Parmi les membres soupçonnés par les US d'appartenir à des organisations terroristes qui sont tombés entre leurs mains, de nombreux ont subi des sévices, directement ou indirectement.
Directement, dans les prisons occultes de la CIA ou à Guantanamo, par exemple .(D'ailleurs, Bush lui-même n'approuve-t-il pas vivement la torture, qu'il appelle "méthodes alternatives"?)Ou indirectement dans les pays où ils étaient renvoyés, et où les Etats-Unis savaient pertinemment qu'ils seraient torturés, voire assassinés.
De certains de ces prisonniers, il y en a qui croupissent encore dans les geôles états-uniennes, d'autres dans les prisons peu accueillantes de pays étrangers (Libye, Syrie, Arabie Saoudite, etc.), sans espoir d'être jugés équitablement un jour.Pour d'autres encore, personne ne sait ce qu'ils sont devenus à l'heure actuelle.
Voici un article du Washington Post "From CIA Jails, Inmates Fade Into Obscurity" de Craig Whitlock , publié le 27 octobre 2007.
Effrayant.
Des prisons occultes de la CIA à la plongée dans les ténèbres
Il y a des dizaines de "prisonniers fantômes" dont on n'a plus aucune nouvelle
ISLAMABAD, Pakistan - Le 6 septembre 2006, le président Bush avait annoncé que les prisons secrètes de la CIA à l'étranger avaient été vidées temporairement et que 14 leaders d'Al Qaida avaient été emmenés à Guantanamo.Mais depuis lors il n'y a pas eu de déclaration officielle concernant le sort d'environ une trentaine d'autres "prisonniers fantômes" détenus par la CIA.
D'après des enquêtes menées au Pakistan et en Europe auprès des autorités gouvernementales, d'associations de défense des droits de l'homme et d'avocats, certains auraient été transférés discrètement dans leur pays d'origine, où ils seraient encore détenus dans des endroits tenus secrets. D'autres ont disparu sans laisser de trace et on ne sait s'ils sont encore sous le contrôle de la CIA.
La majorité de ces prisonniers fantômes avaient été capturés au Pakistan, où ils s'étaient réfugiés après l'invasion américaine de l'Afghanistan en 2001.Parmi eux se trouve Mustafa Setmariam Nasar, qui possède la double nationalité syrienne et espagnole, idéologue influent d'Al-Qaida et dont on n'a plus de nouvelles depuis deux ans.Le 31 octobre 2005, ce radical à la barbe rousse pour lequel les Américains offraient une récompense de 5 millions de dollars, arrivait à Quetta, une ville à la frontière pakistanaise, ignorant qu'il était suivi.Nasar avait été appréhendé par la police pakistanaise au restaurant où il dînait avec un petit groupe de ses partisans.Peu après, selon les autorités pakistanaises, il était remis à des agents américains et avait disparu dans le réseau occulte des prisons de la CIA.
Depuis ce temps, selon certaines sources, il aurait été localisé en Syrie, en Afghanistan et en Inde sans que quiconque ait pu confirmer ces affirmations. Selon les responsables de la sécurité au Pakistan, presque tous les Arabes membres d'Al-Qaida arrêtés en Afghanistan ont été remis à la CIA.
Mais on ne sait pas ce qu'il est advenu de plusieurs militants d'Al-Qaida qui avaient été également capturés; le gouvernement pakistanais a refusé de donner suite à un certain nombre de plaintes déposées par leurs familles en quête d'informations."On n'en a simplement aucune idée – ces gens-là sont entre les mains soit des Pakistanais, soit des Américains " explique Zafarullah Khan, responsable de la défense des Droits de l'Homme à la Ligue musulmane du Pakistan, un parti d'opposition.D'autres ont été remis à leurs gouvernements respectifs qui ont tenu secrète leur présence.
Depuis 2004, par exemple, la CIA a remis cinq militants libyens aux autorités de Tripoli. Deux ont été enlevés secrètement par la CIA en Chine et en Thaïlande tandis que les autres ont été appréhendés au Pakistan et détenus dans les prisons de la CIA en Afghanistan, et en Europe de l'est, d'après les sources libyennes.Le gouvernement libyen a gardé le silence sur ces cas, mais les exilés politiques libyens affirment que ces hommes sont détenus à l'isolement sans aucune chance de bénéficier d'un procès public.
