La peine de mort sera requise pour le cerveau présumé du 11/09
WASHINGTON (Reuters) - Les procureurs militaires américains ont retenu les chefs d'accusation de conspiration et de meurtre à l'encontre de Khalil Cheikh Mohamed, le cerveau présumé des attentats du 11 septembre 2001, et de cinq autres détenus de Guantanamo, contre lesquels ils requerront la peine de mort, annonce le Pentagone.
L'acte d'accusation doit encore être approuvé par Susan Crawford, désignée par le Pentagone pour superviser les procès des "ennemis combattants" détenus sur la base navale américaine et dont le feu vert est indispensable à la tenue d'un procès.
Il s'agit du premier acte d'accusation d'un tribunal militaire de Guantanamo portant sur une implication directe de suspects dans les attentats du 11-Septembre, et le premier aussi à requérir la peine capitale.
Au cours de ses interrogatoires, Khalid Cheikh Mohamed a déclaré qu'il avait entièrement planifié les attaques et qu'il en était responsable "de A à Z", selon une transcription de ses propos diffusée par le Pentagone en mars 2007.
La valeur juridique de ses aveux est toutefois sujette à caution, la CIA ayant reconnu l'avoir soumis à la technique dite du "waterboarding", ou simulation de noyade, au coeur du vaste débat sur la torture en cours aux Etats-Unis.
Source : Kristin Roberts, Reuters, version française Jean-Stéphane Brosse, Le Monde
Peine de mort contre les inculpés du 11 Septembre
Washington évoque Nuremberg pour justifier
Associated Press (AP) Matthew Lee 12/02/2008
L'administration Bush a demandé à ses diplomates en poste à l'étranger de défendre sa décision de demander la peine de mort contre les six détenus de Guantanamo inculpés pour les attentats du 11 septembre 2001 en évoquant les exécutions des criminels de guerre nazis issues des procès de Nuremberg après la Seconde guerre mondiale.
Dans un document de quatre pages envoyé lundi soir à toutes les ambassades américaines et obtenu par l'Associated Press, le département d'Etat souligne que la peine de mort pour des violations graves des lois régissant les conflits est acceptée à l'échelle internationale.
Il cite les procès de Nuremberg, lors desquels douze dignitaires nazis ont été condamnés à la peine capitale, même si tous n'ont pas été exécutés, et invite les diplomates à s'y référer si des gouvernements ou des médias étrangers venaient à les interroger sur la légalité de la peine de mort dans l'enquête sur les attentats du 11-Septembre.
«Les lois humanitaires internationales envisagent le recours à la peine de mort pour les violations graves des conventions de guerre», affirme ce document, rédigé par le cabinet du conseiller légal du département d'Etat, John Bellinger. «Les pires criminels de guerre condamnés à Nuremberg ont été exécutés».
Le courrier n'établit aucun lien entre l'échelle des crimes perpétrés par les Nazis -notamment l'Holocauste et ses six millions de morts- et ceux reprochés aux détenus de Guantanamo, inculpés pour les attentats qui ont fait près de 3 000 morts aux Etats-Unis le 11 septembre 2001. Il indique toutefois clairement que l'administration Bush considère les procès de Nuremberg comme un précédent historique pour justifier sa demande de recours à la peine capitale contre les six de Guantanamo.
La décision de Washington de requérir la peine de mort contre les inculpés va probablement occasionner des critiques au sein de la communauté internationale, plusieurs pays, dont des alliés des Etats-Unis, ayant déjà fait savoir qu'ils s'opposeraient à l'exécution de leurs ressortissants détenus à Guantanamo.
Le document adressé aux ambassades est donc rédigé sous la forme «questions-réponses» afin d'aider les diplomates à répondre aux éventuelles questions des autorités et médias des pays dans lesquels ils sont en poste.
«Il est demandé aux destinataires de puiser dans les points fournis ci-dessous pour leurs réponses aux demandes des gouvernements et médias étrangers», indique le document dans un résumé d'un paragraphe intitulé «Questions et réponses - Les détendus de Guantanamo inculpés pour le 11/9».
La référence à Nuremberg se trouve dans la réponse fournie à la question: «L'application de la peine de mort sur ces accusés enfreint-elle les lois internationales?». Après avoir fourni une réponse claire («non»), les rédacteurs du document expliquent le recours au précédent de Nuremberg.
Parmi les six hommes notamment inculpés de meurtre et de terrorisme, figure Khalid Cheikh Mohammed, cerveau présumé des attentats contre le World Trade Center à New York et le Pentagone à Washington. L'armée va recommander que les six hommes soient jugés en même temps devant un tribunal militaire. Mais l'affaire pourrait être brouillée en raison des récentes révélations sur les interrogatoires musclés qu'a subis Mohammed, soumis à la pratique du «waterboarding», qui consiste à simuler la noyade, et que les détracteurs qualifient d'acte de torture.
