mercredi 24 juin 2009

Pourquoi Obama refuse la publication des photos

par Yvonne RIDLEY. Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original : Why Obama refuses to put us in the picture

Il existe un groupe d’hommes et de femmes pleins de suffisance au sein des services de renseignement US qui savaient très bien que le président Barack Obama n’autoriserait jamais la publication des photos et vidéos de tortures de prisonniers.
Ils savaient très bien que ces images étaient trop choquantes pour être révélées aux yeux du monde extérieur et la triste vérité est qu’elles resteront choquantes pendant les 50 années à venir.
Je le savais aussi bien mais je ne l’ai pleinement réalisé qu’il y a quelques semaines au cours d’une rencontre destinée à éveiller la conscience publique sur le legs de la Guerre contre terrorisme de George W Bush.

Jusque-là j’avais cru naïvement que l’administration Obama remplirait sa promesse d’être l’administration la plus ouverte dans l’histoire de l’Usamérique.
Chaque fois que j’avais des doutes sur les promesses courageuses d’Obama la réponse à la question : « Pouvez-vous vraiment ? » était un sonore : « Oui, nous le pouvons ».

Comme je l’ai dit, les doutes m’ont assailli lors d’une rencontre à Bradford, dans le Nord de l’Angleterre, durant un discours à réveiller les morts, tenu par Anas Al Tikriti, de la Fondation Cordoba, sur les injustices de la Guerre contre le terrorisme auxquelles nous continuons à être confrontés.

Pour illustrer son discours, des images parlantes de la prison d’Abou Ghraïb étaient projetées sur des écrans géants tout autour de la salle…J’ai constaté avec surprise que j’avais de fait oublié à quel point elles étaient horribles. Nous nous souvenons tous de l’image, devenue icône, de Satar Jabar encagoulé, debout sur une caisse et tenant deux fils électriques dans ses mains, avec un autre fil attaché à son pénis, persuadé qu’il est sur le point d ‘être électrocuté.

Mais les autres photos, quand elles ont été projetées, ont coupé le souffle et le sifflet au public, qui s’est mis à s’agiter sur ses chaises, mal à l’aise. Il semble que le temps avait émoussé nos souvenirs et que certains d’entre nous avaient oublié les hommes nus, empilés en pyramides humaines, les chiens montrant les dents et haletant au-dessus de prisonniers terrorisés, lorgnés par des militaires US ricaneurs.
Je me suis penchée vers mon voisin de gauche et lui ai confié : « Je ne peux pas croire que j’avais oublié l’horreur qu’était Abou Ghraïb. »

Il m’a chuchoté en retour : « Ce n’est rien. Rappelle-toi que les photos sont sorties longtemps après l’ouverture de Guantanamo et plus de trois ans après que des gens avaient déjà été torturés et assassinés à Bagram. Si tu penses que ces photos sont horribles, attends que les autres soient publiées. »
Et à ce moment-là, j’ai réalisé que justement, ça ne va pas avoir lieu.

Mon voisin n’était autre que Moazzam Begg, sans doute le plus connu ex-pensionnaire de Guantanamo Bay, un homme qui a témoigné des brutalités et des atrocités, y compris le meurtre et la torture, commises de façon routinière par les interrogateurs et les soldats US à Bagram, en Afghanistan.


Avant son kidnapping

Nous étions venus tous deux à Bradford pour parler de l’odyssée du Dr. Aafiya Siddiqui, une mère de trois enfants qui a été kidnappée, torture et détenue plusieurs années à Bagram avant d’être blessée par balle par des soldats US et d’être soumise à un transfert extraordinaire vers New York.

À cette époque, les USA démentaient que le Dr. Siddiqui eût jamais été détenue à Bagram – bien que j’en eusse des preuves irréfutables, dont une identification positive par d’anciens détenus.

Et il m’est apparu que dans ces immondes archives cachées de photos et de vidéos révélant toute l’étendue des tortures US, il devait certainement y avoir des photos du Dr. Aafiya Siddiqui.

Comme les USA continuent à démentir avoir jamais détenu le Dr Siddiqui, il est hors de question qu’ils publient l’intégralité des archives de photos et de vidéos car celles-ci sont trop accusatrices et ouvriraient les vannes à un flot de toutes sortes d’actions en justice, d’annulations de procès et sans doute de compensations.

