mercredi 28 février 2007

Les 38 prisonniers fantômes de la CIA

Des prisonniers secrets de la CIA toujours portés disparus
Washington devrait révéler le sort des personnes que les Etats-Unis ont fait « disparaître »
par Human Rights Watch, 27 février 2007

"Le programme de la CIA – et les responsables civils qui l’ont conçu – acausé un tort immense à la réputation, aux principes moraux et à l’intégrité des Etats-Unis. Il est temps que le Président Bush renonce à ce programme et prenne des mesures visant à réparer les préjudices occasionnés "
Joanne Mariner, directrice de la division terrorisme et contre-terrorisme de Human Rights Watch

Le gouvernement américain devrait révéler le sort de tous les prisonniers portés disparus alors qu’ils étaient aux mains de l’Agence centrale de renseignements (CIA), a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.
Le rapport de 50 pages, intitulé Ghost Prisoner: Two Years in Secret CIA Detention (Prisonnier fantôme : Deux ans de détention secrète aux mains de la CIA), contient la description détaillée d’une prison secrète de la CIA, émanant d’un ex-détenu palestinien libéré l’année dernière. Human Rights Watch a par ailleurs adressé une lettre publique au Président américain George W. Bush, réclamant des informations sur le sort et la localisation des détenus portés disparus. « Le Président Bush nous a dit que les 14 derniers prisonniers de la CIA avaient été envoyés à Guantanamo, mais il reste de nombreux autres prisonniers qui ont ‘disparu’ aux mains de la CIA et dont le sort demeure inconnu », a déclaré Joanne Mariner, directrice de la division terrorisme et contre-terrorisme de Human Rights Watch. « La question qui se pose est la suivante : qu’est-il advenu de ces personnes et où se trouvent-elles aujourd’hui ? »
Début septembre, 14 détenus ont été transférés des prisons secrètes de la CIA et remis aux mains de l’armée à Guantanamo Bay. A l’occasion d’un discours télévisé prononcé le 6 septembre, le Président Bush a annoncé que suite à ces 14 transferts, plus aucun prisonnier n’était détenu par la CIA. Un ex-détenu de la CIA, Marwan Jabour, a dévoilé à Human Rights Watch la présence d’un certain nombre d’autres personnes aussi détenues par la CIA mais dont on ignore encore la localisation actuelle.
Pas plus tard qu’en juillet 2006, Jabour aperçu l’un de ces hommes, un Algérien soupçonné de terrorisme du nom de Yassir al-Jazeeri, aux mains de la CIA. « L’administration Bush se doit de fournir des informations circonstanciées sur toutes les personnes ‘disparues’ dans les prisons de la CIA, notamment leur nom, le lieu où elles se trouvent, et le moment où a pris fin leur détention aux mains des Etats-Unis », a déclaré Mariner. La lettre que Human Rights Watch a adressée à Bush contient deux listes de détenus disparus (voir ci-dessous). La première nomme 16 personnes qui selon Human Rights Watch ont été détenues dans des prisons de la CIA et dont on ignore aujourd’hui le sort. La seconde nomme 22 personnes qui en toute probabilité de cause ont été détenues et se trouvent dans une situation similaire. Human Rights Watch a exprimé son inquiétude sur ce qui aurait pu arriver aux prisonniers disparus. L’une des possibilités est que les Etats-Unis en aient transféré certains vers des prisons à l’étranger où ils demeurent néanmoins sous le contrôle effectif de la CIA. Autre possibilité préoccupante: que ces prisonniers ne se trouveraient plus aux mains de la CIA et qu’ils auraient plutôt été transférés vers des lieux où ils risquent d’être torturés.
Il est fort à craindre que certains prisonniers disparus aient été renvoyés dans leur pays d’origine, dont l’Algérie, l’Egypte, la Libye et la Syrie, où la torture des terroristes présumés est monnaie courante. Le nouveau rapport fournit la description la plus complète à ce jour de la vie dans une prison secrète de la CIA, ainsi que de nouvelles informations sur 38 détenus potentiels. Le rapport explique que le traitement infligé à ces prisonniers par la CIA constitue une disparition forcée, pratique absolument interdite aux termes du droit international. Marwan Jabour a été arrêté par les autorités pakistanaises en mai 2004 au Pakistan et incarcéré pendant plus d’un mois à Islamabad, dans un lieu de détention clandestin administré par un personnel joint américain et pakistanais. Durant cette période, il a subi de graves sévices.
En juin, un avion l’a transféré vers une autre prison secrète qui, selon lui, se trouvait en Afghanistan et dont tous ou presque tous les membres du personnel étaient américains. A son arrivée, ses vêtements ont été confisqués et il été forcé de demeurer complètement nu pendant un mois et demi, même lorsqu’il était interrogé par des femmes et lorsqu’il était filmé. Il était solidement enchaîné au mur de sa petite cellule, de façon telle qu’il ne pouvait se lever, mis dans des positions douloureuses de stress rendant sa respiration difficile, et informé que s’il ne coopérait pas, il serait placé dans une « niche pour chien » étouffante.
Durant la période de plus de deux années passée dans cette prison secrète, Jabour était presque toujours seul, dans une cellule sans fenêtre, avec peu de contacts humains en dehors de ses geôliers. Alors qu’il ne cessait de s’inquiéter à propos de sa femme et de ses trois jeunes fillettes, il n’était pas été autorisé à leur envoyer une lettre pour les rassurer sur le fait qu’il était en vie. « C’était une tombe », a par la suite déclaré Jabour à Human Rights Watch. « J’avais l’impression que ma vie était terminée. »
L’épouse d’un autre ex-détenu de la CIA, dont on ignore toujours le sort, a révélé à Human Rights Watch qu’elle a dû mentir à ses quatre enfants au sujet de la « disparition » de son mari. Elle a expliqué qu’elle ne pouvait supporter l’idée de leur dire qu’elle ignorait où il se trouvait. « Ce que j’espère », a-t-elle confié, « c’est que s’ils découvrent que leur père a été arrêté, que je sois au moins en mesure de leur dire dans quel pays il est détenu et dans quelles conditions. » Toute disparition forcée entraîne une détention arbitraire, clandestine et sans possibilité de communication. Elle met sérieusement en péril le droit à la vie et à la protection contre la torture et autres mauvais traitements.
Comme le démontrent les cas susmentionnés, la disparition forcée inflige également de graves douleurs psychiques et souffrances à la famille de la personne « disparue ». Human Rights Watch a exprimé une profonde inquiétude au sujet du point de vue exprimé par le Président Bush, selon lequel la loi de 2006 relative aux commissions militaires (Military Commissions Act) autorise le gouvernement à relancer le programme des prisons secrètes de la CIA. Human Rights Watch a appelé l’administration Bush à rejeter le recours à la détention secrète et aux interrogatoires coercitifs comme stratégie pour combattre le terrorisme, et à annoncer l’abandon définitif du programme de détentions et d’interrogatoires de la CIA.
« Le programme de la CIA – et les responsables civils qui l’ont conçu – ont causé un tort immense à la réputation, aux principes moraux et à l’intégrité des Etats-Unis », a déploré Mariner. « Il est temps que le Président Bush renonce à ce programme et prenne des mesures visant à réparer les préjudices occasionnés ».
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Voici la liste des 38 disparus recensés par Human Rights Watch dont l'organisation a demandé des nouvelles dans sa lettre à Bush du 26 février
Les personnes suivantes – dont le nom, la nationalité, le lieu e la date d’arrestation sont indiqués Quand ils sont connus – ont selon nous informations été détenus un certain temps dans des prisons secrètes de la CIA :
1. Ibn al-Shaykh al-Libi (Libyen) (Pakistan, 11/01). Selon de sinformations non confirmées, il aurait été transféré en Libye début 2006.
2. Mohammed Omar Abdel-Rahman (aussi connu comme Asadallah) (Égyptien) (Quetta, Pakistan,2/03)
3. Yassir al-Jazeeri (Algérien) (Lahore, Pakistan, 3/03)
4. Suleiman Abdalla Salim (Kényan) (Mogadiscio, Somalie, 3/03)
5. Marwan al-Adeni (Yéménite) (autour de 5/03)
6. Ali Abd al Rahman al Faqasi al Ghamdi (aussi connu comme Abu Bakr al Azdi) (Saoudien) (Médina, Arabie saoudite, 6/03)
7. Hassan Ghul (Pakistanais) (Nord Irak, 1/04)
8. Ayoub al-Libi (Libyen) (Peshawar, Pakistan, 1/04)
9. Mohammed al Afghani (Afghan né en Arabie saoudite) (Peshawar, Pakistan, 5/04)
10. Abdul Basit (Saoudien ou Yéménite) (arrêté avant 6/04)
11. Adnan (arrêté avant 6/04)
12. Hudeifa (arrêté avant 6/04)
13. Mohammed Naeem Noor Khan (aussi connu comme Abu Talaha) (Pakistanais) (Lahore, Pakistan,7/04)
14. Muhammad Setmarian Naser (Syrien/Espagnol) (Quetta, Pakistan, 11/05)
15. Somalien inconnu (peut-être Shoeab as-Somali)
16 Somalien inconnu (peut-être Rethwan as-Somali)

En outre , le personnes suivantes ont pu être détenues dans des prisons secrètes de la CIA :
1. Abd al-Hadi al-Iraqi (sans doute Irakien) (1/02)
2. Anas al-Liby (Libyen) (Khartoum, Sudan, 2/02)
3. Retha al-Tunisi (Tunisien) (Karachi, Pakistan, début ou mi-2002)
4. Sheikh Ahmed Salim (aussi connu comme Swedan) (Tanzanien) (Kharadar, Pakistan, 7/02)
5. Saif al Islam el Masry (Égyptien) (Gorges de Pankisi, Georgie, 9/02)
6. Amin al-Yafia (Yéménite) (Iran, 2002)
7. _ al-Rubaia (Irakien) (Iran, 2002)
8. Aafia Siddiqui (Pakistanais) (Karachi, Pakistan, 3/03)
9. Jawad al-Bashar (Égyptien) (Vindher, Balochistan, Pakistan, 5/03)
10. Safwan al-Hasham (aussi connu comme Haffan al-Hasham) (Saoudien) (Hyderabad, Pakistan,5/03)
11. Abu Naseem (Tunisien) (Peshawar, Pakistan, 6/03)
12. Walid bin Azmi (nationalité inconnue) (Karachi, Pakistan, 1/04)
13. Ibad Al Yaquti al Sheikh al Sufiyan (Saoudien) (Karachi, Pakistan, 1/04)
14. Amir Hussein Abdullah al-Misri (aussi connu comme Fazal Mohammad Abdullah al-Misri) (Égyptien) (Karachi, Pakistan, 1/04)
15. Khalid al-Zawahiri (Égyptien) (Sud Waziristan, Pakistan, 2/04)
16. Musaab Aruchi (aka al-Baluchi) (Pakistanais) (Karachi, Pakistan, 6/04)
17. Qari Saifullah Akhtar (Pakistanais) (arrêté dans les Émirats a.u. 8/04)
18. Mustafa Mohamed Fadhil (Kényan/ Égyptien) (Punjab oriental, Pakistan, 8/04)
19. Sharif al-Masri (Égyptien) (Pakistan frontière, 8/04)
20. Osama Nazir (Pakistanais) (Faisalabad, Pakistan, 11/04)
21. Osama bin Yousaf (Pakistanais) (Faisalabad, Pakistan, 8/05)
22. Speen Ghul (Africain) (Pakistan)

La torture, une pratique routinière des forces US en Irak : témoignage d’ Abbas Z. Abid devant la commission des crimes de guerre de Kuala Lumpur

Le soussigné Abbas Z. Abid (Passeport irakien n° S379532), citoyen irakien majeur, déclare solennellement et sincèrement ce qui suit :
1. J’ai 43 ans
2. Je vis à Falloujah, en Irak.
3. Je suis ingénieur en électricité. Avant mon arrestation et ma détention j’étais ingénieur en chef au ministère des Sciences et des Technologies à Bagdad.
4. Le but de cette déclaration légale et d’enregistrer mon expérience de la torture lors de ma détention à la prison Al Jadiria.
5. Il s’agit d’un ancien abri souterrain reconverti en prison secrète.
6. Le 28 août 2005 vers 22 heures, une force conjointe de soldats US et de Gardes nationaux irakiens a effectué un raid sur la maison de mon frère. Cette force consistait en 4 Humvees pleins de soldats US et de 12 camions transportant des soldats irakiens. Plus de 15 soldats US e irakiens ont pénétré dans la maison d’une manière terrifiante.
7. Mes neveux ont couru à ma maison en appelant à l’aide car mon frère n’était pas à la maison ce soir-là. J’habite près de chez lui.

mardi 27 février 2007

Forfaiture

Promesses non tenues : livrés par Tony Blair, emprisonnés en Algérie
The Guardian, 26-27 févrer 2007




Deux Algériens déportés de Grande-Bretagne vont être jugés : l’Algérie n’a pas tenu ses promesses
Par Clare Dyer, The Guardian, 26 février 2007

Deux suspects algériens de terrorisme qui ont été déportés vers leur pays le mois dernier y ont été arrêtés, emprisonnés et inculpés pour activités terroristes, malgré les assurances données par des représentants algériens en Grande-Bretagne qu’ils ne seraient pas poursuivis.

L’un d’eux, connu comme « H. », avait retiré son appel contre la déportation après qu’un representant britannique avait déclaré à la Commission spéciale d’appel sur l’immigration (SIAC) : « Le gouvernement britannique n’a absolument aucune raison de penser que H. sera arrêté ou détenu d’une autre manière pour une période prolongée s’il est déporté vers l’Algérie. »
Mais ses défenseurs et Amnesty International disent maintenant qu’ils craignent qu’il n’ait à subir un procès inéquitable où seront utilisées des preuves obtenues par la torture.Cette péripétie jette des doutes sur l’argument du gouvernement que l’on peut faire confiance aux assurances données par l’Algérie et que des suspects peuvent être déportés en toute sécurité, même si leur pays a refusé de signer un mémorandum d’entente garantissant leurs droits humains.
La nouvelle de l’emprisonnement des deux Algériens survient alors que le prêcheur islamiste extrémiste Abou Qatada attend une décision de la SIAC demain sur son appel contre sa déportation vers la Jordanie.D’après ce que l’on a appris, les deux Algériens seront jugés pour « participation dans un réseau terroriste opérant à l’étranger ».
Le deuxième Algérien, Reda Dendani, a été impliqué par Mahmoud Meguerba, une source de renseignement dans le procès de la ricine, selon des informations reçues par Amnesty International. Meguerba, qui n’avait pas été entendu comme témoin car il n’était pas considéré comme fiable, aurait été torturé par le DRS, la police de sécurité militaire algérienne. « H. » et Dendani, auparavant connu comme « Q. », avaient été détenus pour une durée indéfinie sans procès en vertu de la législation antiterroriste puis soumis à une arrestation domiciliaire virtuelle sous des ordres de contrôle. En août 2005 ils ont été emprisonnés en application des lois sur l’immigration dans la perspective de leur déportation.
Leur avocat Gareth Pierce, a dit qu’ils ne pouvaient plus supporter la pression d’une détention indéfinie et qu’ils avaient retiré leurs appels après avoir reçu des assurances qu’ils ne seraient pas poursuivis en Algérie.Hier soir, Amnesty International a appelé la Grande-Bretagne à cesser de déporter des suspects de terrorisme vers l’Algérie.
Avant les attentats du métro de Londres en juillet 2005, le gouvernement avait accepté l’idée que le renvoi de suspects vers l’Algérie constituerait, vu l’état des droits humains dans ce pays, une violation de la Convention européenne des droits humains, qui bannit les traitements inhumains ou dégradants ou la torture. Mais en août 2005, le ministère de l’Intérieur a engagé les démarches pour déporter 15 Algériens considérés, sur la base de preuves émanant des services de renseignement et inutilisables devant des tribunaux britanniques, comme un danger pour la sécurité nationale.
La Grande-Bretagne a promis de négocier avec l’Algérie et les autres pays dont sont originaires des suspects des mémorandums d’entente garantissant qu’ils ne seraient ni torturés ni maltraités en cas de retour. Il y aurait aussi une surveillance indépendante, vu l’état lamentable des droits humains dans ces pays. Mais l’Algérie avait déclaré que cela porterait atteinte à sa souveraineté.
Le ministère de l’Intérieur a déclaré : « Nous sommes satisfaits de pouvoir déporter des suspects de terrorisme vers l’Algérie sans enfreindre les obligations intérieures et internationales du Royaume-Uni en matière de droits humains. »
Source : The Guardian

Asile politique, série Scènes de Belmarsh, de Lucy Edkins, acrylique sur papier, 2005

La drôle de formule inventée par Tony Blair pour garantir des déportations « correctes »
par Alan Travis, 27 février 2007

Abu Qatada, connu comme l’ambassadeur spirituel d’Al Qaïda en Europe, était l’un des dix suspects de terrorisme international détenus dans les prisons de haute sécurité de Full Sutton et Long Lartin en août 2005 en vue d’être déportés pour « raisons de sécurité nationale ».La plupart d’entre eux avaient déjà été détenus sans inculpation à la prison de Belmarsh pendant plus de deux ans en application de la désormais caduque loi d’urgence antiterroriste.Tony Blair a décidé de chercher à passer des accords stipulant « pas de tortures, pas de mauvais traitements » avec les pays d’origine des suspects pour pouvoir déporter les détenus de Belmarsh suite aux attentats du métro de Londres de juillet 2005. Depuis lors, 30 Algériens, Libyens et Jordaniens ont été détenus dans l’attente d’une déportation pour des raisons de sécurité nationale.
Des ministres successifs ont cherché à obtenir des mémorandums d’entente avec plusieurs pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord qui ont tous un bilan contestable en matière de droits humains. Des accords complets n’ont pu être obtenus qu’avec la Libye, le Liban et la Jordanie. Dans ce dernier cas, l’assurance que la peine capitale ne serait pas appliquée aux déportés de Grande-Bretagne n’a pu figurer dans l’accord mais seulement dans une lettre annexe.
Dans le cas de l’Algérie, seules des assurances diplomatiques ont éé données, mais elles ont été considérées comme valables légalement par la Commission spéciale d’appel pour l’immigration.À ce jour, seuls 7 des 30 ont été déportés : six en Algérie et un en France. Trois autres Algériens ont retiré leurs appels mais n’ont pas encore été expulsés. Les autres vingt continuent leurs démarches contre la déportation. M. Blair a récemment nommé Lord Triesman comme envoyé spécial chargé d’obtenir d’autres accords pour des « déportations sûres » avec des États du Moyen-Orient.Source :
The Guardian
Source : The Guardian
Traduit de l’anglais par Fausto Giudice, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est en Copyleft pour tout usage non-commercial : elle est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner sources et auteurs.

Le Pentagone est l’un des plus grands propriétaires fonciers du monde

par Juan Gelman, 25 février 2007
Cela paraît incroyable : un des plus grands propriétaires fonciers du monde est le Pentagone. Selon des chiffres officiels de 2005, ses 737 bases militaires dans le monde plus celles qu'il possède sur son propre territoire occupent une superficie de 2.202.735 hectares. Ces données figurent dans le Base Structure Report (BSR pour son sigle anglais, www.defenselink.mil, 2005), un inventaire annuel du Département de la Défense des USA, qui enregistre la prolifération de ces bases à partir de 2002. Le colonialisme, avant, consistait en l'occupation militaire permanente de pays entiers. Ce n'est plus le cas.

CIA, vols secrets

par Ignacio Ramonet, Le Monde diplomatique, mars 2007 (éditorial)Indécence ? Cynisme ? Perversion ? Comment qualifier l’attitude des gouvernements européens surpris en flagrant délit de complicité avec des services étrangers dans l’enlèvement clandestin de dizaines de suspects traînés vers des prisons secrètes et livrés à la torture ? Peut-on imaginer plus flagrante violation des droits de la personne humaine ?Deux événements récents témoignent de la schizophrénie ambiante. D’abord, le 7 février dernier à Paris, la signature solennelle par la plupart des gouvernements européens de la convention de l’Organisation des Nations unies (ONU) contre les « disparitions forcées » (1), qui criminalise l’usage des prisons secrètes. Puis, le 14 février, au Parlement européen de Strasbourg, l’adoption d’un rapport (2) qui accuse ces mêmes gouvernements de complicité avec la Central Intelligence Agency (CIA) américaine dans des opérations d’enlèvements clandestins.
Selon ce rapport, entre 2001 et 2005, les avions de la CIA auraient fait pas moins de mille deux cent quarante-cinq escales dans des aéroports européens, avec souvent à leur bord des suspects victimes de « disparitions forcées » acheminés clandestinement vers le bagne illégal de Guantánamo ou vers des prisons de pays complices (Egypte, Maroc) où la torture se pratique habituellement. Il est désormais évident que les gouvernements européens n’ignoraient rien de la nature criminelle de ces vols secrets. Certains d’entre eux ne se sont d’ailleurs pas contentés de fermer les yeux. Ainsi, la Pologne et la Roumanie sont particulièrement suspectées d’avoir aménagé sur leur sol de « petits Guantánamo » où étaient incarcérées, en attendant leur transfert définitif, des personnes enlevées au Pakistan, en Afghanistan ou ailleurs.

Le gouvernement britannique est soupçonné d’avoir participé à l’enlèvement de suspects et à leur mauvais traitement. De même que les gouvernements suédois et autrichien. Quant aux autorités allemandes, elles sont accusées, entre autres, de « ne pas avoir ignoré » l’enlèvement d’un de leurs ressortissants, d’origine libanaise, M. Khaled Al-Masri, transféré en Afghanistan. Les services secrets italiens sont, eux aussi, accusés d’avoir aidé des agents de la CIA à enlever clandestinement, à Milan, l’imam Hassan Moustapha Ossama Nasr, dit « Abou Omar », transféré en Egypte, où il aurait été torturé et violé (3).
Cette massive violation des droits humains n’a pu se faire sans que les services du haut représentant pour la politique étrangère de l’Union européenne, M. Javier Solana, ainsi que ceux de son collaborateur, le coordinateur européen de la lutte antiterroriste, M. Gijs de Vries, en aient eu connaissance. M. de Vries, en un geste éloquent, a choisi de démissionner : « Les Etats démocratiques, a-t-il averti, doivent mener leur combat antiterroriste dans le cadre du respect des lois (...). L’accumulation des mauvais traitements d’Abou Ghraïb, des abus de Guantánamo et des enlèvements de la CIA a miné la crédibilité des Etats-Unis et de l’Europe (
4). »

Tous ceux, dirigeants ou exécutants, qui ont participé à ces enlèvements doivent craindre la justice. Et méditer sur le destin de Mme María Estela Martínez, dite « Isabelita Perón », ancienne présidente de l’Argentine, pays où, au nom de l’antiterrorisme, les autorités pratiquèrent massivement les enlèvements politiques. Elle vient d’être arrêtée à Madrid, accusée de la « disparition forcée » d’un étudiant, Héctor Faguetti, en février 1976, il y a donc trente et un ans... La justice est lente, mais elle doit être inexorable.

Notes

(1) Une soixantaine de pays – dont le Chili, l’Argentine et l’Uruguay, mais pas les Etats-Unis – l’ont signée. Au moins vingt Etats devront ratifier la convention pour qu’elle entre en vigueur.

(2) Disponible sur www.europarl.europa. eu , ou cliquer ici.

(3) Un tribunal de Milan a entamé, le 16 février dernier, une procédure judiciaire contre vingt-six agents américains de la CIA et plusieurs membres des services secrets italiens accusés d’avoir organisé en février 2003 la « disparition forcée » de l’imam Abou Omar.

(4) El País, Madrid, 17 février 2007.

La torture à Abou Ghraïb : le témoignage sous serment d’ Ali Shalal

Note de l’éditeur

Le texte qui suit est le témoignage présenté par le Professeur Ali Shalal, qui a été torturé à la prison d’ Abou Ghraïb. Cette déclaration a été faite devant la Commission des crimes de guerre mise en place sous les auspices de l’ancien Premier ministre, et constitue une preuve dans la procédure judicaire engagée à Kuala Lumpur contre le Président US Tun George W. Bush, le Premier ministre britannique Tony Blair et le Premier mnistre australien John Howard.
Ali Shalal, connu dans le monde comme « l’homme encagoulé », est un homme d’un courage et d’une détermination extaordinaires. J’ai écouté son témoignage et j’ai eu l’occasion de parler à plusieurs reprises avec lui au cours de la conféence sur les crimes de guerre. Nous avons établi des liens d’amitié et de solidarité. Nous partageons une même détermination à faire déférer en justice les criminels de guerre revêtant de hautes charges.
Ali Shalal est professeur de théologie. Il est une grande source d’inspiration. Il est important de comprendre que ce qu’il a subi fait partie d’un processus routinier de torture, qui est appliqué systématiquement à ceux qui sont arrêtés. Beaucoup de ses compagnons d’Abou Ghraïb sont morts des suites des tortures ou ont été exécutés après leur libération de manière ce qu’ils ne révèlent pas les horreurs et atrocités commises sur ordre de l’administration Bush.
Un autre fait significatif, confirmé par son témoignage est que des « civils » israéliens ont été partie prenante dans les interrogatoires menés par des agents US en prison.
Ali Shalal a survécu et a fourni son témoignage au nom de tous ceux qui ont été torturés à mort. Ses paroles entreront dans l’histoire.
Les criminels de guerre haut placés finiront devant la justice. Nous sommes aussi déterminés à ce qu’ils bénéficient d’un procès équitable.

