dimanche 24 août 2008

Deux missiles anti-Bush

George Clooney et Oliver Stone attaquent
par Michel Porcheron, 24 Août 2008

Dans deux films considérés déjà comme très polémiques, George Clooney et Oliver Stone mettent en scène « la présidence chaotique et les travers personnels de George W. Bush » (*)

George Clooney et l’ancien chauffeur de Ben Laden

Quelques jours à peine après avoir fait la une de la (bonne) presse, comme premier prisonnier de Guantanamo à avoir été jugé, à l’issue d’un procès de quinze jours, le Yéménite Salim Ahmed Hamdan, ex chauffeur privé d’Oussama Ben Laden, est revenu en force dans l’actualité.(voir notre article)

Anonyme pendant sept ans, comme tant d’autres anonymes, dans l’ombre d’une cellule de la forteresse de Guantanamo (1) – qui a perdu son statut de bastion imprenable- Hamdan va voir braqués sur son cas, et pour une juste cause, les projecteurs ...d’une production américaine appelée à faire plus que des remous dans le monde politique aux USA.


Salim Hamdan et son avocat Charles Swift durant une audience préliminaire à Guantánamo le 24 Août 2004. Dessin Art Lein, Getty Images

Bien connu pour ses convictions démocrates - il est aujourd’hui un des meilleurs soutiens du candidat Barack Obama- ainsi que pour ses choix cinématographiques, George Clooney (2) a décidé, pour son prochain film, de prendre en effet pour cible l’administration Bush. Sa maison de production, Smoke House vient d'acquérir les droits d’adaptation au cinéma du thriller juridico-politique du journaliste Jonathan Mahler, «The Challenge», exactement The Challenge, Hamdan Vs Rumsfeld and the Fight over Presidential Power.


Neat Katyal (à g.) et Charles Swift, le 29 juin 2006. Photo Joshua Roberts, Getty Images

Ce film n’a actuellement (22 août) aucun titre, ni scénario, ni casting, ni réalisateur. Il serait tourné en 2009. Inspirée de faits plus que réels, cette adaptation raconte le combat mené pendant six ans contre les faucons de l’entourage de Bush par deux hommes, Charles Swift et Neal Katyal, pour garantir à Salim Hamdan, un procès équitable à Guantanamo. Il s'est agi du premier procès pour "crimes de guerre" devant une juridiction militaire d'exception depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, terminé le 7 août dernier.

Le livre de Mahler prend fin à un moment marquant, en 2006, au moment où la Cour suprême des USA déclare que les tribunaux militaires dont ressortent Hamdan et les autres détenus de Guantanamo Bay, violaient la Convention de Genève ainsi que le Uniform Code for Military Justice des USA. Mahler a prévu de mettre à jour sa première version publiée afin d’y inclure la sentence (clémente) du procès de Hamdan.

Le comédien et coproducteur de Syriana (Stephen Gaghan, 2006) et le réalisateur, acteur et scénariste de Good Night, and Good Luck, (sur le maccarthysme) interpréterait le personnage de Charles Swift, principal défenseur de Salim Hamdan, avocat de la marine américaine, selon la publication US Variety. Swift est connu pour être un officier en lutte contre les abus de l'armée américaine à l'encontre des prisonniers étrangers. Neal Katyal est professeur de droit à Georgetown.

Fils du journaliste de TV Nick Clooney, connu pour la qualité de ses interviews et son sens du débat politique, l’acteur aux tempes grises, élevé dans le culte des news, un temps tenté par une carrière de journaliste, expliquait en septembre 2007 pour le quotidien Le Figaro : « Je ne peux changer les institutions ni la politique de mon pays. Mon devoir de citoyen et d’homme de bonne volonté m’autorise à prendre parti sur ce qui se passe dans le monde. Mon père m’a montré le chemin pour éveiller les consciences ».

Pour défendre « la notion de justice contre celle de vengeance », Clooney, le producteur, consacrerait entre 30 et 40 millions de dollars à ce film sur Hamdan, dont la seule annonce a provoqué une controverse dans les milieux et médias conservateurs américains, qui ne veulent pas comprendre qu’une telle somme puisse être dépensée pour mettre en scène un employé du redouté Oussama Ben Laden, ennemi public n° 1 aux USA. Or Clooney ne s’érige pas en nouvel avocat de Hamdan, mais souhaite montrer comment l'on choisit des boucs émissaires pour expédier certaines situations...

