dimanche 8 juillet 2007

Les ramifications de l’Archipel de guantánamo en Afrique : Bizerte (Tunisie), Oualata (Mauritanie), Addis Abeba (Éthiopie)

Des installations de la CIA en Tunisie ?
Par
Sami Ben Gharbia, Global Voices, 26 juin 2007. Traduit par Claire Ulrich
Depuis sa cellule de prison à Bizerte (65km au nord de Tunis), le détenu tunisien Ramzi Bettibi
a réussi à faire sortir une lettre très inquiétante qui est parvenue jusqu’à Internet (traduite en français). Ramzi purge une peine de quatre ans de prison à Bizerte pour avoir copié sur un forum Internet qu’il modérait le communiqué d’un groupe menaçant le pays d’attentats terroristes si l’ex-Premier Ministre israélien Ariel Sharon assistait au Sommet Mondial de l’Information qui s’est tenu en Tunisie en 2005. Ramzi Bettibi a été arrêté le 15 Mars 2005 dans le café Internet où il travaillait. En prison, il est fréquemment soumis à la torture, moyen par lequel les autorités tentent de le faire collaborer avec les services de sécurité de l’état. “Bettibi devrait être libéré car le gouvernement n’a jamais prouvé qu’il avait des intentions criminelles ou qu’il incitait à la violence” a dit Sara Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Human Rights Watch dans un communiqué publié l’an dernier. “Dans ces conditions, couper et coller un texte sur Internet ne devrait pas être considéré comme un délit” a-t-elle ajouté.
Dans sa lettre, Ramzi décrit une prison secrète près de la ville de Bizerte, où il a été interrogé par la CIA et des agents parlant français sur ses liens supposés avec des groupes irakiens djihadistes et sur
ses activités sur internet. Selon la lettre, les prisonniers sont interrogés et détenus dans des containeurs dans un lieu secret, à quinze minutes en voiture de Bizerte.
Depuis la fermeture des prisons secrètes de la CIA en Pologne et Roumanie, suite aux révélations du
Washington Post et d’autres médias, des rumeurs ont circulé selon lesquelles les prisonniers auraient été transférés dans d’autres prisons de la CIA quelque part en Afrique du Nord. Mais cette lettre d’un témoin oculaire (même si personne ne peut confirmer ou infirmer que Ramzi Bettibi est l’auteur de cette lettre), semble offrir la première “preuve” concrète de l’existence de ces installations en Tunisie. Elle décrit aussi la localisation possible de la prison et les identités de certains prisonniers qui sont interrogés et détenus clandestinement. De façon surprenante, la lettre a été écrite le 9 juin 2007, seulement un jour après la publication du second rapport sur les “détentions secrètes et transferts illégaux de détenus impliquant des membres du conseil de l’Europe”, adopté par le comité du Conseil de l’Europe sur les affaires juridiques et les droits de l’Homme.
هذا بلاغ من داخل السجن المدني ببنزرت ودعوة لانقاذي من خطر يهدد سلامتي. لقد نقلت في نهاية شهر أفريل الماضي إلى معتقل يوجد على بعد ربع ساعة تقريبا عن السجن المدني ببنزرت. كانت المفاجأة مذهلة إذ وجدت نفسي في معتقل سري للمخابرات الأمريكية يسجن فيه أشخاص داخل حاويات
Ceci est un message envoyé depuis la prison civile de Bizerte et un SOS face au péril qui menace mon intégrité. A la fin du mois d’avril, j’ai été conduit dans une prison qui se trouve à un quart d’heure environ de la prison civile de Bizerte. J’ai été terriblement surpris de me retrouver dans une prison secrète relevant du renseignement américain où des personnes se trouvaient enfermées dans des containeurs.
وقد حقق معي هناك شخص يستعمل اللغة الفرنسية عن علاقتي بالجماعات الجهادية في العراقية عبر الانترنت وقد ذكرت له ان معلوماته غالطة وانا سجين رأي تحدثت عني منظمات عالمية منها هيومن رايتس ووتش والعفو الدولية. وقد تفاجأ الأمريكي بذلك وصاح في الاعوان التونسيين. وقد اعتدوا علي بالعنف وهددوني بتلفيق محاولة فرار لي من السجن أو نقلي إلى السجن السري في صورة ابلاغ عائلتي بما رأيت.
Une personne parlant le français a mené une investigation sur mes rapports avec les groupes jihadistes en Irak, par le biais du net. Je lui ai fait remarquer que ses informations étaient erronées, que j’étais un prisonnier d’opinion, que des organisations internationales comme Human Rights Watch ou Amnesty International avaient parlé de moi. L’Américain a été surpris et a interpellé les agents tunisiens. Ceux-ci m’ont violemment agressé et m’ont menacé de monter une affaire de tentative d’évasion de la prison ou de me transférer dans la prison secrète si j’informais ma famille de ce que j’avais vu.

