jeudi 21 juin 2007

ABOU GHRAIB : Vous n'avez pas encore tout vu

Le webzine Salon a obtenu d'une source militaire l'ensemble des photos et vidéos recueillies par les enquêteurs de l'armée américaine sur les sévices subis par les détenus irakiens de la prison d'Abou Ghraib. La prison sera bientôt fermée, mais le dossier Abou Ghraib est loin d'être clos.

"279 photos et 19 vidéos découvertes au cours de l'enquête interne de l'armée américaine témoignent de trois mois de tortures cruelles dans les murs de la tristement célèbre prison d'Abou Ghraib et prouvent que beaucoup de responsables doivent encore répondre de leurs actes", dénonce le webzine américain
Salon, qui affirme s'être procuré la totalité des photos existantes sur les mauvais traitements infligés par les soldats américains aux détenus de la prison irakienne (voir quelques exemples ci-contre). Le magazine en ligne rappelle que le scandale avait été révélé en mai 2004 par la chaîne de télévision américaine CBS et par le magazine The New Yorker. Depuis, certaines photos ont fait le tour du monde. Une télévision australienne a récemment rendu publiques de nouvelles images de sévices, encore plus choquantes que celles déjà connues. Mais jamais encore l'ensemble des documents n'avait été publié. Salon a décidé de présenter chronologiquement, du 17 octobre au 30 décembre 2003, ce que le webzine considère être la totalité des fichiers existants sur ces événements. "La plupart des photos ont déjà été vues, mais l'analyse de l'armée elle-même sur ces photos n'était pas entièrement connue. C'est un compte rendu choquant, au jour le jour, à l'intérieur du quartier 1A de la prison, et ces photos compilent l'histoire détaillée des tortures constantes dont faisaient l'objet les prisonniers. Les archives légendées fournissent aussi de nouvelles informations sur le rôle de la CIA, des renseignements militaires et de la commission d'enquête de l'armée elle-même", affirme Salon pour justifier la publication de ces documents, obtenus grâce à une source militaire proche du dossier. "Notre but est le même qu'il y a un mois, lorsque nous diffusions un petit nombre de photos encore inconnues. Comme nous l'écrivions alors, Abou Ghraib symbolise 'l'échec de la société démocratique à enquêter sur les abus commis par ses propres soldats'. Les documents ont été généralement publiés dans la presse sans informations contextuelles ou descriptives. Pendant ce temps, les autorités de Washington n'ont pas réagi aux conclusions inquiétantes des rapports du Pentagone. Nous pensons que ces archives de l'armée appartiennent au public en tant que documentation pour mener l'enquête et déterminer les responsabilités", affirme Salon.


En effet, seuls quelques coupables subalternes ont été identifiés et jugés. "Une fois de plus, des images horribles, inconcevables, insupportables nous stupéfient. Une fois de plus, ce sont des images – inconnues jusqu'ici – de la sinistre prison des tortures d'Abou Ghraib, près de Bagdad", réagit le magazine allemand Der Spiegel. En publiant ces archives, le webzine Salon permet de mesurer "dans toutes ses dimensions la catastrophe morale de la superpuissance américaine", estime-t-il. De son côté, le quotidien italien La Repubblica rappelle qu'"au moment où est publié en ligne le premier dossier complet sur les tortures à la prison d'Abou Ghraib George W. Bush injurie les droits de l'homme à l'ONU". En effet, la présentation de ces photos coïncide avec le non américain au nouveau Conseil des droits de l'homme. "Les Etats-Unis souhaitaient former un club restreint de 'champions des droits de l'homme', dont ils feraient bien sûr partie et qui exclurait, grâce à des critères rigoureux et à la barrière de deux tiers des voix à l'Assemblée, les Etats candidats peu respectueux du droit", explique le quotidien suisse Le Temps.


Parallèlement, The Washington Post rapporte le témoignage d'un officier supérieur de l'armée américaine, le colonel Thomas M. Pappas, qui vient d'admettre devant une cour martiale qu'il avait autorisé l'utilisation de chiens lors des interrogatoires de détenus de la prison d'Abou Ghraib. Il a reconnu ainsi avoir fourni à ses subordonnés un moyen pour terroriser les détenus, alors que cela ne fait pas partie des techniques traditionnelles d'interrogatoire, et cela sans consulter ses supérieurs. "L'administration Bush, qui a annoncé le 10 mars dernier son intention de fermer la prison et de transférer les détenus vers d'autres sites, veut faire croire au monde que la question des tortues est réglée et qu'il est temps d'avancer. Mais les questions sur ce qui s'est passé là-bas et sur ceux qui en étaient responsables ne cesseront pas avec la fermeture d'Abou Ghraib", assure Salon.


"Cette série d'images d'Abou Ghraib est seulement un exemple des tactiques utilisées systématiquement par les Etats-Unis dans leur guerre contre le terrorisme. Il existe de nombreux témoignages de torture, d'abus et autres pratiques qui violent les règles internationales, comme la détention de prisonniers sans inculpation à Guantanamo Bay et dans d'autres prisons secrètes aux Etats-Unis et dans le monde, comme le transfèrement de prisonniers vers des pays où ils seront torturés, comme la violation constante des droits de l'homme dans les prisons irakiennes. Abou Ghraib à l'automne 2003 était un enfer, c'est certain, mais les tortures perpétrées là-bas ne sont exceptionnelles que dans un sens : elles ont été photographiées et filmées", conclut Salon.

Hamdam Mostafavi

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