, un Pakistanais de 59 ans, arrêté en 2003 à Bangkok, a déjà eu deux crises cardiaques et souffre de douleurs à la poitrine. Les médecins de Guantánamo ont recommandé une angioplastie, qui consiste à insérer un cathéter muni d'un ballon que l'on gonfle pour ouvrir une artère totalement bouchée. Les autorités ont fait venir du matériel et une équipe médicale spécialisée afin de procéder à l'opération cette semaine à l'hôpital naval de Guantánamo, où un autre détenu a déjà subi une angioplastie avec succès en 2003.
Les représentants du gouvernement ont assuré que M. Paracha ne serait pas opéré sans son consentement, et rappelé que même les détenus de droit commun n'avaient pas le choix de l'hôpital où ils étaient soignés.
Mais les avocats de M. Paracha estiment que l'hôpital de Guantánamo n'est pas assez équipé pour intervenir en cas de complications et ne peut pas assurer tous les soins post-opératoires. Quand il est hospitalisé, M. Paracha a en permanence les pieds et les mains menottés à son lit, alors que les médecins recommandent un exercice physique régulier, a affirmé son avocat, Gaillard Hunt, en demandant: "Comment va-t-il pouvoir récupérer? ".
Source : http://www.7sur7.be/

lundi 20 novembre 2006

Affaire Murat Kurnaz: complicité allemande dans les crimes de guerre américains


Par Justus Leicht et Peter Schwarz, 20 novembre 2006
Dans le contexte de leur soi-disant guerre à la terreur, les autorités allemandes sont mêlées bien plus étroitement aux pratiques illégales des Etats-Unis qu’elles ne l’avaient jusque-là admis publiquement.
Une commission d’enquête du Bundestag, le parlement allemand, examine à ce propos depuis quelque temps les activités du Bundesnachrichtendienst (BND), le service de renseignement allemand. Une des affaires examinées est celle du citoyen allemand Khaled El Masri, qui fut enlevé par la CIA et transféré en Afghanistan.
D’autres affaires concernent la présence d’agents des services de renseignement allemands pendant les interrogatoires de prisonniers allemands dans un centre de torture syrien et au camp de concentration américain de Guantánamo. En janvier de cette année déjà, on avait appris que deux agents de renseignement allemands avaient collecté à Bagdad des informations qui furent ensuite transmises aux forces d’occupation américaines.
On apprend à présent que les forces spéciales de l’armée allemande (KSK) ont directement apporté de l’aide à la chaîne internationale de prisons illégales organisée par les Etats-Unis. Des soldats du KSK ont gardé des prisonniers (qui furent ensuite déportés vers Guantánamo) dans la ville de Kandahar dans le sud de l’Afghanistan. Parmi ces détenus se trouvait Murat Kurnaz, un citoyen turc qui est né en Allemagne et y a vécu toute sa vie.
Kurnaz fut arrêté au Pakistan à l’automne de 2001 et livré contre paiement d’une prime à l’armée américaine en Afghanistan. En janvier 2002, il fut transféré à Guantánamo, où il est resté emprisonné pendant quatre ans et demi, jusqu’à sa récente libération, bien que les gouvernements allemand et américain aient su quelques mois après son arrestation qu’il était innocent. Depuis, toutes les charges contre lui ont été abandonnées.
La vraie nature des activités du KSK ne fut révélée qu’à la suite des déclarations de Kurnaz lui-même, revenu en Allemagne en août de cette année. Kurnaz déclara que des soldats, parlant parfaitement allemand et sur les uniformes desquels figurait le drapeau allemand, lui avaient tiré les cheveux et frappé la tête contre le sol. Il dit aussi que des agents des services allemands de renseignement avaient essayé de l’enrôler comme indicateur.
Lors du premier interrogatoire, on le confronta à des informations qui laissaient à penser que ceux qui l’interrogeaient connaissaient ses habitudes: on savait où il avait acheté son appareil photo numérique avant de partir au Pakistan, à qui il avait vendu son téléphone portable, etc. « Je n’avais aucun doute sur le fait qu’ils coopéraient avec les autorités allemandes » déclara Kurnaz.
Deux semaines plus tard, il fut interrogé par des Allemands qui s’étaient fait reconnaître en tant que tels. « On m’informa que deux soldats allemands voulaient me voir » note-t-il. Ils étaient habillés de façon à dissimuler leur identité. On força Kurnaz à s’allonger sur le sol, mains liées derrière le dos. Lorsque l’hebdomadaire Stern lui demanda récemment si ces hommes faisaient partie du KSK, Kurnaz répondit : « C’est possible. Ils me frappèrent la tête contre le sol, une chose que les américains trouvèrent amusant. »