Selon des associations de défense des droits de l'Homme, d'autres prisonniers fantômes, d'abord détenus par la CIA, puis remis à d'autres, seraient à nouveau sous le contrôle de la CIA ."La famille d'un Tunisien soupçonné d'appartenir à Al-Qaida, connu sous le nom de Retha al-Tunisi et capturé à Karachi, au Pakistan en 2002, a reçu récemment un courrier de la part du Comité International de la Croix Rouge qui affirmait qu'il était détenu dans une prison militaire américaine en Afghanistan", dit Clara Gutteridge, qui enquête pour "Reprieve", association pour la défense des droits de la personne dont le siège est à Londres, et qui représente de nombreux détenus dans la prison américaine de Guantanamo. D'autres prisonniers, libérés depuis, avaient précédemment déclaré avoir vu Tunisi dans un "site noir" de la CIA en Afghanistan.Au moins un de ces anciens prisonniers de la CIA a été libéré sans encombre. Il s'agit d'Ahmad Khalil Ibrahim Samir al-Ani, agent secret irakien arrêté après l'invasion de l'Irak en 2003, qui était détenu dans un lieu secret jusqu'à sa libération l'an dernier.Ani avait acquis sa notoriété avant la guerre en Irak quand les hauts responsables de l'admin Bush avaient déclaré qu'il avait rencontré Mohamed Atta, chef présumé des pirates de l'air, à Prague le 11 septembre 2001.
Certains hauts responsables, dont le Vice-président Cheney, avaient affirmé que cette rencontre apportait bien la preuve qu'il y avait une alliance entre Al-Qaida et Saddam Hussein. Une théorie qui avait été ensuite discréditée quand les services secrets américains et la commission du 11 septembre avaient révélé en 2004 qu'Ani était à cette époque-là détenu par les Etats-Unis.Le nom de l'agent irakien refaisait surface il y a deux mois quand les autorités tchèques ont révélé qu'il réclamait une compensation de plusieurs millions de dollars. La raison de sa plainte: les rapports sans fondement des services secrets tchèques qui avaient été à l'origine de son incarcération par la CIA.
Les nouveaux arrivants de Guantanamo
Quand Bush a confirmé l'existence des prisons de la CIA en Septembre 2006, il a déclaré qu'il n'y avait plus aucun détenu pour le moment. Mais il avait ajouté que le gouvernement US les utiliserait à nouveau si nécessaire.La CIA a repris son programme de détention.Depuis le mois de mars, cinq nouveaux terroristes présumés ont été transférés à Guantanamo. Bien que le Pentagone n'ait pas donné de détails sur la façon dont ils avaient été capturés ni sur la date exacte où cela s'éatit produit, de hauts responsables du Pentagone ont indiqué qu'Abd al-Hadi al-Iraqi, un de ces prisonniers, avait été détenu pendant des mois dans les prisons de la CIA à l'étranger.
Les détails sur ce programme de détention restent confidentiels. Les autorités américaines sont restées très vagues sur l'envergure de cette opération.Le mois dernier, lors d'un discours à New York, le directeur de la CIA, Michael V. Hayden déclarait que "moins d'une centaine de personnes" avaient été incarcérées dans les prisons de la CIA à l'étranger depuis la prise d'effet de ce programme, début 2002.En juin, une coalition d'associations de défense des droits de l'homme a établi une liste de 39 personnes susceptibles d'avoir été détenues par la CIA et qui n'ont toujours pas été retrouvées. Beaucoup de ceux qui figurent sur cette liste ont été identifiés grâce à des noms partiels ou à leur "nom de guerre", tel le terme laconique de "Mohamed l'Afghan".
Joanne Mariner, directrice des recherches sur le terrorisme et le contre-terrorisme à Human Rights Watch , signale que la CIA a transféré de nombreux prisonniers d'un pays à l'autre, laissant à d'autres services secrets la responsabilité de garder les suspects, parfois temporairement parfois définitivement."La grande majorité d'entre eux sont repartis dans leur pays d'origine", explique-t-elle, "mais pas tous. Il pourrait y avoir certains détenus dans des lieux de substitution "
Dans une note du rapport publié en 2004, la commission du 11 septembre cite les noms de neuf membres présumés d'Al-Quaeda qui étaient détenus dans les "sites noirs" américains. Sept ont été ensuite transférés à Guantanamo.
Manque toujours à l'appel Hassan Ghul, un ressortissant pakistanais enlevé dans le nord de l'Irak en janvier 2004. Les autorités américaines le décrivent comme un émissaire important entre le QG d'Al-Qaida au Pakistan et les groupes affiliés en Irak.
Un autre prisonnier figurant sur la liste de la commission, Ali Abd al-Rahman al-Faqasi al-Ghamdi, un Saoudien accusé d'avoir préparé des attentats dans la péninsule arabe, s'est, lui, rendu aux autorités saoudiennes en juin 2003.
Alors que la commission du 11 septembre certifiait qu'il était détenu par les Etats-Unis, les autorités saoudiennes assuraient que ce n'était pas le cas. Elles affirment qu'il est toujours en prison en Arabie Saoudite et qu'il n'a jamais quitté le pays."Il n'a jamais été, en aucune circonstance, détenu par les Américains", a déclaré, sous couvert d'anonymat, un responsable de la sécurité.
Les responsables du Comité International de la Croix Rouge (le CICR) ont déclaré ne pas avoir réussi à retrouver la trace de dizaines de personnes dont on pensait auparavant qu'elles étaient détenues par la CIA, et cela, malgré les demandes répétées auprès des gouvernements des Etats-Unis et d'autres pays."Le CICR s'inquiète énormément du sort de personnes qui faisaient précédemment partie du programme de détention de la CIA et dont on ne sait plus rien" a déclaré Simon Schorno, porte parole de la Croix Rouge à Washington. "Le CICR se préoccupe vivement de tout ce qui est détention occulte". La CIA a refusé d'indiquer si certaines de ces personnes avaient été, à un moment ou à un autre, détenues par elle."Sauf pour ceux qui ont été transférés à Guantanamo, la CIA, ne fait pas, en règle générale, de déclaration publique sur les personnes censées avoir été détenues par elle, même si les listes de noms sont souvent inexactes", explique Paul Gimigliano, porte-parole de la CIA.
Exposé au froid
Quand l'administration Bush a annoncé l'an dernier que 14 membres importants d'Al-Quaeda avaient été transférés à Guantanamo (ce qui avait vidé temporairement les prisons de la CIA), certains noms importants ne figuraient pas sur la liste.
L'un d'eux, connu sous le nom de Ibn al-Sheikh al-Libi, était un des responsables des camps d'entraînement d'Al-Qaida. Il avait été arrêté dans la ville frontière pakistanaise de Kohat à la fin de l'année 2001 pour être ensuite emmené au Caire où la CIA engageait des agents secrets égyptiens pour participer aux interrogatoires.
Et Libi a parlé. Il a dit, entre autres, que le régime irakien avait permis aux militants d'Al-Qaida de se former sur les différents poisons et sur le gaz moutarde. Son témoignage, comme d'autres, a servi à l'administration Bush pour justifier l'invasion de l'Irak en 2003. Même s'il s'était rétracté après le début de la guerre, il était important politiquement pour la CIA le maintenir en détention.
Même si la CIA a depuis reconnu avoir détenu Libi, les autorités US n'ont pas révélé ce qu'il est devenu. A la suite d'enquêtes, on a appris néanmoins que des exilés politiques libyens avaient déclaré que la CIA l'avait transféré à Tripoli début 2006 où il a été incarcéré par le gouvernement libyen. D'après une source libyenne, Libi aurait raconté que, d'Egypte, la CIA l'avait transféré dans divers sites secrets, entre autres, en Jordanie, au Maroc et en Afghanistan. Toujours d'après cette source, il aurait également révélé qu'il avait été détenu dans un endroit où il faisait très froid et que ses geôliers de la CIA lui avaient dit qu'il se trouvait en Alaska.
Les associations de défense des droits de l'homme ont émis l'hypothèse que Libi faisait partie d'un petit groupe de dirigeants d'Al-Qaida détenus dans une prison de la CIA au nord de la Pologne.
A Tripoli, Libi a rejoint plusieurs autres Libyens qui avaient passé un certain temps dans les prisons de la CIA. Tous étaient membres du groupe islamique des combattants libyens (GICL) , un réseau dont les militants ultérieurement en exil avaient tenté de renverser le colonel Kadhafi.
Après l'invasion américaine de l'Afghanistan en 2001, les membres du réseau libyen installés là-bas avaient été dispersés. La CIA avait aidé les services secrets libyens à retrouver certains de ses dirigeants.
L'un d'eux, Abdallah al-Sadeq, selon Noman Benotman, ancien membre du groupe libyen, avait été appréhendé au cours d'une opération secrète de la CIA en Thaïlande au printemps 2004.Un autre, Abu Munder al-Saadi, chef spirituel du groupe, avait été arrêté à l'aéroport d'Hong Kong. Dans les deux cas, toujours d'après Benotman, les Libyens auraient été détenus brièvement par la CIA avant d'être renvoyés à Tripoli."Ils se sont vite rendu compte que ces gars n'avaient aucun lien avec Al-Qaida" a déclaré Benotman dans une interview à Londres. "Ils les ont gardés quelques semaines et c'est tout".
Benotman dit avoir confirmé les informations sur les opérations menées par la CIA quand il a eu l'opportunité de rencontrer ces deux hommes lors d'une visite dans une prison de Tripoli cette année. Cette visite avait été organisée par le gouvernement libyen soucieux d'amener les prisonniers libyens à se réconcilier avec le régime de Kadhafi. D'après Benotman, la CIA aurait transféré au moins deux autres Libyens à Tripoli. D'après lui, Khaled al-Sharif et un autre Libyen seulement connu sous le nom de Rabai avaient été appréhendés à Peshawar au Pakistan, en 2003, et avaient été détenus par la CIA en Afghanistan.L'ambassade de Libye à Washington n'a pas donné suite au courrier lui demandant des informations à ce sujet.
Disparition d'une "mine d'or"
En Espagne, le ministère public recherche depuis quatre ans Nasar, l'idéologue roux d'Al-Qaida.Il avait été inculpé en 2003 à Madrid par un juge d'instruction qui l'accusait d'avoir contribué à créer des cellules terroristes dormantes en Espagne.Ecrivain prolifique et théoricien du Jihad islamique, Nasar avait vécu dans plusieurs pays européens ainsi qu'en Afghanistan.L'Espagne a déposé des demandes de renseignements sur Nasar auprès du gouvernement pakistanais, mais elles sont restées sans réponse.Miguel Angel Moratinos, le ministre des affaires étrangères espagnol avait également posé la question à Islamabad l'an dernier."Nous n'avons aucune indication sur le lieu où il se trouve", a répondu, sous couvert d'anonymat, une source au ministère des affaires étrangères espagnol.
Brynjar Lie, spécialiste norvégien des questions de terrorisme et auteur d'un nouveau livre sur Nasar, "L'architecte du Jihad international" a déclaré que ce radical saurait beaucoup de choses sur le fonctionnement interne d'Al-Qaida."Les Américains sont probablement ceux qui s'intéressent le plus à lui parce qu'il était membre très actif d'Al-Qaida dans les années 90", explique Lie, "Ce doit être une mine d'information".
Certains médias espagnols ont émis l'hypothèse qu'il serait détenu en Syrie, son lieu de naissance.La CIA a transféré d'autres prisonniers soupçonnés d'activités terroristes en Syrie malgré les relations tendues entre Washington et Damas.D'autres articles de presse espagnols ont affirmé que Nasar serait toujours détenu par les Etats-Unis. On dit aussi qu'il serait détenu dans une prison de la CIA en Inde, dit Manuel Tuero, l'avocat qui représente la femme de Nasar à Madrid."S'il était ramené en Espagne, Nasar passerait en jugement, mais ce serait toujours préférable à la détention perpétuelle dans une prison secrète", dit Tuero."Il se trouve dans un 'trou noir' juridique. Les Américains ne lui accorderont jamais le droit à un procès équitable. L'Espagne, si".
Avec la contribution des envoyés spéciaux Munir Ladaa à Berlin et Cristina Mateo-Yanguas à Madrid .
Source : Des bassines et du zèle, 28 octobre 2007
Directement, dans les prisons occultes de la CIA ou à Guantanamo, par exemple .(D'ailleurs, Bush lui-même n'approuve-t-il pas vivement la torture, qu'il appelle "méthodes alternatives"?)Ou indirectement dans les pays où ils étaient renvoyés, et où les Etats-Unis savaient pertinemment qu'ils seraient torturés, voire assassinés.
De certains de ces prisonniers, il y en a qui croupissent encore dans les geôles états-uniennes, d'autres dans les prisons peu accueillantes de pays étrangers (Libye, Syrie, Arabie Saoudite, etc.), sans espoir d'être jugés équitablement un jour.Pour d'autres encore, personne ne sait ce qu'ils sont devenus à l'heure actuelle.
Voici un article du Washington Post "From CIA Jails, Inmates Fade Into Obscurity" de Craig Whitlock , publié le 27 octobre 2007.
Effrayant.
Des prisons occultes de la CIA à la plongée dans les ténèbres
Il y a des dizaines de "prisonniers fantômes" dont on n'a plus aucune nouvelle
ISLAMABAD, Pakistan - Le 6 septembre 2006, le président Bush avait annoncé que les prisons secrètes de la CIA à l'étranger avaient été vidées temporairement et que 14 leaders d'Al Qaida avaient été emmenés à Guantanamo.Mais depuis lors il n'y a pas eu de déclaration officielle concernant le sort d'environ une trentaine d'autres "prisonniers fantômes" détenus par la CIA.
D'après des enquêtes menées au Pakistan et en Europe auprès des autorités gouvernementales, d'associations de défense des droits de l'homme et d'avocats, certains auraient été transférés discrètement dans leur pays d'origine, où ils seraient encore détenus dans des endroits tenus secrets. D'autres ont disparu sans laisser de trace et on ne sait s'ils sont encore sous le contrôle de la CIA.
La majorité de ces prisonniers fantômes avaient été capturés au Pakistan, où ils s'étaient réfugiés après l'invasion américaine de l'Afghanistan en 2001.Parmi eux se trouve Mustafa Setmariam Nasar, qui possède la double nationalité syrienne et espagnole, idéologue influent d'Al-Qaida et dont on n'a plus de nouvelles depuis deux ans.Le 31 octobre 2005, ce radical à la barbe rousse pour lequel les Américains offraient une récompense de 5 millions de dollars, arrivait à Quetta, une ville à la frontière pakistanaise, ignorant qu'il était suivi.Nasar avait été appréhendé par la police pakistanaise au restaurant où il dînait avec un petit groupe de ses partisans.Peu après, selon les autorités pakistanaises, il était remis à des agents américains et avait disparu dans le réseau occulte des prisons de la CIA.
Depuis ce temps, selon certaines sources, il aurait été localisé en Syrie, en Afghanistan et en Inde sans que quiconque ait pu confirmer ces affirmations. Selon les responsables de la sécurité au Pakistan, presque tous les Arabes membres d'Al-Qaida arrêtés en Afghanistan ont été remis à la CIA.
Mais on ne sait pas ce qu'il est advenu de plusieurs militants d'Al-Qaida qui avaient été également capturés; le gouvernement pakistanais a refusé de donner suite à un certain nombre de plaintes déposées par leurs familles en quête d'informations."On n'en a simplement aucune idée – ces gens-là sont entre les mains soit des Pakistanais, soit des Américains " explique Zafarullah Khan, responsable de la défense des Droits de l'Homme à la Ligue musulmane du Pakistan, un parti d'opposition.D'autres ont été remis à leurs gouvernements respectifs qui ont tenu secrète leur présence.
Depuis 2004, par exemple, la CIA a remis cinq militants libyens aux autorités de Tripoli. Deux ont été enlevés secrètement par la CIA en Chine et en Thaïlande tandis que les autres ont été appréhendés au Pakistan et détenus dans les prisons de la CIA en Afghanistan, et en Europe de l'est, d'après les sources libyennes.Le gouvernement libyen a gardé le silence sur ces cas, mais les exilés politiques libyens affirment que ces hommes sont détenus à l'isolement sans aucune chance de bénéficier d'un procès public.
