Un lieutenant-colonel de l'armée américaine, officier de réserve du renseignement depuis 35 ans, a dénoncé la procédure administrative sur le statut des détenus de Guantanamo, dans un document de justice rendu public vendredi.
Les avocats de dizaines de détenus ont déposé ce témoignage vendredi devant la Cour suprême dans une ultime tentative pour maintenir en vie la procédure entamée il y a des années pour dénoncer leur détention sans inculpation. La cour d'appel de Washington a déjà rejeté leur recours et la Cour suprême a refusé en avril d'examiner l'affaire.
La Cour suprême a estimé que les détenus devaient d'abord épuiser leurs recours contre la procédure mis en place par l'administration Bush pour valider ou pas leur statut de "combattants ennemis", qui justifie leur détention.
Vendredi, les avocats ont demandé à la Cour suprême de maintenir les arrangements qui jusque là leur garantissent d'avoir accès à leurs clients et aux documents de procédure. La Cour peut le faire soit en suspendant sa décision quelques mois, soit en reconnaissant dès à présent que la procédure administrative est invalide.
Cette seconde proposition est appuyée par le témoignage du lieutenant-colonel Stephen Abraham, qui a travaillé de septembre 2004 à mars 2005 au bureau des Commissions de révision du statut (CSRT) à Guantanamo, comme agent de liaison avec les services de renseignement et comme juge.
Selon M. Abraham, les éléments présentés lors de ces commissions sont très généraux, retirés de leur contexte, ambigus... Et si le statut d'un détenu n'est pas confirmé, la réaction des supérieurs des juges est: "Qu'est-ce qui n'a pas marché?".
Devant une CSRT, le détenu comparaît menotté et sans avocat face à trois juges militaires. Un rapporteur doit présenter les témoins et documents à charge qui lui semblent pertinents, ainsi que tous les éventuels éléments à décharge.
Selon M. Abraham, qui exerce dans le civil dans un cabinet d'avocats en Californie, les rapporteurs "étaient en général des officiers relativement jeunes, peu formés ou expérimentés".Surtout, les diverses agences avec lesquelles M. Abraham a été en relation en sa qualité d'officier de liaison avaient déjà fait un tri dans ce qu'elles envoyaient aux rapporteurs: elles ont par exemple refusé de lui confirmer par écrit qu'elles ne disposaient pas d'éléments à décharge.
Un jour, le lieutenant-colonel Abraham a été désigné juge d'une CSRT en compagnie de deux officiers de l'armée de l'air: "Dans ce qui nous a été présenté comme un exposé précis des faits, il n'y avait même pas la plus infime trace d'une preuve objectivement crédible".Les trois juges n'ont pas confirmé le statut du détenu, autorisant de fait sa libération. Leur supérieur les a forcés à refaire une audience, mais ils n'ont pas changé d'avis. M. Abraham n'a plus jamais été désigné juge.
Source : AFP, 23 juin 2007
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