vendredi 14 décembre 2007

Les soupçons justifiés de Martin Scheinin

Un enquêteur de l'Onu a indiqué qu'il soupçonnait fortement la CIA de recourir à la torture contre des terroristes présumés à Guantanamo, en laissant entendre que beaucoup ne faisaient pas l'objet de poursuites pour que ces abus n'émergent pas lors d'un procès.
Lors d'une visite au camp d'internement américain de Cuba, Martin Scheinin, rapporteur spécial de l'Onu pour la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme, a assisté la semaine dernière à une audience préliminaire de Salim Ahmed Hamdan, ex-chauffeur d'Oussama ben Laden.
Il a dit que des responsables américains l'avaient informé que sur environ 300 détenus actuellement à Guantanamo, 80 devraient faire l'objet de procès militaires pour crimes présumés et que 80 autres étaient libérables.
Aucune décision n'a été prise pour les 150 autres, parmi lesquels figurent des prisonniers "de choix" dont certains sont détenus sans jugement depuis six ans, a-t-il poursuivi.
"On ne peut pas présenter d'éléments de preuve suffisants, même à une commission militaire présidée par un juge militaire. Cela tient en partie à ce qu'il n'y a peut-être pas de preuves, en partie au fait que le risque de voir soulever des questions relatives à la torture est trop élevé", a déclaré Sheinin lors d'un point de presse.
TECHNIQUES D'INTERROGATOIRE
"Les faire comparaître en justice attirerait l'attention du tribunal sur les méthodes par lesquelles on a obtenu des éléments de preuve, notamment des aveux. Cela vient donc renforcer la conclusion que la CIA ou d'autres ont été impliqués dans des méthodes d'interrogatoire qui sont incompatibles avec le droit international", a-t-il ajouté.
Les autorités américaines assurent ne pas autoriser la torture, mais le président George Bush a refusé de révéler quels modes d'interrogatoire étaient pratiqués à Guantanamo et ailleurs.
Au total, 800 personnes ont été internées à la prison de Guantanamo depuis son ouverture en janvier 2002, a dit Scheinin. La Maison blanche fait valoir que la base est située hors du territoire américain et que les dispositifs de protection constitutionnels ne s'y appliquent pas.
Sheinin, professeur de droit finlandais, a déclaré mercredi au Conseil des droits de l'homme de l'Onu que sa visite avait conforté ses inquiétudes quant à l'impartialité des procédures judiciaires qui s'y déroulent. La délégation américaine a rejeté ses propos en les jugeant pour partie "fallacieux" et consistant à reprendre de vieilles critiques infondées.
L'audience de Hamran visait à déterminer s'il s'agissait d'un "ennemi combattant" susceptible d'être inculpé de crimes de guerre devant un tribunal militaire américain. Il a reconnu avoir travaillé pour Ben Laden mais démenti appartenir au réseau Al Qaïda ou avoir été impliqué dans des attentats.
Source : Reuters, Version française Philippe Bas-Rabérin L'Express, 13 décembre 2007

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