Selon des associations de défense des droits de l'Homme, d'autres prisonniers fantômes, d'abord détenus par la CIA, puis remis à d'autres, seraient à nouveau sous le contrôle de la CIA ."La famille d'un Tunisien soupçonné d'appartenir à Al-Qaida, connu sous le nom de Retha al-Tunisi et capturé à Karachi, au Pakistan en 2002, a reçu récemment un courrier de la part du Comité International de la Croix Rouge qui affirmait qu'il était détenu dans une prison militaire américaine en Afghanistan", dit Clara Gutteridge, qui enquête pour "Reprieve", association pour la défense des droits de la personne dont le siège est à Londres, et qui représente de nombreux détenus dans la prison américaine de Guantanamo. D'autres prisonniers, libérés depuis, avaient précédemment déclaré avoir vu Tunisi dans un "site noir" de la CIA en Afghanistan.Au moins un de ces anciens prisonniers de la CIA a été libéré sans encombre. Il s'agit d'Ahmad Khalil Ibrahim Samir al-Ani, agent secret irakien arrêté après l'invasion de l'Irak en 2003, qui était détenu dans un lieu secret jusqu'à sa libération l'an dernier.Ani avait acquis sa notoriété avant la guerre en Irak quand les hauts responsables de l'admin Bush avaient déclaré qu'il avait rencontré Mohamed Atta, chef présumé des pirates de l'air, à Prague le 11 septembre 2001.
Certains hauts responsables, dont le Vice-président Cheney, avaient affirmé que cette rencontre apportait bien la preuve qu'il y avait une alliance entre Al-Qaida et Saddam Hussein. Une théorie qui avait été ensuite discréditée quand les services secrets américains et la commission du 11 septembre avaient révélé en 2004 qu'Ani était à cette époque-là détenu par les Etats-Unis.Le nom de l'agent irakien refaisait surface il y a deux mois quand les autorités tchèques ont révélé qu'il réclamait une compensation de plusieurs millions de dollars. La raison de sa plainte: les rapports sans fondement des services secrets tchèques qui avaient été à l'origine de son incarcération par la CIA.
Les nouveaux arrivants de Guantanamo
Quand Bush a confirmé l'existence des prisons de la CIA en Septembre 2006, il a déclaré qu'il n'y avait plus aucun détenu pour le moment. Mais il avait ajouté que le gouvernement US les utiliserait à nouveau si nécessaire.La CIA a repris son programme de détention.Depuis le mois de mars, cinq nouveaux terroristes présumés ont été transférés à Guantanamo. Bien que le Pentagone n'ait pas donné de détails sur la façon dont ils avaient été capturés ni sur la date exacte où cela s'éatit produit, de hauts responsables du Pentagone ont indiqué qu'Abd al-Hadi al-Iraqi, un de ces prisonniers, avait été détenu pendant des mois dans les prisons de la CIA à l'étranger.
Les détails sur ce programme de détention restent confidentiels. Les autorités américaines sont restées très vagues sur l'envergure de cette opération.Le mois dernier, lors d'un discours à New York, le directeur de la CIA, Michael V. Hayden déclarait que "moins d'une centaine de personnes" avaient été incarcérées dans les prisons de la CIA à l'étranger depuis la prise d'effet de ce programme, début 2002.En juin, une coalition d'associations de défense des droits de l'homme a établi une liste de 39 personnes susceptibles d'avoir été détenues par la CIA et qui n'ont toujours pas été retrouvées. Beaucoup de ceux qui figurent sur cette liste ont été identifiés grâce à des noms partiels ou à leur "nom de guerre", tel le terme laconique de "Mohamed l'Afghan".
Joanne Mariner, directrice des recherches sur le terrorisme et le contre-terrorisme à Human Rights Watch , signale que la CIA a transféré de nombreux prisonniers d'un pays à l'autre, laissant à d'autres services secrets la responsabilité de garder les suspects, parfois temporairement parfois définitivement."La grande majorité d'entre eux sont repartis dans leur pays d'origine", explique-t-elle, "mais pas tous. Il pourrait y avoir certains détenus dans des lieux de substitution "
Dans une note du rapport publié en 2004, la commission du 11 septembre cite les noms de neuf membres présumés d'Al-Quaeda qui étaient détenus dans les "sites noirs" américains. Sept ont été ensuite transférés à Guantanamo.
Manque toujours à l'appel Hassan Ghul, un ressortissant pakistanais enlevé dans le nord de l'Irak en janvier 2004. Les autorités américaines le décrivent comme un émissaire important entre le QG d'Al-Qaida au Pakistan et les groupes affiliés en Irak.
Un autre prisonnier figurant sur la liste de la commission, Ali Abd al-Rahman al-Faqasi al-Ghamdi, un Saoudien accusé d'avoir préparé des attentats dans la péninsule arabe, s'est, lui, rendu aux autorités saoudiennes en juin 2003.
Alors que la commission du 11 septembre certifiait qu'il était détenu par les Etats-Unis, les autorités saoudiennes assuraient que ce n'était pas le cas. Elles affirment qu'il est toujours en prison en Arabie Saoudite et qu'il n'a jamais quitté le pays."Il n'a jamais été, en aucune circonstance, détenu par les Américains", a déclaré, sous couvert d'anonymat, un responsable de la sécurité.
Les responsables du Comité International de la Croix Rouge (le CICR) ont déclaré ne pas avoir réussi à retrouver la trace de dizaines de personnes dont on pensait auparavant qu'elles étaient détenues par la CIA, et cela, malgré les demandes répétées auprès des gouvernements des Etats-Unis et d'autres pays."Le CICR s'inquiète énormément du sort de personnes qui faisaient précédemment partie du programme de détention de la CIA et dont on ne sait plus rien" a déclaré Simon Schorno, porte parole de la Croix Rouge à Washington. "Le CICR se préoccupe vivement de tout ce qui est détention occulte". La CIA a refusé d'indiquer si certaines de ces personnes avaient été, à un moment ou à un autre, détenues par elle."Sauf pour ceux qui ont été transférés à Guantanamo, la CIA, ne fait pas, en règle générale, de déclaration publique sur les personnes censées avoir été détenues par elle, même si les listes de noms sont souvent inexactes", explique Paul Gimigliano, porte-parole de la CIA.
Exposé au froid
Quand l'administration Bush a annoncé l'an dernier que 14 membres importants d'Al-Quaeda avaient été transférés à Guantanamo (ce qui avait vidé temporairement les prisons de la CIA), certains noms importants ne figuraient pas sur la liste.
L'un d'eux, connu sous le nom de Ibn al-Sheikh al-Libi, était un des responsables des camps d'entraînement d'Al-Qaida. Il avait été arrêté dans la ville frontière pakistanaise de Kohat à la fin de l'année 2001 pour être ensuite emmené au Caire où la CIA engageait des agents secrets égyptiens pour participer aux interrogatoires.
Et Libi a parlé. Il a dit, entre autres, que le régime irakien avait permis aux militants d'Al-Qaida de se former sur les différents poisons et sur le gaz moutarde. Son témoignage, comme d'autres, a servi à l'administration Bush pour justifier l'invasion de l'Irak en 2003. Même s'il s'était rétracté après le début de la guerre, il était important politiquement pour la CIA le maintenir en détention.
Même si la CIA a depuis reconnu avoir détenu Libi, les autorités US n'ont pas révélé ce qu'il est devenu. A la suite d'enquêtes, on a appris néanmoins que des exilés politiques libyens avaient déclaré que la CIA l'avait transféré à Tripoli début 2006 où il a été incarcéré par le gouvernement libyen. D'après une source libyenne, Libi aurait raconté que, d'Egypte, la CIA l'avait transféré dans divers sites secrets, entre autres, en Jordanie, au Maroc et en Afghanistan. Toujours d'après cette source, il aurait également révélé qu'il avait été détenu dans un endroit où il faisait très froid et que ses geôliers de la CIA lui avaient dit qu'il se trouvait en Alaska.
Les associations de défense des droits de l'homme ont émis l'hypothèse que Libi faisait partie d'un petit groupe de dirigeants d'Al-Qaida détenus dans une prison de la CIA au nord de la Pologne.