Les délais, hélas, du tournage feront que ce film sera sur les grands écrans alors que George W. Bush coulera des jours tranquilles, comme retraité, dans son ranch du Texas, sauf évènement imprévu. Mais il fera un heureux, Hamdan (3) qui sera (devrait être) libre dans son pays lors de la sortie du film.

George Clooney, 47 ans, qui a décroché en 2006 l'Oscar du second rôle pour "Syriana", alterne depuis quelques années films grand public et projets à tonalité politique.

En attendant, on pourra voir George Clooney dans la nouvelle comédie des frères Coen, Burn After Reading, aux côtés de Brad Pitt, dès le 12 septembre, quinze jours après sa présentation à la Mostra de Venise. Si aucune date n’est connue pour la sortie du film sur Hamdan, on sait d’ores et déjà que Clooney ne s'arrêtera pas là, puisqu'il produira et réalisera prochainement Escape From Tehran, un film tiré également de faits réels impliquant Hollywood et la CIA. Clooney reviendra sur l’assaut de l’ambassade américaine en Iran en 1980 et raconte comment la CIA aurait eu recours à un faux film de science-fiction pour libérer certains otages américains. La fiction dépassait la réalité.

«Pour pouvoir, pour oser dire de grandes vérités, il ne faut pas dépendre de son succès.» Jean-Jacques Rousseau n’avait pas imaginé qu’à notre époque, le succès aiderait autant à se faire entendre, soulignait le 20 août sur son site l’hebdomadaire culturel français Les Inrockuptibles.

Oliver Stone, « W » : un homme malade, alcoolo-dépendant

Programmé également pour 2009, un nouveau film d’Oliver Stone, intitulé tout simplement W, traité comme un biopic classic, selon la terminologie actuelle, risque de provoquer plus que des vagues, un tsunami. On y verra Bush, qu’interprétera Josh Brolin (No Country for Old Men des frères Coen) dans une époque pathétique de sa vie personnelle : celle, avant sa première présidence, où il connaissait de sérieux problèmes avec la boisson. Le trailer de W, mis sur YouTube fin juillet, a récolté près de 300 000 clics). Ces premières images "sont étonnantes" (les Inrocks). Oliver Stone se demande comment un alcoolique a pu devenir président des USA...

Notes

(1)- Avant le camouflet subi par Bush avec le verdict du procès Hamdan, un détenu de Guantanamo avait obtenu l'abandon du statut d' «ennemi combattant ». Huzaifa Parhat, un prisonnier chinois a obtenu récemment une victoire judiciaire lorsqu'une cour d'appel fédérale a annoncé qu'elle abandonnait la qualification d'« ennemi combattant » retenue contre lui. Cette décision représente un autre revers pour l'administration Bush, elle intervient alors que 160 procédures d'appel ont été engagées par des détenus de Guantanamo. Le cas de Huzaifa Parhat est atypique : c’est un Ouïgour de Chine qui aurait milité dans un groupe « séparatiste » soupçonné de liens avec Al Qaïda, selon l’agence AP.

(2)- Clooney, réalisateur, a à son actif trois films : Confessions of a dangerous mind, Good night, and good luck , Jeux de dupes. Réalisateur, acteur, producteur, scénariste, producteur executive, George Timothy Clooney est né le 6 Mai 1961 à Lexington, Kentucky (Etats-Unis). Actuellement au cinéma dans : Darfour : du sable et des larmes, Jeux de dupes, La Ligne rouge.

On peut consulter : http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne_gen_cpersonne=18069.html

Dans Du sable et des larmes, documentaire consacré au Darfour, de l’Américain Paul Freedman, déjà auteur d’un documentaire sur le génocide rwandais, George Clooney est au générique, comme producteur et narrateur. Le rôle de Clooney est celui d’un « aspirateur à spectateurs, en effet son apparition à l’écran dure en tout et pour tout deux secondes. Sur 90 minutes, c’est peu. Et c’est tant mieux » (quotidien Libération, 20 août 2008).

(3)- Salim Hamdan devrait être libéré avant la fin de l’année 2008. Mais le Pentagone n’entend pas qu’il soit libéré dans la mesure où pour les USA, il reste un «combattant ennemi», qui doit pouvoir être gardé détenu indéfiniment. Mais son cas pourrait être réexaminé. Des dizaines de détenus de Guantanamo, sur les quelque 800 passés par le centre de détention, ont « bénéficié » de ce réexamen et ont été transférés dans leur pays d’origine.

