samedi 30 décembre 2006

Si j’étais journaliste

par Maxime VIVAS , 20 décembre 2006


Sami Muhydine Al Hajj,
journaliste soudanais d'Al Jazeera,
détenu à guantanamo

Si j’étais journaliste, j’irais chercher l’information cachée.
Je foncerais vers un bagne international opaque : Guantanamo. Car mon sang corporatiste n’aurait fait qu’un tour en apprenant qu’un journaliste y est incarcéré.
J’aurais l’idée de lancer une grande campagne médiatique comme pour Christian Brunot, Georges Malbrunot et Florence Aubenas.
Pour ce faire, je me ferais aider par les syndicats de journalistes, je mettrais dans le coup toutes les associations qui défendent les droits de l’Homme. Emporté par mon élan, j’en appellerais même à Reporters sans frontières.

Avec tout ce battage, nous serions des dizaines, bardés de caméras, appareils photos dotés de puissants téléobjectifs, téléphones cellulaires, micro portables, gilets multi-poches, à atterrir à Santiago de Cuba.
Notre cohorte de voitures de location irait se garer sur le parking donnant sur la petite route interdite qui se termine par la grille du goulag. Les militaires états-uniens nous interdiraient d’entrer.
En l’absence d’hôtels, nous camperions. La température est douce sous les tropiques.
Nous créerions un gigantesque « camp de toile de la liberté ». Très vite, nous dresserions un grand chapiteau abritant une salle de presse reliée au monde entier.
Nous déploierions une immense banderole, assez consensuelle, du genre : « Laissez les journalistes faire leur travail » ou : « Le monde veut savoir » ou « Libre accès à l’information » ou « Respectez la presse ».
Oui, je ferais ça, si j’étais journaliste.
Nous créerions du même coup un événement médiatique mondial.
Nous redonnerions du lustre à la profession en montrant que les journalistes sont courageux, objectifs, et capables de travailler dans un confort spartiate.
Les gardiens en uniforme nous regarderaient à travers les barbelés, mais ils ne pourraient pas nous chasser car, entre nous, s’interposerait, outre cette frontière aux piquants d’acier, des centaines de millions de témoins à travers le monde.
Ils ne pourraient même pas nous pulvériser accidentellement en prétextant nous avoir pris pour des terroristes.
Nous serions invulnérables. Et pourtant, aucun de nous ne serait « embedded ».
D’autres journalistes, des envoyés spéciaux du monde entier, accourraient (ils logeraient dans les hôtels des villes les plus proches ou chez l’habitant dans des « habitacións particulares).
Des îliens curieux viendraient nous rejoindre. S’y mêleraient quelques jineteras, qui téléphoneraient à leurs copines de La Havane pour qu’elles rappliquent. Elles se réjouiraient sans complexe d’empocher nos pesos convertibles tout en participant à une action humanitaire. On éviterait de les photographier pour ne pas donner l’impression que, comme les amateurs de mondial du foot ou autres mâles ordinaires, nous succombons aux charmes tarifés.
Malignes, les autorités de l’île s’abstiendraient d’organiser des manifestations de soutien qui galvauderaient le mouvement purement journalistique. Pas de récupération.
Dans une conférence, notre porte-parole dirait d’ailleurs que dénoncer Guantanamo, ce n’est pas approuver tout le reste. Resté à Paris, le secrétaire général de RSF, Robert Ménard, se demanderait alors s’il ne pourrait pas venir faire un tour. Il n’obtiendrait pas de visa et publierait un communiqué contre le gouvernement cubain « prédateur de la presse ».
Des amoureux de la liberté et les anti-yankees du monde entier convergeraient vers le « goulag tropical » états-unien. Ils dresseraient leurs tentes aux alentours.
A Paris, Libé et le Monde publieraient des éditoriaux contre Guantanamo, rééquilibrés par des considérations critiques à l’égard du « lider maximo », du « régime castriste », du « vieux dictateur », de « l’île à l’économie dévastée ».
Du coup Robert Ménard envisagerait d’envoyer à Cuba tous ses correspondants en poste en Amérique latine, avec mission de se partager entre Guantanamo et les centres de détention cubains. Un communiqué sur Guantanamo, et un par « prison castriste » : l’objectivité tartinée au pâté d’alouette.
Nous serions désormais plus de mille : journalistes organisateurs de l’événement, reporters venus le couvrir, badauds, militants, jineteras (très politisées), etc.
Nous camperions là depuis dix jours maintenant et, autour de nous, la foule nous délivrerait des signes de sympathie. Nous serions aimés, sensation dont nous étions sevrés depuis quelques lustres.
Si j’étais journaliste, je vivrais là des jours heureux.
Des jeunes filles (que nous prendrions parfois pour des professionnelles, et cela les ferait rire de toutes leurs dents si blanches), nous apporteraient des jus de mangue et des bananes séchées. Certaines s’offusqueraient cependant quand nous sortirions notre argent. Nous recevrions ainsi une petite leçon de fierté.
Des hommes nous offriraient du rhum et de gros cigares. Quelques-uns d’entre eux, des jineteros, repartiraient écoeurés par la rareté des journalistes femmes, par notre avarice ou la trop grande orthodoxie de nos moeurs.