ولم يتوقف الأمر عند ذلك فقد عادوا إليّ بعد أسبوعين من ذلك داخل زنزانتي بعد ان قيدني اعوان من امن الدولة وسألني ضابط أمريكي كان معهم عن دوري في مؤسسة “سحاب” الذراع الاعلامي لتنظيم القاعدة كما سألني عن موقع شبكة الاخلاص ومنتدى الانصار. وقد خيروني بين وثيقتين واحدة تتضمن شهادة وفاتي وواحدة شهادة سراح. كما هددوني بإيذاء شقيقي .
L’affaire ne s’est pas arrêtée là. Deux semaines plus tard, ils sont revenus me voir dans mon cachot et après que des agents de la Sûreté de l’Etat m’aient attaché, j’ai été interrogé par un officier américain qui les accompagnait sur mon rôle dans (…) la cellule de l’information de l’organisation Al-Qaida. Il m’a aussi questionné sur le site du réseau des Akhlas et sur le forum d’Al Ansar. Ils m’ont laissé le choix entre deux documents, mon certificat de décès et mon papier de libération.
أنا لم أعد احتمل ما يحصل لي مرة يعتدي علي اعوان امن الدولة وهذه المرة وصل الامر إلى أعوان المخابرات الأمريكية والسجون السرية

اللهم اشهد انّ مصيري في خطر انقذوا المعتقلين في ذلك السجن الامريكي لقد سمعت أن منهم السعودي سعيد الغامدي والتونسي ابو عمر التونسي…

ابحثوا عن هذا السجن إنه لايبعد كثيرا عن بنزرت وربما هو في ثكنة عسكرية حسب ما فهمت من المكان.
Je ne puis plus longtemps supporter ce qui m’arrive. Après les agents [tunisiens] de la sûreté d’Etat, c’est le tour des agents de la CIA et des détentions secrètes.
Oh Dieu, soit témoin que ma vie est en grand danger. Sauve les autre détenus dans cette prison américaine. J’ai entendu parler d’un détenu saoudien nommé Saïd Al-ghamdi, et d’un autre détenu tunisien appelé Abou Omar Al-tunisi.
Cherchez cette prison. Elle n’est pas loin de Bizerte. J’ai compris qu’elle est peut-être située dans des baraquements (casernes) militaires.
Selon un rapport précédent, publié par le
International Association for the Support of Political Prisoners (AISPP), Ramzi Bettibi a entamé une nouvelle grève de la faim le 18 janvier 2007 pour protester contre les mauvais traitements et abus subis en prison. Dans un communiqué publié sur Internet le 12 mars 2007, le Conseil National pour les Libertés en Tunisie (CNLT) a décrit la façon dont il a été torturé.
Le 23 février 2007,
Ramzi Bettibi, le prisonnier du net, a été soumis à la violence extrême de 3 officiers en civil dans la prison de Bizerte, qui se sont présentés comme la brigade de la Sûreté de l’Etat. Ils lui ont attaché les bras et les jambes à une chaise et ont voulu lui faire ingurgiter du lait de force pour qu’il cesse sa grève de la faim commencée en protestation contre des violences perpétrées à son encontre antérieurement. Une des ses dents a été cassée.
C’est la cinquième fois en l’espace de quelques mois que Ramzi Bettibi subit des séances de torture en prison visant à le faire collaborer avec les services de la Sûreté de l’Etat.
Source :
http://fr.globalvoicesonline.org/2007/06/26/189/