On peut aussi consulter : http://www.legrandsoir.info/spip.php?article6989

*titre extrait du site lesinrocks.com

Sur l’auteur

Michel Porcheron est un auteur associé de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteur, le réviseur et la source.

URL de cet article sur Tlaxcala :
http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=5759&lg=fr

samedi 23 août 2008

Waterboarding



Un détenu algérien de Guantánamo, Djamel Ameziane, a accusé ses gardiens d'avoir pratiqué sur lui la technique d'interrogatoire dite de la planche à eau, a indiqué vendredi son avocat.
C'est la première fois que ce mode d'interrogatoire assimilé à la torture est dénoncé sur une base usaméricaine. Une commission des droits de l'homme de l'Organisation des Etats américains, après avoir été informée de cet abus supposé, a annoncé vendredi qu'elle avait demandé au Département d'Etat usaméricain de s'assurer que le détenu n'est pas maltraité et reçoit des soins adéquats.
Les responsables du camp de Guantánamo ou le Pentagone n'ont pas répondu immédiatement à ce sujet, mais ils ont affirmé à plusieurs reprises que tous les prisonniers de Guantánamo sont traités humainement.
Djamel Ameziane, détenu depuis 2002 dans le camps de Guantánamo sans chef d'inculpation, a déclaré à son avocat Wells Dixon, que des gardiens avaient placé son nez et sa bouche sous une lance à eau, actionnée pendant plusieurs minutes. La technique a été appliquée plusieurs fois, jusqu'à ce qu'il suffoque, selon le détenu.
"J'avais l'impression que ma tête coulait sous les eaux" a affirmé Djamel Ameziane. "J'ai encore des séquelles psychologiques maintenant. Rien que d'y penser cela me fait frissonner" a ajouté le prisonnier.
Il a aussi indiqué que ses gardiens lui avait appliqué lors de la même séance du poivre sur tout le corps, l'avaient mis dans un sac et laissé trempé et tremblant devant une bouche d'air conditionné dans la salle d'interrogatoire.
Trois autres prisonniers de la base de Cuba ont évoqué cette méthode de la planche à eau, mais elle leur aurait été appliqué dans les prisons secrètes de la CIA, avant leur transfert à Guantánamo.

Source : AP, 23 Août 2008

jeudi 21 août 2008

Troisième demande d'asile de Guantanamo

par Valérie de Graffenried, Le Temps, Jeudi 21 août 2008

DETENUS. Le Conseil fédéral a évoqué le dossier délicat mercredi. Amnesty suit l'affaire de près.
Et de trois! Après celle, fin juin, du Libyen Abdul Ra'ouf al-Qassim, deux autres détenus de Guantanamo ont déposé une demande d'asile en Suisse. Un Algérien, en juillet, et un Ouïgour, vendredi dernier, via une lettre. Comme Abdul Ra'ouf al-Qassim, ils ont fini par être innocentés par les Américains après des années passées à Guantanamo. Comme le Libyen, ils ne pourront quitter leur enfer que si un pays les accepte. Mais renvoyés chez eux, ils seront persécutés, avertit Amnesty International.

Leur salut passera-t-il par la Suisse? Pas sûr: à ce jour, seule l'Albanie a accepté des ex-détenus de Guantanamo. Et, en 2004, la Suisse avait refusé une demande américaine d'accueillir un contingent d'Ouïgours. L'Office fédéral des migrations déclare que les demandes seront traitées «comme n'importe quelle demande déposée à l'étranger». Le dossier a pourtant été évoqué mercredi en séance du Conseil fédéral, confirme son porte-parole Oswald Sigg.