Pendant des semaines, le ministère de la Défense allemand n’a rien épargné pour donner l’impression que Kurnaz affirmait des choses farfelues, tout en niant tout contact entre lui et des soldats allemands. Puis, il y a deux semaines, le ministère admit soudain que des unités du KSK faisaient bien, et ce suite à une requête des Etats-Unis, partie du personnel gardant le camp de Kandahar et qu’ils avaient rencontré Kurnaz.
On avait informé les Allemands, lorsqu’on les avait informés sur les tâches qui étaient les leurs, de ce que parmi les prisonniers il y avait un homme auquel ils pouvaient parler en allemand. A la suite de quoi, il y avait eu « un contact avec un prisonnier parlant allemand », selon un porte-parole du ministère de la Défense. Des soldats avaient informé le ministère de la Défense allemand le 3 janvier 2002 de la présence du prisonnier mais le ministre de la Défense de l’époque, Rudolf Scharping (social-démocrate, SPD), n’aurait pas été informé personnellement.
Le ministère de la Défense nie que des soldats du KSK aient maltraité Kurnaz. Selon le secrétaire d’Etat parlementaire auprès du ministère de la Défense, Christian Schmidt (Union chrétienne-sociale, CSU) il n’y avait eu qu’un contact verbal et non « physique ». Il n’y avait aucun « indice », dit-il pour confirmer les déclarations de Kurnaz, la raison étant qu’aucun des soldats en service à Kandahar et à qui on avait écrit n’avait confirmé ces déclarations.
Depuis, la commission parlementaire de la Défense a pris le rôle d’une commission d’enquête afin, selon elle, de clarifier « immédiatement et sans réserves » les allégations de Kurnaz. La commission est toutefois liée au secret, de manière qu’on ne peut en attendre grand chose en fait de clarification. Sa tâche réelle est de garantir que le mandat du KSK en Afghanistan, qui expire en novembre, soit prolongé par le Bundestag.
La commission comme les médias ont concentré leurs efforts sur deux choses : savoir si Kurnaz avait été physiquement maltraité ou si le contact n’avait été que « verbal » et pourquoi l’information n’avait pas été transférée à la direction du ministère de la Défense. Ce sont là des questions importantes mais secondaires comparées à la question plus fondamentale du rôle d’ensemble joué par le KSK en Afghanistan.
Le rôle du KSK
La troupe d’élite du KSK fut créée il y a dix ans pour faire face, selon le site internet de l’Armée allemande, à de nouveaux défis et de nouvelles tâches auxquelles on ne peut faire face, ou alors de façon inadéquate, au moyen de forces armées conventionnelles. Le site internet vante le fait que le KSK est déployé dans le monde entier et que cela se passe généralement sans que le public s’en rende compte.
Au mois de novembre 2001, le gouvernement de l’époque, une coalition du Parti social démocrate (SPD) et des Verts, envoya le KSK en Afghanistan muni d’un blanc-seing. Tandis que des unités de l’armée allemande sont présentes dans la capitale afghane et sont intégrées aux forces de l’ISAF (Force internationale d’assistance à la Sécurité) opérant sous l’égide de l’ONU, les unités du KSK opèrent elles sur l’ensemble du territoire couvert par l’opération « enduring freedom » contre Al-Quaïda et les Talibans et qui est placée sous commandement américain.
Les activités clandestines de cette unité spéciale qui comprend une centaine d’hommes sont considérées comme éminemment secrètes. Le député du parti du FDP (Parti libéral démocrate), Werner Hoyer, se plaignit dans le journal Die Welt de ce que la commission parlementaire des Affaires étrangères n’avait reçu aucune information sur le KSK durant les treize mois passés. « Je suis profondément troublé par le secret observé par le ministère de la Défense. Je ne sais pas ce que le KSK fait concrètement en Afghanistan, quels ordres il a reçu » a-t-il déclaré.
Etant donné que l’armée américaine et les médias répandent systématiquement des informations sur des nombres importants de « combattants Taliban » tués, et ce en l’absence de témoins ou de preuve de ce qu’il s’agisse vraiment de « combattants », il faut supposer que le KSK est, lui aussi, impliqué dans de telles actions et qu’on lui a accordé un permis général de tuer.
Jusque-là il n’y a pas de preuve formelle, à part les déclarations de la victime elle-même, que le KSK ait maltraité Kurnaz, mais les dénégations officielles sont elles-mêmes bien faibles. Selon un officier supérieur du KSK, s’adressant au magazine Stern : « On avait déjà vu comment les Américains frappaient les prisonniers à coup de pieds et comment ils étaient battus. C’était carrément méchant.»
