jeudi 31 mai 2007
Ils appellent ça un suicide
Imperial business as usual : un mort à Guantánamo
Detainee death at Guantanamo - Posted On: May 30 2007 7:00PM
MIAMI –Joint Task Force - Guantanamo announced that a Saudi Arabian detainee died of an apparent suicide early this afternoon.
The detainee was found unresponsive and not breathing in his cell by guards. The detainee was pronounced dead by a physician after all lifesaving measures had been exhausted.
The remains of the deceased detainee are being treated with the utmost respect. A cultural advisor is assisting the Joint Task Force to ensure that the remains are handled in a culturally sensitive and religiously appropriate manner.
The Naval Criminal Investigative Service has initiated an investigation of the incident to determine the circumstances surrounding the death.
Additional information will be provided as details become available.
The mission of detention and interrogation at Guantanamo continues. This mission is vital to the security of our nation and our allies and is being carried out professionally and humanely by the men and women of Joint Task Force Guantanamo.
Omar Khadr renvoie son avocat mliitaire
Le lieutenant-colonel Colby Vokey a confirmé qu'il n'était plus l'avocat de Khadr. Le militaire dit ne pas être surpris de la décision de son ancien client. Il a confié au Toronto Star comprendre qu'après tout ce que le prisonnier a vécu, ce dernier ne fasse pas confiance aux avocats américains, «particulièrement ceux en uniforme». Le jeune homme de 20 ans se retrouve ainsi sans défense à l'approche de son procès. Il doit se présenter en cour la semaine prochaine, mais ses avocats canadiens, Dennis Edney et Nate Whitling, ne pourront être présents, pas plus que ses deux avocats américains au civil.
Mohamed Benmoujane acquitté
Benmoujane avait été condamné en novembre dernier en 1ère instance à 10 ans de prison ferme par la Chambre criminelle du 1er degré près la même Cour .
Agé de 19 ans, il avait été arrêté par l'armée américaine en Afghanistan en 2002 et accusé d'appartenance au réseau Al-Qaida. Il avait été remis l'année dernière au Maroc par les autorités américaines.
Benmoujane était poursuivi pour "appartenance à une bande criminelle dans le but de préparer et de commettre des actes terroristes" et "non- dénonciation de crimes portant atteinte à la sûreté de l'Etat". Son avocat, Me Mohammed Hilal, s'est félicité, dans une déclaration , de ce verdict prononcé au profit de son client, ce qui prouve que "la justice marocaine est indépendante et capable de rendre un tel jugement".
Il a qualifié la décision de la Cour de "courageuse" et de nature à "enrichir la loi marocaine relative à la lutte contre le terrorisme".
Source : http://www.menara.ma/infos/includes/detail.asp?lmodule=Maroc&article_id=7660
Face à la barbarie sioniste : ils résistent
M. Abdel Nasir Ferwana, directeur du département des statistiques du ministère palestinien aux affaires des prisonniers, a présenté son dernier rapport sur la situation des prisonniers palestiniens et arabes.
Il a réaffirmé la nécessité de se mobiliser pour la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers, comme préalable à toute trêve avec l'occupation, insistant sur le fait que les prisonniers ont été très durement touchés lors des affrontements fratricides qui ont eu lieu à Gaza. Il a réclamé des autorités palestiniennes la mise en place d'une campagne internationale pour la libération des prisonniers palestiniens et arabes.
La récente étude du département montre que:
700.000 Palestiniens ont été arrêtés depuis 1967, ce qui représente le quart de la population palestinienne de la Cisjordanie, d'al-Quds et de la bande de Gaza, occupés dès cette période.
Près de 60.000 Palestiniens ont été arrêtés au cours de l'Intifada al-Aqsa, soit depuis septembre 2000.
Le nombre de prisonniers actuels détenus dans les prisons israéliennes s'élève à 10.500 prisonniers, répartis entre :
8938 prisonniers de la Cisjordanie, soit 85,1%,
840 prisonniers de la bande de Gaza, soit 8%,
520 prisonniers de la ville d'al-Quds soit 5%
140 prisonniers de la Palestine 48 soit 1,3% et près de 62 prisonniers arabes.
Ces prisonniers sont répartis sur 30 prisons et centres de détention.
365 prisonniers sont détenus depuis plus de 10 ans, soit avant les accords d'Oslo, dont 144 de Cisjordanie, le plus ancien étant le prisonnier Saïd Atabeh -56 ans- et détenu depuis le 29 juillet 1977,
et 139 prisonniers de la bande de Gaza, le plus ancien étant Salim Kayyal - 55 ans - détenu dpuis le 30 mai 1983.
51 prisonniers parmi les plus anciens sont de la ville d'al-Quds, le plus ancien étant Fuad Razim, détenu depuis le 30 janvier 1981, et 22 anciens prisonniers de la Palestine occupée en 1948, le plus ancien et le plus âgé étant Sami Khalid Yunis, marié et détenu depuis l 15 janvier 1983. Il est actuellement âgé de plus de 70 ans,
Et parmi les plus anciens, figurent 9 prisonniers arabes, le plus ancien étant le prisonnier Samir Kintar, détenu depuis le 22 avril 1979.
La plupart des prisonniers furent arrêtés pendant l'Intifada al-Aqsa, sauf 551 prisonniers qui étaient déjà détenus et qui le sont toujours.
Enfants détenus
Près de 6000 enfants ont été détenus depuis le début de l'Intifada al-Aqsa, 310 sont toujours en détention et représentent 3% de l'ensemble des détenus.
Parmi les enfants détenus, 4 enfants sont des détenus administratifs, ce qui signifie qu'ils ne sont accusés de rien, et 168 enfants sont arrêtés en attente de passer devant un tribunal militair, 138 enfants sont condamnés.
98 enfants prisonniers sont malades et leur état nécessite des soins urgents.
99% des enfants qui ont été arrêtés ont subi des sévices corporels, et notamment leur étouffement par des sacs, le shabeh et les coups.
500 prisonniers furent arrêtés alors qu'ils étaient enfants et ont eu 18 ans à l'intérieur de la prison.
Prisonnières palestiniennes
600 femmes ont été arrêtés au cours de l'Intifada al-Aqsa, et 116 sont toujours détenues, ce qui représente 1,1% de l'ensemble des prisonniers. Pami les prisonnières, 4 sont mineures.
Trois femmes ont accouché en prison, au cours de l'Intifada al-Aqsa : Mirvet Taha, Manal Ghanim qui ont été libérées depuis, et Samar Sbaih, qui se trouve toujours détenue avec son enfant Barrâ', le plus jeune prisonnier dans le monde.
En février dernier, la direction carcérale israélienne a accepté que le bébé Ghada Jasir Zitawi, âgé de 7 mois, soit remis à sa mère détenue, Khawla Muhammad Zitawi. Ghada est la plus jeune prisonnière dans la monde.
La loi israélienne autorise les mères de famille à garder auprès d'elles, en prison, leurs enfants, âgés de moins de deux ans.
Concernant les martyrs parmi les prisonniers palestiniens, le rapport établit que 188 prisonniers sont décédés en détention, à cause de la torture, de la négligence médicale et de l'exécution après arrestation. Parmi les martyrs tombés, 43 sont décédés à cause de la négligence médicale, 70 à cause de la torture et 75 par leur exécution après arrestation. Le martyr Yousif Qarâwî, 34 ans, de la ville d'al-Quds, est décédé le 9 mars 2007: il avait été arrêté par les garde-frontières, gardé en détention au centre de la police dans la rue Salaheddine dans la ville d'al-Quds. Il fut torturé jusqu'à la mort.
Mais il faut rappeler que des centaines de prisonniers succombèrent après leur libération des suites des mauvais traitements et de leur état de santé qui s'était dégradé en prison.
Source : www.palestinebehindbars.org
mercredi 30 mai 2007
Omar Khadr dépérirait à Guantánamo
Ils disent qu'après cinq années de détention, M. Khadr aurait perdu tout espoir de sortir de prison un jour et il aurait peur d'y mourir. L'avocat d'Edmonton Dennis Edney, dans un courriel envoyé au Toronto Star, a déclaré que M. Khadr aurait un urgent besoin d'examens médicaux et psychologiques indépendants. M. Edney prétend que M. Khadr ne voit «jamais la lumière du jour», qu'il ne fait aucun exercice et qu'il pense que le monde entier se foute bien qu'on puisse faire usage de la torture dans cette prison. M. Khadr, qui doit se présenter devant une commission militaire le mois prochain, est incarcéré à Guantánamo depuis qu'il est âgé de 15 ans. Il est accusé du meurtre d'un soldat américain commis au cours d'une attaque menée à la fin de juillet 2002, contre de prétendus membres du réseau Al-Qaeda, en Afghanistan. M. Edney a dit avoir passé trois heures en compagnie de M. Khadr jeudi, le décrivant comme ayant un «sens de l'innocence et de la dignité».
Source : Presse Canadienne
jeudi 24 mai 2007
Khaled El Masri craque
L’Éthiopie a libéré 3 détenus de Suède
mercredi 23 mai 2007
Un nouveau commandant pour le Goulag
David Hicks : après guantánamo, Yatala
mardi 22 mai 2007
Un avocat militaire condamné à 6 mois de prison pour avoir transmis des noms de détenus
lundi 21 mai 2007
Maroc: Mohamed Slimani, ancien détenu de Guantanamo, acquitté
Mohamed Slimani, acquitté, avait été condamné en première instance en novembre 2006 à cinq ans de prison pour activités terroristes, a ajouté la même source citée par l'agence marocaine Map.
Deux autres anciens détenus de Guantanamo, Mohamed Ouâli et Najib Houssaini ont vu leurs peines de première instance réduites de trois ans de prison ferme à un an de prison avec sursis, et une amende de 1000 dirhams (100 euros environ) chacun.La cour a retenu contre eux l'accusation de «falsification de document administratif» alors qu'en première instance, ils ont été condamnés notamment pour «constitution de bande criminelle», selon la même source.
Les trois anciens de Guantanamo ont été remis par les États-Unis au Maroc en février 2005.
Entre 2004 et 2007, les États-Unis ont remis au royaume un total de dix anciens détenus de Guantanamo. Cinq autres ayant la double nationalité ont été livrés à la France, à la Grande-Bretagne, à la Belgique et à l'Espagne.
Source : AFP, 16 mai 2007
Mystère: Qui est le tortionnaire «Marouani» ?
Cet Ethiopien, résident légal au Royaume-Uni, est accusé d’avoir des liens avec Al Qaïda et d’être le complice présumé de José Padilla, un Américain accusé d’appartenir à une cellule terroriste et un temps soupçonné d’avoir voulu préparer une «bombe radiologique». Binyam Mohamed a été arrêté le 21 juillet 2002 au Pakistan, transféré au Maroc où il a été emprisonné et torturé jusqu’au 22 janvier 2004, date à laquelle un avion de la CIA l’a transféré de Rabat à Kaboul. Il a fini par rejoindre Guantanamo le 20 septembre 2004. Pendant son séjour au Maroc, Binyam affirme qu’il a été torturé par une équipe de huit hommes et femmes dont un certain Marouane qu’il décrit en ces termes : «environ 1,85 mètre, 100 kilos, la peau sombre, les yeux marrons, rasé de près. Binyam le désigne également comme le chef des tortionnaires, celui qui décidait des sévices, y compris des entailles effectuées sur son sexe à l’aide d’un couteau (cf. bonnes feuilles du livre «Les vols secrets de la CIA»). Binyam ajoute également que ce «Marouane» fumait des cigarettes Marlboro Light et possédait un téléphone portable Motorola Wing.
Fait troublant, un autre «restitué», Abou Elkassim Britel, parle, lui, d’un tortionnaire marocain nommé «Marouani». Britel est un italo-marocain qui a été capturé au Pakistan et transféré à Rabat le 24 mai 2002 dans un jet privé de la CIA. La description physique qu’il fait de son «Marouani» évoque celle du «Marouane» de Binyam : «Marouani a la trentaine, est corpulent, de grande taille et fume beaucoup», affirme Britel qui l’a bien connu. «En effet» reprend-il, «Marouani menait mes interrogatoires et m’a dit qu’il appartenait à la DST. Il m’a torturé en me giflant, m’insultant et en me frappant. Lorsque j’ai été remis en liberté, il m’a donné de l’argent : 5 000 dirhams en trois mois avec lesquels j’ai vivoté. Il a essayé de me convaincre de retourner vivre en Italie pour que je serve d’indicateur à la DST dans les milieux islamistes et se rendait souvent à mon domicile, à Kénitra. Il se déplaçait en Fiat Uno de couleur vert olive».
Lire aussi
Le Maroc, escale de torture de la CIA
Les vols secrets de la CIA
Silence radio côté marocain
Source : lejournal-hebdo.com
dimanche 20 mai 2007
Avec "Sicko", Michale Moore s'attaque au système de santé américain
Michael Moore a sorti une fois de plus sa caméra assassine pour dénoncer les travers d'une certaine Amérique et pourfendre avec force le système de santé des Etats-Unis.
Avec "Sicko", qui doit sortir le 29 juin dans son pays, Moore tente une brève étude comparée des systèmes de santé aux Etats-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, en France et à Cuba.
Le documentaire, très apprécié et applaudi lors de sa projection de presse, a été présenté au Festival de Cannes hors compétition, samedi 19 mai dans la matinée.
Le cinéaste-imprécateur s'attache à démontrer les horreurs d'une médecine entièrement privée et soumise aux diktats des compagnies d'assurance aux Etats-Unis, face aux bienfaits d'une médecine publique, gratuite ou presque, dans les autres pays cités.
Moore, qui reçut la Palme d'or en 2004 avec son pamphlet anti-Bush " Farenheit 9/11 ", récidive et "Sicko" semble poursuivre la croisade ouverte avec le documentaire précédent, tant Moore insère à quelques reprises la figure présidentielle à des moments judicieusement choisis.
Témoignages
Pour préparer ce documentaire, Moore a simplement demandé aux Américains intéressés de leur adresser par courriel leur témoignage sur leurs démêlés avec les assureurs-maladie. Il affirme qu'au bout d'une semaine, il avait reçu plus de 25.000 de ces témoignages.
Comme à son habitude, le cinéaste de "Roger and Me" et de "Bowling for Columbine" fait plus dans la dénonciation énergique que dans l'analyse fine, et la conclusion que l'on pourrait tirer de son documentaire pourrait se résumer par la formule suivant: c'est l'enfer outre-Atlantique en matière de santé publique; la situation est, en revanche, idyllique ailleurs.
C'est une limitation sans doute inhérente à l'exercice mais là où la méthode Moore excelle, c'est dans le témoignage individuel, qui paraît difficile à réfuter et semble bien attester de situations véritablement absurdes, qui prêteraient à rire, si leurs conséquences n'étaient pas tragiques.
A Guantanamo
Entre des patients que les hôpitaux renvoient par taxi, sans même qu'ils aient le temps de se rhabiller ou qu'on leur détache leur perfusion parce qu'ils ne peuvent plus payer, et des pompiers et bénévoles du 11 septembre 2001 qui n'ont pas davantage les moyens de se soigner, le tableau dépeint par le documentariste, haut en couleurs et très controversé, est tout simplement révoltant.
Apprenant par la télévision que les "combattants ennemis" du pénitencier de Guantanamo sont excellemment soignés, Moore a l'idée farfelue d'affréter trois bateaux pour emmener avec lui les différentes personnes lésées par le système de santé américain qu'il a pu rencontrer dans son documentaire.
Le but est de les emmener se faire soigner… à Guantanamo. Il est évidemment obligé de renoncer à ce projet, mais pas à celui d'aller faire examiner sa petite troupe dans les hôpitaux cubains avec des résultats présentés comme remarquables.
"Où est passée notre âme ?"
Un moment émouvant est celui où des "soldats du feu" cubains rendent hommage à trois de leurs homologues américains, atteints de graves troubles respiratoires en raison du temps qu'ils ont passé dans les décombres du World Trade Center, à la recherche de survivants.
"J'essaie d'explorer des idées et des problèmes de première importance et, dans ce cas-là, la question qui se pose est celle de savoir où nous allons en tant que peuple", a expliqué Moore lors d'une conférence de presse. "Pourquoi nous comportons-nous de la sorte? Que sommes-nous devenus? Où donc est passée notre âme".
Cela étant, la croisière inopinée de Moore à Cuba n'a pas été du goût des autorités américaines, qui ont ouvert une enquête.
"C'est moi-même qui fait l'objet d'une enquête et qui suis donc passible de sanctions pécuniaires, voire de la prison, et évidemment je ne prends pas ça à la légère", dit-il.
Source : nouvelobs.com avec Reuters
mercredi 16 mai 2007
A l'avant-garde des morts-vivants
par Slavoj Zizek, The New York Times, 24 mars 2007
S’il y a dans cet épisode de quoi être interloqué, c’est moins du fait des aveux eux-mêmes que du fait que, pour la première fois depuis de forts longues années, la torture a été normalisée – présentée comme une chose acceptable. Ce qui a des conséquences éthiques qui devraient tous nous inquiéter.
Alors que l’éventail des crimes de M. Mohammed est à la fois horrifiant et manifeste, il nous faut remarquer que les Etats-Unis semblent incapables d’en user avec lui comme ils le feraient même avec le plus endurci des criminels. Dans le monde occidental civilisé, même le meurtrier d’enfants le plus pervers est jugé et puni. Mais aucun jugement légal ni aucune condamnation de M. Mohammed n’est plus possible à présent – aucun tribunal agissant dans le cadre des systèmes légaux occidentaux ne peut s’appuyer sur des détentions arbitraires, des aveux extorqués par la torture, ou quelqu’autre chose de ce genre. (Qui plus est – perverse ironie – ces procédés sont conformes au souhait de M. Mohammed de se voir traité en ennemi plutôt qu’en criminel.)
C’est comme si la lutte contre les terroristes, et non plus seulement les terroristes eux-mêmes, devait à présent opérer dans une zone de légalité incertaine – une « zone grise ». Nous sommes donc de fait face à des criminels « légaux » et « illégaux » : ceux qui doivent être traités selon les procédures légales (recours à des avocats, ainsi de suite), et ceux qui sont rejetés hors de la légalité, destinés aux tribunaux militaires ou à une incarcération sans terme apparent.
M. Mohammed est devenu ce que le philosophe politique italien Giorgio Agamben nomme « homo sacer » : une créature légalement morte bien que biologiquement toujours vivante. Et M. Mohammed n’est pas seul dans ce monde de limbes. Les autorités usaméricaines qui traitent les cas de ce type de détenus sont devenues un genre de complément, de reflet de cet « homo sacer » : agissant en tant que pouvoir judiciare, elles opérent dans un espace vide soutenu par la loi et pourtant soustrait à la régulation par le droit.
Certains ne voient là rien de gênant. Leur contre-argument se veut réaliste : la guerre contre le terrorisme est une guerre sale, on se trouve dans des situations où la vie de milliers de personnes peut dépendre des informations que l’on peut obtenir de nos prisonniers, alors on doit prendre des mesures radicales. Alan Dershowitz, de la Harvard Law School, ne dit rien d’autre lorsqu’il affirme : « Je ne suis pas en faveur de la torture, mais si l’on doit en arriver à l’utiliser, il serait sacrément préférable qu’elle soit approuvée par les tribunaux ». Eh bien, si c’est là être « honnête », je préfère m’en tenir à la plus stricte hypocrisie.
Bien-sûr, la plupart d’entre nous peut imaginer une situation particulière dans laquelle il se pourrait que l’on ait recours à la torture – peut-être pour sauver un être cher d’une souffrance imminente et indicible. Je peux me l’imaginer. Dans un tel cas, néanmoins, il est crucial que je n’érige pas ce choix désespéré en un principe universel. Dans l’urgence brutale et inévitable du moment, je devrais simplement le faire. Mais cela ne peut devenir une norme acceptable. Je dois conserver intacte la conscience de l’horreur de mon acte. Et lorsque la torture en vient à n’être plus considérée que comme une technique supplémentaire de la lutte contre le terrorisme, toute conscience de l’horreur est perdue.
Lorsqu’au cours de la cinquième saison de la série télévisée « 24 heures », il est devenu clair que le cerveau à l’origine du complot terroriste n’était nul autre que le président lui-même, nombre d’entre nous attendait avidement de savoir si Jack Bauer appliquerait au « dirigeant du monde libre » sa technique habituelle face aux terroristes qui refusent de révéler un secret qui pourrait sauver des milliers de vies. Va-t-il torturer le président ?
La réalité a maintenant dépassé la fiction télévisuelle. Ce que la série « 24 heures » avait encore la décence de représenter comme un choix désespéré et douloureux de son héros Jack Bauer est à présent considéré comme une affaire courante – « business as usual ».
En un sens, ceux qui refusent d’encourager explicitement la torture, mais l’acceptent néanmoins comme sujet légitime de débat, sont encore plus dangereux que ceux qui s’en font clairement les avocats. La moralité n’est jamais simplement une question de conscience individuelle. Elle ne s’épanouit que lorsqu’elle est soutenue par ce que Hegel nommait « l’esprit objectif », c’est-à-dire l’ensemble de règles non écrites qui constituent l’arrière-paln de l’activité de tout individu, nous désigant ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.
Par exemple, un signe évident du progrès des sociétés occidentales est que nul n’a plus besoin d’y argumenter contre le viol : il est « dogmatiquement » évident pour tous qu’il est mal de violer. Si quelqu’un s’avisait de défendre la légitimité du viol, il nous semblerait si ridicule qu’il condamnerait ses propos à n’être pas écoutés plus avant. Et ce devrait être exactement la même chose en ce qui concerne la torture.
Sommes-nous conscients de ce à quoi aboutit la voie ouverte par la normalisation de la torture ? Un détail significatif des aveux de M. Mohammed nous en donne un indice. Il a été rapporté que les interrogateurs se sont soumis au « water boarding » et qu’ils n’ont été capables de supporter ce supplice que pendant 15 secondes en moyenne avant d’être prêts à avouer tout et n’importe quoi. Cependant, M. Mohammed aurait forcé leur admiration en l’endurant pendant deux minutes et demie.
Sommes-nous conscients que la dernière fois où de telles choses avaient cours dans le discours public remonte à la fin du Moyen-Age, lorsque la torture était encore un spectacle public, une façon honorable de mettre à l’épreuve un ennemi capturé, qui pouvait éventuellement s’attirer l’admiration de la foule en endurant la souffrance avec dignité ? Souhaitons-nous vraiment en revenir à ce genre d’éthique guerrière primitive ?
Voilà pourquoi, en définitive, nous sommes les principales victimes de cette « torture au quotidien » (torture-as-usual), nous, le public bien informé. Une part précieuse de notre identité collective a été perdue irrémédiablement. Nous sommes entraînés dans un processus de corruption morale : ceux qui sont au pouvoir sont littéralement en train d’essayer de briser une part de notre colonne vertébrale éthique, pour réprimer et défaire ce que l’on peut valablement tenir pour la principale réussite de notre civilisation – l’augmentation de notre sensibilité morale spontanée.
Slavoj Zizek – de nationalité slovène - est philosophe, sociologue et psychanalyste. Il a publié de nombreux ouvrages, dont, récemment :
« Le sujet qui fâche », 2007
« Bienvenue dans le désert du réel », 2005
« Que veut l’Europe » ? », 2005
« Plaidoyer en faveur de l’intolérance », 2004
Original : http://www.truthout.org/docs_2006/032607P.shtml
Traduit de l’anglais en français par Xavier Rabilloud, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est en Copyleft : elle est libre de toute reproduction, à condition de respecter son intégrité et de mentionner auteur, traducteur et sources.
URL de cet article : http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=2659&lg=fr
samedi 12 mai 2007
Salim Ahmed Salim Hamdan, « l’ex-chauffeur de Ben Laden », inculpé de soutien au terrorisme
Il a commencé à travailler sur une ferme appartenant à Oussama Ben Laden dans la région de Kandahar, dans le sud de l’Afghanistan, en 1997. Payé 200 dollars par mois, il conduisait des camions et transportait les ouvriers agricoles.
Il a été capturé par les miliciens de l’Alliance du Nord le 31 octobre 2001 alors qu’il essayait de ramener une voiture appartenant à Ben Laden à la ferme. Les miliciens l’ont revendu aux forces US – pour l’habituelle somme de 5000 $ - début 2002.
Il est l’un des six détenus qui se sont vus attribuer un avocat militaire, le lieutenant général de Marine Charles Swift, et il a été le second détenu, après David Hicks, a avoir reçu la visite de son défenseur à Guantanamo. Me Swift a fait la première requête à une cour fédérale demandant l’abrogation des cours martiales pour les détenus de Guantanamo.
Salim a été tout le temps détenu à l’isolement total, dans une cellule sans fenêtre. Il n’a été autorisé à sortir de sa cage que rarement et toujours de nuit. Il n’a pas vu la lumière du jour depuis plus de 5 ans. Son avocat a décrit son état comme étant effroyable (« grim »).
Le premier détenu traduit devant un tribunal du type de celui devant lequel va comparaître Salim, l’Australien David Hicks, a été condamné en mars à 7 ans de prison, dont il lui reste 9 mois à purger, après avoir plaidé coupable de soutien à une entreprise terroriste. Il devrait être transféré en Australie avant la fin du mois pour y purger la fin de sa peine.
Un autre détenu, le jeune Canadien Omar Khadr, a été inculpé fin avril de meurtre, tentative de meurtre, complot, soutien au terrorisme et espionnage. De nationalité canadienne, il est accusé d’avoir tué un soldat américain en jetant une grenade lors de son arrestation en Afghanistan, alors qu’il avait 15 ans.Sans remettre en cause la légalité des nouveaux tribunaux, les avocats de MM. Khadr et Hamdan contestent aujourd’hui plusieurs dispositions comme l’autorisation donnée à l’accusation de présenter des témoignages indirects ou obtenus sous la contrainte.
La Cour suprême a refusé d’examiner cette question dans l’immédiat, rejetant même la semaine dernière un recours des deux inculpés qui faisaient valoir qu’ils n’avaient pas le temps d’attendre d’être condamnés pour connaître leurs droits.
jeudi 10 mai 2007
Maroc : report du procès en appel de 3 anciens détenus de Guantanamo
Source : http://www.albayane.ma/Detail.asp?article_id=63828
Chaîne humaine contre Guantánamo à Genève
Source : Tribune de Genève, 9 mai 2007
mercredi 9 mai 2007
Diversification dans le Goulag impérial
2 congressistes et une sénatrice US déposent des projets de loi pour fermer Guantánamo
«Guantánamo est devenu un poids», a expliqué mardi la représentante démocrate Jane Harman, estimant que «les injustices réelles et perçues qui y sont commises ont donné à nos ennemis un exemple facile de nos échecs et des mauvaises intentions qu'ils nous prêtent». Selon un communiqué de Mme Harman, le projet de loi prévoit la fermeture de la prison en un an, avec plusieurs possibilités pour les prisonniers qui y sont actuellement détenus: transfèrement dans leur pays d'origine, dans un établissement aux États-Unis avant procès ou dans un tribunal international, voire simple libération. Ouvert en janvier 2002, le centre de détention installé sur la base américaine de Guantánamo (Cuba) compte désormais environ 380 détenus, dont environ 80 sont en attente d'être transférés ou libérés.
Entre 60 et 80 détenus doivent être traduits devant un tribunal d'exception. Rien n'a été défini pour les plus de 200 autres que le gouvernement américain ne prévoit pour l'instant ni d'inculper ni de libérer. Mme Harman a précisé que son collègue démocrate Neil Abercrombie s'était associé à son initiative. La sénatrice démocrate Dianne Feinstein avait déposé un texte similaire au Sénat la semaine dernière.
Source : AFP, 8 mai 2007
Mauritanie : Ould Cheikh Abdellahi va demander à Washington d’extrader les 3 Mauritaniens de Guantánamo
Mohamedou Ould Sellahi, Ahmed Ould Abdel Aziz et Mohamed Lemine Ould Sid’ahmed dit Sydamine, suspectés par Washington d’avoir des liens avec Al-Qaida, croupissent depuis plusieurs années dans le camp de Guantánamo .
Source : apanews, 8 mai 2007
Ahmed Errachidi a pu rentrer chez lui
Ahmed Errachidi, 41 ans, avait été arrêté à son retour au Maroc et a comparu mercredi devant un juge pour préparation et réalisation présumés d'actes terroristes, a déclaré à Reuters l'avocat Mohamed Sebbar.
"Les charges ont été abandonnées, il a été libéré la nuit dernière et il est de retour auprès de sa famille", a déclaré Sebbar. Un proche a confirmé sa libération et son retour chez lui.
Errachidi a passé plus de cinq ans au camp de détention de l'armée américaine pour les "combattants étrangers" à Guantánamo Bay, sur l'île de Cuba. Marié et père de deux jeunes garçons vivant au Maroc, il a été libéré la semaine dernière. Aucune charge n'a été formulée à son encontre.
Sa famille affirme qu'il souffre de troubles bipolaires qui nécessitent un traitement médical.
SON SÉJOUR EN AFGHANISTAN, UNE ERREUR DE JUGEMENT
Errachidi a vécu 17 ans en Grande-Bretagne, où il a travaillé comme cuisinier dans des restaurants londoniens. Selon l'ONG britannique Reprieve, qui le représente, il a été arrêté au Pakistan où il s'était rendu en 2001 pour collecter des fonds pour l'opération du coeur que devait subir son cadet, Imran.
Une fois sur place, il a été ému par des images, diffusées à la télévision, de l'invasion américaine en Afghanistan, et il s'est rendu dans ce pays pour tenter d'aider les réfugiés fuyant les bombardements, une décision que ses avocats présentent comme une erreur de jugement liée à son état maniaco-dépressif.
En Afghanistan, il s'est vite rendu compte qu'il ne pouvait rien faire et qu'il était dangereux pour lui de rester, mais il a été arrêté après être revenu sur le sol pakistanais.
Des responsables pakistanais ont ensuite "vendu Ahmed à l'armée américaine pour une somme négociée alors qu'il se tenait là, enchaîné et cagoulé", écrit Reprieve dans un communiqué de presse.
Le gouvernement américain a renvoyé chez eux dix Marocains de Guantánamo au cours des trois dernières années, selon des avocats.
Ils ont été inculpés de création de bandes criminelles, de falsification de documents, d'immigration illégale ou d'appartenance à une organisation terroriste internationale, mais seul l'un d'entre eux a été mis en prison.
Trois Marocains sont toujours emprisonnés dans le camp de Guantánamo .
Source : Reuters, 8 mai 2007
mardi 8 mai 2007
Pris dans la nasse
Cageprisoners, PO Box 45798, London, SW16 4XS
Tel: 0044-7973264197 – Courriel : contact@cageprisoners.com
Site: www.cageprisoners.com
Traduit de l’anglais par Fausto Giudice, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique et président du Collectif guantánamo France.
Sites : http://www.tlaxcala.es – http://chroniquedeguantanamo.blogspot.com . Courriel : tlaxcala@tlaxcala.es – collectifguantanamo@yahoo.fr
Le journal tenu par Safia Benaouda sur du papier hygiénique durant son incarcération en Éthiopie
SOMMAIRE
INTRODUCTION
CONTEXTE
Détentions au Kenya
Transferts en Somalie
Détentions en Somalie
Transferts en Éthiopie
Détentions en Éthiopie
Internement de réfugiés somaliens
VALIDITÉ D’APPLICATION DES CONVENTIONS DE GENEVE
DÉTENUS EN ÉTHIOPIE
Ressortissants suédois et résidents en Suède
Ressortissants kényans
Ressortissants comoriens
Ressortissant canadien
Ressortissant US
Ressortissant rwandais
NOTES
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
Le conflit fratricide qui déchire la Corne de l’Afrique continue de faire rage entre l’Union des tribunaux islamiques et ses opposants : l’opposition somalienne, l’armée éthiopienne et, fait inquiétant, le gouvernement US. Les hostilités son entrées dans une nouvelle phase inquiétante dans cette partie la plus accablée et appauvrie du monde : la « Guerre contre le terrorisme », les transferts extraordinaires et les détentions arbitraires.
Cageprisoners a été alarmée par l’apparition de prisons du type Guantánamo, utilisées dans la Corne de l’Afrique, après avoir recueilli des documents sur une série d’enlèvements d’hommes, de femmes et même d’enfants, détenus illégalement. La capture de civils, l’utilisation de navires porte-containers convertis en prisons et le recours à des procédures judiciaires pour inculper les personnes remises à l’Éthiopie comme « combattants illégaux » rappellent de manière sinistre les « procès » pratiqués à Guantánamo.
Après la libération de plusieurs citoyens européens, dont quatre Britanniques et une Suédoise, des preuves d’une implication étrangère des les interrogatoires ont rapidement fait surface. Des allégations récurrentes et répétées de violations grossières des droits humains, dont des tortures, ont été faites par ceux qui sont rentrés, ainsi que par des témoins interviewés à proximité de la zone de conflit.
La Corne de l’Afrique, déjà accablée par des décennies de guerre, de famine, d’exodes, de sécheresse et d’une pauvreté inimaginable est sans aucun doute susceptible d’être exploitée par des nations puissantes.
La guerre contre le terrorisme dirigée par les USA a déjà montré comment, dans des pays en développement comme le Pakistan et l’Afghanistan, des gens peuvent être attirés par les promesses de récompenses pour la remise de suspects de terrorisme
Il est d’une importance capitale que Ia communauté internationale reconnaisse ce danger et agisse maintenant avant que nous nous trouvions face à de nouveaux Bagram et de nouveaux Guantánamo dans la Corne de l’Afrique.
[Moazzam Begg – porte-parole, Cageprisoners]
Cageprisoners
Cageprisoners a été créé en octobre 2003 comme organisation des droits humains avec le seul but d’éveiller les consciences sur le sort des prisonniers de Guantánamo Bay et d’autres détenus dans le cadre de la « Guerre contre le terrorisme ».
L’organisation tente par son travail de fournir des ressources informatives complètes sur Guantánamo Bay et d’autres détenus au public et aux professionnels, afin que leur sort soit constamment mis en lumière et ne soit pas oublié. Nous voulons ainsi être la voix des sans-voix.En collectant des informations provenant de tous les médias du monde, nous mettons en permanence à la disposition de juristes, de militants et de parents de détenus des ressources, accessibles sur notre site web, sur tous les aspects de la « guerre contre le terrorisme ».
CONTEXTE
Détentions au Kenya
Durant la période principale de détentions, l’organisation de base kényane Muslim Human Rights Forum est parvenue à accéder à beaucoup de ceux qui étaient détenus sous l’accusation de terrorisme et de soutien à l’Union des tribunaux islamiques en Somalie. L’armée et l’ ATPU (Advanced Tactical Power Unit) ont utilisé 16 lieux de détention pour y interroger 148 détenus :
Jama Kenyatta International Airport Prison, Inland Container Depot Police Station,
Langata Police Station, Kasarani Police Station, Kilimani Police Station, Shaurimoyo
Police Station, Kileleshwa Police Station, CID Headquarters, Karen Prison, Hardy Police Station, Rongai Police Station, Gigiri Police Station, Spring Valley Police Station, Ruai Police Station, Garissa Police Station et Hulugo Police Station.
Les conditions au Kenya étaient loin d’être acceptables : de nombreux détenus l’étaient dans des conditions inhumaines. Les ravisseurs faisaient preuve de peu de miséricorde et ne faisaient rien pour venir en aide aux enfants détenus. Safia Benaouda a été témoin du traitement subi par des enfants américains détenus sans leurs parents et sans le soutien de l’ambassade US. « Rahma, quatre ans, avait le ventre distendu Son regard était distant. Elle semblait être dans un autre monde. Elle était là avec sa petite soeur Sumayyah, un bébé. Comme nous dormions à même le ciment, nous avions froid. Nous, nous étions adultes. Mais les enfants avaient un aspect horrible le matin. Ils avaient si froid, leurs nez coulaient et ils éternuaient. Nous avions peur qu’ils attrapent une pneumonie. Le bébé avait des rougeurs aux fesses. Elle avait de grosses cloques saignantes. Ils avaient tous la diarrhée. Nous avons supplié les interrogateurs pour qu’on leur donne des soins médicaux. Ils s’en fichaient éperdument. C’était horrible. Un jour Sumayyah n’arrêtait pas d epleurer par ce qu’elle avait si mal. » [1]
Les enfants américains n’étaient pas les seuls à être détenus par les Kényans. Cageprisoners a parlé avec la mère de Hafsa Swaleh Ali, quatre ans, sur la manière dont on a traité sa fille et les séquelles qu’elle en garde :
“Depuis notre libération, Hafsa développé une toux dont elle ne semble pas pouvoir se débarrasser. Elle a un sommeil perturbé et elle se lève la nuit, parce qu’elle a peur. Quand elle voit des Africains en uniforme dans la rue, elle court se cacher derrière moi car ils lui font peur. Ils l’ont interrogée et elle se le rappelle – ils lui ont même demandé si elle savait où se trouvait son père. » [2] Les citoyens britanniques détenus au Kenya ont été victimes d e mauvais traitements dès leur arrestation par les militaires qui les ont battus lorsqu’ils les ont faits monter dans des camions.
Ils menaçaient en permanence les hommes, en particulier Reza Afsharzadagen, qui s’entendit dire deux fois qu’on l’amènerait dans le désert pour l’abattre.
Interrogatoires pas des agences US :
Safia Benaouda et le groupe dans lequel elle se trouvait ont été interrogés par du personnel militaire US qui accompagnait un contingent de soldats kényans. Mais les militaires US n’étaient pas les seuls à se trouver au Kenya. Mohammed Ezzouek raconte comment il a été détenu dans une prison avec le citoyen US Daniel Maldonado jusqu’au 29 Janvier 2007, quand le FBI est venu pour emmener Daniel– les agents l’appelaient ‘B-Town’, peut-être parce qu’il était originaire de Boston. Mohammed Ezzouek a ensuite été envoyé dans une autre prison, située dans une zone plus riche du Kenya, où il a rencontré le citoyen US Amir Mohammed Meshal, qui avait été amené là par le FBI.
Transferts en Somalie
Le 20 Janvier 2007, les autorités kényanes ont transféré en Somalie 33 individus, dont beaucoup de ressortissants kényans, sans leur permettre un accès à des avocats. Ce vol de transfert étai le premier d’une série de vols qui ont résulté dans le transport de 63 individus, qui ont été remis comme combattants au gouvernement fédéral de transition somalien.Cageprisoners a publié le 22 mars 2007 un rapport [3] contenant le manifeste de vol fourni par le Muslim Human Rights Forum, d’où il ressortait que des ressortissants d’au moins 16 pays avaient été transférés.
Détentions en Somalie
En mentant à beaucoup de ceux qu’ils ont transportés en Somalie, les Kényans ont réussi à les faire monter dans les avions, leur expliquant que toute le monde était transféré à Mombasa pour comparaître devant un tribunal – quant aux femmes, on ne leur a rien dit sur leur destination.Les détenus ne se sont rendus compte de la vérité qu’en voyant des signes ou en entendant dire qu’ils étaient arrivés à Baidoa ou Mogadiscio. Mohammed Ezzouek, l’un des quatre hommes britanniques envoyés en Somalie, dit qu’il ne s’est rendu compte de l’endroit où il se trouvait qu’en voyant un panneau signalant Baidoa. Il décrit des conditions de détention horribles. « Nous avons tous été mis dans un cellule souterraine. Il y faisait noir comme dans un four. Il y avait des bouteilles pour pisser. Le sol était poussiéreux e sale .Il y avait des rats et des cafards. Ça puait. Là ou se trouvaient les bouteilles, ça puait comme des toilettes sales. » [4]
Les Britanniques on trouvé que le temps passé en Somalie s’est relativement bien passé en comparaison avec ce qu’on enduré les autres détenus, du fait que le consulat britannique a envoyé un fonctionnaire pour les rapatrier. Aucun des autres détenus n’a eu l’occasion de rencontrer des fonctionnaires consulaires pour être rapatrié dans son pays d’origine. D’autres détenus envoyés du Kenya ont été conduits à un lieu de détention à Mogadiscio. Dans un entretien avec Cageprisoners, Kamilya Tuweil décrit son épreuve lorsqu’elle s’est rendue compte qu’elle était sur le point d’être transférée en Somalie, un pays où elle n’avait jamais mis les pieds. « Quand nous sommes arrivés après le vol en avion, ils m’ont faite descendre de l’avion et ils m’ont enlevé le bandeau que j’avais sur les yeux. J’ai vu qu’il y avait des femmes e des enfants d’un côté et des hommes de l’autre côté de l’avion. Ils disaient : “Ils nous amènent à Mogadiscio”. Les Kényans qui m’avaient ramenée étaient encore là. Je pleurais et je criais, leur disant de me laisser partir puisque j’avais mon passeport et que j’étais de Dubaï. L’un des hommes a essayé de m calmer en me disant :“Vous venez avec nous.”… En tout, on était 22 femmes et enfants. À part moi et une autre dame, toutes les autres étaient enceintes de 3 à 8 mois. » [5]
Safia Benaouda était dans le même groupe que Kamilya et a pu confirmer les conditions de la prison. « Nous avons été détenus dans un hangar près de l’aéroport .Quand nous sommes descendus de l’avion, j’ai vu un tas de soldats éthiopiens. On s’est alors rendus compte qu’on était à Mogadiscio. Les Kényans avaient dit aux hommes, avant que nous arrivions à Mogadiscio, que nous allions à Mombasa au tribunal, mais ce n’était pas le cas. Ils ont bandé les yeux des hommes mais aux femmes, ils ont seulement attaché les mains dans le dos…Ils nous ont dit de regarder ailleurs. Nous n’avions pas le droit de voir où ils allaient et nous avons pensé à ce momen- là qu’ils allaient être exécutés. Ils nous ont enfermées dans un petit trou sous terre et c’était notre cellule. IL faisait sombre, il n’y avait pas de fenêtres. Nous dormions sur des cartons à même le ciment. » [6]
La période de détention en Somalie n’a pas été exempte d’incidents, lorsque des interrogatoires ont eu lieu pour certaines détenues, en particulier Halima Badroudine, Safia Benaouda, deux femmes éthiopiennes et une Soudanaise. Toutes ces femmes étaient à différentes étapes de leur grossesse et ont eu à endurer des interrogatoires et des mauvais traitements malgré leur état. Safia : « J’étais au début d e ma grossesse et j’avais des nausées. Dans la nourriture, il y avait des bestioles, des pierres et du sable .» [7]
Transfert en Éthiopie « Comme c’était la guerre entre la Somalie et l’Éthiopie, on pouvait entendre des bombes et des coups de feu. Au bout de 10 jours, des gens du gouvernement éthiopien nous ont emmenées ailleurs en nous disant qu’ils nous amenaient à un endroit où nous pourrions « avoir nos droits ». Pendant ces 10 jours, ils nous ont interrogées. Les interrogateurs étaient éthiopiens et somaliens. C’était tous des hommes .»[8]
Le matin du 5 février 2007, tous ceux qui étaient détenus en Somalie par le gouvernement de transition et les forces éthiopiennes ont été mis dans un avion pour être conduits à un endroit où ils pourraient « avoir leurs droits », ils ont été transportés à Addis Abeba.