Nous enverrions chaque jour une petite délégation discuter avec les geôliers, à l’entrée du bagne. Elle reviendrait en nous faisant part des raisons du refus de nous laisser entrer : « Secret défense ».
Dans nos pays d’origine, les tirages de nos journaux repartiraient à la hausse.
CNN et son concurrent latino-américain, Telesur, nous intervieweraient à qui mieux mieux.
Nous serions ravis de cette vie champêtre et répondrions mollement aux sollicitations de nos rédactions qui, de très loin, nous inciteraient à mêler dans nos articles quelques détails sordides sur la vie dans la province de Guantanamo. Fraîchement respectés par le lectorat, nous n’allions pas recommencer nos conneries alors que nous baignions dans le rhum, les cigares, les sourires et plus si affinités.
Les autorités cubaines auraient fait venir des toilettes mobiles et des camions d’eau. Les autochtones seraient de plus en plus nombreux dans le village de toile, surtout le soir après le boulot. Guitares, chants et danses jusqu’à plus d’heures. Crevant, mais exaltant.
Si j’étais journaliste, je rajeunirais de vingt ans.
Les chaînes hôtelières de Varadero, flairant la bonne pub possible, nous feraient parvenir de vivres et nous offriraient un séjour de deux jours gratuits ainsi que l’acheminement en bus climatisés.
Nous nous serions procurés des porte-voix et nous haranguerions les responsables du centre de détention. Un journaliste d’Al-Jazira voudrait même s’adresser ainsi aux détenus, mais nous jugerions prudent de l’en dissuader.
Si j’étais journaliste, je serai là-bas, je vivrais ça, fier de mon travail. Je saurais qu’un jour, je le raconterais à mes enfants.
Au bout de deux semaines, l’affaire occuperait tout le début des journaux télévisés de 20 heures avec un audimat d’enfer.
L’Administration US demanderait alors aux autorités cubaines de mettre fin à cette gabegie. En réponse, celles-ci feraient l’historique de l’irrégularité de « Radio Marti » qui, depuis des avions US tournant à la limite de l’espace aérien cubain, viole les lois internationales sur les fréquences en inondant l’île d’émission hostiles et guerrières. Elles citeraient sans en omettre un seul, avec nom, prénom, âge, et média employeur, tous les journalistes tués par l’Armée US, de l’ex Yougoslavie jusqu’à l’Irak, en passant par l’Afghanistan et sans oublier les dizaines qui furent liquidés sous des dictatures latino-américaines soutenues ou mises en place par « los Yankis. Elles demanderaient la restitution de la base « à la nation ».
A Paris, Libé titrerait ainsi un édito : « Coup bas à Cuba. L’île des Caraïbes s’offre le luxe d’administrer une leçon de liberté de la presse aux USA ». Dans le corps de l’article, il serait question de « cynisme castriste ».
Sous le grand chapiteau, nous serions réunis en assemblée générale pour voter à main levée une lettre de protestation à l’intention de l’Administration américaine. Pris simultanément d’un besoin pressant, tous les correspondants de RSF sortiraient et ne pourraient prendre part au scrutin. Mais ils seraient ajoutés à la liste des votants par un confrère farceur qui ne peut « pas les piffrer » (sic).
Aux USA, le Center for a free Cuba (CFC) et The National Endowment for Democracy (NED) décideraient de suspendre leurs subventions à RSF.
Si j’étais journaliste, je me réjouirais qu’une ONG censée nous défendre ne soit plus financée par des officines écrans de la CIA. Je l’écrirais en buvant du rhum. Mon papier serait refusé. Je le lirais sur Telesur. Je serais viré. Mes collègues écoeurés signeraient une pétition en ma faveur et dénonceraient la censure. Ils seraient tous virés. Nous protesterions par une pétition. Nos gouvernements rappelleraient leur attachement à la liberté de la presse (qu’il ne faut pas galvauder) et nous conseilleraient de faire preuve de retenue.
Les autorités du bagne nous feraient savoir qu’elles ont toléré cette chienlit parce que nous étions soutenus par nos employeurs et nos Capitales. Maintenant que nous ne l’étions plus, « un tir ami » était possible. Alors, nous nous tournerions tous vers l’Incomparable Bouclier (RSF) mais, mystérieusement informés la veille, ses correspondants seraient déjà à l’aéroport.
Nous plierions nos tentes, embrasserions les jeunes filles, tapoterions les rotondités postérieures des jineteras, ferions provision de rhum et de cigares, distribuerions des stylos aux enfants et nous embarquerions vers les bus climatisés en partance pour Varadero.
Les journalistes ne peuvent pas résister à l’armée, faire fi des menaces, offrir leur poitrail à la mitraille, lutter pour (et avec) le peuple : c’est le rôle des révolutionnaires.
Si j’étais journaliste, je me contenterais donc de dire la vérité et de ne pas baver sur ceux qui tiennent tête aux canons depuis près d’un demi-siècle.
C’est peu et c’est beaucoup : ça suffirait pour que les lecteurs nous aiment enfin.
Source : Cuba Solidarity Project,
http://vdedaj.club.fr/spip/article.php3?id_article=636

