par Maxime Vivas, 10 Janvier 2008
En janvier 2006 Amnesty International écrivait : « Il n’y a pas de mesure intermédiaire en ce qui concerne Guantanamo. Le centre de détention doit être fermé et une enquête doit être immédiatement menée sur les nombreuses informations faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements depuis 2002 ».
En février 2006, cette proposition est reprise par l’ONU.
Le 31 mai 2006, tombait cette dépêche de l’agence Associated press : « L'Union européenne appelle les autorités américaines à fermer Guantanamo. Ursula Plassnik, présidente en exercice du conseil des ministres de l’UE a exhorté mercredi 31 mai les USA à fermer dès que possible le centre de détention sur la base de Guantanamo, à Cuba, où sont incarcérés des hommes suspectés de terrorisme. »
Il faudra attendre le 12 juin 2006 pour que, dans une phrase noyée dans un article, RSF murmure que Guantanamo doit être fermé.
Guantanamo ou croupit un journaliste soudanais, Sami Al Haj depuis 2002.
Qu’attendent de cet homme les dirigeants Etats-uniens ?
Le 26 septembre 2005, le journal britannique The Guardian, nous l’avait appris par la plume de Vikram Dodd : « Sami Al-Haj se plaint d’avoir été interrogé plus de 100 fois, mais pas à propos des accusations. M.Haj dit que lors d’un interrogatoire, la nationalité américaine lui a même été proposée, s’il acceptait de devenir espion. » Ils ont dit : si tu travailles pour nous, nous t’apprendrons le journalisme, nous te donnerons un visa pour vivre où tu veux, nous te donnerons même la nationalité américaine, nous te protégerons et te donnerons de l’argent. Nous t’aiderons à écrire un livre et nous le publierons. Cela aidera à ce que les gens d’Al Qaida te contactent et travaillent avec toi. »
« M. Haj a également déclaré que les américains ont menacé de s’en prendre à sa famille s’il refusait d’espionner une fois libéré. »[1]
Pendant deux ans Sami Al Haj a été escamoté de la liste de RSF recensant tous les journalistes emprisonnés à travers le monde. Disparu, rayé, inexistant ! Entre 2002 et 2007, RSF a parcimonieusement émis des communiqués laconiques et non suivis d’actions en faveur du journaliste enlevé, encagé, torturé pour la seule raison de refuser de trahir la chaîne qui l’employait et de devenir un agent des USA.
Le 12 septembre 2006, croulant sous les critiques, RSF publie une longue lettre ouverte en droit de réponse au réseau Voltaire. RSF ambitionne de prouver la mauvaise foi de ses détracteurs. Mais elle est contrainte aussi d’expliquer son mutisme prolongé. Elle le qualifie d’erreur » et d’« oubli » tout en le justifiant : elle ne savait pas si Sami Al Haj avait bien « été arrêté en raison de sa qualité de journaliste » et « faute d’information » elle a « attendu ». Près de 5 ans !
Or, dès qu’un journaliste est emprisonné dans n’importe quel pays, pour peu que ce pays soit ennemi des USA, RSF réagit dans l’heure. Elle ne mène pas d’enquête, elle hurle aussitôt et sans discontinuer contre les « prédateurs » (elle le fait même contre les ennemis des USA où aucun journaliste n’est en prison ou tué. Exemple : le Venezuela).
Mais le fond n’est pas encore touché. En effet, après avoir, à retardement et dans un souffle contraint, demandé la fermeture de Guantanamo, RSF s’avise que cette idée est devenue une revendication forte aux USA.
Le 30 juin 2006, la Cour suprême US a déclaré anticonstitutionnels les tribunaux militaires d'exception.
Barack Obama, candidat à l'investiture démocrate pour la présidentielle américaine 2008, s'est prononcé haut et fort pour la fermeture.
L'administration républicaine déclare ouvertement y réfléchir actuellement. Bush dit que la fermeture est une priorité.
Du coup, les cordes vocales de RSF retrouvent leur élasticité bien connue de la presse pauvre des pays pauvres.
« Le scandale juridique et humanitaire incarné par Guantanamo dure depuis maintenant six ans. » tonitrue-t-elle dans un communiqué » du 10 janvier 2008.
« Le vainqueur du scrutin présidentiel du 7 novembre prochain devra mettre fin à une situation humainement intolérable et juridiquement intenable ». RSF appelle « tous les candidats en lice pour les primaires à s'engager à fermer Guantanamo ».
Quelle tristesse de voir les journalistes qui reçoivent ce genre de pitreries les répercuter sans objecter que :
- Puisque le scandale dure depuis 6 ans, RSF aurait pu se joindre plus tôt aux autres ONG et organisations internationales qui l’ont dénoncé.
- Attendre que les Démocrates et les Républicains aient publiquement exprimé leur volonté de fermer Guantanamo pour leur demander d’exprimer cette volonté c’est vraiment prendre les lecteurs pour des abrutis de première.
« L’argent est un bon serviteur, mais un mauvais maître ». Surtout quand il est versé en dollars, via des officines écrans de la CIA.
[1] Une partie des informations de cet article est tirée de mon livre « La face cachée de RSF. De la CIA aux Faucons du Pentagone ». Editions Aden.
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