mercredi 18 avril 2007

Majid Khan, "spécialiste des stations-essence"...

Majid Khan est un jeune Pakistanais de 26 ans actuellement détenu à guantanamo, dont le « tribunal » d’exception – siégeant dans le camp - vient d’examiner le statut de « combattant ennemi étranger ». Son père Ali Khan vient de déclarer que Majid avait été torturé.
Réfugié avec sa famille aux USA en 1996, Majid a fréquenté le lycée de Owings Mills (la photo ci-contre est tirée de l’annuaire du lycée), dans la banlieue de Baltimore, travaillant comme caissier dans la station-essence de son père. Après ses études il s’est marié – il a un enfant – et a travaillé comme administrateur de banques de données pour l’administration du Maryland.
En 2003, Majid a été kidnappé au Pakistan par la police, qui l’a remis sans autre forme de procès à la CIA. Il a alors disparu dans les « sites noirs », ces prisons secrètes de la CIA, éparpillées aux quatre coins de la planète. Sa famille n’a eu de ses nouvelles que trois ans et demi plus tard, en septembre 2006, lorsque George Bush a annoncé que 14 « gros poissons » d’Al Qaïda avaient été transférés à Guantanamo.
Les accusations de la CIA contre Majid Khan ne reposent que sur des « aveux » extorqués à divers détenus avec des méthodes appropriées. Quant aux preuves, elles sont pratiquement inexistantes : ainsi, selon la CIA, la connaissance qu’avait Majid Khan du fonctionnement d’une station-essence lui aurait permis de préparer des attentats, commandités par Khamid Cheikh Mohamed, contre des stations-essence. À ce compte, tout jeune Musulman travaillant dans une station-essence aux USA est suspect !
Voici toute l’histoire de Majid Khan, telle qu’elle est racontée par Amnesty International, qui a lancé le 13 avril une action urgente en sa faveur.
Le 6 septembre 2006, le président des États-Unis George W. Bush a annoncé que 14 hommes qui avaient été détenus dans des lieux secrets sous le contrôle de la Central Intelligence Agency (CIA, Services de renseignements des États-Unis) avaient été transférés sous contrôle militaire à Guantánamo. Le ressortissant pakistanais Majid Khan, victime d’une disparition forcée aux mains des autorités du Pakistan et des États-Unis depuis plus de trois ans et demi, fait partie de ces 14 personnes. Ayant émigré aux États-Unis avec sa famille en 1996, il a vécu et travaillé à Baltimore, dans l’État du Maryland, et a obtenu le droit d’asile aux États-Unis en 1998. En février 2002, Majid Khan est retourné au Pakistan avec son frère pour se marier. En mars 2002, après son mariage, il est revenu à Baltimore où il a séjourné jusqu'à son retour au Pakistan plus tard dans l'année.
Disparition forcée
Dans la nuit du 5 mars 2003, des responsables des services de sécurité pakistanais ont fait irruption au domicile de son frère à Karachi et ont arrêté Majid Khan, son frère Muhammad Khan, sa belle-sœur et leur bébé. À ce moment-là, la femme de Majid Khan se trouvait dans sa famille à Hyderabad, au Pakistan. La belle-sœur de Majid Khan et son enfant ont été libérés une semaine plus tard et son frère au bout d’un mois environ, après avoir été sommé de ne faire aucune déclaration publique ni recherche au sujet de Majid Khan. Les responsables pakistanais ont refusé d’indiquer à sa famille où il était détenu et les raisons de sa détention. Les proches de Majid Khan aux États-Unis n’ont pas pu savoir eux non plus où il se trouvait et s’il était encore vivant, jusqu’à l’annonce du président Bush le 6 septembre 2006.
Transfert à Guantánamo
« Si je reviens ce sera un miracle divin »En septembre 2006 Majid Khan aurait été cagoulé, enchaîné, mis sous sédatif et envoyé par avion à Guantánamo avec 13 autres détenus de « grande valeur ». On sait peu de choses sur les conditions de détention de ces hommes, qui ont tous été qualifiés de « combattants ennemis », mais il semble qu’ils soient maintenus à l’isolement avec peu ou pas de contact entre eux et avec les autres détenus. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) leur a rendu visite mais ils n’ont toujours pas pu consulter un avocat. Amnesty International s'inquiète vivement pour leur état de santé mentale et physique, en raison des longues périodes de détention secrète auxquelles ils ont été soumis, des tortures ou mauvais traitements qui pourraient leur avoir été infligés, de leur maintien à l’isolement et du caractère illimité de leur détention.
Majid Khan a envoyé une lettre à son épouse depuis Guantánamo, qui a été lourdement censurée, et dans laquelle il lui aurait dit de ne pas trop compter sur son retour. Selon le président Bush, Majid Khan et les 13 autres détenus transférés à Guantánamo en septembre 2006 sont « des hommes dangereux qui ont une connaissance sans équivalent des réseaux terroristes et de leurs projets de nouvelles attaques ».