A Tripoli, Libi a rejoint plusieurs autres Libyens qui avaient passé un certain temps dans les prisons de la CIA. Tous étaient membres du groupe islamique des combattants libyens (GICL) , un réseau dont les militants ultérieurement en exil avaient tenté de renverser le colonel Kadhafi.
Après l'invasion américaine de l'Afghanistan en 2001, les membres du réseau libyen installés là-bas avaient été dispersés. La CIA avait aidé les services secrets libyens à retrouver certains de ses dirigeants.
L'un d'eux, Abdallah al-Sadeq, selon Noman Benotman, ancien membre du groupe libyen, avait été appréhendé au cours d'une opération secrète de la CIA en Thaïlande au printemps 2004.Un autre, Abu Munder al-Saadi, chef spirituel du groupe, avait été arrêté à l'aéroport d'Hong Kong. Dans les deux cas, toujours d'après Benotman, les Libyens auraient été détenus brièvement par la CIA avant d'être renvoyés à Tripoli."Ils se sont vite rendu compte que ces gars n'avaient aucun lien avec Al-Qaida" a déclaré Benotman dans une interview à Londres. "Ils les ont gardés quelques semaines et c'est tout".
Benotman dit avoir confirmé les informations sur les opérations menées par la CIA quand il a eu l'opportunité de rencontrer ces deux hommes lors d'une visite dans une prison de Tripoli cette année. Cette visite avait été organisée par le gouvernement libyen soucieux d'amener les prisonniers libyens à se réconcilier avec le régime de Kadhafi. D'après Benotman, la CIA aurait transféré au moins deux autres Libyens à Tripoli. D'après lui, Khaled al-Sharif et un autre Libyen seulement connu sous le nom de Rabai avaient été appréhendés à Peshawar au Pakistan, en 2003, et avaient été détenus par la CIA en Afghanistan.L'ambassade de Libye à Washington n'a pas donné suite au courrier lui demandant des informations à ce sujet.
Disparition d'une "mine d'or"
En Espagne, le ministère public recherche depuis quatre ans Nasar, l'idéologue roux d'Al-Qaida.Il avait été inculpé en 2003 à Madrid par un juge d'instruction qui l'accusait d'avoir contribué à créer des cellules terroristes dormantes en Espagne.Ecrivain prolifique et théoricien du Jihad islamique, Nasar avait vécu dans plusieurs pays européens ainsi qu'en Afghanistan.L'Espagne a déposé des demandes de renseignements sur Nasar auprès du gouvernement pakistanais, mais elles sont restées sans réponse.Miguel Angel Moratinos, le ministre des affaires étrangères espagnol avait également posé la question à Islamabad l'an dernier."Nous n'avons aucune indication sur le lieu où il se trouve", a répondu, sous couvert d'anonymat, une source au ministère des affaires étrangères espagnol.
Brynjar Lie, spécialiste norvégien des questions de terrorisme et auteur d'un nouveau livre sur Nasar, "L'architecte du Jihad international" a déclaré que ce radical saurait beaucoup de choses sur le fonctionnement interne d'Al-Qaida."Les Américains sont probablement ceux qui s'intéressent le plus à lui parce qu'il était membre très actif d'Al-Qaida dans les années 90", explique Lie, "Ce doit être une mine d'information".
Certains médias espagnols ont émis l'hypothèse qu'il serait détenu en Syrie, son lieu de naissance.La CIA a transféré d'autres prisonniers soupçonnés d'activités terroristes en Syrie malgré les relations tendues entre Washington et Damas.D'autres articles de presse espagnols ont affirmé que Nasar serait toujours détenu par les Etats-Unis. On dit aussi qu'il serait détenu dans une prison de la CIA en Inde, dit Manuel Tuero, l'avocat qui représente la femme de Nasar à Madrid."S'il était ramené en Espagne, Nasar passerait en jugement, mais ce serait toujours préférable à la détention perpétuelle dans une prison secrète", dit Tuero."Il se trouve dans un 'trou noir' juridique. Les Américains ne lui accorderont jamais le droit à un procès équitable. L'Espagne, si".
Avec la contribution des envoyés spéciaux Munir Ladaa à Berlin et Cristina Mateo-Yanguas à Madrid .
Source : Des bassines et du zèle, 28 octobre 2007
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