Michel Chossudovsky, Global Research, 19 février 2007



Déclaration légale



Le soussigné Ali Sh. Abbas (alias Ali Shalal), citoyen irakien majeur, déclare solennellement et sincèrement ce qui suit :
1. J’ai 45 ans.
2. Je vis actuellement à Amman, Jordanie.
3. J’étais chargé de cours islamiques dans la ville d’Al Alamiya en Irak.
4. Mon but en faisant cette déclaration légale et d’enregistrer mon expérience de la torture à la prison d’Abou Ghraïb.
5. Les troupes américaine sm’nt arrêté le 13 octobre 2003 alors que je me rendais à la mosquée Al Amraya pour y prier. Ils m’ont attaché les mains dans le dos et m’ont mis un sac sur la tête. Ils m’ont emmené dans une petite prison dans un camp militaire US à Al Amraya.
6. Le commandant de ce camp militaire, un certain capitaine Philips m’a dit qu’il avait reçu l’ordre de son supérieur de m’arrêter et qu’il ignorait ls raisons de mon arrestation. En prison, j’ai été en détention solitaire.
7. Deux jours plus tard, on m’a transféré à la prison d’Abou Ghraïb. Ils ont commencé par me faire subir un examen physique et des abus. Avec d’autres détenus, on nous a fait asseoir par terre puis on nous a traînés dans le local d’interrogatoire, qui était en fait une toilette d’environ 2X2 mètres, inondée d’eau et d’excréments qui nous arrivaient aux chevilles. On m’a fait asseoir dans cette eau sale pendant que l’interrogateur américain se tenait devant la porte, avec l’interprète.
8. Après l’interrogatoire, j’ai été déplacé de la toilette et avant que le prochain détenu y entre à son tour, les gardiens ont uriné dans l’eau sale devant les autres détenus.
9. La première question qu’ils m’ont posée a été : "Êtes-vous sunnite ou chiite?" J’ai répondu que c’était la première fois de ma vie qu’on me posait une telle question. J’étais surpris par cette question, car en tant qu’Irakiens, nous ne faisons aucune distinction ou différence de ce genre. L’interrogateur américain a rétorqué que devais donner des réponses directes et ne pas répondre à côté des questions. Il a dit ensute qu’en Irak, il y a des sunnites, des chiites et des Kurdes.
10. Les interrogateurs étaient en civil et l’interprète, un Afro-Américain, portait un uniforme de l’armée américaine.
11. Quand j’ai répondu que j’étais un Musulman irakien, l’interrogateur a refusé d’accepter ma réponse et m’a accusé des crimes suivants :
a- J’étais antisioniste et antisémite
b- Je soutenias la Résistance
c- Je poussais les gens à s’opposer à l’occupation
d- Je savais où se trouvait Oussama Ben Laden
12. J’ai protesté en disant que les musulmans et les juifs descendent de la même famille historique. J’ai dit que je ne pouvais être dans la Résistance car je suis handicapé et j’ai une main blessée.
13. L’interrogateur m’a accusé de m’être blessé à la main en attaquant de soldats américains.
14. L’interrogateur m’a informé qu’ils savaient que j’étais une personne importante dans la communauté et que je pourrais donc les aider. Il m’a offert des soins médicaux pour ma main blessée comme récompense en cas de coopération.
15. Comme je ne coopérais pas, l’interrogateur m’a demandé si je considérais l’armée américaine comme des « libérateurs » ou des « occupants ». Quand j’ai répondu qu’ils étaient des occupants, il a perdu son sang-froid et m’a menacé. Il m’a dit que je serais envoyé à Guantanamo où même des animaux ne pourraient pas survivre.
16. Ils m’ont emmené dans une autre pièce et ont relevé mes empreintes digitales, pris une photo de mon oeil et des échantillons de salive pour des analyses ADN. Après cette procédure, ils m’ont marqué en me mettant un bracelet au poignet portant mention de mon nom, un numéro, mon appartenance religieuse et mes antécédents judiciaires.
17. Puis ils m’ont battu à plusieurs reprises et m’ont mis dans un camion pour me transférer dans une autre partie de la prison d’Abu Ghraïb.
18. Cette partie de la prison était un espace ouvert divisé en cinq secteurs entourés de murs et de barbelés et appelé « le pays de Fiji ». Chaque secteur comprenait cinq tentes et était entouré de barbelés. Quand on m’a fait descendre du camion, les soldats ont marqué en rouge sur mon front "Big Fish" (gros poisson). Tous les détenus de ce camp étaient considérés comme « gros poissons ». Je me trouvais au camp "B".
19. Les conditions du camp étaient vraiment mauvaises. Chaque tente hébergeait de 45 à 50 détenus et chacun de nous diposait d’un espace de 30X30 centimètres. Il nous fallait attendre deux ou trois heures pour aller aux toilettes. Il y avait très peu d’eau. Chaque tente ne recevait que 60 litres d’eau par jour à partager entre tous les détenus. Cette eau nous sevrait à boire, à nous laver et à nettoyer les blessures infligées pendant les sessions de torture. Ils nous oblgeaient aussi à rester debout pendant de longues heures.
20. Parfois, en guise de punition, il ne nous donnaient pas à manger. Quand ils nous en donnaient, c’était petit déjeuner à 5 heures, repas à 8 heures et dîner à 13 heures. Pendant le Ramadan, ils nous donnaient deux repas, l’un à minuit et l’autre durant la période de jeûne, afin d’obliger les détenus à rompre le devoir religieux du jeûne.
21. Pendant ma captivité, dans le camp, j’ai été interrogé et torturé deux fois. Chaque fois, j’ai été menacé d’être envoyé à la prison de Guantanamo Bay. Pndant cette période, j’ai entendu mes codétenus raconter qu’ils avaient été soumis à des brûlures de cigarettes, qu’on leur avait injecté des produits hallucinogènes et qu’on les avait sodomisés avec divers instruments, par exemple des baguettes de bois et des tuyaux. Quand ils revenaient au camp, ils saignaient abondamment. Certains avient des os brisés.
22. Dans mon camp, j’ai vu des détenus qui avaient été conduits là depuis une prison secrète, dont j’ai su plus tad qu’elle était hébergée dans le bâtiment de l’Institut arabe du pétrole, dans le nord de Bagdad. Ces détenus étaient gravment blessés.
23. Au bout d’un mois de détention, juste avant le coucher du soleil, mon numéro a été appelé ; on m’a mis un sac sur la tête et on m’attaché les mains dans le dos. On m’a aussi entravé les pieds. Puis on m’a transféré dans une cellule.
24. Une fois dans la cellule, ils m’ont demandé en arabe de me déshabiller mais comme j’ai refusé, ils m’ont arraché mes vêtements et m’ont à nouveau entravé. Puis ils m’ont entraîné dans des escaliers, tout en me battant lorsque je n’avançais pas assez vite. Une fois arrivés en haut des escaliers, ils m’ont attaché à des barres d’acier. Puis ils m’ont aspergé d’excréments et ont uriné sur moi.
25. Puis ils ont pointé un fusil sur ma tête et ont dit qu’ils allaient m’excéuter sur-le-champ. Un autre soldat me criait dessus avec un mégaphone, m’insultant et m’humiliant. Pendant ce temps, je pouvais entendre les cris d’autres détenus qu’on torturait. Cela a duré jusqu’au lendemain matin.
26. Le matin, un Israélien se tenait devant moi ; il enleva le sac de ma tête et me dit en arabe qu’il était un Israélien qui avait interrogé et torturé des détenus en Palestine. Il me dit que quand les détenus ne voulaien pas coopérer, ils étaient tués. Il me demanda à plusieurs rprises des noms de combattanst de la résistance. Je lui ai dit que je ne connaissais aucun combattant de la résistance mais il ne voulait pas me croire et continua à me frapper.
27. Cet Israélien habillé en civil m’a sodomisé d’abord avec une baguette de bois déchiquetée puis avec un canon de fusil. J’ai eu des déchirures internes et j’ai saigné abondamment. Pendant tout ce temps, chaque fois qu’un garde passait devant moi, il me frappait. Ils ne m’ont rien donné à manger pendant 36 heures.
28. Le matin suivant l’interrogateur israélien est venu dans ma cellule, m’a attaché à la grille de la cellule et s’est mis à jouer la chanson pop "By the Rivers of Babylon" par le groupe Boney M, et cela sans interruption jusqu’au matin suivant. L’effet sur moi a été que j’ai perdu l’audition et j’ai perdu l’esprit. C’était très douloureux et j’ai perdu conscience. Je ne me suis réveillé que quand le garde israélien m’a versé de l’eau sur la tête et le visage. Quand j’ai repris connaissance, il a recommencé à me frapper et m’a demandé de lui donner les noms de combattants de la résistance et de lui dire quelles activités j’avais menées contre les soldats US. Chaque fois que je lui disais que je ne connaissais aucun combattant de la résistance, il me donnait des coups.
29. J’ai été en cellule, sans vêtements, pendant deux semaines. Pendant ce temps, un garde américan appelé Graner, accompagné d’un Juif marocain appelé Idel Palm ( aussi connu sous le nom d’ Abou Hamid) est venu dans ma cellule et m’a interrogé sur ma main bandée, qui avait été blessée avant mon arrestation. Je lui ai dit que j’avais été opéré. Il a alors enlevé le bandage imbibé de sang et en faisant cela, il a arraché de la peau et de la chair de ma main. Je souffrais horriblement et lorsque je lui ai demandé des calmants, il a marché sur mes mains et il a dit en riant : Ça, c’est les calmants américains ».
30. Au quinzième jour de détention, on m’a donné une couverture. J’étais soulagé qu’on m donne un peu de réconfort. Comme je n’avais pas de vêtements, j’ai fait un trou au centre de la couverture en la frottant contre le mur et j’ai donc pu couvrir mon corps. C’était la manière dont tous les détenus s’habillaient quand on leur donnait une couverture.
31. Un jour, un détenu passant devant ma cellule me dit que les interrogateurs voulaient accélérer leur enquête et allaient utiliser des méthodes plus brutales pour avoir les réponses qu’ils attendaient des prisonniers. J’ai été conduit à la salle d’interrogatoires, après qu’ils avaient mis un sac sur ma tête. Quand je suis entré dans la salle d’enquête, ils ont enlevé le sac de ma tête pour me faire voir les fils électriques qui étaient attachés à une prise électrique au mur. Étaient présents dans la salle le Juif marocain, Idel Palm, l’interrogateur israélien, deux Américains, "Davies" et "Federick" et deux autres. Ils étaient tous en civil, sauf les Américains, qui étaient en uniformes de l’armée US. Idel Palm m’a dit en arabe que si je ne coopérais pas, je perdrais ma dernière chance de rester en vie. Je lui ai dit que je ne savais rien sur la résistance. On m’a lors remis le sac sur la tête et on m’a laissé seul pendant un long moment. Pendant ce temps, je pouvais entendre les cris et les hurlements de détenus qu’on torturait.
32. Les interrogateurs sont revenus et m’ont forcé à monter sur un carton contenant des boîtes de conserves. Puis ils ont branché les fils électriques sur mes doigts, m’ont ordonné d’étendre mes mains à l’hrizontale et ils ont branché le courant électrique. Lorsque le courant a traversé tout mon corps, j’ai eu l’impression que mes yeux sortaient de leurs orbites et que je faisais des étincelles. Mes dents claquaient et mes jambes tremblaient violemment. Tout mon corps était secoué.
33. J’ai été électrocuté en trois séances distinctes. Dans les deux premières séances, j’ai été électrocuté deux fois, chaque fois quelques minutes. Durant la troisième séance, pndant que j’étais électrocuté, je me suis mordu la langue accidentellement et je me suis mis à saigner de la bouche. Ils ont arrêté l’électrocution et ils ont appelé un médecin. J’étais allongé par terre. Le médecin a versé un peu d’eau dans ma bouche et a utilisé ses pieds pour ouvrir ma bouche de force. Puis il a dit : « Rien de grave, continuez ! » et il a quitté la pièce. Mais le garde a arrêté l’électrocution comme j’étais en train de saigner abondamment et qu’il y avait du sang partout sur mon corps et sur la couverture. Ils ont continué à me fapper. Après un certain temps, ils ont interrmpu le tabassage et m’ont ramené à ma cellule. Pendant toute la séance de torture, les interrogateurs prenaient des photos.
34. J’ai ensuite été laissé seul dans ma cellule pendant 49 jours. Pendant cette période de détention, ils ont cessé de me torturer. À la fin du 49ème jour, j’ai été raméné au camp, dans la tente C et je suis resté là pendant 45 jours. Un détenu m’a dit qu’il avait entendu des gardes dire que j’avais été arrêté par erreur et que j’allais être libéré.
35. J’ai été libéré au début de mars 2004. J’ai été mis sur un camion, dont on m’a éjecté sur une autoroute. Une voiture qui passait m’a pris en stop et m’a conduit à la maison.

36. Le résultat de cette expéience a été que j’ai décidé de fonder une association pour venir en aide à toutes victimes de tortures, avec l’aide de douze autres victimes de la torture.
37. Je suis très triste d’avoir à me remémorer et à revivre encore et encore cette horrible expérience et j’espère que le peupel malaysien répondra à notre appel à l’aide. Qu’il plaise à Dieu.Et je fais cette déclaration sollennelle en toute conscience et connaissance de cause en vertu des dispsitions de la loi sur les déclarations légales de 1960.
Le susnommé Ali Sh. Abbas alias Ali Shalal, Kuala Lumpur, février 2007, par l’interpétation d’ABBAS Z. ABID (Passeport irakien N° S379532), lequel a déclaré avoir traduit de manière véridique, dinstincte et audible le contenu de la présente déclaration légale du requérant Ali Sh. Abbas alias Ali Shalal
Nom: ABBAS Z. ABID
(Passeport irakien N° S379532)
Comparaissant devant moi,
Saw Ah LeongCommissaire des serments,
Kuala Lumpur, Malaysia

Original : Global Research
Traduit de l’anglais par Fausto Giudice, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est en Copyleft pour tout usage non-commercial : elle est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner sources et auteurs.
URL de cet article :
http://www.tlaxcala.es/pp.asp?lg=fr&reference=2117

lundi 26 février 2007

David Hicks pourra purger sa peine chez lui – Merci, Mr. Cheney !

Le vice-président américain Dick Cheney a confirmé samedi que David Hicks, surnommé «le taliban australien» et détenu depuis plus de cinq ans sur la base américaine de Guantánamo, fera bientôt l'objet d'un procès et qu'il pourra purger chez lui une éventuelle peine.«C'est presque son tour. Nous ne pouvons pas nous ingérer dans le processus (sic !). C'est un processus judiciaire, nous ne pouvons pas l'influencer, ce serait une violation de la procédure... Mais j'escompte que, dans un avenir pas trop lointain... cela soit résolu», a déclaré le numéro deux américain après une rencontre à Sydney avec le premier ministre australien John Howard. David Hicks avait été capturé en Afghanistan en décembre 2001 tandis qu'il combattait auprès des talibans.
Il devrait être l'un des premiers à comparaître devant des tribunaux d'exception, dont les audiences pourraient commencer au printemps. L'affaire Hicks, et le mécontentement grandissant quant à sa détention prolongée sans procès, est une épine dans le pied du premier ministre conservateur australien, fidèle partisan de la «guerre contre le terrorisme» du président américain George Bush. «J'ai demandé... que le procès ait lieu le plus vite possible et qu'il n'y ait plus de retard... Je l'ai dit très distinctement», a déclaré M. Howard. Dick Cheney a confirmé des déclarations de responsables australiens qui avaient indiqué que le «taliban australien» pourrait purger une éventuelle peine chez lui. Le ministre australien des Affaires étrangères, Alexander Downer, avait évoqué la semaine dernière la «possibilité» d'un rapatriement «d'ici la fin de l'année, soit pour purger sa peine de prison en Australie soit pour y être libéré». Le ministre n'avait pas fait de commentaire sur des informations du journal The Sun Herald selon lesquelles John Howard chercherait à rapatrier M. Hicks avant les prochaines élections générales, qui devraient avoir lieu en octobre ou novembre.

dimanche 25 février 2007

Des prisonniers politiques palestiniens en grève de la faim solidaire avec Sami Al Hajj, le caméraman d’Al Jazeera détenu à guantánamo

