Barack Obama en avait fait une de ses promesses de campagne. "J'ai dit plusieurs fois que je voulais fermer Guantanamo et je vais m'y tenir", a-t-il répété, dimanche 16 novembre, sur CBS. Le centre de détention de la base navale américaine est devenu le symbole des excès de la "guerre contre le terrorisme" de l'administration Bush. Plus de huit cents hommes et adolescents sont passés par le centre depuis son ouverture en janvier 2002, et deux cent cinquante-cinq s'y trouvent encore incarcérés, pour la plupart depuis des années, sans inculpation ni procès. Seulement trois détenus ont fait l'objet d'une procédure judiciaire jusqu'à présent et vingt-trois autres sont inculpés pour crimes de guerre.
"Pendant trop longtemps, les pratiques interrogatoires abusives à Guantanamo ont entaché la réputation de notre pays, qui se veut la patrie des droits de l'homme, écrit le San Francisco Chronicle. De même, l'absence de procédures judiciaires a entaché (...) le principe d'une protection égale pour tous." L'objectif de l'incarcération à Guantanamo, selon le Time, n'a jamais été de mener des procès mais de collecter des renseignements. Toutefois, si la fermeture de ce centre est urgente pour restaurer la crédibilité des Etats-Unis, elle pose un problème logistique inédit : qui libérer, qui maintenir en détention et où placer les prisonniers ?
NÉGOCIATIONS DIPLOMATIQUES
Interrogé par Foreign Policy, Matthew Waxman, ex-secrétaire adjoint à la défense chargé des questions relatives aux détenus – qui a quitté ses fonctions en 2005 après avoir échoué à faire appliquer les conventions de Genève aux incarcérés de Guantanamo –, s'attend à une longue procédure. Au premier rang des obstacles, "les difficiles tractations diplomatiques pour transférer certains détenus vers leur pays d'origine", explique le juriste. Ces dernières années, des accords avec l'Arabie saoudite et l'Afghanistan ont permis d'y renvoyer de nombreux prisonniers, note le Houston Chronicle. Ils ont alors été soit incarcérés, soit libérés. Mais le Yémen, dont est originaire une centaine de détenus, est réticent à passer de tels accords et n'accepte pas les conditions posées par Washington.
Par ailleurs, une soixantaine de prisonniers seraient passibles d'être jugés aux Etats-Unis, selon la CIA, mais sur quelle base juridique ? Matthew Waxman envisage trois options : un procès devant les tribunaux américains – cours fédérales ou cours martiales ; leur détention en tant que "combattants ennemis" ; ou bien une détention préventive, pour laquelle la Maison Blanche devrait chercher une nouvelle légitimité juridique.
JEU D'ÉQUILIBRISTE
Autre problème de taille : de nombreux aveux ont été obtenus "sous contrainte", rendant nuls les actes d'accusation pouvant servir de base à d'éventuels procès. Or, les Américains ne sont pas tous prêts à voir des terroristes présumés libérés pour vice de procédure. Ainsi, le chef du service étranger de Sky News, Tim Marshall, souligne sur son blog que la fermeture de Guantanamo pourrait conduire à remettre en liberté Khaled Sheikh Mohammed, cerveau présumé des attentats du 11-Septembre. "Allons-nous réellement libérer ces hommes alors que nous savons [en gras dans le texte] qu'ils sont coupables de crimes ?" Toute la difficulté pour Barack Obama, selon le Christian Science Monitor, sera de rassurer les Américains en trouvant un équilibre entre respect des libertés civiles et garanties sur la sécurité nationale du pays. D'autant plus, souligne le Time, que "des terroristes présumés vont continuer à tomber dans les mains de la CIA, du FBI et de l'armée américaine" et qu'il faudra aussi convenir de leur sort. C'est pourquoi, pour le Middle-East Times, la fermeture du centre de Guantanamo Bay n'est qu'un "premier pas" vers la mise en œuvre d'une nouvelle stratégie de lutte contre le terrorisme, qui mette définitivement fin aux atteintes aux droits de l'homme commises sous Bush Jr. Guantanamo n'est, en effet, pas le seul centre de détention américain sur le sol étranger, rappelle Al-Jazira, soulignant que Barack Obama devra aussi se pencher sur le sort des détenus en Irak, en Ethiopie ou encore à Diego Garcia (territoire britannique de l'océan Indien).
Mathilde Gérard, Le Monde, 18/11/2008
mardi 18 novembre 2008
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