Par Mali Ilse Paquin, La Presse, 9 août 2007
Gordon Brown prouve une fois de plus qu'il ne sera pas le caniche de George Bush. (sic)
Son ministre des Affaires étrangères, David Miliband, a demandé mardi la libération de cinq résidents britanniques de Guantánamo à Condoleezza Rice. Une démarche que Tony Blair avait toujours balayée d'un revers de main.
Sous son règne, Downing Street avait seulement tenté de rapatrier neuf citoyens britanniques de la prison américaine. Et ce, malgré les pressions des familles des cinq résidents. Ils auraient tous reçu de mauvais traitements, selon leurs avocats.«Le gouvernement applaudit les pas faits par le gouvernement américain pour réduire le nombre de détenus à Guantánamo, et pour aboutir à la fermeture du centre de détention», a déclaré le ministère des Affaires étrangères britannique. Il a par contre précisé que les procédures pourraient prendre plusieurs mois.
Le cas de Jamil El Banna, d'origine jordanienne, avait été fortement médiatisé depuis deux ans. Il a été arrêté en 2002 avec son meilleur ami en Gambie lors d'un voyage d'affaires. L'agence de sécurité MI5 lui avait demandé peu avant de l'aider à espionner Abou Qatada, soupçonné d'être lié à Al-Qaeda. Le père de famille aurait refusé.La députée de la circonscription de la famille d'El Banna célébrait leur victoire à Londres hier. «C'est un soulagement énorme pour toute la famille, a dit Sarah Teather. La fille cadette de Jamil pourra enfin rencontrer son père pour la première fois.»
Geste symbolique
Sous Blair, Guantánamo n'était qu'une «anomalie». Les temps ont changé depuis son départ en juin.Plusieurs analystes interprètent cette volte-face comme une nouvelle preuve que Gordon Brown veut se distancier de George Bush. À leur rencontre à Camp David la semaine dernière, le premier ministre britannique avait pris soin de louanger la politique américaine de lutte contre le terrorisme sans mentionner le président lui-même.
«C'est un geste très symbolique, dit l'expert en sécurité internationale, Bob Ayers. Il envoie un message très clair. Les relations entre les États-Unis et la Grande-Bretagne seront différentes maintenant qu'il est aux commandes.»Gordon Brown est déjà en campagne électorale, selon l'analyste de l'institut Chatham House. «La rumeur veut qu'il déclenche des élections au printemps prochain, dit-il à La Presse. D'ici là, il prendra des décisions populaires auprès des électeurs, comme celles-ci.»La presse britannique a applaudi le premier ministre tout en rappelant la responsabilité morale de la Grande-Bretagne face à ces détenus.
Fermera? Fermera pas?
Selon le Financial Times, cette décision fait l'affaire de l'administration Bush. Elle cherche par tous les moyens à réduire le nombre de prisonniers à Guantánamo.Le centre de détention ne ferait plus l'unanimité dans l'entourage de Bush. Robert Gates, le secrétaire de la Défense, et Condoleezza Rice seraient favorables à sa fermeture. Le vice-président Dick Cheney et le procureur général Alberto Gonzalez s'y opposeraient.
Une chose est certaine pour Bob Ayers: Guantánamo ne disparaîtra pas demain. «Les pays d'origine des détenus, comme la Libye ou la Jordanie, ne veulent pas d'eux, explique-t-il. Les pays tiers, encore moins. Les États-Unis seront pris avec eux pour un bon moment.»
Les cinq détenus sont le Saoudien Chaker Aamer, le Jordanien Djamil el Banna, l'Algérien Abdennour Sameur, le Libyen Omar Deghayes et l'Ethiopien Binyam Mohamed.L'un des cinq est déjà libérable, mais il ne sera pas renvoyé dans son pays d'origine… de crainte qu'il n'y soit maltraité, a déclaré jeudi une responsable du Pentagone. Sans rire.
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