Les prisonniers politiques palestiniens du centre de détention de Damon ont commencé une grève de la faim. Leur action vise à démontrer leur solidarité avec Sami Al Hajj, caméraman de la chaîne Al Jazeera détenu à Guantanamo. Les protagonistes espèrent ainsi faire porter l’attention sur Al Haij et appellent la communauté internationale à jouer un rôle actif dans le respect des droits de l’Homme et à inciter les USA à mettre en application ces lois. Les grévistes accusent le gouvernement américain de « mépris des normes internationales. » Les prisonniers ont déclaré que cet emprisonnement était « une disgrâce du concept de démocratie et des droits humains » et ont ajouté que leur action était « un cri de colère face à la répression. »

« Les suicidés de Guantánamo Bay : victimes d’une exécution extrajudiciaire ou auteurs d’un acte de guerre contre les Etats-Unis ? »

Le Club suisse de la Presse – Geneva Press Club a le plaisir d’inviter les journalistes suisses et étrangers et ses membres à une conférence de presse avec
Me Rachid Mesli
Alkarama for Human Rights, Genève
Prof. Patrice Mangin
Institut universitaire de Médecine légale, Lausanne
Dr. Haytham Manna
Arab Commission for Human Rights, Paris
Vendredi 2 mars 2007 à 11 h.
« La Pastorale », Route de Ferney 106, 1202 Genève
Tél: 022/918 50 40
Fax: 022/918 50 43
E-mail :
Secretariat@csp.ge.ch
Site Web : www.pressclub.ch

M. Ahmed Ali Abdullah, de nationalité yéménite, et MM. Yassir Talal az-Zahrani et Mani’ Shaman al-Utaybi, de nationalité saoudienne, sont décédés le 10 juin 2006 au camp de détention de Guantánamo Bay. Les autorités américaines ont affirmé que ces trois détenus s’étaient suicidés. Le commandant du camp, Harry B. Harris, n’a pas hésité à affirmer : « Je pense qu’il ne s’agissait pas d’un acte de désespoir, mais d’un acte de guerre asymétrique dirigé contre nous, ici à Guantánamo ».
Les corps des trois victimes ont été autopsiés à l’intérieur du camp par une équipe médicale militaire puis, après plusieurs jours, rapatriés et remis à leurs familles.
Sollicitée par la famille d’Ahmed Ali Abdullah afin de les assister à organiser une seconde autopsie médico-légale du corps de leur fils, l’organisation Alkarama for Human Rights a mandaté une équipe médicale, dirigée par le Prof Patrice Mangin de l’Institut de Médecine légale de l’Université de Lausanne, pour effectuer l’autopsie et procéder aux analyses toxicologiques complémentaires. L’autopsie a eu lieu le 21 juin 2006 à l’Hôpital militaire de Sanaa.
Le rapport d’autopsie sera présenté à la presse et ses conclusions commentées par des médecins, des juristes et des militants des droits de l’homme.

La Cour suprême canadienne remet en cause les certificats de sécurité

La Cour suprême du Canada a conclu unanimement à l'inconstitutionnalité de certaines dispositions des certificats de sécurité. Appelée à se prononcer sur leur légalité, elle ne rejette toutefois pas la menace terroriste que pourrait représenter trois individus soupçonnés par le gouvernement canadien.
Cette décision fait le bonheur d'Adil Charkaoui, détenu pendant près de deux ans en vertu d'un certificat de sécurité et libéré en février 2005. « Je suis fier que tout le Québec m'ait soutenu », a-t-il dit, après avoir remercié son avocate et sa famille.
Selon lui, que les juges aient dit non au « Guantanamo du Nord » est une « grande victoire pour la justice au Canada », a-t-il conclu, la gorge nouée par l'émotion.
M. Charkaoui a dénoncé le fait que 97 % des 27 certificats de sécurité émis de 1991 à 2003 au Canada l'aient été à l'encontre de personnes d'origine arabo-musulmane.
Il a en outre enjoint au gouvernement de respecter l'opinion des magistrats et d'ouvrir un procès sur son propre cas. Même s'il a été libéré depuis deux ans, M. Charkaoui porte encore le « bracelet de la honte », qui permet aux autorités de savoir en tout temps où il se trouve. Répétant qu'il n'est pas un terroriste, il désire qu'on blanchisse sa réputation.
Son avocate, Me Johanne Doyon, a tenu à rappeler que ce jugement montre toute l'importance de l'indépendance de la branche judiciaire en démocratie. En ces temps où le premier ministre désire nommer des juges qui partagent son idéologie, elle voit dans la décision de vendredi la preuve qu'il faut des contrepoids au pouvoir législatif.
Le détenu a des droits
Le plus haut tribunal du pays a accordé un délai d'un an au gouvernement fédéral pour réécrire la loi qui permet la détention d'étrangers et de résidents permanents soupçonnés d'être dangereux pour la sécurité canadienne. À l'expiration de ce délai, les certificats pourront être contestés.
L'émission du certificat de sécurité permettait aussi d'interdire l'accès au territoire canadien à une personne jugée dangereuse pour la sécurité nationale sur des soupçons jugés raisonnables.
Les arguments des principaux intéressés
Le jugement était très attendu par les trois individus soupçonnés par le gouvernement canadien d'avoir eu des liens avec le réseau terroriste Al-Qaïda.
Les avocats d'Hassan Almrei, de Mohamed Harkat et d'Adil Charkaoui, respectivement originaires de Syrie, d'Algérie et du Maroc, arguaient que la procédure d'émission des certificats de sécurité contrevenait à la Charte canadienne des droits et aux obligations internationales du Canada.
Ils estimaient qu'Ottawa ne pouvait justifier légalement le fait que des éléments de preuve soient cachés aux suspects et que l'ensemble de la procédure se déroule en secret. Les avocats avançaient aussi que si l'on expulsait leurs clients vers leur pays d'origine, ceux-ci risquaient d'y être torturés ou exécutés.
Le gouvernement canadien
Ottawa faisait valoir, pour sa part, que le maintien de la sécurité nationale était indispensable à une société démocratique.
Les avocats du gouvernement canadien ont aussi expliqué aux magistrats de la Cour suprême que l'émission d'un certificat de sécurité demeurait exceptionnelle, et que la confidentialité qui l'entourait était nécessaire à la protection des sources des services secrets.
Le ministre canadien de la Sécurité publique, Stockwell Day, a aussi rappelé à plusieurs reprises que les individus visés par la procédure pouvaient retrouver en tout temps leur liberté s'ils acceptaient de quitter le Canada.
Source : http://www.radio-canada.ca/nouvelles/National/2007/02/23/005-certificats-reax.shtml

Les droits de l’homme en perte de vitesse

Par Jeannot Vachon, Le Soleil, Montréal, 24 février 2007
L’émission Zone libre traitait dernièrement du combat de Louise Arbour pour la protection des droits de l’homme dans le monde. Comme son poste à l’ONU lui donne un regard privilégié sur les nombreux problèmes de droits humains à travers le monde, il a été étonnant d’entendre de sa bouche qu’un de ses pays récalcitrants aux droits de l’homme n’est nul autre que son ex-grand défenseur, les États-Unis. Il semble que le 11 septembre ait fait dérailler la primauté aux droits humains accordée par ce pays. On l’a remplacée par un droit hypothétique de la majorité à défendre sa sécurité en violant des droits individuels, soit les mêmes arguments utilisés par Poutine ou par n’importe quel chef d’état qui veut dominer en écrasant des individus qui s’opposent à son régime. Au Canada, grâce à Harper, nous sommes sur la bonne voie. Des juges libèrent au compte-gouttes des prisonniers qui croupissent dans notre Guantanamo du nord depuis plusieurs années sans jamais être passés devant un juge ni qu’aucune accusation officielle n’ait été portée contre eux. Ceux qui restent se laissent mourir de faim sous l’indifférence publique. Cette situation touche à sa fin, car les nouveaux juges que choisira Harper ne libéreront plus personne que le gouvernement voudra bien enfermer. En effet, Harper a clairement indiqué que le choix des juges n’appartiendra plus au monde de la justice. Ils seront dorénavant choisis en fonction d’être méchants avec les criminels ou plutôt avec ceux que les policiers pensent qu’ils sont des criminels. La sécurité va primer sur la justice. Pendant qu’on fait la guerre aux coûts de milliards pour civiliser le tiers-monde, les droits de l’homme dans notre propre société sont en pleine régression.

La série « 24 » sur la sellette : quand la fiction rattrape la réalité

par Frédéric Renault, http://www.ecranlarge.com/serie-tele-451.php, 23 février 2007

Pendant que certains se débattent avec des intrigues alambiquées et que d’autres caracolent en tête de l’audimat, 24 se retrouve au cœur d’une polémique particulièrement vive outre-atlantique. Sur le banc des accusés, non seulement la violence notoire du show, mais surtout la manière dont sont gérés et montrés les interrogatoires de prisonniers.Ce n’est pas une nouveauté, chaque nouvelle saison de 24 apporte son lot de terroristes, de traîtres et d’assassins, détenant des renseignements tous plus importants les uns que les autres et qu’il faut extraire dans les meilleurs délais. De part son concept même, le show se retrouve donc régulièrement obligé de sacrifier la morale et la légalité au profit du rythme et de l’efficacité nécessaires au maintien du suspense (et donc de l’attention du spectateur), quand ce n’est pas au profit de l’originalité, le show devant sans cesse se renouveler.

L’aspect graphique et souvent extrême des scènes d’interrogatoire (voire de torture pure et simple) soulève de plus en plus d’inquiétudes et de reproches, d’une part en provenance d’associations pour le respect des droits de l’homme, qui s’émeuvent de la violence croissante dans les séries télévisées (et pas seulement dans 24), et d’autre part de l’armée américaine, qui s’inquiète autant de son image de marque que de l’impact à court terme d’un show comme 24 sur ses propres effectifs. Human Rights First (Les droits de l’homme d’abord), une association de défense a ainsi récemment amené d’anciens militaires spécialisés dans l’interrogatoire à rencontrer les producteurs de 24 et
Lost pour discuter de cette question.Les militaires (à la retraite) ont ainsi exprimé leur peine de voir à la télévision des agents officiels du gouvernement américain (même fictifs) pratiquer la torture sur des prisonniers. Le colonel en retraite Stu Herrington, formé à l’interrogatoire au Vietnam et ayant servi de consultant sur les conditions de détention à Guantanamo Bay, a ainsi déclaré que si Jack Bauer travaillait pour lui, il finirait prestement en cour martiale. « Je suis affligé qu’on montre les ‘gentils’ employer, avec succès, ce que je considère comme illégal, immoral et tactiquement idiot. Quand les ‘gentils’ font quelque chose de mal et gagnent, ca me gêne profondément » a-t-il déclaré.Au-delà de l’aspect moral de la torture telle qu’elle est montrée dans 24, l’armée américaine s’émeut aussi de voir de jeunes recrues imiter la fiction dans leurs missions. Tony Lagouranis, un ancien spécialiste américain ayant interrogé des prisonniers à la prison d’Abou Ghraib en Irak, a ainsi reconnu avoir été témoin de fausses exécutions montées pour faire parler des détenus, recréant ainsi des scènes montrées dans 24 (au cours de la saison 2 notamment). Le show ne peut être bien évidemment tenu pour seul responsable de pareils agissements, et les militaires reconnaissent que les jeunes soldats manquent souvent de formation et pressés par leur hiérarchie pour obtenir des résultats, mais l’armée souhaite tout de même faire comprendre ses « inquiétudes » aux scénaristes et producteurs hollywoodiens. Les membres de l’association Human Rights First affirment ainsi avoir parlé à de jeunes soldats dont le comportement est directement influencé par ce qu’ils voient à la télé.

Les producteurs de 24, Howard Gordon en tête, se défendent tout de même de vouloir servir de vitrine idéologique et d’organe de propagande. « Nous ne sommes ni un documentaire, ni un manuel d’interrogation. Nous ne sommes pas un manuel sur la guerre contre le terrorisme. Nous sommes un show télévisé » a-t-il déclaré. Selon ses propres suppositions, Gordon suggère aussi qu’ils reflètent à travers le show une partie des inquiétudes du peuple américain face au terrorisme et à la guerre en Irak, suggérant à demi-mots un exorcisme plus ou moins fictif des angoisses de ses concitoyens.

Cependant, malgré tous les reproches qu'on peut adresser à 24, le show n'est pas le seul à affronter une levée de boucliers contre la violence toujours plus présente dans les séries américaines. À tel point que la FCC, le CSA américain, envisagerait d'imposer des limitations similaires à celles imposées sur les contenus « indécents ».

Source : Yahoo News

vendredi 23 février 2007

Gianni Motti : The Victims of Guantanamo Bay (Memorial), 2006

Exposition à La Salle de bains, 56 rue Saint-Jean, 69005 Lyon, France, +33 (0) 4 78 38 32 33, infos@lasalledebains.net, www.lasalledebains.net, jusqu’ au 11 mars 2007 de 14 à 19 heures
Read about he exhibition of Gianni Motti in Lyon
L’œuvre de Gianni Motti présentée à la Salle de bains consiste en une série de plaques commémoratives dédiées aux 759 prisonniers du camp de Guantanamo, à Cuba. Sa forme est empruntée à celle des monuments aux victimes américaines du 11 septembre ; mais la liste de noms qui sont gravés dans l’acier, par ordre alphabétique,
est celle des 759 personnes qui ont été ou sont encore actuellement détenues sur la base américaine de Guantanamo. Le Département de la Défense américain a dû publier la liste complète des prisonniers, grâce à un recours de l’agence Associated Press au nom du Freedom of Information Act (loi constitutionnelle sur la liberté de l’information).
Un autre artiste spécialisé, lui, dans les plaques de métal, mais disposées à l’horizontale (Carl Andre), disait autrefois : « chaque chose est un trou dans autre chose qu’elle n’est pas ». Appliqué au périmètre de la base de Guantanamo, cela peut signifier que la base est un trou dans l’espace de la légalité. Mais inversement, un monument est un trou dans l’espace vide de l’oubli. On peut dire beaucoup en venant combler un vide, par exemple un vide juridique, et c’est ce que Motti fît en collaboration avec l’artiste suisse Christoph Büchel.
En 2004, déjà, ils avaient monté un projet, Guantanamo Initiative (présenté au Centre Culturel Suisse, à Paris et à la 51e Biennale de Venise), qui avait pour fin de louer la baie de Guantanamo à Cuba pour en faire une base culturelle. Une manière, là aussi, de rappeler, en creux, le statut hors normes de cette portion de territoire d’un peu plus de 100 km2, une zone de non-droit vestige d’une situation de domination quasi-coloniale des États-Unis en Amérique centrale. (Le gouvernement cubain rejette depuis 1959 la convention de « concession permanente » établie en 1903 qui octroie aux États-Unis l’usufruit de la baie pour un loyer annuel qui s’élève aujourd’hui à 4,085 $ – un loyer non-encaissé par la République de Cuba en signe de protestation.)
Walter Benjamin disait que l’histoire est écrite par les vainqueurs ; peut-être cela vaut-il surtout, aujourd’hui, pour le traitement de l’information. Les actualités sont celles des puissants du jour, et c’est bien la raison pour laquelle on n’érige pas de monuments aux causes perdues ou aux anonymes pris dans la tourmente des guerres et de la violence légale. C’est précisément dans les espaces vides de la représentation médiatique que Gianni Motti prend souvent le parti de faire irruption. Son travail intervient souvent à la frontière législative entre ce qui peut être représenté et ce qui ne peut pas l’être, soit qu’on l’interdise, soit qu’on le néglige.
Récemment, Motti avait exposé un savon, Mani Pulite (2005), fabriqué avec le surplus de graisse extrait par liposuccion de Silvio Berlusconi au terme d’une opération de chirurgie esthétique, réalisée dans la plus grande discrétion. Mani Pulite (mains propres), nom donné à la gigantesque Opération anti-corruption qui avait secoué l’Italie dans les années 90, suggérait l’existence d’un rapport inversement proportionnel entre l’obsession hygiéniste de l’apparence et l’intégrité morale.
Auparavant, il avait par exemple aussi exposé des images de la guerre en Macédoine et au Kosovo, achetées à une agence de presse, et délaissées par les médias, exposant en creux la fabrication de l’intérêt médiatique (Dommages collatéraux, 2001). Ne correspondant pas à l’image attendue des représentations d’un conflit, ces images devenaient « collatérales », elles aussi, au même titre que les dommages qu’elles sont censées renseigner. « Collatéral » s’entend ainsi en un second sens : ce qui est tombé hors champ, en dehors des médias, à côté du sujet. Ce qui a été relégué dans l’oubli, dans la non-image… Les images des médias sont véritablement le réel, le reste, ce dont il n’y a pas d’image, appartenant au non-être.
Coupés du monde, détenus anonymement dans un no man’s land juridique, sans aucun recours possible, les détenus de Guantanamo étaient ou sont victimes également de l’indifférence générale quant à leur sort (mais qui peut se soucier des droits de gens qui, officiellement, n’existent pas ?)
Le vernissage an janvier a pris la forme d’une inauguration de monument traditionnelle, en présence de deux des cinq prisonniers français de Guantanamo originaires de Vénissieux : Mourad Benchellali et Nizar Sassi.