La Mauritanie dément l'existence sur son sol d'un "Guantanamo Oualata"
L'information fait grand bruit en Mauritanie, pays musulman allié des États-Unis : les Américains auraient implanté en 2005 dans ce pays saharien un centre de détention secret utilisé dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. L'information a été publiée le 25 juin en quelques lignes à la fin d'un long article du magazine The New Yorker où le général américain Antonio Taguba, chargé de l'enquête sur les sévices infligés à la prison irakienne d'Abou Ghraib, met en cause les méthodes utilisées par l'administration Bush contre le terrorisme.
"J'ai été informé par (un) ancien haut responsable du renseignement et un consultant du gouvernement, écrit le journaliste Seymour Hersh, célèbre pour avoir révélé le scandale de la prison d'Abou Ghraib, qu'après la révélation de l'existence des prisons secrètes de la CIA en Europe, par le Washington Post à la fin de 2005, l'administration a répliqué en ouvrant un nouveau centre de détention en Mauritanie." L'article précise qu'à cette époque, après l'avènement en Mauritanie d'un "nouveau gouvernement ami des États-Unis" consécutif au coup d'Etat pacifique d'août 2005, " il était beaucoup plus facile pour les services de renseignement de cacher des vols secrets à cet endroit".
A Nouakchott, l'Union des forces de progrès, parti d'opposition, a interpellé le gouvernement en réclamant l'ouverture d'une enquête sur "les prisons secrètes américaines en Mauritanie". L'hebdomadaire Le Calame affirme que le centre de détention de Oualata regroupe 39 présumés terroristes et que les soldats américains entrent en Mauritanie sans visa.
"UN PAYS DE DROIT"
Sous le titre "Guantanamo Oualata", le journal affirme que les informations du New Yorker viennent "corroborer les informations (...) selon lesquelles, depuis fin 2005, un mouvement de troupes était visible dans la zone de Oualata et de son fort (...) strictement gardé à près d'un kilomètre à la ronde". Situé à 800 km à l'est de Nouakchott, le fort de Oualata, édifié par les Français à l'époque coloniale, est tristement célèbre en Mauritanie pour avoir abrité à la fin des années 1980 une prison-mouroir pour les Négro-Africains opposants au régime d'alors, dominé par les Maures.
Cette succession de "révélations" a conduit les autorités mauritaniennes à publier un communiqué de total démenti. " La Mauritanie est un pays de droit qui respecte les conventions internationales et ne pourra jamais accepter l'existence d'un tel centre sur son sol", a affirmé le porte-parole du gouvernement de Nouakchott. "Il n'y a pas de centre de détention américain sur le territoire mauritanien, a répété le ministère des affaires étrangères. La Mauritanie (...) n'est pas liée aux États-Unis par une convention de cette nature".
Source : Philippe Bernard, Le Monde, 5 juillet 2007

Un forum kényan des droits de l'homme dénonce la déportation de Somaliens
Une association musulmane kényane de défense des droits de l'homme a accusé vendredi le Kenya d'avoir arrêté puis déporté illégalement vers la Somalie et l'Éthiopie 152 personnes ayant fui les combats en Somalie et soupçonnées de liens avec les tribunaux islamiques somaliens.
Quelque 152 personnes de 18 nationalités, y compris britannique, américaine, canadienne et suédoise, ont fini emprisonnées en Éthiopie et l'une d'elles, Abdul Malik, a été transférée sur la base navale américaine de Guantanamo à Cuba, selon le Forum musulman des droits de l'homme (MHRF).
Selon l'association, ces personnes ont été arrêtées entre janvier et février, après la traversée de la frontière somalo-kényane, peu après la mise en déroute, par les troupes éthiopiennes et gouvernementales somaliennes, des islamistes qui contrôlaient la majeure partie du sud et du centre de la Somalie.
Ces derniers, accusés par Washington d'abriter des agents d'Al-Qaïda, s'étaient réfugiés dans l'extrême sud du pays, non loin de la frontière kényane.
"Il y a une chappe de plomb sur ce dossier. Nous voulons que ce commerce sordide soit révélé", a déclaré le président du MHRF Ali-Amin Kimathi, lors d'une conférence de presse.
Dans son rapport intitulé "La corne de l'horreur", l'organisation se dit "préoccupée par des informations sur des cas de tortures lors des interrogatoires, sur le manque d'accès à des avocats, des représentants consulaires ou des observateurs internationaux".
Le gouvernement kényan n'a jamais confirmé ces déportations mais des sources officielles ayant requis l'anonymat confirment que des groupes de suspects ont été transférés de nuit par avion à Mogadiscio.
Le MHRF accuse également le FBI et les services secrets éthiopiens d'avoir torturé certains de ces suspects sur des bases secrètes en territoire éthiopien.
Fin mars, l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) avait dénoncé en des termes similaires l'existence d'un programme international de détentions au secret de Somaliens, soupçonnés de liens avec les islamistes radicaux.
"Le Kenya, l'Éthiopie, les États-Unis et le gouvernement de transition somalien ont coopéré dans ce programme", affirmait HRW.
HRW faisait également état de l'arrestation d'au moins 150 personnes de 18 nationalités différentes au Kenya dont au moins 85 auraient été renvoyées en Éthiopie.
Source : AFP, 6 juillet 2007
Commentaire de Chronique de Guantánamo : l’Agence France-Presse n’est pas très bien informée. Cette affaire est archi-connue et a été documentée par les rapports de Reprieve et cageprisoners, dont le dernier a été traduit par nos soins (Pris dans la nasse)

Aucun commentaire: