par Marianne Ranke-Cormier, newropeans-magazine, 4 avril 2007
Après s’être indignés et avoir dénoncé longuement et parfois même violemment, dans les mots comme dans les images - relayées il est vrai par les terribles découvertes à l'époque de Abu Ghraib et les autres scènes des prisons secrètes américaines - après avoir dénoncé, donc, l’irrespect total de tous les droits, la détention illégale, les injustices flagrantes, les traitements inhumains, les tortures etc..., infligés par ceux qui se déclarent les plus grands défenseurs de la démocratie universelle et des vertus des principes et droits fondamentaux de l’Homme, les médias se sont tus. On a refermé les grilles sur Guantánamo …
Mais les derniers événements de ce no man’s land, au fond duquel on ne sait pas quelles sont les règles de procédure et de justice qui s’appliquent, si ce n’est des procédures d’exception et donc d’obédiences militaires, plusieurs centaines de prisonniers, enfermés, internés, attendent depuis plus 5 ans, qu’enfin éveillée par les plumes et les caméras du monde, justice se fasse.
Elle vient de se faire, sous une forme des plus expéditives, même si au goût des grands amateurs internationaux d’images et de couleurs du sensationnel, elle a manqué de visuel. Car il n’y a eu, ni mort, ni sang. Pour cela il aurait fallu braquer les caméras et les micros vers l’autre no man’s land, dans lequel les américains et leurs alliés poursuivent impunément leurs opérations, sous notre œil maintenant indifférent…
Expéditive, parce que cela n'a duré que deux heures.
David Hicks, est l’un des premiers prisonniers de Guantánamo à avoir été jugé. Et il vient d’être condamné à 9 mois de prison ! Pour un présumé « terroriste », qui avait surnommé « le taliban australien », tellement son image devait nous terrifier, que les autorités ont laissé croupir 6 ans dans les geôles de Guantánamo , et n’ont sans doute pas hésité à lui faire subir les pires traitements du moins psychologiques si ce n'est physiques, avant d’arracher enfin son aveu et de le citer devant un tribunal d’exception, c’est peu. Si c’est effectivement le « terroriste » tel qu’il a été décrit, l’instrument de l’axe du mal, on se demande où sont le poids et la mesure. Mesure de clémence pour un repenti ? Accord secret. C’est que David Hicks n’était même pas un terroriste actif, non ce n’est que pour soutien matériel au terrorisme, ce qui juridiquement ne veut strictement rien dire, et encore non prouvé, si ce n'est par sa seule présence en terrain afghan, que David Hicks vient d’être jugé. Et il n’est pas le seul. Mais les autres auront sans doute moins de chance, car ce ne sont pas des ressortissants des états alliés des Etats-Unis, et ne portent pas un aussi joli nom anglophone…
Les prisonniers de Guantánamo ne sont certes pas les seuls de par le monde à croupir dans des geôles et à subir tortures psychologiques et même physiques. Il existe de par notre monde tant d’autres prisonniers de régimes totalitaires et sanguinaires… Mais voilà, les Etats-Unis ne sont pas par principe un régime totalitaire et sanguinaire. Alors nous ne pouvons pas nous permettre, nous autres européens, que les principes sur lesquels reposent nos fondements sociétaux sont ainsi bafoués par ceux qui se prétendent au dessus de nous. Les silences de Guantánamo sont nos silences...
Source : http://www.newropeans-magazine.org/index.php?option=com_content&task=view&id=5541&Itemid=85
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