Détentions en Éthiopie
Dès l’atterrissage en Éthiopie, il apparut clairement aux détenus que les gardiens éthiopiens étaient agités par la présence d’étrangers sous leur garde et la possibilité que leur détention fasse l’objet d’une surveillance internationale. Mais le traitement humain n’a pas duré longtemps, selon ce qu’a déclaré Safia :
« Une des femmes a entendu durant la nuit les Éthiopiens nous insulter : ils étaient tracassés d’être les méchants aux yeux des médias. Je suppose que c’est pour cela qu’ils craignaient de nous traiter trop mal. Avec le temps ils se devenus de plus en durs. L es gens ont commencé à nous oublier et à ne plus se soucier de nous .» [9]
Kamilya Tuweil a décrit les cellules dans lesquelles les hommes et les femmes étaient détenus : elles faisaient 2m50 X 2m50 et contenaient chacune au moins quatre femmes avec leurs enfants. Parmi elles une dame enceinte au huitième mois et qui a été amenée de toute urgence à l’hôpital lorsqu’elle a commencé à ressentir les premières douleurs.
Torture en Éthiopie:
Après un certain temps, les femmes ont été déplacées dans un bâtiment pendant qu’on construisait 8 solides cages métalliques. C’est dans ces cages que les hommes ont été enfermés, ce qui rappelait furieusement les cages du Camp X-Ray à Guantánamo Bay. Le traitement des détenus était bien en dessous des normes acceptables : l’accès à une aide médicale était refusé, on se contentait de leur donner parfois des calmants. Munir Awad avait des diarrhées avec des saignements d’estomac; bien qu’on lui ait refusé toute assistance médicale, il a pu transmettre cela à sa femme Safia durant les vingt minutes d’entretien qui leur ont été accordés avant qu’elle soit libérée.
Les Éthiopiens qui les détenaient soupçonnaient les détenus d’avoir été mêlés à des opérations d’Al Qaïda dans la Corne de l’Afrique et aussi d’être engagés aux côtés de l’Union des tribunaux islamiques en Somalie. Mais Munir a clairement dit à Safia que les tortures qu’ils enduraient n’était pas le fait des Éthiopiens mais des interrogateurs étrangers, en particulier les interrogateurs US, qui avaient un accès illimité aux détenus. Au moment où Safia a pu voir Munir, il était clair que les hommes étaient dans des conditions beaucoup plus dures que les femmes : « J’ai vu des marques au cou de mon mari, qui m’a dit qu’ils l’avaient étranglé et torturé. Il m’a dit qu’on ne leur donnait pas à manger et qu’il était forcé de rester debout toute la journée. Ils n’arrêtaient pas de lui demander “Es-ce que tu es un terroriste?” et le frappaient. J’ai pu voir les cicatrices des blessures laissées par les menottes sur ses poignets et ses chevilles. » [10]
Safia a vu ces marques de torture lorsque certains détenus ont été conduits devant un tribunal. On leur a dit qu’ils étaient là pour être identifies et pour que les procureurs leur expliquent qu’ils étaient détenus comme combattants illégaux ou prisonniers de guerre et, pour certains d’entre eux, d’une « autre » catégorie. À aucun moment les détenus n’ont eu un droit de représentation pour faire appel ou une aide quelconque pour comprendre les procédures.L’absence de procédures légales et le refus d’accès à des avocats indépendants ressemblent furieusement à la manière dont les personnes capturées dans la « guerre contre le terrrorisme » ailleurs dans le monde ont été traitées, dans un déni d’accès aux garanties d’une procédure correcte.
Safia : « Les Éthiopiens frappaient les détenus s’ils avaient eu une “mauvaise journée” mais autrement, ils ne les frappaient pas trop, seulement des coups au hasard. Mais la torture était clairement planifiée et orchestrée par les Américains ou autres interrogateurs occidentaux, qu étaient les seuls à procéder aux interrogatoires . Je n’ai été interrogée que par des Occidentaux durant ma détention en Éthiopie et selon toutes les informations que j’ai eues des autres détenues, elles n’ont été interrogées que par des Occidentaux, jamais par des Éthiopiens. » [11]
En dépit du fait qu’ils étaient accuses d’avoir été impliqués dans le conflit en Somalie, les détenus interrogés ont été questionnés sur leur implication en Somalie et pourquoi ils se trouvaient là bien moins que sur leurs activités et celles d’autres personnes dans leurs pays d’origine. C’est en particulier lorsque des services étrangers de renseignement et de sécurité étaient impliqués dans les interrogatoires que des questions sur leurs activités dans leurs pays leur ont été posées.
Interrogatoires par des agences US :
La présence US dans la prison éthiopienne a été particulièrement soulignée par Safia Benaouda, qui a noté que certains détenus étaient interrogés beaucoup plus longuement que d’autres et qui rapporte que des interrogateurs US étaient impliqués. Mais même ceux qui n’ont pas été interrogés par des US, ont été soumis à des prises d’empreintes digitales et génétiques (ADN) par un agent se présentant comme un spécialiste des tests ADN.
L’agent a tenu à signaler à Safia que son collègue était en train de faire des tests similaires et de prendre les empreintes de ceux qui avaient été capturés en Somalie. L’équipement utilisé était plutôt sophistiqué et les empreintes digitales étaient entrées directement dans un ordinateur sans encre. L’agent US a fait des prélèvements de salive sur tous les détenus et les femmes ont raconté que même le bébé de sept mois avait eu droit à un prélèvement de salive et à un relevé d’empreintes digitales.
Interrogatoires par des agences étrangères :
Les interrogateurs des ressortissants étrangers avaient un accès illimité à ceux-ci. Des agents étrangers du monde entier ont pu ainsi procéder à des interrogatoires sans aucune limite. Safia a noté en particulier le traitement réservé à Halima Badrudine Hussein dont le mari était recherché par les US. Safia commente :
« Au bout de quelques semaines, ils ont commence à interroger Halima. Après ça, elle était vraiment démolie. Ils la prenaient plusieurs fois par semaine. Ils venaient la chercher au moment du fajr [prière de l’aube] et ne la ramenaient qu’à la nuit tombée. Parfois, ses enfants venaient avec elle. Elle nous a dit qu’elle a été interrogée par des Américains, des Français, des Italiens, des Suisses, des Israéliens et plus tard, des Libyens. Elle avait vécu au Pakistan auparavant et eux aussi sont venus. » [12]
Internement de réfugiés somaliens
Durant une mission de recherche au Kenya en mars 2007, Cageprisoners et Reprieve se sont rendus à la frontière somalienne dans le Nord-est du Kenya pour comprendre comment la « guerre contre le terrorisme » y avait affecté la vie des gens. Au camp de réfugiés de Dadaab, les dirigeants du camp ont expliqué en détail leur détresse. Alors qu’ils étaient réfugiés au Kenya depuis 17 ans, la (nouvelle) guerre en Somalie a eu des effets évidents sur leur vie. Le président du camp a expliqué : « Nous avions l’habitude de nous déplacer entre les camps, mais après cette guerre, dans laquelle nous ne sommes pas impliqués, le plus près que nous puissions approcher de la frontière, c’est à 200 km. Le gouvernement kényan nous imposé une restriction : nous ne pouvons nous déplacer d’un camp à un autre, nous ne pouvons pas aller voir nos parents dans d’autres camps. Nous sommes dans une grande prison. C’est une violation des droits humains – c’est exactement comme Guantánamo Bay. »
Sans aucun possibilité de sortir des petits camps de réfugiés dans lesquels ils vivent, les réfugiés somaliens se sont retrouvés de fait internés, du simple fait qu’ils sont Somaliens et donc sont considérés comme une menace pour le gouvernement kényan. Leur internement de fait les empêche d’avoir accès à une aide quelconque et ils sont forces de s’en sortir tout seuls, au prix d’insurmontables difficultés. Halima Ma’ala Abdi, la présidente du camp a décrit ses difficultés pour obtenir une assistance médicale :
« Nous avons des personnes âgées et de s maladies et si vous voulez les amener à l’hôpital –car ici, il n’y a pas de structure médicale -, vous ne pouvez pas y aller. Nous avons besoin de plus de nourriture, nous ne pouvons pas nous en procurer dans les villes. Nous n’avons pas de quoi survivre. Quand nous essayons de déjouer les barrages routiers pour aller chercher de la nourriture, on nous inflige de lourdes amendes. On est traînés en justice, mais on ne peut pas payer puisque nous sommes réfugiés et n’avons pas d’argent. Ils nous accablent d’amendes. On nous envoie pourrir en prison et quand nous en sortons, c’est pour retrouver cette autre prison qu’est le camp. »
Leur situation difficile est illustrée par la mort tragique d’un enfant le 14 octobre 2006. Abdillahi Isaack Ali a raconté comment son fils Ahmed Mahmoud Mohammed a été piqué par un serpent venimeux le 13 octobre et est mort dans le camp, à cause du refus opposé par le gouvernement à tout déplacement des réfugiés hors du camp.
Même dans leur isolement, les réfugiés sont victimes d’arrestations par le gouvernement kényan. Halima Ma’ala a expliqué : « Nous sommes au courant qu’un certain nombre de réfugiés ont été renvoyés en Somalie, les Kényans prétendant qu’ils étaient des terroristes. Nous avons beaucoup d e gens qui étaient venus se réfugier ici pour fuir la guerre mais qui ont été renvoyés de force, sans recevoir aucune aide. D’autre qui avaient cherché refuge à Nairobi ont été désignés comme terroristes et arrêtés. Nous sommes au courant de cela et ça nous rend malades. »
Une jeune Somalienne nous a déclaré : « Le Gouvernement fédéral de transition somalien a tué du bétail et beaucoup d’êtres humains. Ils prétendent qu’ils recherchaient des cellules d’Al Qaïda, mais nous avons la preuve que les gens qu’ils ont tués étaient innocents. » [13]
VALIDITÉ D’APPLICATION DES CONVENTIONS DE GENEVE
Les violations des lois humanitaires internationales ont commencé dès le début des transferts du Kenya vers la Somalie. Selon les Conventions de Genève, les transferts forcés sont totalement illégaux. L’Article 49 de la 4ème Convention de Genève, bien que s’appliquant aux situations d’occupation, stipule la prohibition totale de refoulements vers des régions où règne l’instabilité comme ces transferts du Kenya vers la Somalie en guerre. L’Article 49 stipule
Les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout autr État, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif. [14]
Cela est renforcé par l’Article 44 qui stipule
En prenant les mesures de contrôle prévues par la présente Convention, la Puissance détentrice ne traitera pas comme étrangers ennemis, exclusivement sur la base de leur appartenance juridique à un État ennemi, les réfugiés qui ne jouissent en fait de la protection d’aucun gouvernement. [15]
Les articles ci-dessus se réfèrent aux individus qui sont des civils et sont donc protégés par les clauses concernant la protection des civils. Ces dispositions s’appliquent donc au transfert par le gouvernement kényan ‘enfants, sans aucun égard à leur statut de réfugiés. Cependant leur détention en Éthiopie a eu lieu dans le cadre de la guerre internationale contre le terrorisme.
La déclaration de Safia Benaouda pointe fortement le recours à une terminologie venue directement de la guerre US contre l’Afghanistan et des transferts à Guantánamo Bay qui se sont ensuivis. Le tribunal éthiopien a dit aux détenus qu’ils seraient inculpés comme « combattants illégaux », « prisonniers de guerre » ou « autres ». La terminologie utilisée par les Éthiopiens est celle qu’on utilise durant un conflit et ils ont traité les détenus dans cette optique. En cas de conflit, c’est le Jus in Bello(droit de guerre) qui entre automatiquement en vigueur et avec lui toutes les lois applicables de la législation humanitaire internationale. Indépendamment du fait de savoir si le concept de « combattant illégal » a une quelconque existence légale valable, la 3ème Convention de Genève ne permet de préjuger d’aucune manière que ce soit du statut d’un individu ou d’un groupe d’individus. Bien au contraire l’Article 5 stipule
S'il y a doute sur l'appartenance à l'une des catégories énumérées à l'article 4 des personnes qui ont commis un acte de belligérance et qui sont tombées aux mains de l'ennemi, lesdites personnes bénéficieront de la protection de la présente Convention en attendant que leur statut ait été déterminé par un tribunal compétent. [16]
Un tribunal compétent doit être convoqué par les Éthiopiens pour établir la qualité des personnes détenues, mais en attendant, celles-ci doivent bénéficier de la pleine protection des Conventions de Genève. Même si les Éthiopiens sont en mesure de prouver que certains des détenus ont pris part aux hostilités, la protection garantie par les Conventions de Genève doit être appliquée. L’Article de la 3ème Convention de Genève stipule
Les prisonniers de guerre doivent être traités en tout temps avec humanité. Tout acte ou omission illicite de la part de la Puissance détentrice entraînant la mort ou mettant gravement en danger la santé d'un prisonnier de guerre en son pouvoir est interdit et sera considéré comme une grave infraction à la présente Convention. En particulier, aucun prisonnier de guerre ne pourra être soumis à une mutilation physique ou à une expérience médicale ou scientifique de quelque nature qu'elle soit qui ne serait pas justifiée par le traitement médical du prisonnier intéressé et qui ne serait pas dans son intérêt. Les prisonniers de guerre doivent de même être protégés en tout temps, notamment contre tout acte de violence ou d'intimidation, contre les insultes et la curiosité publique.Les mesures de représailles à leur égard sont interdites. . [17]
Bien que l’Éthiopie n’ait ni signé ni ratifié d’équivalent à a la Convention contre la Torture (CCT) – les normes anti-torture ont été reconnues au niveau international avec un statut de lois coutumières qui peuvent être retrouvées dans les Conventions de Genève, la Déclaration universelle des droits humains, les conventions sur les droits civils, politiques et économiques et la CCT. L’Éthiopie doit remplir ses obligations vis-à-vis de la CCT afin de s’assurer que les personnes qu’elle détient ne sont soumises à aucun mauvais traitement. Il ressort clairement des témoignages recueillis auprès des personnes qui ont été détenues en Éthiopie, que les interrogateurs ont exercé des tortures. Il est impératif que l’Éthiopie satisfasse à ses obligations en vertu des 3ème et 4ème Conventions de Genève et fournisse la protection pleine et entière due aux personnes détenues. Si les Éthiopiens maintiennent les détentions, ils pourraient se rendre coupables de violations « graves » ou « sérieuses de l’article 147 de la 4ème Convention de Genève
DÉTENUS EN ÉTHIOPIE
Ressortissants suédois et résidents étrangers en Suède
Il y a actuellement deux ressortissants suédois, un résident étranger en Suède, la femme d’un ressortissant et leurs enfants détenus dans un prison de type Guantánamo en Éthiopie. Les manifestes de vol révélés par le Muslim Human Rights Forum au Kenya indiquent que tous ces individus ont été arrêtés au Kenya et transférés en Somalie. La confirmation d e leur transfert ultérieur en Éthiopie a été donnée par la déclaration de Safia Benaouda, qui se trouvait avec eux dans la prison éthiopienne.
Le ministère suédois des Affaires étrangères a déjà déclaré qu’il va représenter les intérêts de ses ressortissants et résidents étrangers e essayer d’assurer leur libération et leur rapatriement.
1. Munir Awad et Safia Benaouda
Munir Awad et sa fiancée Safia Benaouda se sont rendus fin 2006 à Dubaï pour de longues vacances. Voulant passer deux semaines dans un autre pays musulman, le couple a décidé d’aller passer deux semaines en Somalie pour expérimenter un autre pays musulman. Safia raconte :
« J’aime voyager et j’étais excitée à l’idée de découvrir la Somalie, un nouveau pays musulman pour moi, je voulais voir à quoi ça ressemblait. Je crois que les Somaliens n’aiment pas les Blancs et je me suis sentie mal à l’aise là-bas en tant que Blanche. Nous ne sommes même pas restés deux semaines à Mogadiscio comme nous en avons l’intention au départ…Nous étions déçus et voulions rentrer mais nous n’avons pas pu car les trouble sont éclaté à ce moment-là. » [18]
Ils avaient l’intention de reprendre un vol pour Dubaï le 24 décembre 2006. Or ce fut justement le jour choisi par l’armée éthiopienne pour attaquer la Somalie et bombarder l’aéroport international de Mogadiscio. Les vols internationaux ont été immédiatement annulés, ce qui a obligé les étrangers qui voulaient quitter le pays à chercher un autre moyen de le faire. Le ministère suédois des Affaires étrangères a émis des avis conseillant aux ressortissants suédois de contacter leurs ambassades au Kenya ou en Éthiopie. Les familles ont donc téléphoné à ceux des leurs qui étaient en Somalie pour leur transmettre ce conseil. Munir et Safia, tenant compte de ce conseil, se sont alors mis en route vers la frontière somalo-kényane pour établir le contact avec l’ambassade suédoise, craignant d’aller en Éthiopie à cause de son hostilité à l’égard du gouvernement des Tribunaux islamiques.
Des Somaliens ont commencé à proposer aux étrangers de les escorter contre paiement vers la frontière kényane. Le couple a saisi l’occasion et s’est rendu avec ses guides à Kismayo, où se sont retrouvés beaucoup d’autres étrangers, eux aussi emmenés par des guides. Tous avaient l’intention de passer au Kenya pour fuir les combats. Munir est parti vers le Kenya avec un groupe d’hommes et Safia avec un groupe séparé de femmes. Tous les deux ont été arrêtés à leur arrivée au Kenya. Safia a expliqué qu’il y avait “ 3 soldats US (portant des badges e de uniformes militaires US) et 10 soldats kényans” qui ont arrêté son groupe de femmes et d’enfants à la frontière somalo-kényane.
Safia et Munir se sont retrouvés ensemble une fois ramenés à Mogadiscio puis plus tard en Éthiopie, bien qu’ils n’aient pas été autorisés à se parler ou à se rencontrer à aucun moment en Éthiopie, jusqu’au moment où Safia a été libérée pour être renvoyée en Suède.
Lorsqu’elle a pu le rencontrer avant son départ, elle a pu voir les marques des coups et de tortures infligés par les interrogateurs US. Il lui a expliqué qu’ils lui faisaient la vie dure.
2. Osman Ahmed Yassin et sa famille
Arrêté à Hulugo, à la frontière somalo-kényane, Osman Ahmed Yassin, un citoyen suédois, ainsi que sa femme et leurs deux enfants, ont été été transférés de Kenya en Somalie et de là, en Éthiopie. Osman a été détenu dans des conditions qui s’apparentent à de la torture et à des traitements cruels et dégradants. Selon Safia Benaouda, il a été torturé plus que la plupart des autres détenus, et bien qu’il en ait porté des marques apparentes, les agents de renseignement suédois qui l’ont interrogé en Éthiopie ne lui ont pas posé de questions à ce sujet. L’ambassade au Kenya a prétendu en permanence de pas avoir connaissance de la présence de ressortissants suédois dans des prisons kényanes, bien que, selon, des sources fiables en Suède, l’ambassadeur suédois au Kenya ait rencontré Osman lorsqu’il était détenu à Nairobi. Des fonctionnaires de l’ambassade se sont en outre rendus dans les prisons et on apporté à Osman des brosses à dents, du savon et des vitamines, et se sont mis d’accord avec lui pour le rencontrer le lendemain, mais, ont-ils prétendu, il avait été déplacé lorsqu’ils sont venus le lendemain. L’ambassade a constamment prétendu ne pas avoir connaissance de détentions de citoyens suédois au Kenya ni de leur imminent transfert en Somalie.
3. Youssef El Haitali
Youssef El Haitali est un résident étranger en Suède marié à une ressortissante suédoise. Ils étaient partis à l’étranger avec leurs deux enfants avec l’intention de s’installer dans un pays arabe pour y trouver du travail. Le18 décembre 2006, Youssef a laissé sa famille à Dubaï pour se rendre en Somalie, afin d’y évaluer la situation pour une éventuelle installation. À son arrivée, l’Union des tribunaux islamiques contrôlait encore la situation, mais tout a changé quand l’Éthiopie a envahi la Somalie le 24 décembre. Suivant les directives du gouvernement suédois, , Youssef s’est rendu au Kenya, où il a été arête comme beaucoup d’autres. Le 27 janvier 2007, il est parvenu à donner un coup de fil à sa femme pour lui dire qu’il était emprisonné à l’aéroport et qu’il avait besoin d’aide pour être rapatrié en Suède. La fois suivante où sa femme a eu de ses nouvelles était le 1er février 2007 : il a expliqué que des prisonniers avaient été transférés et qu’il craignait qu’on ne fasse la même chose avec lui. Ce n’est que le 7 février 2007 que le ministère suédois des Affaires étrangères a confirmé à son épouse qu’il avait en effet été transféré en Éthiopie et qu’ils attendaient une confirmation de ce fait de la part du gouvernement éthiopien.
