lundi 22 décembre 2008

« Frappe-moi encore, baby » - Une histoire de la torture par la musique dans la guerre contre le terrorisme

par Andy Worthington, CounterPunch, 17 décembre 2008. Traduit par Djazaïri

Le message subliminal contenu dans le tube entraînant qui a projeté l’adolescente Britney Spears et ses couettes sur le devant de la scène mondiale en 1999 – avait conduit le label Jive Records a changer le titre de la chanson de « Hit Me Baby One More Time » (Frappe-moi encore , baby) en “... « Baby One More Time » (Encore une fois, baby) suite aux craintes de ses dirigeants de le voir considéré comme une approbation de la violence domestique.
On peut cependant parier à coup sûr que ni Britney ni Max Martin, l’auteur de la chanson, n’avaient pas envisagé que ce message puisse être récupéré par les militaires usaméricains lorsqu’on leur donna l’ordre de maintenir en éveil des prisonniers en leur faisant entendre de la musique à s’en crever les tympans – pendant des jours entiers voire des semaines ou même des semaines ou des mois – dans des prisons en Irak, en Afghanistan et à Guantánamo.
Le message, comme l’a expliqué dans une interview Ruhal Ahmed, un prisonnier libéré de Guantanamo, était moins important que le caractère implacable et sans échappatoire du bruit. Décrivant les fréquentes séquences de torture par la musique, Ahmed explique : “Je peux supporter les coups, ce n’est pas un problème. Une fois que vous avez accepté le fait que vous allez entrer dans la salle d’interrogatoire et être tabassé, ça va. Mais quand on vous torture psychologiquement, c’est insupportable.” Il ajoute cependant que “à partir de fin 2003 ils ont introduit la musique et c’est devenu encore pire. Avant ça, vous pouviez essayer de vous concentrer sur autre chose. Vous avez l’impression de devenir fou. Vous perdez les pédales, et c’est vraiment effrayant de penser que vous pourriez devenir fou à cause de toute cette musique, à cause du son à fond et parce qu’au bout d’un moment vous n’entendez plus du tout les paroles, tout ce que vous entendez c’est un énorme bang-bang.”
En dépit de ce fait, les soldats, qui avaient une grande latitude pour choisir les morceaux selon leurs goûts, optaient souvent pour des chansons aux textes agressifs – “Fuck Your God” (J’emmerde votre Dieu) de Deicide par exemple, qui est en réalité une diatribe anti-chrétienne mais dont le titre était supposé provoquer le consternation chez les adeptes de n’importe quelle religion – même si pour des prisonniers non familiers avec le rock occidental ou le rap, cette musique en elle-même suffisait à les mettre dans une situation très pénible. Quand des agents de la CIA s’exprimèrent sur ABC News en novembre 2005, dans le cadre d’un reportage choc sur l’utilisation du supplice du waterboarding* et d’autres techniques de torture sur des “détenus de première importance,” enfermés dans des prisons secrètes, ils rapportèrent que quand on forçait les prisonniers à écouter l’album Slim Shady d’Eminem, “La musique leur était si étrangère qu’elle les mettait dans tous leurs états.” Et en mai 2003, quand on a appris que la musique était utilise par les équipes d’action psychologique usaméricaines en Irak, le sergent Mark Hasdell, dont on dit que les chansons préférées seraient Bodies de Drowning Pool et Enter the Sandman de Metallica, avait déclaré à Newsweek, “Ces gens n’ont jamais entendu de Heavy Metal. Ils ne peuvent pas le supporter.”

L’approbation du recours à la torture par la musique dans la guerre contre le terrorisme
En fonction des goûts musicaux des gens, les réactions aux informations sur l’usage de la musique pour la torture de prisonniers consistent souvent en commentaires badins du genre, “Si je devais écouter Babylon de David Gray, le thème musical de Barneyle dinosaure violet par Christina Aguilera, je crierais à la ‘torture’ moi aussi.” Mais la réalité est malheureusement beaucoup plus sombre comme Hasdell l’a expliqué après avoir observé qu’en Irak, les prisonniers avaient un problème avec la musique heavy metal. “Si vous en passez pendant 24 heures,” expliquait Hasdell, “votre cerveau et votre métabolisme commencent à dysfonctionner, le fil de vos pensées ralentit et votre volonté est brisée. C’est alors que nous entrons pour leur parler.”
Tout comme d’importantes personnalités de l’administration, Hasdell était complètement inconscient du fait que “briser” les prisonniers plutôt que de chercher des moyens de les encourager à coopérer n’était pas la meilleure méthode pour obtenir des informations un tant soit peu fiables, mais les équipes de guerre psychologique n’étaient pas les seules dans ce cas. En septembre 2003, le général Ricardo Sanchez, commandant de l’armée US en Iraq, avait approuvé le recours à la musique comme élément d’un train de mesures à utiliser sur les prisonniers capturés “pour créer la peur, désorienter... et prolonger le choc de la capture,” et comme on l’apprend dans un nouveau rapport de la commission sénatoriale sur les services armé (Senate Armed Services Committee) sur la torture et les sévices infligés aux prisonniers sous garde US, le recours à la musique était une composante essentielle da la rétro-ingénierie de techniques sous le terme de Survie, Évasion, Résistance, Fuite (SERE) qui sont enseignées dans les écoles militaires des USA pour former le personnel à résister aux interrogatoires. Le rapport explique :
« Pendant la phase résistance de l’entraînement SERE, les membres de l’armée US sont soumis à des pressions psychologiques et physiques... conçues pour simuler les conditions auxquelles ils pourraient être soumis s’ils étaient faits prisonniers par des ennemis qui ne se conforment pas aux Conventions de Genève. Comme un... instructeur l’expliquait, l’entrainement SERE est “base sur l’exploitation illégale (aux termes des règles énumérées dans la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre) de prisonniers ces cinquante dernières années.” Les techniques utilisées dans la formation SERE, basées en partie sur les techniques utilises par les communistes chinois pendant la guerre de Corée pour détecter les faux aveux, comprennent l’arrachage des vêtements des détenus, les postures de stress, l’encapuchonnage de la tête, les interruptions de sommeil, le traitement comme des animaux, la soumission à de la musique à volume élevé et à des éclairages puissants, et l’exposition a des températures extrêmes. Elles peuvent aussi comprendre des coups au visage et sur le corps et, jusqu’à récemment, pour certains qui ont participé à la formation SERE de la Marine, le supplice du waterboarding. »
Le rapport de la commission sénatoriale fait porter la faute de l’application de ces pratiques sur de hauts responsables, dont le président George W. Bush, l’ancien secrétaire à la défense Donald Rumsfeld, Dick Addington, l’ex conseiller juridique (et actuellement chef de cabinet) du vice-président Dick Cheney et l’ancien conseiller pour les Affaires générales du Pentagone William J. Haynes II. Ce qui rend évident que non seulement l’utilisation de la musique fait partie d’un ensemble de techniques illégales mais aussi qu’au moins une partie de leur logique, selon les autorités chinoises qui les avaient appliquées, était de garantir l’obtention de faux aveux plutôt que “d’informations opérationnelles” que recherchait l’administration US.

Les expériences de Binyam Mohamed et Donald Vance
Si vous avez encore des doutes sur les effets pernicieux de la torture par la musique, considérez les propos de Binyam Mohamed, résident en Grande-Bretagne toujours détenu à Guantánamo, qui a été torturé au Maroc pendant 18 mois pour le compte de la CIA puis pendant quatre mois dans la “prison noire” de la CIA à Kaboul ou de Donald Vance, un sous-traitant de l’armée US en Irak qui a été soumis à la torture par la musique pendant 76 jours en 2006.
Parlant à son avocat, Clive Stafford Smith, directeur de l’association d’aide juridique Reprieve, Mohamed, comme Ruhal Ahmed, a expliqué comment la torture psychologique était pire que la torture physique qu’il avait endurée au Maroc, où les tortionnaires mandatés par la CIA lui entaillaient régulièrement le pénis avec une lame de rasoir. « Imaginez qu’on vous donne le choix : perdre la vue ou perdre l’esprit ».
Au Maroc, la musique ne représentait qu’une petite partie des tortures infligées à Mohamed. Vers la fin de ses 18 mois de calvaire, il se souvient que ses geôliers “me ligotèrent et me mirent des écouteurs sur la tête. Ils passaient du hip hop et de la musique rock, très fort. Je me rappelle qu’ils passaient et repassaient Meatloaf et Aerosmith. Je détestais ça. Ils passaient aussi 2Pac, All Eyez On Me, toute la journée et toute la nuit... Deux jours plus tard, ils firent la même chose. La même musique. Je ne pouvais pas ôter les écouteurs vu que j’étais attaché. Je devais dormir avec la musique et même prier avec.”
