Un ex-détenu de Guantanamo accuse l'Australie de complicité d'arrestation arbitraire et de torture
par Marie-Morgane Le Moël, Le Monde, 28 juillet 2007
par Marie-Morgane Le Moël, Le Monde, 28 juillet 2007
Le gouvernement australien est loin d'en avoir fini avec les deux anciens prisonniers de Guantanamo. Après avoir obtenu en mai le retour de David Hicks, détenu durant cinq ans à Camp Delta, Canberra doit maintenant batailler devant les tribunaux. Mamdouh Habib, le deuxième Australien détenu à Guantanamo, de 2002 à 2005, demande en effet des réparations au gouvernement fédéral.
En octobre 2001, cet Australien d'origine égyptienne a été arrêté au Pakistan. Transféré en Egypte, puis à Guantanamo, il y est resté trois ans, pour ses liens supposés avec Al-Qaida. Début 2005, il est libéré sans qu'une inculpation ait été prononcée. De retour à Sydney, où vit sa famille, ce sans-emploi de 51 ans tente d'obtenir des indemnités pour ses années de détention et les tortures qu'il dit avoir subies. Au coeur de la procédure : sa certitude d'avoir été enlevé avec l'accord de l'Australie, qu'il accuse de complicité d'arrestation arbitraire et de torture.
Mamdouh Habib affirme avoir eu affaire depuis longtemps aux services de renseignement australiens. Au début des années 1990, ce père de quatre enfants rend visite à des membres de sa famille aux Etats-Unis. Il y est vu en compagnie d'extrémistes islamistes, qui seront plus tard inculpés dans l'attentat contre le World Trade Center (1993). L'Australian Security Intelligence Organisation (ASIO) commence alors à s'intéresser à lui. "Des agents m'ont demandé de leur fournir des renseignements sur ma communauté. J'ai refusé", raconte Mamdouh Habib.
En juillet 2001, dépressif et poussé, dit-il, par le "harcèlement de l'ASIO", il part au Pakistan. "Uniquement pour étudier les possibilités de s'y établir", affirme-t-il. C'est alors qu'il est arrêté, à bord d'un bus en direction de Karachi.
M. Habib dit avoir été détenu, dans un premier temps, à l'ambassade australienne à Islamabad, où il aurait rencontré un diplomate australien, Alistair Adams. L'affirmation revêt une grande importance pour la suite du procès.
TRANSFERT VERS L'EGYPTE
"Le gouvernement a déclaré jusqu'ici que M. Habib était détenu par les Pakistanais ou les Américains et qu'il n'avait rien à voir avec cela. Mais lorsqu'on se trouve à l'ambassade australienne, on est sur le territoire australien", commente son avocat, Peter Erman. Il ajoute : "Ils auraient pu tout simplement décider de le renvoyer en Australie." Une accusation rejetée par le gouvernement. "Le Commonwealth nie que M. Habib ait été détenu ou interrogé à l'ambassade à Islamabad. Il juge inapproprié de commenter davantage la question alors qu'elle est examinée à la Cour fédérale", répond, laconique, un porte-parole du ministère des affaires étrangères.
Mamdouh Habib est ensuite transféré en Egypte, son pays d'origine, où il dit avoir été torturé. Or, durant les six mois de détention de M. Habib en Egypte, Canberra soutient avoir ignoré où se trouvait son ressortissant.
Pourtant, l'ancien détenu raconte avoir été interrogé sur ses contacts en Australie, et s'être vu présenter des objets lui appartenant, venant de son foyer à Sydney. "Comment les Egyptiens pouvaient-ils avoir accès à cela, si les Australiens n'avaient pas coopéré ?", interroge-t-il. Sa femme, Maha, a reçu, début 2002, une lettre du ministère des affaires étrangères l'informant que son mari allait bien. "Le gouvernement aurait su comment il allait sans savoir où il était ?", réagit-elle. A l'appui du témoignage de M. Habib, la chaîne de télévision ABC a produit, en juin, des documents incriminant le gouvernement.
Un câble du ministère des affaires étrangères, daté du 19 novembre 2001, quelques semaines après l'arrestation de M. Habib, stipule ainsi qu'il a été transféré dans son pays d'origine. D'autres documents évoquent la présence d'agents de l'ASIO en Egypte. "L'ASIO sait que l'Egypte pratique la torture, elle ne pouvait ignorer que M. Habib serait torturé", accuse Peter Erman. Depuis son retour, traumatisé, Mamdouh Habib est suivi par un psychologue. Libre de se présenter aux élections locales, comme il l'a fait, sans succès, dans la banlieue d'Auburn, en mars, il ne peut plus quitter le pays, son passeport ayant été annulé. Le gouvernement a répété, début juillet, qu'il représentait toujours "un risque pour la sécurité" du pays.
