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jeudi 16 février 2017

Ils étaient de l'autre côté du grillage à Guantanamo

Le colonel Wilkerson, ex-bras droit de Colin Powel, Janis Karpinski, ancienne générale de brigade de la Military Police à la prison d’Abou Ghraib et Mark Fallon, ancien enquêteur dans la section américaine antiterroriste, étaient à Paris, nous avons pu dialoguer.
Encore aujourd’hui en 2017 beaucoup de gens pensent que «les mauvais traitements» subis par les prisonniers à Guantánamo ont été le fruit «d’accidents», de dérives d’individus isolés ou de manquements aux ordres de certains soldats. La réalité est bien différente : ce qui s’est passé dans le camp situé dans le sud-est de l’île de Cuba, puis à Abou Ghraib, en Irak, était un véritable système. Un système destiné à pousser les détenus à leurs limites mentales et physiques, avec l’aide de psychologues et de médecins. La seule consigne donnée au personnel chargé de mener les interrogatoires était : «No blood no fool.» Tant qu’il n’y a pas de sang…
Andreas Schuller, avocat en droit international, inscrit au barreau de Berlin, travaille au sein de l'European Center for constitutional and human rights (ECCHR), un centre dans lequel se retrouvent des juristes spécialistes pour la plupart en droit pénal international et très sensibilisés à la question du respect des droits de l’homme. Il y a deux ans, il m’a invité dans leurs locaux en Allemagne. Ce jour-là, il m’a présenté le fondateur de l’ECCHR, Wolfgang Kaleck, qui m’a expliqué comment depuis plusieurs années ils nous soutenaient, mes avocats, William Bourdon et Apolline Cagnat, et moi, dans notre combat judiciaire pour faire la lumière sur le traitement qui nous avait été réservé à Guantánamo. Depuis 2004, l’ECCHR a par exemple engagé des procédures pénales contre des militaires américains, notamment contre l’ancien secrétaire à la Défense américain Donald Rumsfeld.

Photo prise le 18 janvier 2002, au camp X-Ray de la prison de Guantànamo de détenus accusés d’être membre d’Al-Qaida. Photo : Shane T. McCOY / US NAVY / AFP
Il y a quelques jours, j’ai reçu ce mail d’Andreas qui m’a ravi : «Salut Mourad, j’espère tu vas bien. Nous aimerions t’inviter à Paris le jeudi 26 janvier 2017. Avec William et Apolline, l’ECCHR organise une conférence publique sur la torture à Guantánamo, mais aussi les développements aux Etats-Unis après les élections. On a invité d’autres experts des Etats-Unis pour témoigner contre la torture.»
«Des experts des Etats-Unis», me disait-il. En fait, il s’agissait de hauts responsables américains. L’occasion pour moi, pour la première fois de ma vie, de me confronter aux responsables de ce piège dans lequel je suis tombé (lire portrait dans Libération), de comprendre leur point de vue, de saisir ce qui les a menés à mettre en place cette justice d’exception, cette machine infernale des «techniques d’interrogatoires musclées», cet arbitraire qui consistait à nous décrire comme les ennemis de l’Amérique «les pires des pires» ou «les terroristes qui occupaient hier l’Afghanistan, [et] croupissent aujourd’hui à Guantánamo», disaient dès janvier 2002 l’ancien président des Etats-Unis George Bush. Je suis impatient de les entendre et curieux de savoir ce qu’ils pensent aujourd’hui. Bref l’occasion de comprendre cette grande histoire dans laquelle la nôtre, beaucoup plus petite, s’est noyée.
C’est donc à Paris, le 26 janvier dans la soirée, dans la grande salle de l’Eléphant Paname, dans le IIe arrondissement, que nous nous sommes retrouvés. La conférence sur «l’expérience américaine, l’outrepassement de la loi dans la lutte antiterroriste» organisée par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), la Ligue des droits de l’homme (LDH), le ECCHR et le CCR (Center of Constitutionnal Rights) allait permettre de nous confronter à quatre «officiels» venus des Etats-Unis et appartenant au monde politique et militaire. Il y avait du beau monde. Costards-cravates et tenues chics, côte à côte, ils nous font face. Je m’assois au premier rang pour les écouter. Je ne veux pas en perdre une miette, rassuré de voir que leurs propos seront traduits en simultané. Le casque sur les oreilles, je me plonge dans les coulisses du tournage de ce film dont j’étais l’un des personnages et dont les scénaristes, assis en face de moi aujourd’hui, étaient les seuls maîtres de mon destin.
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mercredi 14 avril 2010

George W. Bush "savait que les prisonniers de Guantánamo étaient innocents "

par Tim REID, The Times, 9/4/2010. Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Donald Rumsfeld speaks at a visit to Guantánamo
Donald Rumsfeld au temps de sa gloire. Photo Kevin Lamarque/REUTERS
George W. Bush, Dick Cheney et Donald Rumsfeld ont couvert l’envoi de centaines d'hommes innocents au camp de prisonniers de Guantánamo Bay, car ils craignaient que leur remise en liberté affaiblirait leur pousser à la guerre en Irak et la guerre plus large contre le terrorisme, selon un nouveau document obtenu par The Times.