En revanche, à la Prison Noire qui n’était qu’une reconstitution plausible d’un donjon médiéval dans lequel les prisonniers étaient détenus dans une obscurité complète et étaient souvent enchaînés au mur par les poignets, le recours à la musique était constant. Ainsi que Mohamed l’a expliqué :
« C’était l’obscurité complète, et pas d’éclairage dans les cellules la plupart du temps... Ils m’ont suspendu immobilisé pendant deux jours. Mes jambes avaient enflé. Mes poignets et mes mains étaient engourdis... Il y avait de la musique à fond, Slim Shady et Dr. Dre pendant vingt jours. J’entendais ça en non stop, encore et encore. J’ai mémorisé la musique, toute, quand ils en changeaient pour passer d’horribles rires de fantômes et des bruits d’Halloween. C’était vraiment sinistre dans ce trou noir... L’interrogatoire a commencé dès le premier jour pour se poursuivre jusqu’au jour de mon départ. La CIA travaillait sur les gens, dont moi, jour et nuit. Beaucoup ont perdu l’esprit. Je pouvais entendre des gens se cogner la tête contre les murs et les portes, hurlant à s’en exploser la tête.... Pendant tout ce temps, j’ai eu droit à toutes sortes de musiques et de sons pénibles, perturbant le mental. J’appelle ça du lavage de cerveau. »
L’histoire de Vance prouve non seulement que la pratique d’utiliser la musique pour torturer était en vigueur pas plus tard qu’en 2006, mais qu’elle a aussi servi sur des usaméricains. Quand son histoire a été connue en décembre 2006, le New York Times écrivait qu’il “agissait comme taupe, fournissant au FBI des informations sur des activités suspectes de la société de sécurité pour laquelle il travaillait en Irak, dont ce qui selon lui était un possible trafic illégal d’armes,” mais que “quand les soldats usaméricains firent à sa demande une descente sur l’entreprise, M. Vance et un autre usaméricain qui y travaillait furent arrêtés en tant que suspects par l’armée qui ignorait que M. Vance était un informateur.”
Vance, qui fut détenu au Camp Cropper à Bagdad, a expliqué qu’il était soumis de façon routinière à la privation de sommeil, emmené pour interrogatoire en pleine nuit et place dans une cellule éclairée en permanence par des lampes fluorescentes. Il ajouté, “La plupart du temps, du heavy metal ou de la country music beuglait dans le corridor.” Parlant à l’Associated Press la semaine dernière, il a déclaré que l’usage de la musique comme torture “peut rendre fou un home innocent,” et ajouté une précision sur l’usage de la musique pendant son incarcération, indiquant qu’il était “bouclé dans une cellule de 3 X 3 mètres trop climatisée qui comportait un haut-parleur protégé par une grille métallique. Il y avait deux grands hauts-parleurs dans le couloir.” Selon lui, “La musique passait presque constamment, du hard rock principalement. Il y avait beaucoup de morceaux de Nine Inch Nails dont March of the Pigs. Je suis incapable de vous dire combien de fois j’ai entendu We will Rock You de Queen.” Il explique que cette expérience “vous fait sortir en quelque sorte de vous-même. Vous devenez incapable de formuler vos propres pensées dans un tel environnement.”
Après sa libération, Vance dit avoir résolu de poursuivre Rumsfeld en justice pour violation de ses droits constitutionnels et il observe que “Saddam Hussein avait plus d’avocats que je n’en ai jamais eu.” Il ajoute avoir écrit une lettre au commandant du camp “constatant que ces mêmes idéaux démocratiques que nous essayons d’instiller dans un Irak qui s’éveille à la démocratie, des procédures judiciaires de base à la Magna Carta, nous refusons nous-mêmes absolument et carrément de les respecter.”
Pour signer la pétition de Zero DB : http://www.zerodb.org/

Les musiciens passent à l’action
La semaine dernière, Reprieve a lancé une nouvelle initiative, Zéro décibel (Zero dB Against Music Torture), qui vise à encourager les musiciens à prendre position contre l’utilisation de leur musique comme instrument de torture. Ce n’est pas la première fois que les musiciens ont été encouragés à donner de la voix. En juin, Clive Stafford Smith avait soulevé le problème dans The Guardian. Dans un des articles de ce dossier, The Guardian signalait que la chanson Babylon de David Gray était désormais associée au débat sur la torture après que Haj Ali, l’homme encagoulé dans les célèbres photos d’Abou Ghraïb ait raconté avoir été entièrement déshabillé, ligoté et forcé à écouter en boucle un passage de la chanson à un volume si élevé qu’il craignit que sa tête explose. Gray a publiquement condamné cette pratique. « Le problème moral n’est pas de savoir s’ils utilisent ou pas ma chanson, c’est absolument hors de propos » a-t-il affirmé. « Ce serait situer notre réflexion au-dessous du niveau des gens auxquels nous sommes supposés nous opposer, et c’est à l’opposé de toute notre histoire et de tout ce que nous prétendons représenter. Tout ce qui attire l’attention sur l’étendue de l’horreur et de la bassesse dans laquelle nous avons sombré est une bonne chose. »
Dans une interview subséquente à la BBC, Gray a regretté que le seul aspect remarqué de l’affaire de la torture par la musique a été son “aspect nouveauté” – qu’il a compare à des Greatest Hits de Guantánamo – avant de condamner à nouveau avec force le détournement de sa musique et celle d’autres artistes.
