Donald Trump trouvera-t-il les moyens légaux de rétablir l’usage de
la torture, comme il l’a souhaité mercredi sur la chaîne ABC ? En visite
à Paris, des avocats et organisations de droits de l’homme, ainsi que
d’anciens membres de haut rang de l’administration Bush, se mobilisent
pour barrer la route à une telle éventualité, alors que la torture,
utilisée dans la «guerre contre le terrorisme» au lendemain des
attentats du 11 Septembre aux Etats-Unis, a été formellement interdite
par une loi de 2015.
Les craintes que le «programme d’interrogatoire renforcé», arrêté par
Barack Obama en 2009, soit réhabilité viennent d’être ravivées par les
propos du nouveau président américain. Il a vanté, dans son interview,
l’efficacité du «waterboarding» (simulation de noyade) dans les interrogatoires de terroristes à Guantánamo. Dans le même temps, le New York Times
révélait un projet de la nouvelle administration de rouvrir les prisons
secrètes de la CIA à l’étranger, fermées par Barack Obama. «Le
sadisme affiché par Trump et sa logique du "ils l’ont bien mérité"
marche auprès des Américains, qui se disent à 62 % favorables à la
torture», souligne Alberto Mora. Ancien avocat général de la marine
américaine (US Navy) entre 2001 et 2006, il œuvre au centre Carr
(Center for Human Rights policy) de la Harvard Kennedy School. Et tente
de se rassurer par le fait que Donald Trump compte néanmoins s’en
remettre au nouveau chef de la CIA, Mike Pompeo, et à son secrétaire à
la Défense, John Mattis. «Ce dernier en particulier est formellement opposé à la torture», insiste Mora, présent à Paris avec ses collègues américains.
Ces juristes interviennent aux côtés des avocats français et des
organisations des droits de l’homme, dont la FIDH, dans le cadre de
«l’affaire française de Guantánamo». Impliquant deux citoyens français,
détenus et torturés dans la célèbre prison, une instruction, toujours en
cours, est à ce jour la seule ouverte dans le monde contre les crimes
commis au centre de détention. Les organisations poursuivent auprès de
la justice française les haut responsables américains, dont Geoffrey
Miller, le commandant du camp de Guantánamo, qui ne s’est pas présenté à
l’audience en mars 2016 à Paris.
«La France a bien transmis la demande sur Miller aux autorités américaines, mais on ne sait pas encore les suites données», indique
Katherine Gallagher, avocate au Center for Constitutional Rights. Quant
à «l’efficacité» de la torture pour obtenir des aveux, Katherine
Gallagher se joint à l’invitation lancée à Donald Trump par une
sénatrice américaine de se livrer à une longue lecture : il s’agit d’un
rapport classifié de 7 600 pages, rédigé par la commission sénatoriale
du renseignement, sur les interrogatoires de la CIA et démontrant point
par point l’inefficacité d’une telle pratique.
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