Le projet est à l'étude, confirme Bernier
par Gilles Toupin, La Presse, Ottawa, 5 février 2008
«Le Canada n'est pas dans l'industrie de la construction de prisons», a déclaré aux Communes le ministre des Affaires étrangères, Maxime Bernier, en réaction à l'information publiée par La Presse hier qui révélait l'intention du gouvernement Harper de construire un bâtiment à l'intérieur de la prison de Kaboul, Pul-e-Charkhi, pour y loger les talibans capturés par les soldats canadiens.
M. Bernier répondait à une question du critique libéral en matière de défense, le député Denis Coderre.
Pourtant, a rapporté La Presse hier, c'est le directeur de la prison Pul-e-Charkhi à Kaboul qui a lui-même confirmé que des responsables canadiens avaient visité la prison il y a une dizaine de jours pour déterminer l'endroit où pourrait être aménagé cette aile canadienne.Le ministre des Affaires étrangères, interrogé plus tard sur les ondes d'une chaîne de télévision anglophone, a finalement confirmé l'information en affirmant que son ministère examinait ce scénario.
«Nous n'avons pas besoin d'un Guantánamo canadien», a aussitôt déclaré Denis Coderre, qui a qualifié M. Bernier de «pire ministre des Affaires étrangères» de l'histoire canadienne. M. Coderre a souligné que l'information publiée par La Presse était on ne peut plus crédible puisqu'elle venait du ministre de la Justice de l'Afghanistan.
Il a rappelé que la prison Pul-e-Charkhi abrite aussi une aile, aménagée à coups de millions de dollars, où les Américains emprisonnent leurs propres prisonniers; de là le surnom de Guantánamo donné par les Afghans à cette section de la prison.
«Tout cela veut dire plusieurs choses, a encore commenté le porte-parole libéral en matière de défense. Si nous sommes obligés de transférer les prisonniers dans notre propre prison, c'est que l'entente avec les autorités afghanes sur le transfert des prisonniers ne fonctionne pas.»
M. Coderre reproche au gouvernement Harper de garder le silence sur cette nouvelle affaire. «Au lieu de nous donner des réponses plates à saveur de Jos. Louis, on devrait avoir de vraies réponses, a-t-il dit aux journalistes. Parce que si on parle de bâtir une prison dans une prison, au détriment de l'OTAN, j'ai un problème avec cela. Il faut d'abord une entente entre l'OTAN et le gouvernement afghan. Deuxièmement, avant de s'embarquer dans ce projet, on devrait peut-être nous dire ce qui se passe présentement avec les détenus afghans capturés par les soldats canadiens.»
Le député Coderre croit que si le gouvernement conservateur veut gérer sa propre prison en Afghanistan, c'est peut-être en raison de son incapacité à empêcher les Afghans de torturer les prisonniers qui leur sont remis.
Dion rencontre Harper aujourd'hui
Pendant ce temps, le chef libéral Stéphane Dion s'apprête à rencontrer aujourd'hui le premier ministre Stephen Harper afin de trouver un terrain d'entente sur la suite à donner à la mission canadienne. M. Dion insiste pour que les activités de combat des Forces armées canadiennes en Afghanistan cessent dans un an et que de nouvelles tâches soient assignées aux soldats, notamment l'entraînement de l'Armée nationale afghane et la couverture sécuritaire des projets canadiens de reconstruction.
Le premier ministre, Stephen Harper, a pour sa part appuyé le rapport de l'ancien ministre libéral John Manley qui préconise la prolongation de la mission en Afghanistan à la condition que l'OTAN fournisse quelque 1000 hommes supplémentaires à Kandahar ainsi que des drones et des hélicoptères.
Hier M. Dion est demeuré ferme sur la nécessité de mettre fin à la mission de combat en février 2009. Il a cependant ouvert la porte à certains aménagements.
«Nous avons des responsabilités jusqu'en 2011, ne serait-ce qu'à cause de l'équipe de reconstruction à Kandahar qui est canadienne, a-t-il dit. Alors qu'est-ce qu'on peut faire en Afghanistan durant ces deux années-là? Il y a des choses qu'on peut discuter avec le gouvernement, mais on ne sait pas ce que lui-même propose.»
Dion et Layton incapables de s'entendre
Par ailleurs, M. Dion a rencontré hier soir le chef du NPD, Jack Layton, afin de le convaincre d'épouser le point de vue des libéraux sur la mission afghane.M. Layton voulait pour sa part que le chef libéral adopte la position néo-démocrate, qui demande un retrait immédiat et total des Forces canadiennes de l'Afghanistan. Comme on s'y attendait, les deux hommes ne sont pas parvenus à s'entendre.Les Communes seront éventuellement appelées à voter sur l'avenir de la mission militaire en Afghanistan. On ne sait pas encore si le gouvernement Harper fera de ce vote un vote de confiance.
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