Visite guidée d'une prison sans fin

Par Philippe GRANGEREAU, Libération, 22 février 2007
«Libération» a passé trois jours à Guantánamo. Un monde édifiant où se mêlent prisonniers nourris de force, président de tribunal sans formation juridique, jardin d'enfants et minigolf.
Voir la vidéo (censurée) tournée par Philippe Gangereau :
http://grangereau.blogs.liberation.fr/video/
La procédure est exécutée par des infirmiers diplômés, et prend entre quinze et quarante-cinq minutes», dit le médecin chef, un colonel de l'armée. «Premièrement, on attache l'ennemi combattant sur une chaise spéciale. On prend ensuite ceci», dit-il en présentant le mince tuyau souple, de couleur jaune, qu'il tient dans la main. Le dispositif est enfoncé progressivement dans une narine jusqu'à ce que l'embout atteigne l'intestin, où de la purée sous pression est alors envoyée. «Ça n'a pas de goût, mais on peut la parfumer à la vanille.» Le traitement est appliqué «une ou deux fois par jour, jusqu'à ce que le sujet cesse sa grève de la faim», souligne le médecin militaire, qui a pris la précaution d'ôter de son uniforme la bande Velcro portant son nom. Douze «ennemis combattants» détenus à Guantánamo, actuellement en grève de la faim, sont astreints à cette «procédure médicale d'alimentation interne». L'un d'eux, s'étonne le colonel, jeûne «depuis exactement cinq cent vingt-cinq jours».
Les prisonniers nourris de force n'entretiendraient aucune animosité. «Au contraire, ils nous remercient de prolonger leur vie, par l'apport d'une alimentation adéquate», soutient le militaire en s'adressant à notre groupe de trois journalistes admis dans l'hôpital du camp de détention. «Certains détenus se plaignent même de ne pas être nourris à temps lorsque les infirmiers prennent un peu de retard», claironne une autre blouse blanche. «Il faut bien vous rendre compte, intervient le sergent Byer, un cerbère à la mine sympathique qui encadre cette entrevue, que les grévistes de la faim ne veulent pas vraiment faire la grève de la faim...» Les trois détenus qui se sont suicidés le 9 juin dernier, et le nombre inconnu de ceux qui ont tenté de mettre fin à leurs jours «ne sont pas vraiment des désespérés. En réalité, ils mettent en pratique une technique de propagande, une tactique de guerre asymétrique».
«Jet de fluides corporels»
Cette guérilla sournoise que mèneraient sans relâche les prisonniers, pourtant soumis à des mesures de sécurité draconiennes, se traduirait aussi par des bombardements de «fluides corporels» sur les gardes. «Salive, matières fécales, sperme, urine, sang provenant des hémorroïdes, vomi parfois», détaille un lieutenant. Un pilonnage intense, selon les autorités militaires, qui ont scrupuleusement comptabilisé 432 «jets de fluides corporels» entre juillet 2005 et août 2006. Singulièrement, deux gardes présents sur les lieux depuis six mois disent n'en avoir jamais été personnellement victimes. Travaillant treize heures par jour, ils se disent, en revanche, «très stressés».
L'hallucinant voyage dans le camp de prisonniers le plus célèbre du monde a commencé quelques jours plus tôt, avec la réception d'un sauf-conduit par e-mail, émanant de la Force interarmées de Guantánamo. Cette missive officielle, couronnant une longue démarche entamée deux mois auparavant, s'achève en post-scriptum sur une citation de la Bible : «J'obtiendrai la grâce, car je puise ma force dans les faiblesses dont on me fait grief...» Deux compagnies aériennes privées desservent Guantánamo Bay depuis Fort Lauderdale, en Floride. Air Sunshine nous transporte en bimoteur huit places. Trois heures et demie de vol, un crochet autour des côtes cubaines, puis l'atterrissage. Un militaire préposé nous accueille par un prévisible «Bienvenue à Guantánamo !» avant de nous faire embarquer sur un ferry qui relie des deux anses de la baie. Celle-ci est louée à Cuba depuis plus d'un siècle pour 4 085 dollars par an, réglés par chèques ­ que Fidel Castro n'a jamais encaissés.
«C'est un endroit idéal pour élever des enfants», fait observer un sergent en installant notre trio, dont une escouade de militaires aura la garde trois jours durant, dans une maison située à côté d'une école primaire. Un jardin d'enfants et un minigolf sont à un jet de pierre de notre petite rue calme, qui évoque une banlieue prospère de Miami. Sur ce confetti grand comme Paris, vivent 8 000 militaires et civils, coupés du reste de l'île de Cuba. Beaucoup ont déménagé leurs voitures, leurs Harley-Davidson et parfois leurs bateaux de plaisance. Il y a un centre commercial, décoré de ballons en forme de coeurs pour la Saint-Valentin, qui vend des souvenirs, des serviettes de plage et des cartes postales ; deux cinémas, ainsi qu'une poignée de restaurants, dont un McDonald's servant des Happy Meals . Des chanteurs s'y produisent en concert ; des affiches proposent des cours de danse country. Les routes, où la vitesse est partout limitée à 35 km/h afin d'épargner les indolents iguanes qui s'y prélassent, sont jalonnées de panneaux affichant le mot d'ordre à observer. Cette semaine : «La fierté.»
Dentifrice «Haute sécurité»
Guantánamo est une autre planète, un monde schizophrène créé par George W. Bush. Environ 395 prisonniers y sont actuellement incarcérés, dont l'ex-numéro 3 d'Al-Qaeda, Khaled Sheikh Mohammed, transféré en septembre depuis un lieu tenu secret. D'autres captifs, loin d'être des terroristes, ont été livrés contre argent comptant à l'armée américaine, qui offrait des primes en dollars à des chefs de guerre en Afghanistan et au Pakistan. Sur les 775 prisonniers qui sont passés par Guantánamo, 377 ont fini par être remis aux autorités de leurs pays. Malgré les mises en garde du Pentagone, qui continue de les considérer comme «ennemis combattants», la plupart ont été libérés. Au Royaume-Uni, après dix-huit heures de garde à vue seulement. Quelque 85 autres personnes «transférables» doivent attendre qu'un pays veuille bien les accueillir.
Aucun des «ennemis combattants illégaux» de Guantánamo n'a été inculpé, ni jugé. Nombre de ceux qui végètent dans ce trou noir juridique sont internés depuis janvier 2002, date de création du camp X-Ray. Ce lieu est aujourd'hui à l'abandon. La végétation a assailli les alignements de cages, enlacé les miradors, submergé les barbelés, défoncé les baraquements en bois servant de salles d'interrogatoire. Leurs portes de contreplaqué disjointes s'ouvrent sur des tables et des bancs en bois cloués au sol, que seul éclaire un rai de lumière provenant de l'orifice naguère destiné à l'appareil d'air conditionné. L'armée présente ce premier site concentrationnaire comme un musée.
L'évolution des conditions carcérales suit la numérotation des camps bâtis en succession. Des cellules grillagées des camps 1, 2 et 3, jusqu'au camp 6, une prison moderne de haute sécurité dont la construction, achevée en 2005, a coûté 37 millions de dollars (28 millions d'euros). En ce lieu, le visiteur est introduit dans une cellule témoin, conçue pour les handicapés, d'environ trois mètres sur quatre, au lavabo d'acier surbaissé. On lui présente le dentifrice de marque Haute Sécurité et l'indispensable Coran. L'uniforme orange est réservé aux captifs «non obéissants», les autres étant vêtus de couleurs selon leur degré de soumission, le blanc étant réservé aux plus dociles. Les insoumis sont isolés, privés de tapis de prière, de chapelet, de sous-vêtements, de livres ; leurs têtes sont rasées et leurs barbes taillées de force.
Cagibi meublé d'un tapis persan
«Nous les traitons humainement», dit un lieutenant, qui compare les cellules à de «petits appartements». Les gardes portent un gilet destiné à parer les coups de couteau, des gants en latex, des protège-cou antistrangulation et parfois des masques chirurgicaux. Dans l'étroite salle d'interrogatoire jouxtant les cellules, où se relayeraient toujours, au bout de cinq ans, les limiers de l'armée, de la CIA et du FBI, on nous montre un fauteuil de type Lazyboy (inclinable à repose-pieds) destiné au captif qu'il faut convaincre de se mettre à table. Le cagibi est meublé d'un tapis persan. «Ils peuvent fumer, boire, manger des sandwichs», assure un militaire. Nos accompagnateurs, qui censurent tous les soirs nos photos de la journée, tiennent beaucoup à montrer les cuisines et les menus des prisonniers : légumes frais, glace une fois par semaine, gâteau au chocolat, Pepsi le lundi soir... Mais les prisonniers sont inaccessibles aux journalistes.
«Depuis la création de Guantánamo, personne n'a été sanctionné pour des abus à l'égard d'un détenu, tout simplement parce qu'il n'y a jamais eu de torture ou de traitements inhumains, selon plusieurs enquêtes officielles», annonce, d'un seul souffle, le commandant des opérations, le contre-amiral Harry Harris. Les 14 «détenus de grande valeur» internés à Guantánamo voilà six mois, membres avérés d'Al-Qaeda pour la plupart, «sont traités comme les autres», assure le contre-amiral, d'origine japonaise. «Ils ont été visités à deux reprises par la Croix-Rouge, et se montrent tous coopératifs.»
Selon Harris, environ 300 captifs sont «non libérables» car «sérieusement dédiés à leur cause, trop dangereux, ou détenant encore des renseignements». Une soixantaine pourrait être bientôt inculpés de «crimes de guerre», et peut-être condamnés à mort par des «commissions militaires» ­ une invention américaine. Les règles strictes fixées par le président Bush ont été assouplies par le Congrès cet automne. Mais les dépositions obtenues par «ouï-dire» ou par des «méthodes coercitives», sont toujours admissibles. La salle de ce tribunal d'exception ressemble à un ancien réfectoire. «Trop petite, elle n'est pas adéquate», reconnaît d'emblée le sergent qui nous introduit dans cette pièce en plein chantier, au plafond bas, où s'affairent des ouvriers. Elle est aménagée dans un ancien casernement des années 1940 surplombant une piste d'atterrissage désaffectée. Les trois juges siégeront sur des fauteuils bon marché placés derrière une table où repose un maillet tout neuf. Un vélo est négligemment posé dans une antichambre destinée aux entretiens confidentiels entre l'accusé et son conseil. Dans un couloir gît un bureau cassé.
«De toute façon, ce sera provisoire, fait le sergent, car, une fois les détenus jugés, le tribunal deviendra inutile.» De la même façon, le colonel Haben, un capitaine de bateau responsable des CSRT (les tribunaux passant en revue chaque année le «statut d'ennemi combattant» des captifs, en vue de décider ou non de leur libération), reconnaît volontiers qu'il n'a pas la moindre formation juridique. «Seulement 20 % des détenus prennent la peine d'assister aux audiences. Les autres, déplore-t-il, pensent que c'est une imposture.»

Guantánamo : Amnesty International regrette la décision de la Cour d'appel des États-Unis

par Amnesty International, 22 février 2007

Amnesty International déplore la décision de la Cour d'appel des États-Unis, qui a statué ce mardi 20 février que les tribunaux fédéraux n'avaient pas compétence pour entendre les requêtes en habeas corpus (procédure permettant la comparution immédiate d'un détenu devant une autorité judiciaire, afin de contester la légalité de la détention, et de permettre ainsi une éventuelle remise en liberté)des détenus de Guantánamo. Bien que d'un avis partagé, la Cour a maintenu que la Loi sur les commissions militaires, signée par le Président Bush en octobre de l'année dernière, avait rétroactivement ôté aux tribunaux toute compétence pour entendre de telles requêtes.«Le droit de tout détenu de contester la légalité de sa détention est l'un des principes les plus fondamentaux du droit international. Qu'un corps législatif ou un juge quelque part dans le monde puisse admettre que soit supprimée cette garantie essentielle contre la détention arbitraire ou dans un lieu tenu secret, les actes de torture et autres mauvais traitements est choquant et doit susciter des réactions», a déclaré Rob Freer, chercheur américain à d'Amnesty International. Près de 400 détenus se trouvent toujours à Guantánamo, certains depuis plus de cinq ans. Aucun d'entre eux n'a vu la légalité de sa détention à durée indéterminée examinée par un tribunal. Les détenus ont subi de graves atteintes aux droits humains, puisqu'ils ont fait l'objet de disparitions forcées, détentions provisoires secrètes et «restitutions», actes de torture et autres traitements et châtiments cruels, inhumains ou dégradants.«Il suffit d'imaginer ce qui se passerait si un autre gouvernement capturait un citoyen américain et le maintenait en détention pendant des années en lui refusant le droit élémentaire de contester la légalité de sa détention. Le gouvernement américain doit maintenant employer son imagination à trouver les moyens de restaurer pleinement le principe indispensable de la primauté du droit», a déclaré Rob Freer.Le droit international relatif aux droits humains s'applique en temps de guerre comme en temps de paix, et les obligations de chaque pays au regard des traités relatifs aux droits humains s'appliquent à lui sur son territoire comme en dehors de celui-ci, ainsi que l'ont rappelé aux États-Unis en 2006 les organes experts des Nations unies, le Comité des droits de l'homme et le Comité contre la torture.Toutes les personnes détenues à Guantánamo le sont de manière illégale ; elles doivent être inculpées d'une infraction dûment reconnue par le Code pénal et jugées lors de procès respectant pleinement les normes internationales d'équité des procès ou remises en liberté avec toutes les garanties nécessaires pour les protéger de nouvelles violations de leurs droits. Le camp de détention de Guantánamo doit être fermé.
Amnesty international continuera à agir pour que la Loi sur les commissions militaires soit abrogée ou amendée de façon substantielle, conformément aux exigences du droit international.