“Ce dont nous parlons ici, c’est de personnes dans une pièce obscure, physiquement entravés par des menottes, des sacs sur la tête et de la musique qui déferle sur eux 24 heures par jour, sept jours par semaine,” a-t-il déclaré. “C’est de la torture et rien d’autre. Peu importe de quelle musique il s’agit – ce pourrait être un chef d’œuvre de Tchaïkovski ou Barney le Dinosaure. Ce n’est vraiment pas le problème, ça rend complètement dingue. Personne ne veut même réfléchir sur ce sujet ou discuter du fait que nous sommes allés bien au delà des procédures de droit et que nous torturons des gens.”
Tous les musiciens ne partagent pas la révulsion de Gray. Bob Singleton, qui a écrit la chanson theme de Barney, largement utilisée pendant la guerre contre le terrorisme, reconnait dans une colonne d’opinion publiée par le Los Angeles Times en juillet que “si vous balancez de la musique suffisamment fort assez longtemps, j’imagine que ça devient insupportable,” mais refuse par contre d’admettre que des auteurs puissent légitimement avoir un mot à dire sur la façon dont leur musique est utilisée ou qu’il existe des circonstances dans lesquelles passer de la musique continuellement à des prisonniers pourrait être considéré comme de la torture.
“C’est complètement absurde,” écrit-il. “Une chanson qui a été conçue pour que de petits enfants se sentent bien et aimés pourrait d’une manière ou d’une autre menace la santé mentale d’adultes et les amener au point de rupture de leur équilibre mental? » Il ajoutait : “L’idée que la répétition d’une chanson amènera quelqu’un aux limites de la stabilité émotionnelle ou le fera agir contrairement à sa propre nature transforme la musique en quelque chose comme le vaudou, ce qu’elle n’est pas.”
Singleton n’est pas le seul artiste à méconnaitre la façon dont la musique peut, en fait, constituer une torture – spécialement quand elle est utilisée comme pièce d’un ensemble de techniques imaginées pour briser des prisonniers.
Steve Asheim, le batteur de Deicide, a déclaré : “Ces types ne sont pas un groupe de lycéens. Ce sont des guerriers et ils sont entrainés à résister à la torture. Ils s’attendent à ce qu’on les brûle avec des torches et à ce qu’on les frappe à leur rompre les os. Si j’étais prisonnier à Guantánamo et qu’on me balançait un paquet de musique à fond, j’en viendrais à dire : ‘C’est tout ce que vous avez? Allez , allez.’ Je ne suis absolument pas pour torture des gens, mais je ne crois pas non plus que passer de la musique à volume élevé soit de la torture.”
Par ailleurs, d’autres musiciens ont été clairement enthousiastes au sujet de l’utilisation de leur musique. Stevie Benton de Drowning Pool, qui a joué pour les troupes US en Irak, a déclaré au magazine Spin : “Des gens s’imaginent que nous devrions être offensés que quelqu’un dans l’armée pense que notre chanson est suffisamment rasoir pour que, passée encore et encore, elle puisse briser une personne psychologiquement. Je prends comme un honneur de penser que notre chanson pourrait peut-être servir à empêcher un autre 11 septembre ou quelque chose de ce genre.”
Heureusement pour ceux qui comprennent que l’utilisation de la musique comme élément d’un système de techniques de torture n’est pas une affaire qui prête à rire, l’initiative Zero dB représente la tentative la plus significative à ce jour pour que cet usage cesse. Christopher Cerf, compositeur de la musique de Sesame Street, a été horrifié d’apprendre que la chanson thème de l’émission avait été utilisée pour des interrogatoires. “Je ne voudrais pas que ma musique fasse partie de ça,” a-t-il déclaré.
Tom Morello de Rage Against the Machine a été particulièrement net dans sa dénonciation de l’utilisation de la musique dans la torture. En 2006, il avait déclaré au magazine Spin : “Le fait que notre musique a été incluse de cette manière barbare est vraiment dégoûtant. Si vous êtes quelque peu au fait de la ligne idéologique de notre groupe et de notre soutien aux droits de l’homme, c’est vraiment difficile à supporter.” Dans sa tournée mondiale de cette année, Rage Against the machine s’est régulièrement produit sur scène en portant des cagoules et des combinaisons orange et, pendant un concert récent à San Francisco Morello a proposé une vengeance contre le président Bush ; “Je suggère qu’ils rasent Guantánamo Bay mais qu’ils conservent une petite cellule et qu’ils y mettent Bush... et qu’ils lui passent du Rage Against the machine.”