Lire les lettres de guantanamo de Sami Al Hajj http://quibla.net/guantanamo2006/guantanamo1.htm

jeudi 28 décembre 2006

L'Arabie Saoudite libère des ex-détenus de Guantanamo

L'Arabie saoudite a annoncé mardi la libération de 29 ex-détenus de la base américaine de Guantanamo, à Cuba, qui avaient été remis au préalable par les autorités américaines.La justice saoudienne a jugé 29 ex-détenus de Guantanamo --28 Saoudiens et un ressortissant étranger né en Arabie saoudite-- et ordonné leur libération, a indiqué le porte-parole du ministère saoudien de l'Intérieur, le général Mansour Al-Turki. Leur libération s'est déroulée en deux temps, la semaine dernière, a-t-il ajouté: un premier groupe de 11 prisonniers a été relâché en début de semaine puis les 18 autres samedi.
Ces ex-prisonniers ont été avertis, en présence de leurs parents, que "leur respect des règles et des directives sera un facteur déterminant pour obtenir le rapatriement des autres Saoudiens toujours détenus à l'étranger", a déclaré le porte-parole, cité par l'agence officielle Spa. Ryad a obtenu le rapatriement, en plusieurs vagues, de 53 de ses ressortissants détenus sur la base de Guantanamo.
Les corps de deux détenus, dont les autorités américaines ont affirmé qu'ils s'étaient suicidés en juin, ont également été rapatriés. Au moins 74 Saoudiens sont toujours prisonniers à Guantanamo. Le 17 décembre, le Pentagone avait indiqué qu'"environ 395" personnes restaient détenues à Guantanamo. Quelque 85 d'entre elles pourraient être transférées ou relâchées après examen de leur cas, selon la même source.
Source : Belga, 26 décembre 2006

