jeudi 15 mars 2007

Suisse : les contacts avec Guantanamo «illégaux et inadmissibles»

par Valérie de Graffenried, Le Temps, 14 mars 2007

TERRORISME. A travers un avis de droit, Amnesty International dénonce les pratiques du MPC.

«Le Ministère public de la Confédération (MPC) a agi conformément au droit; il n'a jamais été en contact direct avec Guantanamo et la diffusion de photos aux détenus de la base américaine n'a pas permis de recueillir des indices susceptibles d'être creusés.» Ces explications données par le ministre de la Justice Christoph Blocher, via un texte lu le 31 janvier par le porte-parole du Conseil fédéral, suite à la révélation de l'«affaire Guantanamo», n'ont pas vraiment convaincu Amnesty International (AI). Bien au contraire. Extorquées sous la torture Dans un avis de droit, Amnesty souligne aujourd'hui que les démarches entreprises par le MPC pour obtenir, à travers les autorités judiciaires américaines, des informations concernant des islamistes emprisonnés en Suisse auprès de détenus de Guantanamo, sont «inadmissibles» et «illégales». Car les informations risquent fort d'avoir été extorquées suite à des mauvais traitements ou sous la torture. Et que des preuves obtenues illicitement ne peuvent pas être utilisées dans le cadre d'une procédure judiciaire suisse. Amnesty se réfère à la Convention onusienne contre la torture, qui établit qu'aucune circonstance ne peut être invoquée pour justifier de telles pratiques. Si une collaboration entre Etats est essentielle à la lutte contre le terrorisme, «celle-ci ne doit jamais être considérée comme légitime si les renseignements obtenus l'ont été en violation de normes indérogeables, telles que l'interdiction des traitements inhumains et dégradants, l'interdiction de la torture et le respect de la dignité humaine», souligne Amnesty. Son avis de droit a été faxé mardi à la ministre des Affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey, ainsi qu'à la Délégation des commissions de gestion. AI prie instamment le Conseil fédéral et le MPC de rester fidèles aux engagements pris par la Suisse en matière de droits humains dans sa lutte contre le terrorisme. Et demande à l'Assemblée fédérale d'utiliser son pouvoir de haute surveillance pour que «les responsables répondent de leurs actes». A ce propos, Michel-André Fels, procureur ad interim de la Confédération, précise, dans une lettre adressée à AI, que le MPC renonce désormais à ce type de recherche de preuves auprès de détenus de Guantanamo... Le Conseil national évoquera aujourd'hui l'affaire dans le cadre du débat sur la coopération avec les Etats-Unis en matière de lutte contre le terrorisme.
Source : http://www.letemps.ch/template/suisse.asp?page=5&article=202508

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