vendredi 17 avril 2009

AL JAZEERA RECUEILLE LA PREMIÈRE INTERVIEW D'UN DÉTENU


Un détenu de Guantanamo a pu téléphoner à la chaîne Al-Jazeera et témoigner des mauvais traitements qui lui ont été infligés. Il s'agit de la première interview d'un détenu de la prison de haute sécurité. Les Etats-Unis n'avaient en effet jamais autorisé un seul média à s'entretenir avec un prisonnier.
Il s'agit vraisemblablement d'une interview réalisée durant les appels téléphoniques normalement réservés aux familles. Mohammed el-Gharani, un Tchadien de 21 ans détenu à Guantanamo, a témoigné à la chaîne Al-Jazeera des mauvais traitements infligés par l'armée américaine. Lors d'un appel téléphonique à la chaîne arabophone, il a décrit un incident précis : alors qu'il refusait de quitter sa cellule parce qu'il n'avait plus le droit de parler avec d'autres détenus et qu'on lui refusait une "alimentation normale", six soldats (accompagnés d'un soldat filmant la scène) l'ont sorti de force de sa cellule. Ils l'auraient alors battu à coups de matraque et vidé deux conteneurs entiers de gaz lacrymogène sur lui.
"Je pouvais à peine voir ou respirer. Puis, ils m'ont battu encore au sol, l'un d'entre eux tenait ma tête et la frappait contre le sol. J'ai commencé à crier à son supérieur "vous voyez ce qu'il fait? vous voyez ce qu'il fait" [mais] son supérieur s'est mis à rire et m'a dit "il fait son boulot". "

Devant ces accusations, Al-Jazeera envoie les détails de cette conversation au Pentagone et au Justice Department : elle est alors contactée par le vice-amiral Brook DeWalt, porte-parole de Guantanamo, qui déclare simplement qu'il ne dispose d'aucune preuve corroborant ces propos.
Rappelons qu'un juge américain avait ordonné la libération de el-Gharani le 14 janvier dernier devant le peu de preuves le liant à Al-Qaida. Il est actuellement toujours détenu dans l'enclave cubaine où il attend sa libération.
FLOU AUTOUR DE LA DATE
Un certain flou règne autour de la date de cet incident et les versions diffèrent au fur et à mesure que l'information circule.
Sur l'article original d'Al-Jazeera traduit en anglais par la chaîne, Al-Gharani déclare que les mauvais traitements ont commencé "environ 20 jours avant que Barack Obama devienne président (...) et continuent presque tous les jours depuis." Il ajoute que "depuis qu'Obama a pris ses fonctions, il ne nous a pas montré que quoi que ce soit allait changer".
Ces phrases deviennent dans la dépêche originale de l'agence américaine Associated Press (écrite en anglais et traduite par @SI) : "El-Gharani n'a pas donné la date des violences présumées mais a dit que cela s'était passé après l'élection de Barack Obama qui a ordonné la fermeture de Guantanamo d'ici la fin de l'année."
On note au passage la suppression de la citation accusant Obama de ne pas montrer de signe de changement depuis son investiture.
Dernier rebondissement : AP France n'est pas d'accord avec AP USA. Dans la version traduite en français de cette dépêche que l'on trouve sur le site du Figaro, la phrase devient : "El-Gahrani n'a pas donné (de date : ndlr) pour ces violences présumées mais a toutefois précisé qu'elles s'étaient produites avant l'élection du président américain Barack Obama le 4 novembre dernier. Depuis, Obama a ordonné la fermeture du centre de détention de Guatanamo d'ici la fin de l'année."

L'INTERVIEWEUR EST UN ANCIEN DÉTENU
Une autre information intéressante que l'on ne retrouve pas dans les dépêches AP est l'identité de l'intervieweur de el-Gharani. Sami Al-Hajj, journaliste à Al-Jazeera est lui même un ancien détenu de Guantanamo libéré en mai 2008 en raison, encore une fois, d'absence de preuves le liant à des réseaux terroristes.
Interviewé sur la version anglophone de Al-Jazeera, il se montre très critique envers la gestion de Guantanamo sous la présidence Obama :
"C'est vrai qu'il y a un nouveau président des Etats-Unis mais il n'y a eu aucun changement dans l'administration de Guantanamo. Ce sont les gens qui étaient déjà là durant les années Bush et donc ils utilisent les mêmes méthodes qu'avant."

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