mardi 26 décembre 2006

Reportage vidéo

Reportage tourné début décembre par AFP TV sur la base de Guantanamo. Les premiers procès concernant les prisonniers retenus à Guantanamo sont programmés pour mi-2007. A l'approche de cette échéance, l'armée usaméricaine tente régulièrement de redorer le blason de ce centre de détention sans statut juridique et très critiqué dans le monde entier. Durée: 1mn55
Cliquer sur http://fr.news.yahoo.com/22122006/202/dans-la-prison-de-guantanamo.html

L'Arabie saoudite libère 18 anciens détenus de Guantanamo

L'Arabie saoudite a libéré 18 anciens détenus du centre de détention américain de la baie de Guantanamo, à Cuba, a annoncé le ministère de l'Intérieur. Ils ont purgé leur peine de prison. Ces hommes figuraient parmi un groupe de 28 hommes de nationalité saoudienne et d'un résident de ce pays remis aux autorités saoudiennes, cette année, par les USA, précise le ministère. Le royaume wahhabite avait déjà libéré 11 de ces hommes ce mois-ci. L'Arabie saoudite a fait savoir qu'elle continuerait à rechercher le rapatriement d'autres nationaux encore détenus à Guantánamo. Elle n'a pas précisé combien d'entre eux s'y trouvaient.
De nombreux prisonniers de Guantánamo ont été capturés en Afghanistan lors de l'intervention militaire américaine qui a abouti au renversement des taliban, après les attentats du 11 septembre 2001. Beaucoup d'entre eux y sont depuis des années, et presque tous sans qu'aucune charge ne leur ait été notifiée.
Source : ats , 26 décembre 2006

lundi 25 décembre 2006

Guantánamo : cinq ans d’existence

Londres - Le 11 janvier 2007, le centre de détention de Guantánamo aura cinq ans d’existence. Révoltés par ce symbole des injustices et des sévices commis par les États-Unis, des militants des droits humains se mobilisent dans le monde entier pour manifester leur solidarité avec les détenus et leurs familles, et pour exiger une fois de plus que le gouvernement américain ferme Guantánamo. À la veille du cinquième anniversaire des premiers transferts vers le centre de détention des États-Unis à Guantánamo (Cuba) – le 11 janvier 2007 – Amnesty International rend public un dossier qui contient des informations importantes et des analyses sur la situation des droits humains dans ce centre de détention.
Le dossier contient :
• Une liste de juristes et de spécialistes d'Amnesty International pouvant répondre à des demandes de renseignements ou donner des interviews.
• La fiche Guantánamo en chiffres.
• La fiche Guantánamo au fil du temps, qui relate les événements depuis janvier 2001.
• La fiche Les détenus de Guantánamo - Présentation succincte de personnes actuellement détenues au camp.
• La fiche Le sort des anciens détenus - Présentation succincte de personnes libérées de Guantánamo.
• La fiche Torture et autres mauvais traitements, qui décrit les préoccupations d'Amnesty International dans ce domaine à Guantánamo.
• La fiche Les commissions militaires de Guantánamo : une parodie de justice, qui montre l'illégalité de ce dispositif par rapport aux normes internationales d'équité des procès.
• Le plan d'action d'Amnesty International en faveur de la fermeture de Guantánamo.
• La fiche La pointe émergée de l'iceberg - Guantánamo comme exemple de violations des droits humains commises par le gouvernement des États-Unis dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme».
• Photos et vidéos d'entretiens avec des proches de personnes actuellement détenues à Guantánamo et d'anciens détenus.
• Photos et vidéos d'actions publiques menées par Amnesty International dans le monde pour obtenir de la fermeture de Guantánamo.
• Une liste des rapports et synthèses ayant un lien avec Guantánamo publiés par Amnesty International depuis 2001.
Le dossier d'Amnesty International sur Guantánamo destiné aux médias se trouve sur le site de l'organisation, à l'adresse suivante :
http://web.amnesty.org/pages/usa-151206-media-eng
Si vous souhaitez recevoir un exemplaire du dossier de presse par courrier électronique ou postal, ou si vous voulez prendre rendez-vous pour un entretien avec l'un des spécialistes d'Amnesty International sur ce sujet, veuillez prendre contact avec : Josefina Salomon, attachée de presse pour les Amériques ; tél. : +44 207 413 5562 ; mobile : +44 7778 472 116 ; courriel : jsalomon@amnesty.org Jane Rose, responsable de la planification Médias ; tél. : +44 207 413 5808 ; courriel : jrose@amnesty.org Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service de presse d'Amnesty International à Londres, au +44 20 7413 5566 Amnesty International, 1 Easton St., Londres WC1X 0DW.
site :
http://www.amnesty.org
Source :
web.amnesty.org