Le document du département d'Etat y fait spécifiquement référence et conseille aux diplomates d'assurer aux gouvernements étrangers que le tribunal militaire n'acceptera aucune preuve obtenue sous la torture et que les prévenus pourront faire objection à toute déclaration qu'ils estiment avoir faite sous la contrainte.
Outre Khalid Cheikh Mohammed, les inculpés sont: Mohammed al-Qahtani, présenté par des responsables américains comme le 20e pirate de l'air; Ramzi ben al-Shibh, qui aurait été le principal intermédiaire entre les pirates et la direction d'Al-Qaïda; Ali Abd al-Aziz Ali, un neveu de Mohammed présenté comme le lieutenant de ce dernier; l'assistant d'Al-Balouchi, Mustafa Ahmed al-Hawsaoui; et Walid ben Attash, qui aurait choisi et entraîné certains des pirates.
États-Unis. Exécuter des détenus de Guantánamo après des actes de torture et un jugement inique serait contraire à la justice
Amnesty International, COMMUNIQUÉ DE PRESSE, 11 février 2008
L’annonce faite par le Pentagone de l’inculpation de six détenus « de grande valeur » du camp de Guantánamo soulève de nouvelles questions sur la conduite des États-Unis dans la « guerre contre le terrorisme », a déclaré Amnesty International ce lundi 11 février.
« Depuis le crime contre l’humanité commis le 11 septembre 2001, Amnesty International appelle les États-Unis à poursuivre leur quête de justice et de sécurité en respectant les droits humains et la primauté de la loi, a déclaré Rob Freer, chargé des recherches sur les États-Unis au sein d’Amnesty International. Le manque de détermination du gouvernement américain à agir selon ces principes apparaît non seulement dans la façon dont ces six détenus ont été traités au cours des cinq dernières années ou plus qu’a duré leur détention, mais aussi dans la décision de les faire comparaître devant des commissions militaires. » Cinq des six inculpés ont été détenus secrètement pendant plus de trois ans par la CIA, dans des lieux de détention inconnus, avant d’être transférés à Guantánamo en septembre 2006. Ils ont été victimes d’une disparition forcée – crime de droit international – et la CIA a confirmé qu’au moins l’un d’entre eux, Khalid Sheikh Mohammed, avait été soumis au waterboarding, ou simulation de noyade.
« La simulation de noyade est une torture, et la torture est un crime aux termes du droit international, a déclaré Rob Freer. Or, nul n’a été tenu de rendre compte de ces crimes. L’impunité accordée dans le cadre du programme de la CIA reste une caractéristique de la conduite des États-Unis dans la « guerre contre le terrorisme ». »
Le sixième inculpé est Mohamed al Qahtani, soumis à des actes de torture et autres mauvais traitements à Guantánamo fin 2002. Bien qu’il ait subi des humiliations de nature sexuelle et autre, qu’il ait été privé de sommeil, encagoulé, contraint de se mettre nu, qu’il ait été soumis à une musique assourdissante, à un bruit de fond permanent, à des températures extrêmement froides ou chaudes, le Pentagone a conclu qu’il n’avait pas subi de traitements inhumains.
« Le Pentagone, tout comme le président, a une influence déterminante sur la façon dont opèrent les commissions militaires, a déclaré Rob Freer. En d’autres termes, ces substituts de tribunaux ne sont aucunement indépendants de l’exécutif qui a autorisé et légitimé les atteintes aux droits humains perpétrées contre ces détenus. »
Amnesty International craint que des informations arrachées sous la torture ou en ayant recours à d’autres formes de mauvais traitements ne soient utilisées à charge contre ces détenus. C’est là l’une des failles du système des commissions établi précisément pour obtenir des condamnations en appliquant des normes moins strictes que celles des tribunaux réguliers. Aucun citoyen américain ne peut être jugé par ces commissions militaires, ce qui les rend discriminatoires, en violation du droit international.
Déjà symbole d’illégalité, Guantánamo, pourrait à présent devenir un lieu d’exécutions, à l’issue de procès ne respectant aucune des règles du droit international. Le gouvernement cherche à obtenir la condamnation à mort de ces six hommes. Amnesty International s’oppose à la peine capitale en toutes circonstances. Plus de la moitié des pays dans le monde sont aujourd’hui abolitionnistes en droit ou en pratique.
« Quelques semaines seulement après un vote à l’Assemblée générale des Nations unies en faveur de la fin des exécutions, les États-Unis font resurgir le spectre de condamnations à mort à l’issue de procès manifestement entachés d’irrégularités à Guantánamo. La communauté internationale doit mettre les États-Unis au défi de supprimer les commissions militaires et de faire juger les accusés par des tribunaux indépendants et impartiaux, excluant le recours à la peine de mort. »
Source : http://www.amnestyinternational.be/doc/article12466.html
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