Les aventures d'Havana Jane

par Erich Langlois , www.voir.ca Jane Bunnett garde le moral malgré les embûches et les tracasseries administratives.
"Kafkaïennes, oui, c'est bien le mot qui convient pour décrire nos aventures à Cuba! C'était tout simplement absurde et vexant, mais pas assez pour m'empêcher d'y retourner", s'esclaffe Jane Bunnett. Aventureuse et optimiste, voilà deux adjectifs qui lui vont bien. Aventureuse puisque, contrairement à nombre de touristes qui demeurent cantonnés dans les infrastructures touristiques de La Havane, elle s'est aventurée jusqu'à Guantánamo, à la pointe ouest de l'île, à peu de distance d'un tristement célèbre camp militaire. "C'est peut-être la proximité de la base qui explique cette paranoïa, mais comme nous n'avions pas de visa spécial pour enregistrer avec des musiciens cubains, la police surveillait nos moindres faits et gestes. Ils nous interdisaient même de rester dehors à siffler avec les musiciens de rue!" La flûtiste et saxophoniste soprano canadienne n'en a pas moins persévéré, enregistrant entre 2003 et 2005 son plus récent opus, Radio Guantánamo: Guantánamo Blues Project vol. 1. Ainsi que l'indique le titre, il y est question de blues, et plus particulièrement de celui de La Nouvelle-Orléans, mais aussi de changüí, l'une des plus anciennes formes de musique cubaine, mais paradoxalement aussi la moins enregistrée. "Les sonorités sont différentes de celles du són ou de la salsa, notamment à cause de l'utilisation de bongos plutôt que de congas, mais c'est aussi une musique très festive", explique celle qui a pour l'occasion enregistré avec deux formations bien connues de là-bas, le Grupo Changüí de Santiago et le Grupo Changüí de Guantánamo. Cependant, il ne s'agit pas ici d'un énième Buena Vista Social Club, mais bien d'une démarche qui marie autant le jazz que le blues et le changüí. Celle qu'on appelle parfois "Havana Jane" dans le milieu du jazz (un clin d'oeil à Jane Fonda, qu'on surnommait "Hanoi Jane") est une habituée des mélanges des genres, et bien qu'elle revendique d'abord et avant tout sa filiation jazz, elle reconnaît que la musique cubaine la suivra probablement toute sa vie. En attendant l'enregistrement du volume 2 du projet Radio Guantánamo, qui devrait avoir lieu cet été, elle viendra chauffer les planches du Centennial en compagnie de ses cinq acolytes de tournée, dont bien sûr son complice musical et mari, le trompettiste Larry Cramer.
Source : http://www.voir.ca
Jane Bunnett donnera un concert unique au Québec le 24 février à 20h au Théâtre Centennial à Sherbrooke. Renseignements et billetterie : (819) 822-9692. Billets : Adultes $23 / Aînés $15 / Étudiants $12

Sept détenus de Guantánamo transférés en Arabie saoudite

Les États-Unis ont transféré sept détenus de la base de Guantánamo (Cuba) vers l'Arabie saoudite, a annoncé mercredi 21 f évrier le Pentagone. Après ce nouveau transfert, il reste encore environ 390 détenus dans le centre de détention sur la base navale américaine de Guantánamo. Ils ont été capturés dans le cadre de la guerre américaine contre le terrorisme, la plupart en Afghanistan et au Pakistan, lors de la chute du régime des talibans à Kaboul en 2001. Les États-Unis ont libéré ou transféré vers d'autres pays, quelque 385 détenus de Guantánamo depuis l'ouverture de la prison début 2002, a indiqué le Pentagone dans un communiqué. Parmi les prisonniers qui restent encore sur la base américaine de Guantánamo, environ 85 détenus doivent être transférés ou libérés dans le cadre d'un processus de révision globale et leur départ est en cours de discussion entre les États-Unis et d'autres pays, précise le communiqué.

Les avocats belges protestent contre Guantánamo

L'Ordre des barreaux francophone et germanophone (OBFG) a écrit à l'ambassadeur des Etats-Unis à Bruxelles pour lui faire part de son inquiétude au sujet de la situation des personnes détenues à Guantánamo et pour marquer son soutien aux avocats qui interviennent pour les défendre.
Dans cette lettre, envoyée mardi, les avocats soulignent que la situation des personnes détenues à Guantánamo "choque profondément tous ceux qui sont attachés aux valeurs démocratiques d'un Etat de droit". "Nul ne peut être privé de l'assistance d'un avocat de son choix. Toute forme de détention avant jugement ne peut être que temporaire, exceptionnelle et strictement limitée aux besoins de l'enquête", dit l'OBFG. Pour celui-ci, la détention de personnes suspectées d'activités liées au terrorisme ne peut pas en elle-même constituer un empêchement de respecter les droits de la défense.
L'OBFG demande à l'ambassadeur de transmettre sa protestation et son soutien aux avocats qui défendent les prisonniers de Guantanamo et au président des Etats-Unis.
Source :
http://www.7sur7.be/hlns/cache/fr/det/art_386755.html?wt.bron=homeArt20

jeudi 22 février 2007

Les USA champions : Les tortures à Abou Ghraïb, un « incident isolé » ?

par Juan Gelman, Página/12, 15 février 2007

Eric Fair, un linguiste qui maîtrise l'arabe, a servi dans l'armée US de 1995 à 2000 et a été contracté en 2004 pour interroger les Irakiens détenus à Fallujah par les effectifs de la 82e division aérotransportée. Ils le transformèrent en outre en geôlier et il a raconté au Washington Post (9-2-07) ce dont il rêve depuis qu'il est rentré chez lui : «Un homme sans visage me regarde fixement du coin d'une pièce. Il demande de l'aide, mais j'ai peur de bouger. Il se met à pleurer. C'est un son plaintif qui me fatigue. Il crie, je me réveille et m'aperçois que celui qui crie, c'est moi».

L'officier qui commande les «interrogateurs» leur donne des instructions précises. Durant son service de douze heures Fair devait empêcher le détenu de dormir, ouvrir la cellule chaque heure, l'obliger à rester debout dans un coin et le laisser sans vêtements. «Trois années plus tard la situation s'est inversée. Je peux rarement dormir la nuit sans que cet homme me rende visite. Son souvenir me tourmente comme je l'ai tourmenté». Les remords accablent celui qui est conscient de ne pas avoir désobéi à des ordres indignes et d'avoir au contraire «intimidé, dégradé et humilié un homme sans défense. J'ai compromis mes valeurs et jamais je ne me le pardonnerai». Ces méthodes seraient-elles nécessaires pour hisser la bannière «de la liberté et de la démocratie» inventée par G. W. Bush ?

La Maison Blanche assure que les tortures à la prison d'Abou Ghraib ont été un incident isolé. Fair a assisté à d'autres choses et les détaille : détenus forcés à rester debout nus la nuit entière et demandant de l'aide, ou soumis à de longues périodes d'isolement, ou frappés et battus à coups de pieds, et toujours avec la faim et la soif. «Ces techniques étaient utilisées quotidiennement en Irak sous le prétexte d'obtenir les informations nécessaires pour en finir avec l'insurrection. La violence aujourd'hui dominante là-bas prouve que ces tactiques n'ont jamais fonctionné». Accablé par la conduite de ses amis et collègues, Fair a de plus en plus honte de sa peur à défier de telles pratiques, il sait que beaucoup diront qu'il n'y a pas lieu d'insister sur la question car cela nuit aux USA et souligne qu'il est nécessaire d'affronter les faits : «L'histoire d'Abou Ghraib n'est pas terminée. À bien des égards nous n'avons pas encore ouvert le livre».

Celui de Guantanamo non plus. Les dirigeants de la base navale US dans la baie de Guantanamo (Gitmo, pour son sigle en anglais) n’y vont pas de main morte en matière de tortures, seulement on ne les voit pas, on ne les entends pas et elles n'existent pas. La sergente des marines Heather Cerveny, en revanche, si. En septembre 2006 elle a passé un semaine à Gitmo et écouté : un soldat qui avait éclaté la tête d'un prisonnier contre la porte de la cellule. Un autre que le prisonnier irritait l'avait frappé au foie. Elle avait écouté des conversations entre soldats, découvert qu'il s'agissait d'une méthodologie courante et quotidienne et avait envoyé son témoignage à l'inspecteur général du Pentagone. Ce dernier envoya une mission d'enquête à la base qui conclut ainsi : «Il n'y a pas de preuves qui démontrent la véracité des accusations de mauvais traitement et de harcèlement» (
blogs.abcnews.com, 9/2/07). Et plus : elle recommanda l'adoption de mesures disciplinaires contre la sergente Cerveny. Parfois cela se paye d'écouter ce que les autres ne veulent pas entendre.

Tout n'est pas pourri dans le royaume du Danemark. Le lieutenant-colonel Colby Vokey, coordinateur des marines stationnnés dans l'ouest des USA et supérieur immédiat de la sergente Cerveny, qualifia d' « outrageant» le rapport de la mission et indiqua que les enquêteurs interrogèrent seulement les suspects de tortures, «mais ne s'entretinrent pas avec les détenus ou les possibles victimes». Ainsi fait-on, comme le chat : il couvre ses excréments après défécation. Les réaction de certains lecteurs du blog à la suite de l'article sont intéressantes : «Oui, il y a eu dissimulation à Gitmo. Ils couvrent la tête des terroristes avec des culottes de femmes, ah ah ah !», ou : «Oui, il y a eu des abus (à Gitmo) ! Et il devrait y en avoir plus !». Et aussi : «Je ne crois qu'on leur ait réellement fait mal». Ou ce commentaire ironique : «Je suis d'accord ! Il y a bien une raison pour qu'ils appellent terroristes ces gens. Comme nous le rappelle une affiche : 'Ce n'est pas du fascisme quand C’EST NOUS QUI LE FAISONS '».

Le vendredi 9 février, une mission officielle nord-américaine conduite par Nicholas Burns, sous-secrétaire aux Affaires Politiques du Département d'État, visita Buenos Aires et eut des entretiens avec de hauts fonctionnaires du gouvernement argentin (voir Página/12 du 10-2-07). Burns fit ensuite une conférence de presse au cours de laquelle une journaliste de ce quotidien lui demanda : «Vous avez dit que votre gouvernement admirait la politique des droits humains du gouvernement argentin, cela implique-t-il une autocritique de la politique en matière de droits humains de votre gouvernement, surtout en prenant en compte ce qui se passe dans la prison de Guantánamo ?» La réponse de Burns fut catégorique : «En aucun cas. D'aucune manière ou aspect. Nous, mon pays, les USA, nous sommes les champions des droits humains dans le monde». Si c’est ça les champions, que sont les derniers de la classe ?

Original :
http://www.pagina12.com.ar/diario/contratapa/13-80422-2007-02-15.html
Traduit de l’espagnol par Gérard Jugant et révisé par Fausto Giudice, membres de
Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est en Copyleft pour tout usage non commercial ; elle est libre de reproduction, à condition d’en respecter l’intégrité et d’en mentionner sources et auteurs.
URL de cet article : http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=2073&lg=fr