Le fait que le KSK ait gardé, et est peut-être encore en train de garder en Afghanistan, des prisonniers américains détenus dans des conditions qui violent le droit international montre la totale hypocrisie des condamnations pour la forme de tels camps par le gouvernement allemand. Le journal Die Welt a cité un ex-membre du KSK qui affirme que l’ordre de garder les prisonniers détenus par les forces armées américaines à Kandahar venait directement du ministère de la Défense à Berlin.
Il semble aussi que le gouvernement allemand était mieux informé sur le cas de Kurnaz qu’il veut bien l’admettre. Le BND avait déjà informé la chancellerie en décembre 2001 de ce que « MK, citoyen turc né en Allemagne » était emprisonné dans un camp à Kandahar et serait bientôt transféré à Guantánamo.
C’est ce qui ressort d’un rapport confidentiel du gouvernement destiné à la commission parlementaire de contrôle pour les services de renseignement (PKG) et qui a été publié dans les médias, le service de renseignement faisant remarquer qu’« il y [avait] une possibilité pour les autorités allemandes d’interroger MK, et peut-être même en Afghanistan. »
Le ministère de la Défense ayant reçu le rapport sur Kurnaz six jours avant, il est probable que ce rapport ait été la source de l’information passée directement par le service de renseignement à la chancellerie dirigée à l’époque par l’actuel ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier (SPD). On sait aussi qu’en octobre 2002 le gouvernement allemand a refusé une offre des Etats-Unis de libérer Kurnaz et de le rapatrier en Allemagne.
Les dangers du militarisme
L’affaire Kurnaz a révélé les énormes dangers du virage vers le militarisme. La création du KSK a établi une force armée secrète qui opère en dehors de tout véritable contrôle alors que les services de renseignement allemands sont directement impliqués dans les machinations illégales des services secrets américains.
La grande coalition des conservateurs et des sociaux démocrates (CDU-CSU/SPD) est résolue à maintenir ce cours. Sachant que se sont les partis de la coalition qui dominent les commissions d’enquêtes parlementaires, on a peu à en attendre en fait de réelle clarification.
La commission d’enquête parlementaire sur le BND a explicitement justifié la pratique des interrogatoires dans des camps de prisonniers clandestins. Le rapport final de la commission déclare de façon pudique que le gouvernement allemand avait accepté « des offres de la part de l’étranger d’interroger des prisonniers suspects de terrorisme, même si les conditions dans lesquelles ils étaient arrêtés et détenus ne correspondaient pas exactement aux critères du droit international et aux droits de l’homme ». Par conséquent l’interrogatoire de Kurnaz a Guantánamo sur la base d’ « indications » non confirmées d’une « cellule » Al-Quaïda « a Brême » était « une nécessité ».
Le « Livre blanc sur la politique de sécurité en Allemagne » rédigé par le ministre de la Défense conservateur, Franz-Josef Jung déclara que « la lutte contre le terrorisme international » était la tâche centrale des forces armées allemandes. Pour ce qui est des activités du KSK et d’autres troupes spéciales, ce « Livre blanc » déclare : « le rayon d’action des forces spéciales inclut l’extraction d’information essentielle, la protection des propres forces armées à distance, la défense et le secours par rapport aux menaces terroristes tout comme les missions de combat en territoire hostile ».
Ce « Livre blanc » souligne aussi la signifiance de la collaboration entre les différents services dans les « décisions sur la sécurité au niveau national et international ». Sur cette base, la collaboration avait déjà été intensifiée entre le BND et les services secrets militaires. En d’autres mots, les forces armées supervisées par le ministère de la Défense considèrent de plus en plus le maintien de la sécurité intérieure comme leur responsabilité, ce qui est strictement interdit par la constitution allemande.
Dans le passé, le BND, bien qu’étant exclusivement responsable pour les activités d’espionnage à l’étranger, fit espionner des journalistes en Allemagne même, en violation flagrante de la liberté de la presse. Les activités du BND furent révélées au printemps dernier dans le « Rapport Schäfer ».
Mais qu’en est-il du KSK? S’il peut agir en dehors de tout contrôle à l’étranger, alors pourquoi pas en Allemagne même. Et cela en accord avec la campagne politique de plus en plus agressive exigeant que soit permis aux forces armées d’intervenir sur le front domestique au nom de la « guerre contre le terrorisme » ? L’apparition d’une puissante unité d’élite qui agit en dehors de tout contrôle légal et public représente une menace patente vis-à-vis de la démocratie.
Source : http://www.wsws.org/francais/News/2006/novembre06/201106_Murat.shtml
(article original publié le 2 novembre 2006)

L’étrange destin des Algériens de guantánamo

En Algérie, de source bien informée, on a appris que le prisonnier algérien, récemment libéré de Guantánamo, est originaire de Mostaganem, exactement du quartier Tigditt. Il s’agit de Boucetta Fethi, un médecin de 43 ans, marié et père de 6 enfants. M. Boucetta qui a, semble-t-il, émigré au Pakistan en 1998, a été arrêté en 2001 par les autorités pakistanaises, en collaboration avec les services du FBI, pour cause d’appartenance à un groupe de moudjahidin lié à El Qaïda. Après l’avoir libéré, les autorités américaines l’ont transféré en Albanie où il se trouve à présent, avec un autre prisonnier égyptien. Toujours selon notre source d’information, Boucetta Fethi a téléphoné, à partir de ce pays, à sa famille résidant à Haï Tigditt, pour lui dire qu’il est en bonne santé et que le tribunal militaire de Guantánamo a décidé de le remettre en liberté avant de le transférer vers l’Albanie.
Lakhdar Hagani — La Voix de l’Oranie
Source : http://actualite.el-annabi.com/article.php3?id_article=2609

ALGÉRIENS DE GUANTÁNAMO : L’étrange décision américaine
par Ali TITOUCHE, L’Expression (Alger) 20 novembre 2006
Le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, a souvent abordé le sujet avec ses interlocuteurs US.
Les Algériens détenus à Guantánamo n’ont-ils pas le droit de rentrer au pays? L’affaire de l’Algérien, libéré, avant-hier, de la base américaine à Cuba, témoigne du flou qui entoure la décision américaine. Certes, la Bosnie avait été gommée de la liste des pays à choisir pour la réception des six prisonniers algériens de nationalité bosniaque. Mais la surprise, plutôt l’illogisme, demeure toutefois intact! Pourquoi le Pentagone a-t-il opté pour l’Albanie comme pays d’accueil aux trois détenus libérés, dont l’Algérien?
Dans une récente publication du très influent quotidien américain The Washington Post, il a été retenu le fait que les six Algériens de nationalité bosniaque pourraient être extradés vers leur pays d’origine.Les six Algériens, à en croire le quotidien US, ne seront jamais autorisés à retourner en Bosnie qui leur avait accordés la citoyenneté. Au lieu de cela, «les USA ont demandé à l´Algérie de rapatrier les prisonniers à condition qu´ils soient mis sous surveillance», retient The Washington Post. Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (Cncppdh), interrogé récemment par L’Expression au sujet de cette affaire, a rejeté catégoriquement le «refus», par l’Algérie, de «rapatrier les prisonniers». Le contraire serait plutôt moins surprenant d’après maître Farouk Ksentini. Car, selon ses explications, «l’Algérie n’a jamais abandonné ses ressortissants et a toujours oeuvrer pour faire valoir leurs droits». Plus concrètement encore, le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, a abordé le sujet avec ses interlocuteurs américains, lors de sa visite effectuée à Washington au début de l’année en cours. De ce cheminement découle «l’inimaginable refus des autorités algériennes d’accueillir les détenus», soutient-on. Pourquoi donc le Pentagone préfère jouer la carte de l’Albanie?Les justificatifs américains qui ont accompagné le choix de ce pays ne tiennent absolument pas la route. Selon l’administration Bush, l’Albanie est le seul Etat qui a accepté d’accueillir les trois détenus, dont l’Algérien, et d’oeuvrer pour réussir leur insertion au sein de la société.Un discours qui ne plaît pas, d’autant qu’aucune information n’est fournie au sujet des trois détenus libérés, et encore moins leurs véritables identités. L’Algérien fait-il partie des six prisonniers de nationalité bosniaque? L’interrogation demeure toujours sans réponse.
Le Pentagone se contentait d’annoncer que les trois otages libérés sont de nationalité algérienne, égyptienne et ouzbekistanaise. En tout cas, si l’Algérie avait été sollicitée pour accueillir son ressortissant, «son refus serait injustifiable».25 Algériens croupissent toujours dans la base de non-droit de Guantánamo, dont six naturalisés bosniaques. Ils sont accusés d’activité terroriste et de lien avec l’organisation criminelle d’Al Qaîda. Le 17 janvier 2002, la Cour suprême de Bosnie a ordonné la libération des six Algériens prétextant l’absence de pièces à conviction suffisantes pour leur inculpation. Le même jour, la Chambre bosniaque des droits de l´homme a publié une décision permettant aux Algériens de rester en Bosnie et de ne pas être expulsés. Peu avant l´aube du 18 janvier, les Algériens ont été officiellement libérés. Mais au lieu de retrouver leur liberté, ils ont été remis par la police bosniaque aux militaires américains.
Source : http://www.lexpressiondz.com/T20061120/ZA4-5.htm

