mercredi 10 juin 2009

Ahmed Ghailani plaide non coupable

par Richard Hétu, La Presse (Canada), 10/6/2009


(New York) Pour sa première comparution devant un tribunal de droit commun, Ahmed Ghailani ne portait pas de menottes aux poignets ni aux pieds, contrairement à la plupart des accusés. Mais le premier détenu de Guantánamo à avoir jamais été transféré aux États-Unis se trouvait sous bonne escorte: pas moins de 10 «Marshalls» surveillaient ses moindres gestes dans la salle d'audience de la juge Loretta Preska, de la Cour fédérale de New York, hier après-midi.

«Avez-vous lu l'acte d'accusation?» a demandé la magistrate au Tanzanien d'origine, qui fait face à 286 chefs d'inculpation, dont celui de conspiration avec Oussama ben Laden et d'autres membres d'Al-Qaeda en vue de tuer des Américains.

«Non», a répondu Ghailani, qui est également accusé du meurtre de chacune des 224 personnes tuées lors des attentats contre les ambassades des États-Unis au Kenya et en Tanzanie, le 7 août 1998.

«Votre avocat vous a-t-il expliqué ce que contenait l'acte d'accusation ?


- Oui.

- Et comment plaidez-vous ?

- Non coupable», a répondu en anglais l'accusé, vêtu d'un uniforme de prisonnier bleu et arborant une barbichette.

Ainsi a débuté le procès d'Ahmed Ghailani, qui s'inscrit dans le cadre des efforts de Barack Obama pour fermer le centre de détention de Guantánamo. Faisant fi de l'opposition des républicains, et d'une partie de la population américaine, le président démocrate entend transférer plusieurs autres détenus de la prison controversée vers les États-Unis, où certains d'entre eux seront traduits devant la justice civile.

«Le ministère de la Justice a maintes fois par le passé détenu et jugé avec succès des suspects de terrorisme», a rappelé le ministre de la Justice, Eric Holder, en annonçant le transfert de Ghailani, qui est arrivé tôt hier matin dans une prison de New York.

Controverse

Les républicains n'ont pas tardé à critiquer ce transfert. «C'est le premier pas dans le plan des démocrates pour importer des terroristes aux États-Unis», a déclaré John Boehner, chef de la minorité républicaine à la Chambre des représentants.

Malgré la controverse à Washington autour du sort des détenus de Guantánamo, c'était le calme plat à l'extérieur de l'édifice du sud de Manhattan où Ahmed Ghailani a comparu. À part quelques cars de reportage, rien n'indiquait que s'ouvrait à l'intérieur un chapitre controversé de la présidence de Barack Obama.

Il faut dire que New York a été le théâtre de plusieurs procès importants de terroristes, dont celui de l'ex-Montréalais Ahmed Ressam, reconnu coupable d'avoir planifié un attentat à l'aéroport de Los Angeles.

Âgé de 34 ans, Ghailani a été arrêté au Pakistan en 2004. Il a transité par une des prisons secrètes de la CIA, où plusieurs membres d'Al-Qaeda ont été torturés avant d'aboutir, en septembre 2006, à Guantánamo.

Selon l'acte d'accusation, Ghailani a notamment participé à l'achat et au chargement des réservoirs des produits chimiques et des caisses d'explosifs utilisés dans l'attentat contre l'ambassade des États-Unis à Dar es-Salaam. Il ne sera pas le premier suspect de terrorisme à être jugé aux États-Unis depuis le 11 septembre 2001. Il sera cependant le premier à être traduit devant la justice civile après être passé devant les tribunaux militaires d'exception de Guantánamo.

Deux de ses avocats militaires étaient d'ailleurs présents parmi les spectateurs hier. Ahmed Ghailani, qui risque la peine de mort, leur a adressé un sourire avant de retourner dans sa nouvelle prison, où l'un des détenus est nul autre que le financier déchu Bernard Madoff.


D'autres transferts en préparation

Blanchis depuis des années de toute accusation de terrorisme, 17 Chinois ouïgours pourraient bientôt quitter la prison de Guantánamo.

Le gouvernement américain a reconnu être en train de négocier le transfert de ces musulmans vers Palau, un petit État du Pacifique. L'administration a également ouvert des pourparlers sur cette question avec l'Allemagne et l'Autriche. Contrairement au Canada, qui a refusé de recevoir certains de ces hommes, les deux pays européens réfléchissent encore.

L'administration serait également sur le point de libérer trois autres détenus de Guantánamo, de nationalités tchadienne et saoudienne, dont Mohammed al-Gharani, arrêté à l'âge de 14 ans et innocenté en janvier après avoir passé sept ans à Guantánamo.

Il reste 240 détenus à Guantánamo, dont une cinquantaine sont considérés libérables. Les autres devraient être inculpés ou détenus au États-Unis.

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