Note de lecture sur le livre "Mission Guantanamo" d'Anne-Marie Lizin. Préface de Boutros Boutros-Ghali, Ed. Perrin, 182 pages, 14,80 €
par Corine Lesnes, Le Monde, 20 Mai 2008
par Corine Lesnes, Le Monde, 20 Mai 2008
Représentante spéciale pour Guantanamo de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), l'ancienne présidente du Sénat de Belgique Anne-Marie Lizin fait partie de ceux qui plaident pour aider les Etats-Unis à vider la prison ouverte en janvier 2002 par le Pentagone pour accueillir les détenus de la "guerre antiterroriste".
Pour elle, il entre beaucoup d'hypocrisie dans la position des Européens, qui dénoncent le "trou noir" juridique créé par l'administration Bush, mais refusent de donner un visa aux prisonniers que les Américains ne demandent qu'à libérer. "Il y a un sentiment antiaméricain un peu simpliste, regrette-t-elle : "Ce sont eux qui ont créé le problème. A eux de le résoudre"." A quelques mois de l'élection présidentielle aux Etats-Unis, elle a aussi noté les réticences à "aider les républicains". Une erreur, selon elle ("les démocrates sont demandeurs, aussi, de cette fermeture"). Et un déni d'humanité pour les innocents qui attendent un asile.
Dans ses rapports à l'OSCE, une organisation de 56 membres dont les Etats-Unis, Mme Lizin a recommandé la fermeture du camp, tout en évitant de prendre de front Washington, ce qui lui a valu les éloges de John Bellinger, le "M. Guantanamo" du département d'Etat, pour la manière avec laquelle elle a "dépassé l'hystérie" internationale sur le sujet. Dans son livre, elle expose ses "négociations secrètes pour vider la prison de la Navy".
Elle raconte avec le ton d'une personne qui est entrée dans la cage aux lions, a essayé de les amadouer, et qui, n'ayant pas été dévorée, plaide qu'ils se sont beaucoup assagis. A sa première visite à Washington, en 2005, elle s'est vu opposer un refus catégorique de la part des autorités : pas question de visiter "Gitmo". Deux ans et demi plus tard, elle faisait du lobbying à Helsinki en compagnie d'une équipe du Pentagone et du département d'Etat pour trouver des points de chute aux détenus dont les Etats-Unis souhaitent se décharger.
Quand le récit s'achève, en décembre 2007, il reste encore 275 détenus à Guantanamo, dont une centaine de Yéménites pour lesquels les Etats-Unis essaient de négocier un programme de "rééducation" similaire à celui qu'ils ont mis en place avec l'Arabie saoudite. Et vingt-trois détenus que les Américains appellent "NLEC" ("no longer enemy combattants"). Ceux-là ne sont plus considérés comme "dangereux", pour autant qu'ils l'aient jamais été, mais ils ne peuvent être renvoyés dans leurs pays pour des raisons multiples. Parmi eux, seize Ouigours, quatre Ouzbeks, un Egyptien, un Palestinien et un Somalien.
Pour Mme Lizin, il entre une part de "responsabilité internationale" dans le combat assumé par les Américains. C'est pourquoi elle en appelle à la "solidarité" entre l'Europe et les Etats-Unis. Dès lors qu'il ne restera plus à "Gitmo" que les 80 suspects que les Etats-Unis entendent juger, le Pentagone fera moins de difficultés pour les transférer sur le continent, et le camp pourra être fermé, affirme-t-elle.
Tout aussi controversées risquent d'être les pages consacrées au projet de révision des conventions de Genève pour les adapter aux conflits asymétriques "modernes". Depuis les attentats de 2001, les Etats-Unis essaient d'entraîner leurs partenaires dans cette logique, que réfutent le gouvernement suisse et les organisations humanitaires. Le candidat républicain John McCain est favorable à une réflexion sur le sujet, ainsi que nombre de démocrates. Pour Mme Lizin, une nouvelle fois d'accord avec les responsables américains, c'est à l'OTAN qu'il appartient de jeter les bases d'une nouvelle convention.
Pour elle, il entre beaucoup d'hypocrisie dans la position des Européens, qui dénoncent le "trou noir" juridique créé par l'administration Bush, mais refusent de donner un visa aux prisonniers que les Américains ne demandent qu'à libérer. "Il y a un sentiment antiaméricain un peu simpliste, regrette-t-elle : "Ce sont eux qui ont créé le problème. A eux de le résoudre"." A quelques mois de l'élection présidentielle aux Etats-Unis, elle a aussi noté les réticences à "aider les républicains". Une erreur, selon elle ("les démocrates sont demandeurs, aussi, de cette fermeture"). Et un déni d'humanité pour les innocents qui attendent un asile.
Dans ses rapports à l'OSCE, une organisation de 56 membres dont les Etats-Unis, Mme Lizin a recommandé la fermeture du camp, tout en évitant de prendre de front Washington, ce qui lui a valu les éloges de John Bellinger, le "M. Guantanamo" du département d'Etat, pour la manière avec laquelle elle a "dépassé l'hystérie" internationale sur le sujet. Dans son livre, elle expose ses "négociations secrètes pour vider la prison de la Navy".
Elle raconte avec le ton d'une personne qui est entrée dans la cage aux lions, a essayé de les amadouer, et qui, n'ayant pas été dévorée, plaide qu'ils se sont beaucoup assagis. A sa première visite à Washington, en 2005, elle s'est vu opposer un refus catégorique de la part des autorités : pas question de visiter "Gitmo". Deux ans et demi plus tard, elle faisait du lobbying à Helsinki en compagnie d'une équipe du Pentagone et du département d'Etat pour trouver des points de chute aux détenus dont les Etats-Unis souhaitent se décharger.
Quand le récit s'achève, en décembre 2007, il reste encore 275 détenus à Guantanamo, dont une centaine de Yéménites pour lesquels les Etats-Unis essaient de négocier un programme de "rééducation" similaire à celui qu'ils ont mis en place avec l'Arabie saoudite. Et vingt-trois détenus que les Américains appellent "NLEC" ("no longer enemy combattants"). Ceux-là ne sont plus considérés comme "dangereux", pour autant qu'ils l'aient jamais été, mais ils ne peuvent être renvoyés dans leurs pays pour des raisons multiples. Parmi eux, seize Ouigours, quatre Ouzbeks, un Egyptien, un Palestinien et un Somalien.
Pour Mme Lizin, il entre une part de "responsabilité internationale" dans le combat assumé par les Américains. C'est pourquoi elle en appelle à la "solidarité" entre l'Europe et les Etats-Unis. Dès lors qu'il ne restera plus à "Gitmo" que les 80 suspects que les Etats-Unis entendent juger, le Pentagone fera moins de difficultés pour les transférer sur le continent, et le camp pourra être fermé, affirme-t-elle.
Tout aussi controversées risquent d'être les pages consacrées au projet de révision des conventions de Genève pour les adapter aux conflits asymétriques "modernes". Depuis les attentats de 2001, les Etats-Unis essaient d'entraîner leurs partenaires dans cette logique, que réfutent le gouvernement suisse et les organisations humanitaires. Le candidat républicain John McCain est favorable à une réflexion sur le sujet, ainsi que nombre de démocrates. Pour Mme Lizin, une nouvelle fois d'accord avec les responsables américains, c'est à l'OTAN qu'il appartient de jeter les bases d'une nouvelle convention.
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