Bien sûr, l’autre raison pour laquelle le président Obama ne veut pas que ces images soient rendues publiques, c’est que cela enflammerait à la fois les amis et les ennemis et à long terme, sans doute, cela mettrait en danger la vie de tout citoyen US voyageant dans le monde musulman, pour ne pas parler des militaires.

Obama a lui-même dit qu’il avait décidé d’empêcher la publication des images de détenus torturés par les interrogateurs US pour la raison que “la conséquence la plus directe d’une publication, je crois, serait d’enflammer encore plus l’opinion anti-US et de mettre nos troupes encore plus en danger ». L’animateur de télé Jon Stewart a noté avec une ironie désabusée dans son show Comedy Central que la déclaration d’Obama « résume le dilemme dans lequel nous nous trouvons dans cette affaire de torture et d’abus. Torturer des détenus est censé être l’unique moyen d’obtenir certaines informations qui nous donneront une plus grande sécurité. Mais publier des photos de nous le faisant, ça, ça nous mettrait en danger. »

Bien sûr, si les interrogateurs n’avaient rien fait de fâcheux, il n’y aurait rien eu à cacher. Mais il est clair qu’il ya quelque chose à cacher, non ? Et si ce que Moazzam dit est vrai, ce dont nous parlons, c’est le viol, les abus sadiques et les brutalités pas seulement d ‘hommes et de femmes, mais aussi d’enfants.

Si certains culs-terreux républicains se contenteraient sans doute de rigoler au spectacle d’hommes au teint basané que l’on brutalise, je ne suis pas sûre qu’ils se contenteraient de hausser les épaules devant les photos de tortures de femmes et de jeunes enfants.


Le Dr. Aafia Siddiqui, photographiée en détention en Afghanistan en juillet 2008

Deux des enfants du Dr. Aafiya Siddiqui sont encore portés disparus – l’un d’eux n’était qu’un bébé de quelques mois lorsqu’il a été arraché des bras de sa mère par un agent féminin US qui avait pris part à l’arrestation. L’autre enfant, une petite fille, avait juste commencé à marcher.

Cette information, soit dit en passant, m’a été donnée gratuitement par un des policiers de Karachi qui avait participé à l’opération conjointe [pakistano-US, NdT] d’arrestation du Dr. Siddiqui en mars 2003. Et pourtant les autorités US continuent à mentir, malgré l’accumulation de preuves.

Alors, croyez-vous que les Usaméricains ont torture le bébé ou la petite fille ? Est-ce de cela que les interrogateurs de la CIA et du FBI, et leurs sous-traitants free lance, sont capables ? Est-ce pour cela qu’Obama ne peut pas, ne veut pas que les photos et vidéos soient rendues publiques ?

Croyez-vous que les interrogateurs de la CIA ont procédé à des simulacres de noyade avec les enfants du Dr. Siddiqui ? Peut-être les ont-ils même soumis à des abus sexuels comme ils l’ont fait avec des hommes et des femmes détenus à Abou Ghraïb.

Aha, j’entends déjà certains d’entre vous hurler au ciel, objectant bruyamment à mes commentaires et folles spéculations. Vous pourriez m’accuser d’être irresponsable et de nourrir les flammes de la haine du monde musulman envers chaque soldat US et chaque détenteur d’un passeport US. Et vous pourriez avoir raison, mais ne vous en prenez pas à moi, prenez-vous en à votre président.
Car c’est lui qui AVAIT promis de rendre publiques ces affreuses archives et c’est lui qui A dit une fois que “la lumière du jour est le meilleur désinfectant”.

Mais après avoir visionné ce matériel obscène, il a choisi d’adopter la position de l’autruche, dans la croyance idiote que ça ca va passer et être bientôt oublié

Mais ça ne sera pas le cas, et jusqu’à ce que ces archives soient rendues publiques, les folles spéculations continueront à grossir, nourries par la haine et la colère devant le fait qu’à nouveau un président US a été élu sur des fausse promesses et des mensonges.

Albert Einstein a dit un jour: « Le monde est un endroit dangereux où vivre, non pas à cause des gens qui sont mauvais, mais à cause de ceux qui ne font rien par rapport à ça. » Obama peut-il faire quelque chose pour que ces photos et vidéos soient rendues publiques. OUI, IL LE PEUT !

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