samedi 29 septembre 2012

Omar Khadr, le dernier détenu occidental de retour au Canada

Omar en 2001
Omar en 2012


AFP, 29/9/2012

Omar Khadr, dernier ressortissant d'un pays occidental détenu à Guantanamo, a été transféré samedi de la base américaine de Cuba vers le Canada, son pays natal, à bord d'un avion militaire américain après un an d'atermoiements de la part du gouvernement canadien. (c) Afp
Omar Khadr, dernier ressortissant d'un pays occidental détenu à Guantanamo, a été transféré samedi de la base américaine de Cuba vers le Canada, son pays natal, à bord d'un avion militaire américain après un an d'atermoiements de la part du gouvernement canadien.

L'homme de 26 ans est arrivé à bord d'un avion militaire américain à 11H40 GMT à la base aérienne canadienne de Trenton, en Ontario (centre-est), pour être transféré dans une prison de haute sécurité, Millhaven, à Bath, dans la même province, a indiqué le ministre canadien de la Sécurité publique, Vic Toews, dans un communiqué.

Le ministre a précisé que la durée de sa détention au Canada serait définie par les autorités canadiennes, qualifiant Khadr de "soutien connu d'Al-Qaïda", "condamné pour terrorisme".

Aux termes de la loi canadienne, Khadr pourrait être mis en liberté conditionnelle dans un an au plus tôt.

Ce transfert "met un terme à l'un des épisodes les plus hideux de l'histoire" de Guantanamo, a estimé samedi le Centre sur les Droits constitutionnels (CCR), une organisation de défense des droits de l'homme.

Amnesty International a salué un "progrès" ajoutant que "l'histoire terrible de Khadr montre pourquoi Guantanamo doit fermer pas demain mais aujourd'hui". L'ONG appelle le président Obama à "respecter sa promesse de clore ce chapitre et assurer que tous les détenus soient, soit inculpés et jugés avec justice, soit libérés".

Human Rights Watch suggère, de son côté, que le Canada "réhabilite et réintègre dans la société l'ancien enfant-soldat".

Plus jeune prisonnier

Issu d'une famille liée à Al-Qaïda, Omar Khadr était détenu depuis l'âge de 15 ans sur la base militaire américaine de Guantanamo, à Cuba, où il a été condamné à huit ans de prison après un accord de plaider-coupable.

Il avait ainsi reconnu avoir tué le sergent américain de première classe Christopher Speer avec une grenade en Afghanistan le 27 juillet 2002, lors d'une fusillade de quatre heures avec les forces militaires américaines dans le petit village d'Ayub Kheyl. Le soldat était mort de ses blessures dix jours plus tard, le 6 août.

Sans cet accord il aurait été condamné à 40 ans de prison.

Lors de son procès, avant qu'il ne se résigne à plaider coupable, les avocats du Canadien ont soutenu que la grenade avait été lancée par quelqu'un d'autre.

Le plus jeune et dernier prisonnier occidental de Guantanamo avait demandé son rapatriement fin 2011. Depuis avril 2012, date de la réception officielle de sa demande par le Canada, il attendait de savoir s'il pourrait rentrer dans son pays natal.

Ses avocats avaient tenu une conférence de presse en juin pour tenter de faire pression sur le gouvernement canadien. "La seule raison pour laquelle Omar est toujours dans sa cellule de Guantanamo, huit mois après avoir été déclaré éligible au rapatriement, c'est que le gouvernement canadien continue de faillir à ses obligations envers lui", avait alors estimé Me John Norris, l'un des avocats canadiens d'Omar Khadr.

De son côté, le ministre canadien explique, dans sa décision de rapatrier Omar Khadr que l'AFP a pu consulter, que si le rapatriement a été si long c'est qu'il attendait de pouvoir visionner une cassette vidéo d'un entretien entre le détenu et un médecin avant de se faire une opinion.

M. Toews affirme qu'il a dû s'adresser directement au secrétaire à la Défense américain Leon Panetta pour que la vidéo lui soit fournie.

La famille de Khadr résidant au Canada, dont son frère, s'est félicitée de son arrivée, annonçant son intention de lui rendre visite en prison.

