Pendant que certains se débattent avec des intrigues alambiquées et que d’autres caracolent en tête de l’audimat, 24 se retrouve au cœur d’une polémique particulièrement vive outre-atlantique. Sur le banc des accusés, non seulement la violence notoire du show, mais surtout la manière dont sont gérés et montrés les interrogatoires de prisonniers.Ce n’est pas une nouveauté, chaque nouvelle saison de 24 apporte son lot de terroristes, de traîtres et d’assassins, détenant des renseignements tous plus importants les uns que les autres et qu’il faut extraire dans les meilleurs délais. De part son concept même, le show se retrouve donc régulièrement obligé de sacrifier la morale et la légalité au profit du rythme et de l’efficacité nécessaires au maintien du suspense (et donc de l’attention du spectateur), quand ce n’est pas au profit de l’originalité, le show devant sans cesse se renouveler.
L’aspect graphique et souvent extrême des scènes d’interrogatoire (voire de torture pure et simple) soulève de plus en plus d’inquiétudes et de reproches, d’une part en provenance d’associations pour le respect des droits de l’homme, qui s’émeuvent de la violence croissante dans les séries télévisées (et pas seulement dans 24), et d’autre part de l’armée américaine, qui s’inquiète autant de son image de marque que de l’impact à court terme d’un show comme 24 sur ses propres effectifs. Human Rights First (Les droits de l’homme d’abord), une association de défense a ainsi récemment amené d’anciens militaires spécialisés dans l’interrogatoire à rencontrer les producteurs de 24 et Lost pour discuter de cette question.Les militaires (à la retraite) ont ainsi exprimé leur peine de voir à la télévision des agents officiels du gouvernement américain (même fictifs) pratiquer la torture sur des prisonniers. Le colonel en retraite Stu Herrington, formé à l’interrogatoire au Vietnam et ayant servi de consultant sur les conditions de détention à Guantanamo Bay, a ainsi déclaré que si Jack Bauer travaillait pour lui, il finirait prestement en cour martiale. « Je suis affligé qu’on montre les ‘gentils’ employer, avec succès, ce que je considère comme illégal, immoral et tactiquement idiot. Quand les ‘gentils’ font quelque chose de mal et gagnent, ca me gêne profondément » a-t-il déclaré.Au-delà de l’aspect moral de la torture telle qu’elle est montrée dans 24, l’armée américaine s’émeut aussi de voir de jeunes recrues imiter la fiction dans leurs missions. Tony Lagouranis, un ancien spécialiste américain ayant interrogé des prisonniers à la prison d’Abou Ghraib en Irak, a ainsi reconnu avoir été témoin de fausses exécutions montées pour faire parler des détenus, recréant ainsi des scènes montrées dans 24 (au cours de la saison 2 notamment). Le show ne peut être bien évidemment tenu pour seul responsable de pareils agissements, et les militaires reconnaissent que les jeunes soldats manquent souvent de formation et pressés par leur hiérarchie pour obtenir des résultats, mais l’armée souhaite tout de même faire comprendre ses « inquiétudes » aux scénaristes et producteurs hollywoodiens. Les membres de l’association Human Rights First affirment ainsi avoir parlé à de jeunes soldats dont le comportement est directement influencé par ce qu’ils voient à la télé.
Les producteurs de 24, Howard Gordon en tête, se défendent tout de même de vouloir servir de vitrine idéologique et d’organe de propagande. « Nous ne sommes ni un documentaire, ni un manuel d’interrogation. Nous ne sommes pas un manuel sur la guerre contre le terrorisme. Nous sommes un show télévisé » a-t-il déclaré. Selon ses propres suppositions, Gordon suggère aussi qu’ils reflètent à travers le show une partie des inquiétudes du peuple américain face au terrorisme et à la guerre en Irak, suggérant à demi-mots un exorcisme plus ou moins fictif des angoisses de ses concitoyens.
Cependant, malgré tous les reproches qu'on peut adresser à 24, le show n'est pas le seul à affronter une levée de boucliers contre la violence toujours plus présente dans les séries américaines. À tel point que la FCC, le CSA américain, envisagerait d'imposer des limitations similaires à celles imposées sur les contenus « indécents ».
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