vendredi 12 janvier 2007

Reporters sans frontières réclame à nouveau la libération de Sami Al Haj, cinq ans après l’arrivée des premiers détenus à Guantanamo

Le 11 janvier 2002, plusieurs centaines d’individus, capturés par l’armée américaine lors de l’opération “liberté immuable” en Afghanistan, étaient transférés sur la base militaire de Guantanamo (est de Cuba). Cette date a marqué l’ouverture d’un véritable goulag tropical qui aura reçu jusqu’à 770 prisonniers, dont le cameraman soudanais de la chaîne qatarie Al-Jazira Sami Al-Haj, toujours détenu sans charges depuis le 13 juin 2002.“L’invalidation par la Cour suprême, en juin 2006, des tribunaux militaires chargés de juger les “combattants ennemis” détenus à Guantanamo n’a malheureusement rien changé à la situation de ces derniers, détenus pour la plupart sans motif dans des conditions épouvantables. La libération d’une trentaine d’entre eux, au dernier trimestre 2006, n’enlève rien au scandale juridique et humanitaire dont s’est rendu responsable depuis quatre ans un pays pourtant démocratique. Nous espérons que la nouvelle majorité investie au Congrès le 4 janvier 2007 se saisira très rapidement du dossier et obligera le pouvoir exécutif à fermer le camp. Nous demandons, une fois encore, la libération de Sami Al-Haj”, a déclaré Reporters sans frontières.Capturé en décembre 2001 à la frontière afghane par l’armée pakistanaise puis remis aux soldats américains, le cameraman soudanais d’Al-Jazira, Sami Al-Haj, a rejoint la base navale le 13 juin 2002. Forcé d’avouer des connexions supposées entre la chaîne qatarie et Al-Qaïda, il a été soumis à plus de 150 interrogatoires et régulièrement torturé (exposition prolongée en plein soleil, supplice de la baignoire, privation de sommeil, etc.). Malade et privé de tout contact avec sa famille depuis son incarcération, le journaliste a évoqué pour la première fois sa volonté de se suicider lors d’une visite de son avocat, Clive Stafford-Smith, en avril 2006. Le cas de Sami Al-Haj, accusé sans preuve d’avoir réalisé une interview d’Oussama Ben Laden et de s’être livré à du trafic d’armes pour le compte de terroristes islamistes, est exemplaire du sort réservé à beaucoup de ses codétenus.Une directive de la Maison Blanche du 7 février 2002 a d’abord soustrait les détenus de Guantanamo aux Conventions de Genève sur les prisonniers de guerre, les plaçant ainsi hors de tout cadre juridique. Après une longue bataille juridique, la Cour suprême a déclaré inconstitutionnels les tribunaux militaires chargés de juger les “combattants ennemis” , le 29 juin 2006. Le 12 juillet suivant, la directive présidentielle du 7 février 2002 a été abrogée mais le 28 septembre, le Congrès a légalisé les tribunaux d’exception et introduit de nouvelles clauses empêchant les prisonniers de contester leur détention avant d’avoir été jugés et interdisant toute poursuite contre leurs geôliers. Le 17 octobre, une autre loi a autorisé le recours à la torture.La base navale de Guantanamo a reçu jusqu’à 770 prisonniers. Une trentaine ont été libérés au dernier trimestre 2006. Le camp compte actuellement 395 détenus. Selon l’Agence France-Presse (AFP), le gouvernement a prévu d’en juger entre 60 et 80. Clive Stafford-Smith n’a pas pu préciser à Reporters sans frontières si Sami Al-Haj faisait partie de ces derniers. L’avocat londonien a confié à l’organisation : “Le moral des prisonniers est au plus bas pour d’évidentes raisons : ils ont été détenus pendant cinq ans sans la moindre perspective de jugement équitable. Contrairement à ce que prétendent les militaires, les conditions sont pires qu’elles n’ont jamais été, pires que dans n’importe quel couloir de la mort que j’ai visité, et j’en ai vu beaucoup, depuis vingt ans que je défends des condamnés à mort aux Etats-Unis. La plupart des détenus de Guantanamo sont aujourd’hui maintenus à l’isolement, sans rien à faire de toute la journée.”Il y a plus de 16 ans, Reporters sans frontières mettait en place « le parrainage » et appelait les médias internationaux à soutenir un journaliste emprisonné. Plus de 200 rédactions dans le monde soutiennent ainsi un confrère en demandant régulièrement sa libération aux autorités concernées et en médiatisant sa situation pour que son cas ne tombe pas dans l’oubli.
Parrains Espagne : La Sexta, IPS-Comunica, La Voz del Occidente, Colexio de Xornalistas de Galicia
Canada : Corriere Canadese, Atlas media, Magazine de Saint-Lambert, Mouton Noir, CIBL, Radio Canada Sudbury.
Signez la pétition en faveur de Sami Al-Haj : http://www.rsf.org/article.php3 ?id_article=19076
Source : http://www.rsf.org/article.php3?id_article=20345