Déclarations des familles suédoises :
Safia Benaouda, fiancée de Munir Awad : « Je ne peux rien faire sans penser à lui. Tout me semble horrible. Je me demande comment je peux manger et dormir alors qu’il est toujours là-bas. J’ai honte de sourire ou de faire quelque chose de sympa qui fait plaisir car il est mon meilleur ami. Je n’ai jamais eu un ami comme Munir. C’est mon premier meilleur ami, quelqu’un en qui j’ai confiance, quelqu’un avec je partage tout et dont je sais qu’il sera toujours là. Il me dit toujours que je suis le plus beau cadeau qu’on lui ait jamais fait. Ça me fait un sacré effet. Nous allons avoir un enfant ensemble et ce lien spécial entre nous va devenir encore plus fort. Nous allons être parents ensemble et je veux qu’il rentre à la maison. » [19]
Umm Aisha, femme de Youssef El Haitali :« J’ai perdu toute confiance dans le gouvernement suédois. Il semble qu’ils se fichent totalement de lui. » [20]
Recommandations:
• Le gouvernement suédois devrait faire une représentation complète concernant les ressortissants et résidents étrangers encore emprisonnés à Addis Abeba.
• Alors que la femme et les enfants d’ Osman Ahmed ne sont pas ressortissants suédois, Osman l’est. Le gouvernement suédois devrait engager toutes les démarches nécessaires pour accélérer le processus d’attribution de la nationalité suédoise aux enfants et à la mère, afin de pouvoir recevoir toute la famille en Suède.
Ressortissants kényans
Dans un vaste opération de rafles à travers tout le Kenya en janvier, l’unité antiterroriste de la police et l’armée kényanes ont arrêté un certain nombre de ressortissants kényans, qu’ils aient franchi la frontière en provenance de Somalie ou non. Un certain nombre de ressortissants kényans ont été illégalement emprisonnés ou transférés. Bien que beaucoup d’entre eux aient été remis à la Somalie, il a été impossible de localiser la plupart d’entre eux.
La gouvernement kényan a refusé de reconnaître qu’il avait remis des ressortissants kényans, et ce en dépit du fait des preuves fournies par les manifestes de vol obtenus par des procédures judiciaires. L’indignation publique au Kenya n’a pas été en mesure de modifier la position du gouvernement, bien que le lieu de détention des personnes transférées reste inconnu. D’une manière fort semblable à celle du Pakistan, le gouvernement kényan s’est montré disposé à permettre que ses citoyens soient remis sans autre forme de procès à la juridiction territoriale d’un autre pays et se retrouvent ainsi exposés à un danger réel de torture en étant envoyés dans une zone en conflit.
Selon Cageprisoners, les ressortissants kényans ont été amenés dans une des nombreuses bases militaires utilisées en Éthiopie par des forces étrangères dans le cadre de la « guerre mondiale contre le terrorisme ».
1. Kényans remis à l’Éthiopie
Dans une série d’arrestations de ressortissants étrangers venant de Somalie au Kenya pour fuir le conflit, Said Hamisi Mohammed a été arrêté le 4 janvier 2007 à Kiunga. Le 20 février, Said a pu appeler sa soeur Fatima pour lui dire qu’il avait été transféré en Éthiopie après avoir été remis par le Kenya à a Somalie. Said faisait partie d’un groupe de Kényans envoyés en avion en Somalie vers le 27 janvier 2007. Dans sa conversation téléphonique avec sa soeur, Said s’est plaint de la brutalité des soldats éthiopiens et a dit avoir été battu ainsi que les autres détenus.
Abdi Muhammed Abdillahi a été arrêté à Liboi et transféré dans diverses prisons au Kenya avant d’être remis à la Somalie. Grâce à ses contacts à Mogadiscio, le père d’Abdi a pu s’assurer que sue son fils avait été remis à l’Éthiopie, où il est détenu dans une prison inconnue.
Parmi les autres ressortissants kényans se trouvent les trois enfants Luqman, Asma et Sumaiya Fazul Hassan, qui ont tous été remis à l’Éthiopie avec leur mère, qui est ressortissante des Comores. La mère et les enfants étaient détenus dans la même prison que Safia Benaouda à Addis Ababa.
2. Kényans remis à la Somalie
Bashir Hussein Chirag et Swaleh Ali Tunza were ont été capturés par l’amée kényane le 4 janvier 2007 à Kiunga. Après une détention au Kenya, ils ont été remis à la Somalie le 27 janvier 2007 dans un des vols organisés pour transférer les détenus. Il y avait dans ce groupe aussi Salim Awadh Salim qui a pu appeler le Muslim Human Rights Forum à plusieurs occasions depuis Mogadiscio.
Parmi les autres détenus remis à la Somalie et ont on ignore où ils trouvent actuellement, il y a :
Hassan Shaban Mwazume, Saie Khamis Moha, Bashir Hussein Moha, Nasru Tuko, Hussein Ali Said, Tsuma Soloman Adam, Hajir Mohamed Mahamud, Mohamed Abushir Salim, Kasim Musa Mwarusi, Ali Musa Mwarusi, Abdallah Halifan Tondwe, Said Shifa, Salame Ngama, Ibrahim Odhiambo Wajal, Aden Sheikh Abdullah et Yusuf Ali Haitagi.
3. Mohamed Abdul Malik Abdul Jabbar
Vivant à Mombasa depuis 4 ans, après son arrivée de Somalie, Mohammed Abdul Malik a été arrêté et emmené au commissariat de police de Rongai. Le Muslim
Human Rights Forum est parvenu à lui rendre une visite avant que tombe l’ordre de lui interdire tout contact après qu’il avait été transféré au commissariat de Hardy. Le 27 février 2007, Abdul Malik a été déplacé ailleurs.
Le 26 mars 2007, l’agence Associated Press publiait un article relatant qu’Abdul Malik avait été transféré à Guantánamo Bay. Bryan Whitman, porte-parole du Pentagone, a expliqué qu’Abdul Malik constituait une menace significative et que pour cette raison, la décision de le transférer à la base avait été prise.
Abdul Malik est passé des mains kényanes aux mains US sans aucune procédure formelle d’extradition et a été effectivement transféré à Guantánamo Bay avec tous les autres détenus qui y ont été transférés sans autre forme de procès.
Déclarations des familles kényanes:
Bidi Bwadaheri, mère de Said Hamisi Mohammed : « Le gouvernement kényan ne nous a jamais rien dit sur son arrestation – ils ne nous ont pas dit qu’il avait été arrêté au Kenya, ni qu’il avait été transféré en Somalie, ni qu’il avait été transféré en Éthiopie…Je me sens mal de ne pas pouvoir voir mon fils – vraiment mal. Je souhaite que si mon fils a fait quelque chose de mal, il soit rapatrié et inculpé ici. » [21]
Millie Mithounie, détenue au Kenya et amie de Kamilya Tuweil :
« Ce n’est pas difficile de faire parvenir ces informations aux gens – j’ai tout. S’ils me tuent parce que j’ai dit la vérité, alors ils peuvent me tuer. Je ne ferai pas de compromis. Comment puis-je me taire alors que soeur est en train de souffrir en Somalie ? Je veux que Kamilya revienne à Dubaï pour retrouver ses enfants qui l’attendent là-bas. Je veux vraiment que le monde sache la vérité sur ce qui s’est passé, car nous ne sommes pas des terroristes. Nous avons été trop honnêtes – tout cela parce que nous n’avons pas voulu donner les 5000 dollars. » [22]
Musa Said Mwarusi, père des frères Mwarusi :
« Je n’ai reçu aucune information du gouvernement. Je ne peux rien dire sur le gouvernement puisqu’ils ne m’ont rien dit du tout. Donc comment puis-je réagir puisqu’ils nient savoir quoi que ce soit ? » [23]
Recommandations:
• Le gouvernement kényan doit rendre publics l’identité et les lieux de détention de tous les prisonniers étrangers et kényans qui sont sous sa garde ou ont été transférés en Somalie, en Éthiopie ou ailleurs, détenus ou transférés en liaison avec les récentes hostilités dans la Corne de l’Afrique.
• Le gouvernement kényan devrait se joindre à la condamnation internationale des conditions régnant à Guantánamo Bay et demander le retour de ses ressortissants pour qu’ils soient jugés selon ses lois ou soumis à une procédure d’extradition au cas un État tiers aurait des demandes légalement étayées à formuler concernant certains de ses ressortissants.
Ressortissants comoriens
Halima Badrudine, une citoyenne des Comores, et ses trois jeunes enfants Luqman, Asma et Sumayyah, ont été arrêtés dans le village de Kiunga au Kenya avec d’autres personnes le 7 janvier 2007. Halima est l’épouse de Fazul Abdullah Mohammed, un binational comorien et kényan soupçonné par les USA d’être impliqué dans les attentats de 1998 contre les ambssades US de Nairobi et Dar As Salaam et de 2002 contre le Paradise Hotel à Kikambala.
Détention au Kenya:
Fuyant la Somalie après le déclenchement de la guerre avec l’Éthiopie, la mère et les enfants ont été arrêtés à leur arrivée au Kenya et enfermés dans le Dépôt interne de containers (ICD) pendant trois semaines. Selon une autre détenue, Halima Hashim, qui a été libérée entretemps, et qui se trouvait avec Halima Baddrudine et ses enfants dans l’ICD, la police kényane les avait menacés en leur disant “si vous ne dites pas la vérité, on va vous étrangler.” [24] Après la période passée dans l’ICD, Halima Badrudine et ses enfants ont été transférés hors de la prison pour apprendre plus tard qu’ils avaient été mises à bord d’un vol de transfert vers la Somalie. Le transfert a été confirmé par Salmin Mohammed Khamis [25], qui a assisté à leur extraction de la prison le 27 janvier et corroboré par les plans de vol produits par l’ONG kényane Muslim Human Rights Forum.
Détention en Somalie et Éthiopie:
Le vol African Express Airways qui a atterri à Mogadiscio le 27 janvier 2007 transportait 35 personnes dont 10 femmes et 11 enfants, parmi lesquels Halima
Badrudine et ses enfants. Selon Safia Benaouda, Halima a été emmenée pour interrogatoires à plusieurs reprises durant sa brève détention en Somalie. Une fois en Éthiopie, aussi bien Kamilya que Safia ont noté le nombre de fois où Halima Badrudine a été emmenée à l’interrogatoire. Safia commente :
« Halima a été interrogée un tas de fois en Éthiopie. Psychologiquemnt, elle était détruite. Ses enfants étaient effrayés chaque fois qu’elle devait être interrogée et qu’ils étaient emmenés avec elle. À leur retour, ils avaient peur de parler avec nous. » [26]
Les mauvais traitements n’avaient pas eulement lieu durant els interrogatories. Safia a aussi été témoin de ce qu’ « ils lui tapaient et criaient dessus devant ses enfants pendant les premières semaines…Elle avait le même air que les hommes (détenus). Déprimée, stressée, au bord de la folie. » [27]
Recommandations:
• L’Union des Comores doit immédiatement intervenir en faveur d’ Halima Badrudine et demander que lui soi garanti un accès à un procès équitable avec plein accès à une représentation légale.