samedi 18 novembre 2006

Boom dans la construction : appel d'offres pour construire des nouvelles salles d'audience à guantanamo

L'armée US a lancé un appel d'offres pour la construction à guantanamo de nouvelles salles d'audience pour juger des détenus de la "guerre contre le terrorisme" à partir de l'été prochain, a-t-on appris vendredi auprès du Pentagone. "Nous avons besoin de construire un tribunal avec deux grandes salles d'audience (...) nous avons besoin de logements", a dit à l'AFP un porte-parole du Pentagone, le capitaine Chito Peppler.
La base de Guantanamo ne dispose actuellement que d'une seule salle d'audience et les logements ne sont pas suffisants pour accueillir les centaines d'avocats, de journalistes et autres personnes attendus à ces procès.L'appel d'offres a été publié sur un site web officiel par l'US Navy, qui gère la base de Guantanamo. Daté du 3 novembre, il évalue le coût de construction entre 75 et 125 millions de dollars, les travaux devant être achevés d'ici juillet 2007.L'US Navy veut construire deux nouvelles salles d'audience pour organiser plusieurs procès en même temps, des logements pour 800 à 1.200 militaires, avocats et journalistes, une salle à manger pouvant accueillir 800 personnes, des espaces de travail, un garage pour 100 véhicules officiels, selon le texte de l'appel d'offres.Le gouvernement US a annoncé son intention de traduire 60 à 80 des quelque 435 détenus de guantanamo devant des tribunaux militaires d'exception.
Pour l'instant, seuls 10 d'entre eux ont été inculpés.Une loi adoptée par le Congrès en septembre instaure ces tribunaux d'exception pour juger les "combattants ennemis" et prévoit l'annulation de plus de 400 recours de prisonniers qui contestent devant la justice civile US leur détention sans inculpation.Des avocats de détenus ont demandé à la cour d'appel fédérale de Washington, chargée de la plupart de ces centaines de recours, de ne pas appliquer la disposition annulant les procédures, arguant qu'elle était contraire à la Constitution.La victoire des démocrates aux élections parlementaires du 7 novembre laisse envisager un nouveau débat sur le traitement des suspects de terrorisme [on peut toujours rêver !]. Les multiples recours judiciaires pourraient aussi remonter devant la Cour suprême dans les prochains mois.S'ils ne sont pas retardés par les recours annoncés, les premiers procès pourraient commencer l'été prochain.
Source : AFP, 18 novembre 2006

