vendredi 21 décembre 2007

Jamil Al Banna et Omar Deghayes n'ont pas encore vu le bout du tunnel : le juge Garzón frappe encore

L'Espagne demande l'extradition de deux ex-détenus de Guantanamo
par Mark Trevelyan, Reuters, version française de Natacha Crnjanski pour Le Monde, 20 décembre 2007

L'Espagne demande l'extradition de deux Arabes pour leurs liens présumés avec Al Qaïda au lendemain de leur libération sans inculpation du camp de détention de Guantanamo et de leur transfert en Grande-Bretagne.
La police britannique a dit avoir délivré des mandats d'arrêt européens contre le Jordanien Djamil el Banna et le Libyen Omar Deghayes, deux résidents britanniques recherchés en Espagne pour des faits liés au terrorisme.
Les avocats des deux hommes ont rejeté les allégations "délirantes" et "moisies" formulées par les autorités espagnoles et ont reproché à ces dernières de n'avoir pas demandé plutôt leur extradition aux États-Unis alors qu'ils se trouvaient dans le camp de Guantanamo, à Cuba.
Banna, âgé de 45 ans mais plus âgé d'apparence, avec ses cheveux gris et une barbe qui lui arrive à la poitrine, s'est vu accorder une libération sous caution - contre 50.000 livres, soit environ 70.000 euros - jusqu'à l'audience fixée au 9 janvier pour décider de la réponse à donner à la demande d'extradition. Il devra porter un bracelet électronique et sera soumis à un couvre-feu nocturne.
"Je veux aller chez moi. Je (veux) voir mes enfants", a dit ce père de cinq enfants, arrêté en Gambie, pays d'Afrique occidentale, en 2002. Il a ensuite retrouvé, non sans émotion, sa famille. Il n'avait jamais vu sa plus jeune fille, Mariam.
Melanie Cumberland, une avocate représentant les autorités espagnoles, a dit que Banna était accusé d'avoir appartenu à une cellule d'Al Qaïda appelée l'Alliance islamique à Madrid entre juin 1996 et juillet 2001.
Elle a plaidé sans succès contre sa demande de libération sous caution, affirmant que ses années de détention à Guantanamo l'avaient peut-être rendu plus radical et le rendaient plus susceptible de commettre un délit ou de prendre la fuite.
ERREUR D'IDENTITÉ
"Cet accusé pourrait sans trop de difficultés entrer en contact avec d'autres membres d'Al Qaïda pour obtenir de faux papiers afin de faciliter sa fuite pour échapper à la procédure", a-t-elle dit.
L'avocat de Banna, Edward Fitzgerald, a dit pour sa part qu'il n'avait qu'un souhait, à savoir rester avec sa famille. "Quelle raison pourrait bien avoir cet homme de quitter le pays, alors qu'il s'est battu pour y revenir ?"
Les avocats de Banna affirment qu'il n'est jamais allé en Espagne et que les éléments retenus contre lui étaient basés sur "quelques coups de fils qu'il a passés" à des gens vivant dans ce pays.
Selon eux, des enquêtes fouillées menées par les autorités américaines de Guantanamo ont conclu au fait qu'il ne représentait pas une menace pour les États-Unis et leurs alliés, et les autorités britanniques elles-mêmes l'ont reconnu dans des documents judiciaires.
Selon Clive Stafford Smith, président de l'ONG juridique Reprieve, le dossier monté par l'Espagne contre le deuxième ex-détenu de Guantanamo, Deghayes, est basé sur une confusion entre deux personnes. Il affirme que Deghayes a été identifié à tort comme un combattant tchétchène dans une vidéo où l'on voit, en réalité, quelqu'un d'autre.
Deghayes, 37 ans, a été arrêté au Pakistan après l'invasion en 2001 de l'Afghanistan par des forces sous commandement américain. Il a lui obtenu la libération sous caution jeudi, sous les mêmes contraintes que Banna.
L'Espagne a réclamé l'extradition des deux hommes en vertu d'un acte d'inculpation émis en 2003 par le juge Baltasar Garzón à l'encontre de 35 membres présumés d'Al Qaïda dont le chef de l'organisation, Oussama ben Laden.
Les États-Unis ont accepté de libérer Banna, Deghayes et un autre résident britannique, l'Algérien Abdennour Sameur, après des pressions exercées pendant des mois par le gouvernement britannique. Les trois hommes sont rentrés en Grande-Bretagne mercredi. Sameur a été libéré sans être inculpé.
Washington n'a pas expliqué pourquoi il avait décidé d'accéder à la demande britannique de libération de ces trois hommes. Les États-Unis ont été vivement critiqués pour leur système de détention à Guantanamo.

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