Jean-Marie Colombani, l’ancien patron du Monde, n’a pas écrit sa maxime dans le vide. La preuve : les autorités allemandes font partie des atlantistes qui ont entendu son message. Oui oui, et celles-ci sont même allées jusqu’à collaborer avec les tortionnaires de Guantanamo. Dans son livre paru jeudi 13 septembre aux éditions Fayard Dans l’enfer de Guantanamo, Murat Kurnaz, un Germano-turc musulman de 25 ans, raconte le traitement inhumain qu’on lui a infligé durant 4 ans et 8 mois, de décembre 2001 à août 2006.
Dès 2002, les protagonistes gouvernementaux états-uniens, allemands et turcs savaient tout : l’usage de la torture et son innocence, son dossier vide. Pourtant, cette année-là, quand les autorités américaines proposent à l’Allemagne de libérer le « terroriste », le coordinateur des services secrets à la chancellerie de l’époque (bras droit de Schröder), Frank-Walter Steinmeier, s’y oppose. En mars 2007, Steinmeier est dénoncé par l’Américain Pierre-Richard Prosper, représentant du Département d’Etat chargé notamment des crimes de guerre entre 2002 et 2005 : « Le gouvernement allemand n’a jamais demandé la libération de Murat Kurnaz. » Et le porte-parole du ministère allemand des affaires étrangères (Martin Jäger) de répliquer : « Il s’est préoccupé à plusieurs reprises depuis 2002 et à des niveaux différents de M. Kurnaz. » En effet !
Et Murat le dit d’ailleurs lui-même : « Je n’aurais jamais pu imaginer qu’un gouvernement comme le gouvernement allemand m’envoie des membres de ses services de renseignement et que cette visite soit restée secrète. Enfin je n’étais plus sûr de rien. Ils m’avaient bien proposé de devenir un de leurs collaborateurs à Brême (« Ils voulaient m’employer comme espion », p.189). Les Allemands m’avaient auditionné pendant douze heures environ, deux jours de suite. » (p.190)
Frank-Walter Steinmeier a-t-il été jugé ? Il est aujourd’hui ministre des Affaires étrangères du gouvernement Merkel.
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