Sami Al Haj
La fiche de RSF
Assistant cameraman de la chaîne qatarie Al-Jazira, il a été arrêté le 15 décembre 2001 en Afghanistan. Il a été transféré à la base militaire de Guantanamo le 12 juin 2002. Aucun procès n’a eu lieu. Les prisonniers de Guantanamo sont détenus en dehors de tout cadre légal et ne bénéficient pas des droits inscrits dans les Conventions de Genève sur les prisonniers de guerre.Sami Al-Haj est considéré comme un “ennemi combattant” par les autorités américaines au motif, jamais établi, qu’il aurait dirigé un site soutenant le terrorisme, qu’il se serait livré au trafic d’armes, qu’il serait entré illégalement en Afghanistan et qu’il aurait interviewé Oussama Ben Laden. Le Département d’Etat américain est persuadé de l’existence de connexions entre la chaîne Al-Jazira et Al-Qaïda.
Un temps émigré aux Emirats arabes unis où il travaillait dans une société d’import-export, Sami Al-Haj venait d’intégrer la chaîne Al-Jazira lorsque celle-ci l’a envoyé en Afghanistan couvrir les frappes américaines d’octobre 2001. Refoulée de Kandahar par les talibans, son équipe de tournage a été obligée de se replier au Pakistan voisin. Après avoir prolongé son visa, Sami Al-Haj est reparti en Afghanistan le 15 décembre 2001, date à laquelle les forces de sécurité pakistanaises l’ont arrêté. Selon Al-Jazira, le journaliste aurait été interpellé sur la base d’un mandat d’arrêt portant son nom, mais le numéro de passeport inscrit sur le mandat était faux. D’abord détenu à Chaman (Pakistan) pendant vingt-trois jours, Sami Al-Haj a été livré le 7 janvier 2002 aux militaires américains qui l’ont transféré le jour même sur la base de Bagram (Afghanistan). A Bagram, le journaliste a été accusé d’avoir enregistré des vidéos d’Oussama Ben Laden, ce qu’il a catégoriquement démenti, et a subi de mauvais traitements : privation de nourriture, coups, exposition à des températures hivernales.
Le 23 janvier 2002, les forces américaines l’ont envoyé à la prison de Kandahar où il est resté cinq mois, durant lesquels il a fait l’expérience de tortures physiques et psychologiques, avant son transfert vers Guantanamo. Selon le quotidien britannique The Guardian, Sami Al-Haj aurait reçu des autorités américaines, le 26 septembre 2005, la promesse d’une libération et l’octroi d’un passeport américain s’il consentait à espionner Al-Jazira pour le compte de Washington.
Durant son transfert à Guantanamo, Sami Al-Haj a voyagé enchaîné et la tête recouverte d’une cagoule. Les soldats qui l’escortaient le frappaient pour le réveiller dès qu’il s’endormait. Ces méthodes n’ont pas cessé depuis son incarcération. Enfermés dans des cages, forcés d’y rester assis, exposés en plein soleil, privés de sommeil, les prisonniers de Guantanamo ont tous confié avoir subi des tortures lors des interrogatoires auxquels ils sont soumis (sévices sexuels, passages à tabac, isolement dans une pièce où de la musique retentit à pleins décibels...).
Sami Al-Haj a été questionné sous la menace plus de 130 fois. Il souffre d’un cancer de la gorge pour lequel il ne reçoit aucun soin. Il est privé de tout contact avec sa famille. Très éprouvé psychologiquement, le journaliste a évoqué devant son avocat, le londonien Clive A. Stafford-Smith, venu lui rendre visite en avril 2006, sa volonté de se suicider. Le 29 juin 2006, la Cour suprême des Etats-Unis, saisie par l’avocat d’un autre prisonnier, a déclaré illégaux les tribunaux d’exception chargés de juger les prisonniers de Guantanamo. Cette décision n’implique malheureusement pas la fermeture du camp, où 450 prisonniers restent détenus.
Le 20 septembre 2002, Reporters sans frontières s’était adressée par courrier à John Ashcroft, alors secrétaire d’État à la Justice pour lui demander des explications sur l’arrestation de Sami Al-Haj et le mettre en garde contre les persécutions manifestes du Département d’Etat envers la chaîne Al-Jazira. Ce courrier est resté sans réponse. A plusieurs reprises et en lien avec son avocat, Reporters sans frontières a plaidé pour la libération de Sami Al Haj et la fermeture de Guantanamo.

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