Entre le dimanche 24 et le lundi 25 avril, de nombreux journaux américains et européens commencent à révéler les informations contenues dans une série de documents annoncés depuis fin 2010 par WikiLeaks, distinct des télégrammes diplomatiques américains, et concernant la prison américaine de Guantánamo, ceux qui y ont été détenus et ceux qui y sont toujours enfermés.
Il semble que deux groupes de médias se soient livrés à une course au scoop : le premier déclarant avoir reçu l’information de WikiLeaks, le second s’en détachant. Cette course médiatique, détaillée par le Huffington Post (en anglais), aurait mené à une publication anticipée de l’information, et montre les relations parfois tendues qu’entretient l’organisation de Julian Assange avec ses partenaires d’autrefois comme le Guardian au Royaume-Uni ou le New York Times aux États-Unis.
Il n’en reste pas moins que ces documents permettent au public de plonger le regard, avec une acuité inédite, sur cette prison qui est devenu le symbole internationalement critiqué des effets pervers d’une « guerre contre la terreur ». Avec la vidéo « Collateral Murder », avec les « Afghanistan War Logs » puis les « Iraq War Logs » publiés par WikiLeaks et ses partenaires l’année passée, une lumière particulièrement crue était jetée sur cette guerre. Aujourd’hui, il est désormais possible de se faire une idée plus précise sur les personnes détenues par le gouvernement américain dans le cadre de celle-ci : ceux qui ont été relâchés et ceux qui y sont encore (et les raisons de leur détention).
La fermeture de la prison de Guantánamo (opérationnelle depuis janvier 2002) a été l’une des promesses de campagne de Barack Obama et fait l’objet d’un long débat qui ne semble pas prêt de se terminer. Ces nouvelles informations ne devraient pas mettre fin à la controverse puisqu’elles sont susceptibles d’être utilisées de part et d’autre du champ politique américain : les uns renforçant leurs craintes de voir certains détenus libérés alors qu’ils pourraient constituer une menace relative, les autres se demandant s’il est justifié de les garder enfermés alors que la plupart n’ont pas eu droit à un procès équitable.
Alors que des centaines de détenus ont déjà été libérés (parce qu’innocentés) et/ou transférés et que 172 personnes y restent enfermées, les « Gitmo Files » (Dossiers Guantánamo), s’ils gardent les techniques d’interrogation sous silence, permettent malgré tout de se rendre compte d’un certain nombre de méprises et du degré de subjectivité avec lequel sont évaluées les actions passées d’un prisonnier et ce qu’il pourrait faire dans le futur. Ainsi, par exemple, comme le montre le New York Times, sur les centaines de documents à publier, le mot « possibly » (« éventuellement ») revient 387 fois. Le Times rend également disponibles les documents (en anglais) qui permettent de mener les interrogatoires des prisonniers et de déterminer les risques qu’ils pourraient poser dans le futur.
Actuellement, 97 fiches sur 779 sont disponibles sur le site de WikiLeaks. Chacune donne des détails jusqu’alors inédits sur les détenus : leurs noms, leurs conditions de santé, les conditions de leur capture, les résultats de leurs interrogatoires, leur importance en terme de menace potentielle et de renseignements. On y trouve notamment la fiche d’Abd Al Rahim Abd Al Rassaq Janko, qui a passé 7 ans et 4 mois à Guantánamo avant d’être innocenté et accueilli par la Belgique en octobre 2009. Deux autres documents, qui ne sont pas encore consultables, concerneraient des personnes d’origine belge. Si la publication continue avec le même rythme, l’ensemble des documents pourrait être disponible dans une dizaine de jours. Le Cablegate, quant à lui – la publication au compte-goutte des 250.000 mémos diplomatiques américains, lancée le 28 novembre 2010 par WikiLeaks – se poursuit en parallèle.
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