Ces  accusations ont été faites par Lawrence Wilkerson, un proche collaborateur de Colin Powell, ancien secrétaire d'État républicain, dans une déclaration signée à l'appui d'une plainte déposée par un détenu de Guantánamo. C'est la première fois que ces allégations ont été faites par un membre éminent de l'administration Bush.
Le colonel Wilkerson, qui a été chef de cabinet du général Powell quand celui-ci dirigeait le Département d'État, fait porter sa critique principalement sur M. Cheney et M. Rumsfeld. Il a affirmé que les anciens vice-Président et secrétaire à la Défense savaient que la majorité des 742 premiers détenus envoyés à Guantánamo en 2002 étaient innocents, mais a estimaient qu'il était "politiquement impossible de les libérer".
On croit savoir que le Général Powell, qui a quitté l'administration Bush en 2005, en colère contre la désinformation qu'il avait fourni au monde sans le vouloir, quand il a plaidé pour l'invasion de l'Irak à l'ONU, a soutenu la déclaration du colonel Wilkerson.


Le colonel Wilkerson, un critique de longue date de l'approche de l'administration Bush pour lutter contre le terrorisme et la guerre en Irak, a affirmé que la majorité des détenus - des enfants de 12 ans et jusqu’à des hommes de 93 ans, dit-il - n'avait jamais vu un soldat US quand ils ont été capturés. Il a dit que beaucoup ont été livrés par des Afghans et  des Pakistanais pour des récompenses allant jusqu’à 5000 $. Peu ou pas de preuves n'ont été produites pour expliquer pourquoi ils avaient été capturés.
Il a également affirmé que l'une des raisons pour lesquelles M. Cheney et M. Rumsfeld n'ont pas voulu faire libérer es détenus innocents était que "l’opération de mise en détention serait apparue comme qu’elle était : une opération incroyablement confuse ". Cela n'était «pas acceptable pour l'administration et aurait été fortement préjudiciable à la direction au département de la Défense [Donald Rumsfeld, ministre] de la Défense".
Se référant à M. Cheney, le colonel Wilkerson, qui a servi 31 ans dans l'armée US, a affirmé: "Il n'avait absolument rien à faire de ce que la grande majorité des détenus de Guantánamo étaient innocents ... S’il fallait que des centaines de personnes innocentes souffrent pour pouvoir arrêter une poignée de terroristes endurcis, qu'il en fût ainsi. "
Il a allégué que, pour M. Cheney et M. Rumsfeld " laisser croupir des innocents à Guantanamo pendant des années se justifiait par plus de la guerre tous azimuts contre le terrorisme et le petit nombre de terroristes responsables des attentats du 11 Septembre ".
Il a ajouté: "J'ai discuté de la question des détenus de Guantánamo avec le secrétaire Powell. J'ai appris qu'il était d'avis que ce n'est pas seulement le vice-Président Cheney et le secrétaire Rumsfeld, mais aussi le président Bush, qui avait participé à toutes els prises de décision concernant Guantánamo. "
M. Cheney et Rumsfeld, selon le colonel Wilkerson, considéraient l'incarcération d’hommes innocents acceptable si cela permettait la capture de certains militants authentiques, fournissant ainsi  une meilleure image de renseignement de l'Irak à un moment où l'administration Bush était désespérée de trouver un lien entre Saddam Hussein et le 11/ 9, « justifiant ainsi les plans de l'administration de faire la guerre à  ce pays. »
Il a signé sa déclaration en soutien à Adel Hassan Hamad, un Soudanais qui a été détenu à Guantánamo Carlos LatuffBay de mars 2003 à décembre 2007. M. Hamad affirme qu'il a été torturé par des agents US durant sa détention et a engagé hier une action au civil de demande de réparation contre une liste des responsables US.
Des défenseurs de Guantánamo ont déclaré que des détenus ont commencé à être libérés dès septembre 2002, neuf mois après que les premiers prisonniers avaient été envoyés dans la prison de la base navale US à Cuba. Au moment où M. Bush a quitté ses fonctions, plus de 530 détenus avaient été libérés.
Un porte-parole de M. Bush a déclaré à propos des allégations du colonel Wilkerson: "Nous n'allons pas faire de commentaire à ce sujet." Un ancien associé de M. Rumsfeld a déclaré que les affirmations de M. Wilkerson étaient complètement fausses.
L'associé a déclaré que l'ancien secrétaire à la Défense avait travaillé plus dur que quiconque pour obtenir des libérations de détenus, et avait travaillé assidument pour  maintenir la population carcérale aussi basse que possible. le bureau de M. Cheney n'a pas répondu.
Il reste actuellement environ 180 détenus dans l'établissement.


  
Adil Hassan Hamad, avant et après Guantánamo


Source : Times Online George W. Bush 'knew Guantánamo prisoners were innocent'

Article original publié le 9/4/2010

Sur l’auteur

Fausto Giudice est membre de Tlaxcala, le réseau international  de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteur et la source.

URL de cet article sur Tlaxcala : http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=10312&lg=fr