lundi 7 mai 2007

George Tenet : "Nous ne torturons personne, OK ?"

Sur 505 pages, George Tenet n'en consacre que trois à ce qui restera au centre de son bilan : la détention de suspects d'Al Qaida dans des prisons secrètes et l'usage de techniques d'interrogatoire dites "améliorées". Il refuse d'employer le mot torture, tout en reconnaissant que le programme mis en place a fait entrer les Etats-Unis "sur un nouveau terrain, sur le plan moral et légal". Dans les interviews de promotion du livre, il a en revanche été longuement interrogé sur le sujet, notamment par Scott Pelley dans l'émission "Sixty Minutes" de CBS. "L'image qu'on nous a collée, c'est que nous nous sommes assis autour d'un feu de camp et nous nous sommes dit : "Allez, maintenant nous allons torturer les gens". Mais le fait est que nous ne torturons personne. Laissez-moi vous répéter cela : nous ne torturons personne, OK ?" "Allons, George !", dit Scott Pelley, d'un ton incrédule. "Nous ne torturons personne", répète M. Tenet.
Le journaliste lance le nom du maître d'oeuvre présumé des attaques du 11 septembre 2001, Khaled Cheikh Mohammed, transféré à Guantánamo en septembre 2006 après avoir été détenu quatre ans dans un endroit secret. "Nous ne torturons personne", répète M. Tenet. "Waterboarding ?" (le "sous-marin", technique qui consiste à faire croire au prisonnier qu'il se noie), insiste le journaliste. Selon la presse, le Pakistanais est l'un de ceux qui ont subi ce simulacre de noyade. "Nous ne..., commence M. Tenet. Je ne parle pas de techniques." "C'est de la torture", remarque le journaliste.
"Maintenant, écoutez, s'impatiente M. Tenet. Le contexte est celui de l'après-11-Septembre. J'ai des rapports qui font état d'armes nucléaires dans New York, des immeubles qui vont sauter, des avions qui vont s'écraser sur les aéroports. Des scénarios que je ne connais pas. Et je me bats pour découvrir où la prochaine catastrophe va arriver. Tout le monde oublie le contexte : la peur palpable que nous avons ressentie sur la base du fait qu'il y avait tant de choses que nous ignorions. Je sais que ce programme a sauvé des vies. Je sais qu'il a perturbé des plans." "Ce que vous dites, c'est qu'il y a des gens qu'il est nécessaire de torturer", conclut le journaliste. "Non, je n'ai pas dit cela, je n'ai pas dit cela", dément M. Tenet.
Selon Human Rights Watch, une centaine de "détenus de haute importance" sont passés par des prisons secrètes. La semaine dernière, les autorités ont reconnu que le programme était toujours en activité. Le Pentagone a annoncé qu'un Irakien accusé d'avoir été un responsable d'Al-Qaida en Afghanistan, Abd Al Hadi Al Iraqi, avait été transféré à Guantánamo après avoir été détenu par la CIA dans un lieu tenu secret.
Source : Corine Lesnes, Le Monde, 2 mai 2007

Aucun commentaire: