Les accusés du 11-Septembre sortent de leur mutisme
par Chantal Valéry, Agence France-Presse, Base US de Guantanamo, 15/10/2012
par Chantal Valéry, Agence France-Presse, Base US de Guantanamo, 15/10/2012
Ces détenus «de grande
valeur», incarcérés à Guantanamo dans des conditions d'extrême
sécurité, ont marqué leur première apparition devant la justice en cinq
mois. Photo: AP
Ces détenus «de grande
valeur», incarcérés à Guantanamo dans des conditions d'extrême
sécurité, ont marqué leur première apparition devant la justice en cinq
mois. Photo: AP
Les accusés des attentats du
11-Septembre sont sortis de leur mutisme lundi devant la justice
militaire à Guantanamo, le cerveau des attaques dénonçant d'emblée un
tribunal sans «justice».
Ce
tribunal d'exception, devant lequel les accusés comparaissaient pour la
première fois depuis leur mise en accusation en mai, doit décider si le
secret qui entoure les tortures endurées pendant leur détention doit
être levé.
«Je ne pense pas qu'il y ait une quelconque justice dans ce tribunal», a
dénoncé Khaled Cheikh Mohammed, qui a revendiqué les attaques «de A à
Z».
«En mai, ils étaient en résistance pacifique, aujourd'hui ils ont
participé, mais cela ne signifie pas qu'ils reconnaissent la légitimité
de ce tribunal», a déclaré à la presse James Connell, avocat d'un des
accusés.
M. Mohammed, alias KSM pour ses initiales en anglais, est apparu un
turban blanc sur la tête, lisant de temps à autre un journal en
caressant son épaisse barbe teinte au henné.
Assis sans entrave sur des bancs séparés, mais chuchotants de temps en
temps entre eux, ses co-accusés, les Yéménites Walid Ben Attach et Ramzi
ben al-Chaïba, le Saoudien Moustapha al-Houssaoui et le Pakistanais
Ammar al-Baluchi, neveu de KSM, étaient vêtus de tuniques
traditionnelles et de turbans ou coiffes blancs sur la tête.
L'un d'eux a déroulé son tapis de prière pendant une suspension d'audience.
Ces détenus «de grande valeur», incarcérés à Guantanamo dans des
conditions d'extrême sécurité, ont marqué leur apparition par une
participation plus active que lors de la lecture de l'acte d'accusation
le 5 mai.
Cette audience de cinq jours vise à préparer le procès qui ne devrait
pas s'ouvrir avant un an à Guantanamo, après onze années de
rebondissements et une vaine tentative de l'administration de Barack
Obama de l'organiser devant un tribunal de Manhattan.
«Torture»
Après une tentative avortée de les juger en 2008, KSM et ses acolytes
avaient alors défié le juge James Pohl en refusant de répondre aux
questions.
Barbe noire et lunettes, le Saoudien Houssaoui, accusé d'être le
financier du complot du 11-Septembre, a invoqué «le nom d'Allah» avant
de donner celui de l'avocat civil spécialiste de la peine de mort dont
il veut désormais s'entourer.
Il a répondu sans résistance aux questions du juge sur un potentiel
conflit d'intérêts impliquant son avocate, qui avait auparavant défendu
un de ses co-accusés.
KSM, 47 ans, qui a
fait des études aux États-Unis et parle couramment l'anglais, a choisi
de répondre en arabe, à la différence de son neveu M. al-Baluchi.
Ce dernier a répondu avec humour qu'il «ferait en sorte de laisser des
notes» dans sa cellule, lorsque le juge lui demandait s'il comprenait
que la procédure le concernant se poursuivrait en cas d'évasion de la
prison.
«S'échapper de prison?», a demandé, perplexe, M. al-Chaïba, également en anglais.
Barbe noire et lunettes, le Saoudien Houssaoui, accusé d'être le
financier du 11-Septembre, a précisé avoir été prévenu de l'audience
«une heure avant de partir».
Accédant à une demande de la défense, le juge a autorisé les accusés à
ne pas assister aux débats, et ce dès mardi. M. Houssaoui devrait être
absent du tribunal mardi, a indiqué son avocat.
Le procureur Mark Martins, farouchement contre, a soutenu qu'«aucun tribunal n'a reconnu le droit d'être absent».
Le colonel Pohl a pris cette décision après un bref bras de fer avec un
avocat qui désirait «parler de la torture» endurée par les accusés
pendant quatre ans et demi.
Le capitaine Michael Schwartz, défenseur militaire de M. Ben Attach, un
proche d'Oussama ben Laden qui dirigeait un camp en Afghanistan où deux
des pirates de l'air ont été formés, a estimé qu'il fallait parler des
«intimidations physiques et émotionnelles» pour décider de leur présence
ou absence au tribunal. Mais le juge a rejeté «un argument sans
fondement».
Avec 11 des 25 recours consacrés à la censure, l'audience se poursuivra
mardi sur le secret que le gouvernement veut maintenir sur les
déclarations des accusés, en raison de mauvais traitements assimilés à
de la torture qu'ils ont subis dans des prisons de la CIA.
Le gouvernement invoque la sécurité nationale tandis que la défense,
soutenue par 14 médias et l'association de défense des libertés civiles
Aclu, demande la publicité et la transparence des débats.
Cette audience a déjà été retardée plusieurs fois.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire