mardi 29 décembre 2009

Des prisons de la CIA découvertes en Lituanie

par Hans-Jürgen  FALKENHAGEN & Brigitte QUECK, 27/12/2009. Traduit par Michèle Mialane et édité par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Original : In Litauen wurde die Existenz von CIA-Gefängnissen aufgedeckt
Une Commission d’enquête sur les prisons de la CIA,  instituée par le Parlement lituanien  (Seimas), part du principe que les services secrets lituaniens (VSD) étaient au courant de leur existence. Un fait est avéré : en Lituanie les conditions nécessaires ont été établies dans les années 2004-2005. À cette époque le VSD était de temps à autre un « État dans l’État ». Il faut «désormais y mettre fin» a déclaré Audronius Azubalis,  Président de la Commission parlementaire aux Affaires étrangères. Adamkus, alors Président de Lituanie, aurait été lui aussi au courant  selon un commentaire d’Audrius Baeiulis dans l’hebdomadaire « Veidas » (voir Gazeta wyborcza du 23/12/2009, Varsovie)


Et voici que Rolandas Paksas, l’ex-Président de Lituanie, a fait à ce sujet une révélation sensationnelle. Paksas est à l’heure actuelle député européen. Il avait été élu Président au second tour de janvier  2003 où il affrontait son prédécesseur Adamkus. «  Ma charge de Président m’a conduit à savoir qu’on souhaitait interner en Lituanie des personnes accusées de terrorisme», a déclaré Paksas.  Il déclare que Mecys Laurinkus, l’ex-dirigeant du Département de la Sûreté de l’État (VSD)  lui a demandé au printemps 2003 s’il était possible d’interner en Lituanie, sans le faire savoir officiellement, des personnes suspectées de terrorisme par les USA. Laurinkus laissait entendre qu’une réponse positive rendrait service aux partenaires étrangers. Des politiciens lituaniens frappaient alors à la porte de l’OTAN ; ils étaient nombreux à Vilnius à  déclarer que la Lituanie souhaitait en devenir membre et estimaient qu’il était nécessaire, pour accélérer le processus d’admission, de faire en direction du pays qui joue les premiers violons dans l’organisation -les USA- « un geste d’amitié ». Paksas déclare avoir néanmoins rejeté la proposition du chef des services secrets. Six mois plus tard éclatait le plus grand scandale politique de toute l’histoire lituanienne, qui entraîna la révocation de Paksas. À l’automne 2003, Mecys Laurinkus, de son « exil doré » au poste d’ambassadeur à Madrid, avait fait parvenir aux médias occidentaux  des informations compromettantes accusant Roland Paksas d’entretenir d’étroites relations avec l’oligarque russe Iouri Borissovitch. Paksas lui aurait conféré illégalement la nationalité lituanienne en échange du financement de sa campagne.

Mecys Laurinkus, chef du VSD (Services secrets lituaniens) de 1998 à 2004

En avril 2004, alors que la Lituanie fêtait son entrée dans l’OTAN, le Parlement lituanien vota une procédure d’impeachment à l’encontre du Président Paksas. Paksas fut contrait de démissionner. Et peu de temps après la prison secrète de la CIA fut ouverte à Antavilia, à 20 km de Vilnius. « Je pense que mon refus de principe d’ouvrir cette prison de la CIA est en relation directe avec ma chute », a déclaré Paksas lors d’une récente audition au Parlement lituanien. C’est aussi la version, par exemple, du journal « Russkij Berlin » dans sa rubrique Odna Chestaïa dans son numéro 51 de l’année 2009. L’article publié était de la plume de Vladimir Vodo et Alexander Reutov, du journal russe « Kommersant ».
 Selon certains experts, la procédure d’impeachment à l’encontre du Président Paksas a été fort utile aux USA. Premièrement beaucoup voyaient en Paksas un politicien pro-russe. Deuxièmement les services secrets Usaméricains avaient dû abandonner fin 2003 leur prison secrète dans la Pologne voisine. En effet la révélation de son existence avait déclenché un énorme scandale dans le pays et la CIA était donc à la  recherche d’une autre base du même type en Europe. En Lituanie le seul obstacle était cet empêcheur de tourner en rond de Paksas. Son départ supprimait l’obstacle. Les membres « frais émoulus » de l’OTAN, dont la Lituanie, étaient si reconnaissants aux  USA de les avoir aidés à y entrer qu’ils disaient amen à tout  ce que ceux-ci demandaient, selon le Général Richard Clarke, ex-conseiller en chef de George Bush pour la guerre contre le terrorisme (déclaration sur ABC News). «  Nous savions parfaitement que la CIA travaillait à Antavilia » a déclaré au Washington Post  Domas Grigaliunas, ex-officier des Services secrets lituaniens.