Après un an et demi de procédure, les audiences préliminaires à la Cour fédérale ont commencé, mais la date du procès est sans cesse repoussée. "C'est inacceptable : le gouvernement repousse les délais. On n'a encore accès à aucun document", déplore Peter Erman. A ce rythme, l'audience pourrait se tenir dans seulement deux ans. Mamdouh Habib et son avocat réclament "2 millions de dollars australiens (près de 1,25 million d'euros) par année d'emprisonnement". "Au vu de ce que M. Habib a subi, ce ne serait pas trop", commente M. Erman.
En octobre 2001, cet Australien d'origine égyptienne a été arrêté au Pakistan. Transféré en Egypte, puis à Guantanamo, il y est resté trois ans, pour ses liens supposés avec Al-Qaida. Début 2005, il est libéré sans qu'une inculpation ait été prononcée. De retour à Sydney, où vit sa famille, ce sans-emploi de 51 ans tente d'obtenir des indemnités pour ses années de détention et les tortures qu'il dit avoir subies. Au coeur de la procédure : sa certitude d'avoir été enlevé avec l'accord de l'Australie, qu'il accuse de complicité d'arrestation arbitraire et de torture.
Mamdouh Habib affirme avoir eu affaire depuis longtemps aux services de renseignement australiens. Au début des années 1990, ce père de quatre enfants rend visite à des membres de sa famille aux Etats-Unis. Il y est vu en compagnie d'extrémistes islamistes, qui seront plus tard inculpés dans l'attentat contre le World Trade Center (1993). L'Australian Security Intelligence Organisation (ASIO) commence alors à s'intéresser à lui. "Des agents m'ont demandé de leur fournir des renseignements sur ma communauté. J'ai refusé", raconte Mamdouh Habib.
En juillet 2001, dépressif et poussé, dit-il, par le "harcèlement de l'ASIO", il part au Pakistan. "Uniquement pour étudier les possibilités de s'y établir", affirme-t-il. C'est alors qu'il est arrêté, à bord d'un bus en direction de Karachi.
M. Habib dit avoir été détenu, dans un premier temps, à l'ambassade australienne à Islamabad, où il aurait rencontré un diplomate australien, Alistair Adams. L'affirmation revêt une grande importance pour la suite du procès.
TRANSFERT VERS L'EGYPTE
"Le gouvernement a déclaré jusqu'ici que M. Habib était détenu par les Pakistanais ou les Américains et qu'il n'avait rien à voir avec cela. Mais lorsqu'on se trouve à l'ambassade australienne, on est sur le territoire australien", commente son avocat, Peter Erman. Il ajoute : "Ils auraient pu tout simplement décider de le renvoyer en Australie." Une accusation rejetée par le gouvernement. "Le Commonwealth nie que M. Habib ait été détenu ou interrogé à l'ambassade à Islamabad. Il juge inapproprié de commenter davantage la question alors qu'elle est examinée à la Cour fédérale", répond, laconique, un porte-parole du ministère des affaires étrangères.
Mamdouh Habib est ensuite transféré en Egypte, son pays d'origine, où il dit avoir été torturé. Or, durant les six mois de détention de M. Habib en Egypte, Canberra soutient avoir ignoré où se trouvait son ressortissant.
Pourtant, l'ancien détenu raconte avoir été interrogé sur ses contacts en Australie, et s'être vu présenter des objets lui appartenant, venant de son foyer à Sydney. "Comment les Egyptiens pouvaient-ils avoir accès à cela, si les Australiens n'avaient pas coopéré ?", interroge-t-il. Sa femme, Maha, a reçu, début 2002, une lettre du ministère des affaires étrangères l'informant que son mari allait bien. "Le gouvernement aurait su comment il allait sans savoir où il était ?", réagit-elle. A l'appui du témoignage de M. Habib, la chaîne de télévision ABC a produit, en juin, des documents incriminant le gouvernement.
Un câble du ministère des affaires étrangères, daté du 19 novembre 2001, quelques semaines après l'arrestation de M. Habib, stipule ainsi qu'il a été transféré dans son pays d'origine. D'autres documents évoquent la présence d'agents de l'ASIO en Egypte. "L'ASIO sait que l'Egypte pratique la torture, elle ne pouvait ignorer que M. Habib serait torturé", accuse Peter Erman. Depuis son retour, traumatisé, Mamdouh Habib est suivi par un psychologue. Libre de se présenter aux élections locales, comme il l'a fait, sans succès, dans la banlieue d'Auburn, en mars, il ne peut plus quitter le pays, son passeport ayant été annulé. Le gouvernement a répété, début juillet, qu'il représentait toujours "un risque pour la sécurité" du pays.
Après un an et demi de procédure, les audiences préliminaires à la Cour fédérale ont commencé, mais la date du procès est sans cesse repoussée. "C'est inacceptable : le gouvernement repousse les délais. On n'a encore accès à aucun document", déplore Peter Erman. A ce rythme, l'audience pourrait se tenir dans seulement deux ans. Mamdouh Habib et son avocat réclament "2 millions de dollars australiens (près de 1,25 million d'euros) par année d'emprisonnement". "Au vu de ce que M. Habib a subi, ce ne serait pas trop", commente M. Erman.
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