Et le 11 décembre, juste après l’annonce de la champagne Zero dB, Trent Reznor de Nine Inch Nails a publié le message suivant sur son blog :
« Il m’est difficile d’imaginer quelque chose de plus profondément insultant, avilissant et cause de colère que de découvrir que la musique que vous avez créée avec votre cœur et votre âme a été utilisée à des fins de torture. S’il existe n’importe quelle possibilité d’action en justice réaliste, elles seront menées sans faiblesse, et tout gain financier éventuel sera versé à des organisations de droits de humains. DIEU merci, ce pays semble s’être rangé du côté de la raison et nous pourrons laisser derrière nous l’administration Bush et son règne de puissance, d’avidité, de non-droit et de folie. »
Même James Hetfield de Metallica, qui a généralement été dépeint comme un défenseur de l’utilisation par l’armée US de la musique de son groupe, a exprimé des réserves. Dans une interview radio de novembre 2004, il avait déclaré être “fier” que l’armée ait utilisé sa musique (même si elle “ne lui en avait pas demandé la permission ni ne lui avait verse de royalties”). “Pour moi, les paroles so t une forme d’expression, la liberté d’exprimer ma folie,” avait-il expliqué avant d’ajouter “Si les Irakiens n’ont pas l’habitude de la liberté alors je suis heureux de participer à leur initiation.” Hetfield trouvait risible les affirmations selon lesquelles la musique pouvait server à la torture, disant : “Nous avons puni pour toujours nos parents, nos épouses, nos êtres aimés avec cette musique. Pourquoi en irait-il autrement pour les Irakiens?” Néanmoins, il reconnait la raison pour laquelle l’armée se sert de sa musique : “C’est le caractère implacable de la musique. Elle est absolument implacable. Si j’écoutais un groupe de death metal pendant douze heurs d’affilée, je deviendrais dingue moi aussi. Je vous dirais tout ce que vous voulez savoir.”
Si ces musiciens se sont exprimés publiquement, d’autres – dont Eminem, AC/DC, Aerosmith, les Bee Gees, Christina Aguilera, Prince et les Red Hot Chili Peppers – sont restés silencieux sur l’utilisation de leur travail. Le point de vue de Britney Spears est également inconnu, mais si on devait se baser sur ses propos à CNN en septembre 2003, il est peu probable qu’elle y voie un mal. Quand Tucker Carlson lui avait dit, “De nombreux artistes ont pris position contre la guerre en Irak. Et vous? Britney avait répondu, “Honnêtement, je pense que nous devons seulement faire confiance au président dans toutes ses décisions et seulement le soutenir, vous savez, et être confiants en ce qui va se passer.” Elle devrait peut-être parler avec Pamela Anderson qui a récemment publié sur son blog un message simple à Barack Obama : “S’il vous plait, fermez Guantánamo Bay – comprenez bien – faisons amende honorable/ stop à la torture – le temps est venu pour des solutions pacifiques”.

Andy Washington est écrivain et historien et est l’auteur de The Guantánamo Files.

* Waterboarding : expression issue d’un jeu de mots macabre (aux USA, le Water Board est la Compagnie des Eaux) désignant une forme de torture pratiquée depuis le Moyen-Âge : « Le prisonnier est attaché à une planche inclinée, les jambes levées et la tête légèrement plus basse que les pieds. On lui enveloppe la tête de cellophane et de l'eau lui est versée dessus. Inévitablement, les réflexes de suffocation s'enclenchent et une peur panique de la noyade force le prisonnier à supplier que l'on arrête le traitement. D'après nos sources, les officiers de la CIA qui se sont soumis à la technique du waterboarding on résisté en moyenne 14 secondes avant de craquer. Ils rapportent que le prisonnier d'Al-Qaida le plus dur, Khalid Cheikh Mohammed, s'est attiré l'admiration des interrogateurs en résistant entre deux minutes et deux minutes et demi avant de supplier qu'on le laisse parler. "La personne croit qu'elle est en train de se faire tuer, ce qui équivaut à un simulacre d'exécution, ce qui est illégal d'après les lois internationales", dit John Sifton de Human Rights Watch." (Brian Ross et Richard Esposito, ABC News , 18 novembre 2005)