vendredi 30 mars 2007

Guantanamo mon amour


Le théâtre du Chêne Noir est en tournée dans l’île de La Réunion avec Guantanamour, une pièce qui met en scène un prisonnier soupçonné d’être un terroriste et son geôlier, un soldat américain. Écrite quelques mois après la création du tristement célèbre centre de détention à Cuba. Son propos reste toujours d’actualité.Pour Guantanamour, il y a eu un avant et un après la guerre en Irak. Avant, on acquiesçait timidement au propos mais rechignait à programmer la pièce, après on plébiscitait le visionnaire. Gérard Gelas, fondateur du théâtre du Chêne Noir (Avignon), a écrit le texte seulement trois mois après l’ouverture de la prison de Guantanamo à Cuba. Mise à part quelques entrefilets dans la presse, il n’avait pratiquement aucune information sur les conditions de détention des prisonniers. Qui sont-ils ? Comment sont-ils arrivés là ? Sont-ils coupables de quelque chose ? Il ne savait rien et a bâti ses personnages sur un imaginaire qui s’est tristement révélé juste. Guantanamour est l’histoire de deux hommes, Rassoul et Billy Harst, que tout oppose : la culture, l’âge, la religion et même le physique. Deux hommes rassemblés par les circonstances et que finalement, seule l’humanité rassemble. Elle s’insufflera, petit à petit, dans leurs rapports, dans leurs échanges et parfois, même, au détour d’un regard, d’une phrase à la volée, ils vont se comprendre. Au départ, il y a la haine, réciproque et violente entre un prisonnier soupçonné de terrorisme et son geôlier américain. Tous les deux n’ont rien à faire là. Tous les deux sont victimes d’une guerre qui les dépasse. Ils sont les pantins d’intérêts bien supérieurs : le pétrole, l’argent, rien à voir avec une quelconque liberté à conquérir. Ils aiment à se torturer, physiquement ou mentalement. Ils s’ennuient alors ils se parlent.“DU MÊME ENDROIT”Ils s’apprivoisent, se découvrent. Rassoul, joué par Damien Rémy, est en fait là suite à un malentendu. “Il n’est pas celui qu’on croyait. Il y a certainement des prisonniers à Guantanamo qui méritent d’être arrêtés et jugés, mais beaucoup sont là parce qu’ils passaient par là... Il y a même des enfants de 12 à 15 ans”, explique le comédien. Quand au GI, pauvre type qui passait par là aussi, son histoire raconte celle de milliers de soldats américains dont le moral fléchit. Beaucoup ont dit non, mais certains y sont allés. Pourquoi ? “L’intérêt de la pièce est aussi de comprendre pourquoi quelqu’un peut devenir méchant. Il a oublié d’où il venait. Il n’avait pas de travail, pas de carte de sécurité sociale et s’ils font couler leur sang pour la nation, ces types ont tous les avantages qu’ils n’avaient pas”, analyse Guillaume Lanson. C’est donc la rencontre de deux misères. “Finalement, ils viennent du même endroit”, poursuit Damien Rémy. Banlieues à vif mais contenues, qui expriment leurs frustrations où elles le peuvent. Après la Réunion, le Théâtre du Chêne repart en tournée à travers la France. Ils rêvent d’aller jouer leur pièce aux États-Unis mais pour l’instant, les contacts sont au point mort.
M.V.
• Guantanamour ce soir vendredi 30 mars au théâtre de Champ Fleuri à Saint-Denis de La Réunion à 20 heures, samedi 31 au théâtre Luc Donat à 20 heures.

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