La réélection en juin 2004 de l’Américano-lituanien Adamkus au poste de Président a joué un rôle décisif dans l’affaire. Né en 1926 à Kaunas (Lituanie), Valdas Adamkus, fils d’un haut fonctionnaire lituanien, avait fui le pays avec ses parents  en 1944 vers l’Allemagne, devant l’avancée de l’Armée rouge. Après une formation militaire dans son propre pays, Adamkus y était revenu après un petit stage de perfectionnement chez les nazis. Il y a combattu l’Armée Rouge à Seda dans une unité lituanienne en octobre 1944 (au cours de l’Opération balte [14 sept.-24 nov. 1944]). Non sans avoir préalablement reçu de « hautes distinctions » de la main des nazis, Adamkus, après la défaite allemande dans les pays baltes, s’est réfugié une seconde fois en Allemagne où il aurait, paraît-il, poursuivi sa formation militaire dans la Wehrmacht. Plusieurs témoins dignes de foi affirment qu’il aurait été un gradé SS de haut rang. On n’en sait pas plus sur ses activités durant cette période.

Valdas Adamkus Photo DELFI
Après la guerre Adamkus a obtenu son Abitur (baccalauréat) au lycée lituanien du monastère de Rebdorf près d’Eichstätt, puis fait des études à l’Université Ludwig-Maximilian de Munich. Ensuite il a émigré aux USA (1949). Il y a travaillé dans les Services de renseignements militaires et a dirigé des organisations clandestines  lituaniennes. En 1960 il a obtenu un diplôme d’ingénieur de l’Institute of Technology de l’Illinois. Il a fait carrière dans l’Agence américaine pour l’environnement (EPA) tout en poursuivant son engagement dans le Mouvement indépendantiste lituanien. En 1997, après avoir pris sa retraite, il est rentré en Lituanie où il a été élu président une première fois en 1998. C’est lui qui a donné son accord à l’ouverture d’au moins une prison de la CIA sur le sol lituanien. Mais la Lituanie avait déjà été admise dans l’OTAN en « remerciement de ses efforts ».













La prison de la CIA occupait une villa d’aspect extérieur élégant, munie de cellules souterraines et d’une salle garnie de micros. Selon les informations dont on dispose, on y a également pratiqué la torture. La Présidente lituanienne en exercice, Dalia Grybauskaïté, et son gouvernement, ne déplorent cependant pas qu’il y ait eu en Lituanie une prison pratiquant la torture, mais « que le gouvernement d’alors n’en ait pas été informé ». Andreus Kubilius, le Premier ministre, s’est  déclaré profondément affecté que « quelqu’un ait pu installer en Lituanie des prisons dont le gouvernement ignorait tout.» L’une des conséquences en a été le rappel par la Présidente Dalia Grybauskaïté de Mecys Laurinkus, devenu ambassadeur lituanien en Géorgie.

Laurinkus a sûrement été, vu son expérience des services secrets, un « précieux » conseiller de l’Occident avant et pendant  la guerre russo-géorgienne d’août 2008.

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