• L’Union des Comores doit aussi prendre des dispositions pour que les enfants d’Halima soient placés auprès de membres de sa famille jusqu’à ce qu’elle soit libérée.
Ressortissant canadien
Bashir Makhtal est un citoyen canadien de 36 ans. Il a été détenu au secret au centre de la Police fédérale d’enquête à Addis Abeba, Ethiopie. Originaire d’Éthiopie, il a obtenu l’asile au Canada en 1991. En 2001 il a monté une entreprise d’achat-vente de vêtements au Kenya et se trouvait pour affaires en Somalie lorsque les Éthiopiens et les US ont attaqué fin 2006. Bashir a fui vers la frontière kényane où il a été arrêté avec 29 autres personnes et emmené dans un lieu de détention à Nairobi , où il dit avoir été interrogé par des officiers de l’armée éthiopienne. Malgré deux appels légaux remettant en cause sa détention et cherchant à prévenir une déportation vers tout autre pays que le Canada, Bashir Makhtal a été remis le 20 janvier 2007 à la Somalie puis à l’Éthiopie, pays qu’il avait fui des années auparavant.
Détention au Kenya:
Pris avec 29 autres à la fontière somalo-kényane, Bashir a été enfermé au commissariat de police de Gigri à Nairobi. Le 15 janvier 2007, il a reçu la visite d’une fonctionnaire du consulat canadien, Kym Henkee-Poole, qui était parvenue à informer sa famille de sa situation. La fonctionnaire canadienne a dit à la famille que Bashir avait été interrogé par l’armée éthiopienne même lorsqu’il se trouvait en détention au Kenya.
Le 17 janvier, l’avocat de Bashir a déposé une demande d’habeas corpus et qu’il soit inculpé ou relâché et le 18 une demande de garantie qu’il ne serait remis à aucun autre pays que le Canada. Malgré ces procédures légales, Bashir informait son avocat par téléphone le 20 janvier qu’il avait été emmené par un vol African Express Airway vers une destination inconnue, après avoir été conduit de force à bord par un garde armé. Les manifestes de vol indiquent que Bashir a été mis dans un avion à destination de la Somalie. Plus tard il a été transféré de là vers l’Éthiopie où ils e trouve toujours. Recommandations:
• Le gouvernement canadien doit engager toutes les démarches diplomatiques pour exiger que Bashir soit inculpé ou relâché.
• Si Bashir est suspecté d’être un combattant illégal, il doit avoir accès à un tribunal aux termes de l’article 75 comme requis par les Conventions de Genève avec tous les éléments d’un procès ouvert et équitable.
Ressortissant US
Amir Mohammed Meshal est un citoyen US de 24 ans détenu au secret en Éthiopie. Selon des articles de presse, Amir Mohammed Meshal devait être remis en liberté le 13 avril 2007, mais son retour aux USA a été reporté indéfiniment car son nom avait été placé sur les listes d’indésirables (“no-fly lists”) à bord des vols aériens US du Département de la Sécurité intérieure par le FBI. Plus de deux semaines plus tard, Amir Mohammed Meshal reste incarcéré en Éthiopie et rien n’a été entrepris pour enlever son nom de la liste et lui permettre de rejoindre sa famille.
Détention au Kenya:
Le 20 janvier 2007, Amir Mohamed Meshal a été arête à la frontière somalo-kényane et mis en détention par les Kényans. À Nairobi, Amir a été questionné à plusieurs reprises par le FBI, selon des témoignages recueillis par Cageprisoners et
Reprieve [28]. Le 6 février 2007, le père d’Amir a reçu à son domicile du New Jersey une visite du FBI qui l’a informé que son fils était détenu au Kenya. Le soir même le Département d’État US a confirmé son incarcération et a déclaré qu’il cherchait à assurer son rapatriement aux USA. Le 10 février 2007, Amir a été transféré par avion du Kenya en Somalie puis de là en Éthiopie après quelques jours. Après une longue période de détention dans une prison éthiopienne, le Washington Post et le New York Times ont révélé que Amir devait être remis en liberté durant la deuxième semaine d’avril mais que son retour était bloqué par le fait que son apparaissait sur les listes d’indésirables à bord des vols aériens US établie par le Département de la Sécurité intérieure. Amir Mohammed
Meshal reste incarcéré en Éthiopie sans accès à des avocats ou à un tribunal pour assurer sa remise en liberté et court en permanence le risqué d’être torturé.
Recommandations:
• Le gouvernement US doit demander la libération d’Amir qui a été blanchi de toute accusation et reste détenu sans inculpation.• Le Département de la Sécurité intérieure US devrait retirer immédiatement le nom d’ Amir Mohammed Meshal de la liste des indésirables et assurer son retour aux USA. Tant que son nom ne sera pas retiré de cette liste, aucun transporteur ne pourra le rapatrier.
Citoyen rwandais
Ibrahim Clément Muhibitabo est un ressortissant rwandais de 37 ans qui a vécu au Kenya depuis les lendemains du génocide. Sa femme Fatuma et leurs trois enfants, âgés de 11 ans, 1 an et 4 mois, vivent tous à Nairobi. Fatuma dit qu’ Ibrahim avait du mal à trouver du travail au Kenya et qu’à la mi-novembre, il était parti pour le Moyen-Orient via la Somalie. Quand l’armée éthiopienne a attaqué la Somalie en décembre 2006, il s’est enfui au Kenya et a été arrêté avec un groupe d e personnes à la frontière et enfermé au commissariat de police de Kileleshwa à Nairobi. Fatuma a pu voir son mari en prison à plusieurs reprises, et lors de la dernière visite, le 19 janvier, elle a pu amener leur dernier-né, qu’il a ainsi pu voir pour la première fois. Le lendemain, lorsque Fatuma est arrivée au commissariat, Ibrahim avait disparu. Après une longue attente, elle s’est enfin entendue dire qu’il avait été transféré en Somalie. Depuis lors, Fatuma n’a plus eu aucune nouvelle de lui. Elle ne sait pas comment elle est ses trois enfants vont survivre vu qu’elle n’a aucun revenu.
Détention au Kenya:
Ibrahim Clément Muhibitabo a été arêté fin décembre ou début janvier à la frontière somalo-kényane. Il a été conduit au commissariat de Kileleshwa à Nairobi où il a été détenu sans inculpation. Le 20 janvier sa femme a appris qu’il avait été transféré en Somalie puis en Éthiopie, où il est actuellement détenu au secret et court des risques sérieux de torture.
Recommandations:
• Les autorités éthiopiennes doivent soit inculper soit relâcher Ibrahim immédiatement.
• Si les Éthiopiens envisagent de l’inculper comme combattant illégal, elles doivent appliquer les Conventions de Genève et lui garantir l’accès à un tribunal aux termes de l’Article 75, avec les garanties d’un procès ouvert et équitable pour déterminer son statut de combattant.
• S’il est remis en liberté, le gouvernement kényan a l’obligation morale d’engager des démarches pour le faire revenir au Kenya, son premier pays d’asile après le génocide au Rwanda.
Notes
1 Déclaration de Safia Benaouda à Cageprisoners et Reprieve à Stockholm, Suède, 05/04/2007
2 Déclaration de Fatima Ahmed Abdur Rahman à Cageprisoners et Reprieve à Mombasa, Kenya
02/03/20073 Les manifestes de vol des transferts peuvent être trouvés dans ce rapport :
http://www.cageprisoners.com/download.php?download=549
4 Déclaration de Mohammed Ezzouek à Cageprisoners et Reprieve à Londres, 14/02/20075 Déclaration de Kamilya Tuweil à Cageprisoners et Reprieve à Sharjah, Dubaï 09/04/2007
6 Déclaration de Safia Benaouda à Cageprisoners et Reprieve à Stockholm, Suède 05/04/2007
7 Déclaration de Safia Benaouda à Cageprisoners et Reprieve à Stockholm, Suède 05/04/2007
8 Déclaration de Kamilya Tuweil à Cageprisoners et Reprieve à Sharjah, Dubaï 09/04/20079 Déclaration de Safia Benaouda à Cageprisoners et Reprieve à Stockholm, Suède 05/04/2007
10 Déclaration de Safia Benaouda à Cageprisoners et Reprieve à Stockholm, Suède 05/04/200711 Déclaration de Safia Benaouda à Cageprisoners et Reprieve à Stockholm, Suède 05/04/2007
12 Déclaration de Safia Benaouda à Cageprisoners et Reprieve à Stockholm, Suède 05/04/2007913 Déclarations de réfugiés somaliens à Cageprisoners et Reprieve à Dadaab, Kenya 06/03/200714 Article 49, Genève (IV) Convention relative au traitement des prisonniers de guerre18 Déclaration de Safia Benaouda à Cageprisoners et Reprieve à Stockholm, Suède 05/04/2007
15 Article 49, Genève (IV) Convention relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre
16 Article 5, Genève (III) ) Convention relative au traitement des prisonniers de guerre17 Article 13, Genève (IV) Convention relative au traitement des prisonniers de guerre 19 Déclaration de Safia Benaouda à Cageprisoners et Reprieve à Stockholm, Suède 05/04/200720 Déclaration d’Umm Aisha à Cageprisoners et Reprieve à Stockholm, Suède 06/04/200721 Déclaration de Bidi Bwadaheri à Cageprisoners et Reprieve à Mombasa, Kenya 02/03/200722 Déclaration de Millie Mithounie Gako à Cageprisoners et Reprieve in Mombasa, Kenya 02/03/200723 Déclaration de Musa Said Mwarusi à Cageprisoners et Reprieve à Mombasa, Kenya 02/03/2007
24 Déclaration de Halima Hashim à Cageprisoners et Reprieve à Nairobi, Kenya 01/03/2007
25 Déclaration de Salmin Mohammed Khamis à Cageprisoners et Reprieve à Nairobi, Kenya
02/03/200726 Déclaration de Safia Benaouda à Cageprisoners et Reprieve à Stockholm, Suède 05/04/2007
27 Déclaration de Safia Benaouda à Cageprisoners et Reprieve à Stockholm, Suède 05/04/200728 Déclaration de Mohammed Ezzouek à Cageprisoners et Reprieve à Londres, RU 14/02/2007
Auteur Asim Qureshi Cageprisoners
Recherche Maryam Hassan Cageprisoners
Remerciements à
Clara Gutteridge Chercheuse, Reprieve
Safia Benaouda , victime de transfert en Éthiopie
Helena Benaouda, mere de Safia Benaouda
Kamilya Tuweil, victime de transfert en Éthiopie
Mohammed Ezzouek, victime de transfert en Somalie
Traduction Fausto Giudice, Tlaxcala et Chronique de Guantánamo