Né à Toronto le 19 septembre 1986, Omar Khadr est le fils d'Ahmed Saïd Khadr, un Canadien d'origine égyptienne considéré comme un membre influent d'Al-Qaïda, tué en octobre 2003 au Pakistan.

mercredi 12 septembre 2012

Suicide à Guantanamo du détenu numéro 156, le 9e mort en dix ans


LE MONDE | 

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Photo d'Adnan Fahran Abdul Latif, fournie par son avocat.
Les autorités militaires ont choisi le 11 septembre, 11e anniversaire des attentats de 2001 aux Etats-Unis, pour annoncer la mort du détenu numéro 156 de Guantanamo. Le décès lui-même remonte à samedi 8 septembre. Le détenu a été trouvé inconscient dans sa cellule du Camp 5, le quartier de haute sécurité, a indiqué le Pentagone, sans autre précision. Occupés à la commémoration des attentats contre le World Trade Center, les médias ont à peine évoqué cette neuvième mort en dix ans à "Gitmo" (Guantanamo), un trou noir juridique largement sorti de la conscience collective.
Le numéro 156 s'appelait Adnan Fahran Abdul Latif. Il avait une trentaine d'années (32 ans, selon le Pentagone, 35 ou 36 ans, selon son avocat) et était arrivé parmi les premiers à Guantanamo en janvier 2002. Il faisait partie des détenus contre lesquels aucune charge n'a jamais été retenue et que l'armée avait jugés sans danger depuis des années. Il devait être renvoyé depuis 2006 au Yémen, son pays d'origine, mais restait détenu, comme 55 de ses compatriotes. Les rapatriements ont été suspendus après la tentative d'attentat de décembre 2009 qui a vu le Nigérian Umar Farouk Abdulmutallab, formé au Yémen, tenter de faire sauter en vol un avion à destination de Detroit.
Le Camp 6 de la prison américaine de Guantanamo, fin 2008.
Adnan Fahran Abdul Latif avait un avocat bénévole, David Remes. Interrogé par l'agence Associated Press, celui-ci a décrit son client comme un rebelle n'ayant"jamais accepté sa situation". Les autorités militaires l'ont dit atteint de troubles mentaux. Dans la communauté des juristes et défenseurs des droits de l'homme qui se préoccupent du sort des 167 hommes qui restent emprisonnés à Guantanamo, il était connu comme un détenu continuellement en grève de la faim, nourri de force et qui avait tenté plusieurs fois de se suicider. Au moment de sa mort, il était au quartier disciplinaire pour avoir lancé un cocktail de "fluides corporels" sur les gardiens. "Il lui était arrivé d'avaler des vis, a indiqué son avocat. Des sacs de plastique." Pendant une visite, l'avocat lui-même avait été aspergé de sang par le détenu.
"VENDU" PAR LES PAKISTANAIS
Le Yéménite avait été capturé fin 2001 au Pakistan. Il avait affirmé y être allé se faire soigner, après une blessure à la tête due à un accident de voiture en 1994. Il espérait y trouver une ONG dispensant des soins gratuits. Ses avocats pensent qu'il a été "vendu" par les Pakistanais aux Américains en échange d'une récompense, comme beaucoup d'autres étrangers. En 2010, il s'était adressé à la justice américaine, pour obtenir la confirmation de la décision de l'administration de le libérer. Un juge fédéral avait estimé que les preuves de son implication avec Al-Qaida étaient insuffisantes et ordonné sa remise en liberté. Mais l'administration Obama avait fait appel et, en juin 2012, la Cour suprême avait refusé de se saisir du dossier, plongeant les défenseurs des droits de l'homme dans la désolation.
Adnan Fahran Abdul Latif était "fragile et tourmenté", a estimé son défenseur."Mais quelle que soit la façon dont vous regardez les choses, il est évident que c'est Guantanamo qui l'a tué." Latif composait des poèmes. Comme celui qu'il écrivit en 2010 dans une lettre en arabe : "En finir est une miséricorde pour cette âme."

samedi 8 septembre 2012

The Guantanamo Bay Museum/Un musée virtuel à Guantanamo en souvenir de la prison



On August 29th, 2012, the Guantanamo Bay Museum of Art and History was opened to the public. The museum, located at the former site of the Guantanamo Bay Detention Camp in Cuba, is an institution dedicated to critically remembering the U.S. prison which was active between 2002 and 2012 before it was permanently decommissioned and closed. The museum features an array of contemporary art exhibitions, public programs, and a center for critical studies that are all freely accessible on the institution’s website.



The project is focused on both reflecting on the human rights abuses that occurred at the Guantanamo Bay Detention Camp while it was still in operation, while it also hopes to be a discursively generative and imaginative space for considering the many systems of violence that continue to persist in our contemporary moment. The museum features original artworks from 6 different contemporary artists, as well as essays on Guantanamo Bay from leading contemporary scholars including Judith Butler and Derek Gregory.
In addition, as part of the larger intervention the museum was listed as an official place on Google maps before being censored by Google 2 days later.
Alexis Madrigal, senior editor at The Atlantic, describes the project this way:
“While creating imaginary entities is a tried-and-true protest technique, its application in this specific case is brilliant. Gitmo is a peculiar invention that only exists thanks to a tangle of legal rulings that allow Americans to pretend that Gitmo is not a part of America, even though it’s governed and controlled by Americans. No one really gets to see the place, as reporters’ and other visitors’ experiences are crafted by the authorities. The detention camp, as a place where people are held and interrogated, remains an imaginary place for all but the prisoners and the national security officials who operate it. The imaginary museum draws its power from this resonance: If Gitmo exists because of one fiction, perhaps it can be closed by another? Or put another (augmented) way, germane to this digital project: if we change Gitmo’s website, can it actually change its physical and legal reality? That’s what the museum’s organizers are hoping.”
The project was the result of large collaboration, with over 25 artists, writers and other volunteers contributing to the project in some way from Europe, North America and South America. Visitors to the museum are invited to plan their trip to Guantanamo Bay, become a member of the museum, apply to be an artist in residence, as well as read about the history of the museum itself.

The museum has been covered by many news sources, some of which can be read by clicking the links below:
“Liberdade, ainda que virtual” in the Brazilian paper Estadão de São Paulo.
“Gitmo Museum” in the San Francisco Arts Quarterly.

Un musée virtuel à Guantanamo en souvenir de la prison
Chantal Valery, Agence France-Presse, Washington, 8/9/2012
Un musée imaginaire, né de la collaboration d'une trentaine d'artistes et d'agitateurs, a poussé virtuellement dans la baie de Guantanamo, à Cuba, sur le site même de la prison controversée, où il entend être un lieu de mémoire dans la perspective encore lointaine de sa fermeture.
«Bienvenue au Musée d'art et d'histoire de la baie de Guantanamo». Entre rêve et réalité, le projet n'a qu'une existence virtuelle, sur un site internet (www.guantanamobaymuseum.org) où le visiteur est invité à se transporter dans le futur, quand la prison, qui renferme encore 168 détenus, souvent sans inculpation, ne sera plus qu'un souvenir.
«Le musée, situé sur l'ancien site du centre de détention de Guantanamo Bay à Cuba, est un lieu de mémoire sur la prison américaine qui était active entre 2002 et 2012 avant d'être mise hors service et fermée de manière permanente», peut-on lire sur la page d'accueil.
Sur son site internet, le musée est, carte Google à l'appui, localisé en lieu et place de la prison. Mais aucun des artistes ou analystes du musée n'a foulé le sol aride de cette zone de l'est cubain, au milieu des cactus et des iguanes, que les États-Unis louent à Cuba depuis 1903 pour abriter une base de l'US Navy.
«L'idée est de faire de la prison une institution aberrante et de revendiquer la possibilité de sa fermeture», explique à l'AFP Ian Alan Paul, conservateur du musée. «Les gens oublient la prison, on veut essayer d'engager un dialogue et de rappeler qu'elle continue de fonctionner tous les jours», a ajouté cet artiste, étudiant à San Francisco.
Près de 780 détenus soupçonnés de liens avec Al-Qaïda sont passés par ses geôles en dix ans d'existence. À peine une poignée d'entre eux ont été jugés ou condamnés depuis sa création par George W. Bush, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.
Sur le site du musée inventé, on voit Barack Obama signer un décret bien réel pour la fermeture de la prison, deux jours après son arrivée au pouvoir en 2009. Dans une projection vers le futur, on apprend que le Congrès, qui a empêché pendant quatre ans tout transfert de détenus sur le sol américain, a fini par finaliser la fermeture du site «face à la pression internationale» à une date non précisée.
Spéculations
«Devenez artiste en résidence», «planifiez votre visite au musée», participez à des «tours guidés écologiques», propose le musée, au milieu d'expositions d'art plastique sur la torture et de publications de son Centre d'études critiques consacrées au détenu canadien Omar Khadr ou à la détention illimitée.
À l'approche de la présidentielle du 6 novembre, les créateurs du musée espèrent poursuivre leur projet avec des débats sur les violations des droits de l'homme et des expositions bien réelles dans des villes américaines.
Car si le programme du président sortant démocrate réaffirme la promesse de fermer le centre de détention, «lieu de tant de violations de la Constitution», le candidat républicain Mitt Romney plaide en faveur de son maintien.
«Je suis heureux que les détenus soient à Guantanamo, je ne les veux pas sur notre sol», avait-il soutenu en 2007, ajoutant qu'il «faudrait doubler» sa capacité.
Siège de tribunaux militaires d'exception très controversés, la prison reste l'objet de spéculations quant à son avenir. Certains préconisent qu'elle devienne une base d'entraînement militaire, d'autres un centre de recherche biologique, un lieu d'exposition pour la défense des animaux ou encore un «terrain neutre» pour les négociations avec Cuba.
«Cela ne peut pas être juste une transition vers un site militaire», estime de son côté Ian Paul, «cela doit être un lieu de mémoire pour qu'on n'oublie pas ce qui s'est passé ici».