Les trois demandes ont été déposées via le «Center for Constitutional Rights» de New York. Après l'échec des Américains à trouver des pays d'accueil pour les personnes «libérables», l'ONG a approché différents acteurs pour remettre la situation de ces détenus sur le devant de la scène. Et leur demander d'intervenir auprès de gouvernements. «Ils nous ont approchés en 2007, ainsi que des avocats», explique Denise Graf, de la section suisse d'Amnesty. «Ils ont réparti les dossiers en fonction des pays où des ONG étaient prêtes à appuyer leurs démarches. Et ces trois dossiers ont été attribués à la Suisse.» L'avocat des requérants a déjà reçu une lettre de l'ODM soulignant sa volonté de refuser la première demande, notamment à cause du manque de lien du Libyen avec la Suisse, précise Denise Graf. Elle ajoute: «En cas de décision négative, nous soutiendrons un recours au Tribunal administratif fédéral.»

dimanche 10 août 2008

Le verdict du premier procès de Guantanamo a été un camouflet pour George Bush

Par Michel Porcheron, 10 Août 2008 Ce dessin de Janet Hamlin, phtographié par l'agence AP et passé à la moulinette de la censure militaire, montre Salim Hamdan écoutant le 24 Juillet le témoignage de l'agent du FBI Craig Donnachie qui l'a interrogé, tandis qu'une photo d'agents US déguisés est projetée sur l'écran derrière le président de la cour.

A la grande satisfaction de la Maison Blanche, les procureurs avaient requis une peine d’emprisonnement qui ne soit pas «inférieure à trente ans » contre le Yéménite Salim Ahmed Hamdan, 38 ans, premier détenu de Guantanamo à être jugé par « un tribunal de crimes de guerre », un tribunal d’exception réuni pour la première fois aux USA depuis la Seconde guerre mondiale.

Le jury militaire de six membres de ce tribunal, à, l’issue de quinze jours de procès, en a décidé autrement le 7 août, après moins d’une heure de délibérations : l’ancien chauffeur de Ben Laden (en Afghanistan, de 1996 à sa capture fin 2001) devrait être libéré dans moins de six mois, soit avant la fin 2008.

En effet détenu à Guantanamo depuis six ans et mis en accusation depuis cinq, il a été condamné à 5 ans et demi de prison. La veille le jury militaire l’avait déclaré « coupable de soutien matériel à une entreprise terroriste », ce qui était pour plaire à l’exécutif américain, mais le jury avait rejeté le chef d’inculpation de « complot ». Ainsi la clémence du tribunal militaire a été immédiatement considérée comme un « camouflet » pour la Maison Blanche (quotidien Libération, 9 août).
« La légèreté de la peine infligée est un revers pour l’administration Bush et pour l’accusation » a écrit pour sa part Le Monde (9 août).

Les avocats militaires commis d’office de Salim Hamdan ont salué « l’intégrité et l’honneur » des six officiers. Hamdan a été autorisé à prendre la parole par le juge, le capitaine de marine Keith Allred. Remerciant le jury, il a une nouvelle fois présenté ses excuses aux victimes des attentats d’Al-Qaida. Le premier avocat de Hamdan, l’ex-commandant Charles Swift est ce juriste qui a porté l’affaire devant la Cour Suprême et qui a fini par être contraint de quitter l’armée américaine.

Toutefois Salim Hamdan sera toujours considéré comme « un ennemi combattant illégal » par les USA et de ce fait maintenu en détention. Ainsi son cas peut éventuellement être revu, a précisé le Pentagone. Mais Hamdan, père de deux enfants, qui a toujours soutenu n’avoir été qu’un simple chauffeur de Ben Laden pour gagner sa vie, pourra demander une révision de son statut d’ennemi combattant. Selon l’envoyé spécial du New York Times, à la fin de l’audience, Hamdan a lancé un « bye bye » joyeux et poli à l’adresse de l’auditoire.

Le trentenaire a comparu pendant deux semaines devant une juridiction inédite, instituée par l'administration Bush. Créées au lendemain des attentats du 11 septembre pour juger les suspects arrêtés dans le cadre de «la guerre contre le terrorisme», les «commissions militaires» constituées en tribunaux d'exception ont donné lieu à une très longue bataille juridique avant l'ouverture de ce premier procès, près de sept ans après l'attentat. En 2007, le seul détenu à avoir comparu devant un tribunal d'exception, l'Australien David Hicks, avait évité un procès en plaidant coupable en échange d'une peine réduite à neuf mois et de son retour dans son pays.

Un procès militaire aux allures de procès civil : la Maison Blanche contrée

Des organisations de défense des droits de l'homme et une trentaine de journalistes ont pu assister aux audiences, au cours desquelles Salim Hamdan était totalement libre de ses mouvements. Ce régime contraste avec les conditions de détention dont s'est plaint à la barre Salim Hamdan. Il avait évoqué son incarcération à l'isolement où il avait été victime de privations de sommeil, réveillé toutes les heures pendant 50 jours. L'homme avait également dénoncé un interrogatoire où il a été humilié sexuellement par une femme. Après son procès, il a été prévu qu’il sera détenu séparément des autres prisonniers détenus à Guantanamo. Etant le seul à avoir bénéficié d'un procès pour le moment, il risque l'isolement complet.


Le Pentagone souhaite organiser au moins 20 procès devant ces juridictions d’exception. Environ 265 suspects de « terrorisme » sont toujours détenus à Guantanamo dans un cadre juridique international indéfini.
La mise en route de l’appareil judiciaire lève un obstacle à la fermeture de la prison de Guantanamo. Contrairement au républicain McCain, Barak Obama a déclaré qu’il souhaitait dissoudre les commissions militaires. S’il est élu, il a annoncé que les prochains procès pourraient être transférés à des tribunaux civils ou des cours martiales.

Fin septembre, doit s’ouvrir le procès de Khalid Cheikh Mohammed et quatre de ses présumés complices pour leur rôle dans les attentats du 11 septembre 2001. Le même jour (le 7 août, jour du 10ème anniversaire des attentats anti-US à Nairobi et Dar-es-Salaam), George Bush a rappelé à Bangkok, deuxième étape de sa tournée asiatique, qui l’a mené à Pékin pour la cérémonie des JO, qu’Al-Qaida cherchait toujours à frapper les USA et leurs alliés. « Cet anniversaire renforce la nécessité d’empêcher que de tels attentats ne se reproduisent».

mardi 5 août 2008

«Nous n’avions aucun droit et n’avons pas été traités comme des êtres humains»

Interview de Sami Elhaj, ancien détenu à Guantánamo, menée par Alfred de Zayas, professeur à l’Ecole de hautes études internationales

Alfred de Zayas: Monsieur Elhaj, vous avez été libéré en mai 2008, après six ans à Guantánamo. Vous êtes maintenant à Genève, où vous allez rencontrer des représentants des Nations Unies et du Comité international de la Croix-Rouge. En décembre 2001, vous avez été arrêté à la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan, bien que vous n’ayez rien eu à faire avec le terrorisme, n’ayez pas été un «combattant ennemi» et n’ayez jamais fait l’objet d’une plainte pénale. Comment vous expliquez-vous votre arrestation?
Sami Elhaj: Les militaires des Etats-Unis m’ont reproché à tort de servir de courrier à une organisation musulmane militante. Je suis journaliste d’Al-Jazira et ai été probablement arrêté parce que les Etats-Unis sont hostiles à ce média et que les médias émettent des commentaires sur les violations des droits de l’homme en Afghanistan.

Guerre contre le « terrorisme » : Quelle justice pour les prisonniers musulmans ?

Une interview de Violetet Daguerre, par Silvia Cattori, 30 Juillet 2008

Violette Daguerre, née au Liban en 1955, docteur en psychologie, préside la « Commission arabe des droits humains » qu’elle a contribué à fonder. Elle s’est particulièrement engagée depuis 2001 pour exiger la fermeture du camp de torture de Guantánamo Bay. Elle évoque dans cet entretien les difficultés à faire réagir les médias, les ONG, les politiciens, quand il s’agit de ces victimes arabes et musulmanes, déshumanisées par la propagande de guerre et désignées comme « terroristes ».
Silvia Cattori : Quand avez-vous commencé à croire que, par votre lutte, vous pouviez réussir à contraindre l’administration Bush à libérer les prisonniers de Guantánamo ?
Violette Daguerre : Le combat de la « Commission arabe des droits humains » [1] pour dénoncer les conditions de détention à Guantánamo et exiger la fermeture de ce camp, a commencé aussitôt que nous avons appris sa mise en fonction, fin 2001. Nous avons tout de suite adressé une lettre à l’ambassade des États-Unis à Paris, en collaboration avec le Centre de l’indépendance de la Justice, basé au Caire, puis une lettre à l’ambassade des États-Unis au Caire, demandant la permission d’envoyer trois experts pour visiter les détenus de Guantánamo. Demande qui s’est heurtée à un refus.
J’ai également adressé, le 18 mars 2002, une lettre à M. Louis Joinet, à l’époque Président-rapporteur du Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, lui demandant de considérer la détention des détenus de Guantánamo comme arbitraire.
Il a fallu attendre le 11 janvier 2003 pour qu’un collectif se constitue, à l’occasion d’un colloque que nous avions organisé à Paris.