Trois détenus de Guantanamo remis en liberté en transférés en Albanie

Trois détenus de la prison de Guantanamo ont été relâchés et transférés en Albanie, après que les autorités US ont décidé de ne plus les considérer comme des "combattants ennemis", ont déclaré les autorités vendredi. Le département d'État US a annoncé que l'Albanie avait donné son accord pour accueillir ces anciens détenus - un Algérien, un Égyptien et un homme d'origine ouzbek. Leur identité n'a pas été communiquée. "Les USA ont fait tout leur possible pour s'assurer que ces trois détenus seront traités humainement au moment de leur libération", a déclaré le département de la Défense dans un autre communiqué. "Notre objectif clé a été d'implanter ces détenus dans un environnement qui leur permettra de reconstruire leur vie. L'Albanie va offrir cette possibilité". Ces trois prisonniers étaient les derniers parmi 38 détenus de Guantanamo dont le statut a été revu par les autorités US, qui ont décidé de ne plus les accuser d'actes terroristes. Pendant les nombreux mois nécessaires au département d'État pour trouver des pays d'accueil pour ces personnes, elles étaient détenues dans un camp séparé à Guantanamo. Selon le Pentagone, il reste environ 430 prisonniers dans cette prison située dans l'enclave US à Cuba. Certains y sont détenus depuis son ouverture en 2002. Ces détenus n'ont pas la possibilité de contester leur détention par le biais du système juridique civil US. Selon un nouvelle loi antiterroriste promulguée par le président George W. Bush en octobre, ils seront jugés par des tribunaux militaires.
Source : AP, 18 novembre 2006

« A Guantanamo, tout est fait pour condamner les prisonniers »

Entretien avec Clive Stafford Smith, avocat anglo-américain et militant contre la peine de mort au sein de l’organisation britannique Reprieve.

Son engagement auprès des prisonniers de Guantanamo l’a conduit à défendre Sami Al-Haj, un caméraman d’Al-Jazira détenu depuis le 13 juin 2002 dans la base militaire.
Propos recueillis par Benoît Hervieu. Traduction Zuzana Loubet del Bayle, Yanne Pouliquen et Laureen Martin



Pour quelles raisons vous êtes-vous engagé en faveur des prisonniers de Guantanamo ?

La première mesure de l’administration Bush, quand elle est arrivée au pouvoir en 2001, a été de créer, au nom de la loi, une prison où la légalité n'existe pas. J’étais choqué de voir qu’elle était capable de faire une chose pareille, c’était absolument insensé. Il était clair que cette prison allait poser plus de problèmes qu’elle ne pouvait en régler. A l’époque, les prisonniers n’avaient pas encore la possibilité d’entrer en contact avec des avocats. Mais je me suis dit qu'il fallait quand même se préoccuper des droits de ces gens.
Quelle a été votre marge de manoeuvre sur place ?

Je me suis rendu sur place quinze fois mais les militaires rendent ce voyage de plus en plus difficile. Cela émane sans doute d’une volonté d’ôter aux prisonniers tous leurs droits. C'est donc très dûr pour nous de les leur donner. Le travail des juristes consiste simplement à présenter les faits devant un tribunal et à dire comment les prisonniers sont traités. De dire la vérité, d'informer sur la situation. Grâce à la pression de l’opinion publique, plus de trois cents d’entre eux ont déjà été libérés.
Vous avez été menacé de prison par les autorités militaires...

Deux incidents se sont produits. Le premier s’est passé en août 2005. On m’avait accusé d’être responsable de la grève de la faim qui avait eu lieu à l’époque. Le deuxième incident a eu lieu il y a deux mois. On a essayé de faire dire à l’un de mes jeunes clients, âgé d’à peine 18 ans, que j’étais à l’origine des trois suicides survenus en 2006 et que j’avais encouragé les détenus à se suicider. Les prisonniers sont traités comme s’ils n’avaient plus d’espoir de vivre. C’est la vraie raison des dépressions et des suicides. Et il y en aura certainement d’autres si nous ne réagissons pas.

Pourriez-vous nous rappeler les raisons de l'arrestation de Sami Al-Haj ?
Il est difficile de connaître avec certitude les raisons de son arrestation parce que les Américains ne nous les donnent pas. Ils doivent penser que Sami était le caméraman d’Al-Jazira ayant participé à des interviews de Ben Laden. C’est faux et, si l'arrestation de Sami est basée sur ce motif, ils se sont trompés. Mais je pense que c’est la raison première de son arrestation. Ils ont avancé depuis lors toutes sortes d'explications toutes plus malhonnêtes les unes que les autres pour le maintenir en détention, mais Sami n’a, bien entendu, jamais eu droit à un quelconque procès.

On a dit que son passeport aurait été volé, qu'il aurait participé à un site terroriste...