Avec ce transfert, le président Bush a pour la première fois reconnu publiquement l’existence d’un programme spécifique pour les « détenus terroristes de grande valeur », géré par la CIA. Dans son allocution du 6 septembre, le président Bush a également reconnu que les personnes détenues dans le cadre du programme secret de la CIA étaient soumises à un ensemble de procédures spécifiques, faisant référence semble-t-il aux « techniques renforcées » d’interrogatoire que la CIA aurait été autorisée en 2002 à utiliser. Bien que le gouvernement des États-Unis n’ait pas donné plus de détails sur ces techniques, qu’il a classées « top secret », certaines informations permettent de penser que ces méthodes sont contraires à la législation et aux normes internationales.
Amnesty International et d’autres organisations avaient depuis longtemps fait état de l’existence d’un programme de détentions secrètes de la CIA, mais les autorités américaines n’avaient jamais confirmé cette information auparavant. Amnesty International demande au gouvernement des États-Unis de faire connaître le sort et le lieu de détention de toutes les personnes détenues secrètement et d’indiquer ce que sont devenus tous les lieux secrets de détention. Les autorités américaines doivent mettre fin à la pratique des détentions secrètes et des disparitions forcées, qui constitue un crime au regard du droit international.
Situation au regard de la loi
Le gouvernement américain a indiqué que l’existence d’un programme de la CIA avait été confirmée en raison de la détermination du président Bush à ce que les détenus de la CIA soient jugés. Aux termes de la Loi relative aux commissions militaires, promulguée par le président Bush le 17 octobre 2006, ce sont les commissions militaires, habilitées à recevoir des éléments de preuve obtenus sous la contrainte et pouvant prononcer des condamnations à mort, qui jugeront ces détenus.
Les autorités accusent Majid Khan d’être un agent d’Al Qaïda lié à Khalid Sheikh Mohammed lui-même soupçonné d’être un des meneurs des attentats du 11 septembre aux États-Unis. Majid Khan, cependant, n’a toujours pas été autorisé à consulter un avocat. Le fait pour les États-Unis de priver d’une telle assistance Majid Khan et les 13 détenus transférés viole non seulement leur droit à se faire assister d’un avocat mais aussi leur droit à bénéficier du temps et des moyens nécessaires pour préparer leur défense. Une telle attitude constitue une violation flagrante du principe fondamental d’« égalité des armes », cité parfois comme la condition la plus importante d'équité d'un procès.
Ces 14 détenus de « grande valeur » doivent être entendus par le Tribunal d'examen du statut de combattant pour que soit examinée leur condition de « combattants ennemis ». Les audiences ont lieu secrètement. Cette procédure administrative est inadaptée ; il s’agit de comités composés de trois militaires autorisés à utiliser des éléments de preuve classés secrets ou obtenus par la force contre un détenu. Le 28 septembre 2006, le Center for Constitutional Rights (CCR) avait formé une requête en habeas corpus au nom de Majid Khan, remettant en cause la légalité et les conditions de sa détention, ainsi que sa qualification de « combattant ennemi ».
Le gouvernement américain a répondu qu'aux termes de la Loi relative aux commissions militaires, le tribunal n’était pas habilité à examiner cette demande. Le gouvernement a également argué du fait que les règles régissant la possibilité pour les détenus de Guantánamo d’entrer en contact avec des avocats n’étaient pas adaptées aux 14 hommes transférés dans ce centre après avoir été détenus par la CIA, car ils sont susceptibles de dévoiler des lieux tenus secrets. La conséquence, si ce n’est l’objectif, de cette mesure, est la dissimulation des violations des droits humains.
Le 20 novembre 2006, l’épouse de Majid Khan, Rabia Yaqoob, a déposé une requête auprès de la Haute Cour du Sind, au Pakistan, demandant d'être informée des éléments justifiant l'arrestation et la détention de son mari ; des raisons pour lesquelles il n’avait pas été présenté à un magistrat au Pakistan ; du fondement légal du transfert de ce citoyen pakistanais aux mains des États-Unis ; de toute initiative engagée par le gouvernement pakistanais en vue du retour de Majid Khan au Pakistan. Le procureur général du Pakistan a laissé entendre que le Pakistan n’avait rien eu à voir avec l’arrestation ou la détention de Majid Khan et que le pays essayait désormais d’obtenir la libération des ressortissants pakistanais détenus à Guantánamo.
Le 13 février 2007, la Haute Cour a rejeté la requête de Rabia Yaqoob tout en priant instamment le ministère des Affaires étrangères de faire tout son possible pour assurer le bien-être de Majid Khan et obtenir sa libération. La Haute Cour a donné trois mois au gouvernement pour qu’il lui fasse un rapport sur les progrès réalisés dans l’affaire de Majid Khan.
Modèles de lettres à envoyer aux autorités US et pakistanaises http://inside.amnestyinternational.be/cgi-bin/mail.cgi/archive/ndp/20070413144336/

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