Tout cela n'est pas crédible. Il n'a d'ailleurs jamais eu la possibilité répondre de ces allégations. L’administration Bush semble croire qu’Al-Jazira est à la solde d’Al Qaida, ce qui, à mon avis, est totalement infondé. C’est déplorable que l’administration Bush ait choisi de s'attaquer à ce qui est probablement un fleuron de la libre expression au Moyen-Orient.

Quelles sont les conditions de détention de Sami Al-Haj aujourd'hui ?

Sami est détenu à Guantanamo, mais pas dans les conditions les plus dures. La dernière fois que je l’ai vu, il était au Camp 5 mais j’ai peur qu’il soit très bientôt transféré au Camp 6, une unité de sécurité maximale. Car les militaires sont en train de placer tous les prisonniers en cellules individuelles. En détention, Sami est tombé malade. Il a eu de sérieux problèmes, des problèmes physiques. Il a besoin d’une opération du genou qui n’a pas eu lieu. En fait, le docteur de Guantanamo a dit qu’il était impossible de faire cette opération à Guantanamo, faute des équipements adéquats. Il risquerait d'être handicapé à vie. Il a eu aussi un cancer de la gorge, il y a plusieurs années ; il a été soigné et doit rester sous traitement médical pour éviter une rechute. Mais on lui a malheureusement refusé ce traitement depuis qu’il se trouve à Guantanamo.

Que pouvez-vous faire contre la légalisation de la torture récemment entérinée par le Congrès américain ?

Il est extrêmement difficile de croire que le MCA (Military Commission Act) [adopté le 28 septembre dernier par le Congrès] puisse être la solution à la situation dans laquelle nous nous trouvons depuis des années. Avec cette loi, l’administration Bush a essayé de supprimer tous leurs droits aux prisonniers de Guantanamo. Ils ne disposent donc plus d’aucun recours pour remettre en cause la légalité de leur détention. C'est une chose incroyable. Cela a été fait dans une optique purement politicienne, dans l’attente des élections de novembre. Mais lorsqu'une loi est votée, il est très difficile de s’en débarrasser. Nous sommes bloqués pour des années en attendant que la Cour Suprême ne la juge inconstitutionnelle.
Source : http://www.typepad.com/t/trackback/6847805

Note Me Stafford-Smith est le directeur juridique de la section britannique de l'organisation Reprieve (qui signifie "remise de peine, sursis, répit") > http://www.reprieve.org.uk/

Reprieve, par Deborah Clem

vendredi 17 novembre 2006

Un rapport dénonce la procédure sur le statut des détenus de Guantanamo

Les commissions de révision du statut de «combattant ennemi», qui justifient la détention sans inculpation à guantanamo, ne laissent pratiquement aucune chance au détenu de se défendre, selon un rapport universitaire publié vendredi.Diffusé par la faculté de droit de Seton (New Jersey, est), le rapport analyse les minutes, disponibles sur internet, des audiences tenues devant ces commissions pour 361 détenus entre juillet 2004 et janvier 2005.
Pour le gouvernement, ces commissions remplacent les recours d'«habeas corpus», par lequel un prisonnier peut exiger d'être présenté devant un juge, une procédure désormais interdite aux «combattants ennemis».Menottés et sans avocat face à trois juges et un procureur militaires, les détenus n'ont reçu qu'un résumé des éléments confidentiels retenus contre eux, et dans la plupart des cas n'ont même pas eu accès à des documents non confidentiels présentés par l'accusation.Les détenus n'ont pas pu citer de témoins qui ne soient pas déjà à guantanamo, et lorsqu'ils ont cité des co-détenus, le gouvernement a refusé dans 74 % des cas que ces derniers viennent déposer.Les commissions ont systématiquement admis comme dignes de foi les documents présentés par l'accusation, mais n'ont accepté que dans 25 % des cas d'examiner tous les documents présentés par un détenu.
Seuls 38 des 558 détenus présentés ont obtenu la révision de leur statut, alors que dans un rapport publié en février à partir des mêmes documents, les auteurs avaient déjà conclu que 55 % des détenus n'étaient accusés d'aucun acte hostile contre les USA et que seulement 8 % étaient considérés comme des combattants d'Al Qaïda.Il reste environ 435 détenus à guantanamo. Le gouvernement a annoncé son intention de traduire 60 à 80 d'entre eux devant un tribunal militaire d'exception, et de renvoyer encore 110 détenus dans leur pays, sans préciser ce qu'il pouvait advenir des quelque 250 restant.
Source : AFP, 17 novembre 2006