mardi 19 décembre 2006

Seize détenus de Guantanamo ont été transférés en Arabie saoudite

Une centaine d'autres attendent d'être transférés ou relâchés dans les pays disposés à les recevoir.
Washington - Le ministère de la défense des États-Unis a annoncé, le 14 décembre, que 16 personnes qui avaient été détenues à la prison militaire de la base navale américaine de Guantanamo (Cuba) dans le cadre de la guerre mondiale contre le terrorisme avaient été envoyées en Arabie saoudite.
La décision de transfert a été prise par un conseil administratif qui, après examen de leur cas, a conclu que ces personnes ne constituaient plus un danger pour les États-Unis ou pour leurs alliés.
Les États-Unis procèdent à des consultations avec d'autres pays afin de savoir s'ils pourraient accepter de recevoir une centaine d'autres détenus déclarés aptes à être libérés dans un pays d'accueil ou à être transférés aux autorités d'un pays disposé à accepter cette responsabilité. M. John Bellinger, conseiller juridique du département d'État, avait déclaré, le 3 novembre, à la faculté de droit de l'université Harvard que les États-Unis « ne tenaient pas à les détenir pendant encore très longtemps ».La difficulté, avait-il dit, est que nombre de pays ne veulent pas accepter les détenus, certains allant même jusqu'à nier que ces personnes soient de leur nationalité.
Or le président Bush tient réellement à fermer la prison militaire de Guantanamo, avait poursuivi M. Bellinger. Il comprend fort bien, comme le fait la secrétaire d'État, Mme Condoleezza Rice, que cette question suscite des problèmes pour les États-Unis dans l'ensemble de la communauté internationale.Depuis 2002, 360 détenus ont quitté Guantanamo pour les pays suivants : l'Afghanistan, l'Albanie, l'Allemagne, l'Arabie saoudite, l'Australie, le Bahreïn, la Belgique, le Danemark, l'Égypte, l'Espagne, la France, l'Iran, l'Irak, la Jordanie, le Koweït, les Maldives, le Maroc, l'Ouganda, le Pakistan, le Royaume-Uni, la Russie, le Soudan, la Suède, le Tadjikistan, la Turquie et le Yémen. Durant la seule année 2006, on a compté 96 départs de Guantanamo.Les personnes qui ne sont pas aptes à être libérées ou transférées parce qu'elles continuent de représenter un danger dans le cadre de la guerre contre le terrorisme seront jugées selon les règles établies par la loi sur les commissions militaires votée par la 109e législature.
M. Bellinger a déclaré, le 15 novembre, à la faculté de droit de l'université Duke que cette loi établissait un cadre juridique satisfaisant pour ces procès « car elle apporte toutes les garanties fondamentales d'équité et de procédure » et répond à la plupart des préoccupations soulevées par le Congrès et par la communauté internationale.
Source : Jacquelyn S. Porth, http://usinfo.state.gov/francais/, 19 décembre 2006

lundi 18 décembre 2006

Libéré de Guantanamo, Mubarak Hussain est emprisonné à son retour au Bangladesh

Un Bangladais rapatrié il y a une semaine après avoir passé cinq ans dans la base américaine de Guantanamo, à Cuba, a été emprisonné à son retour chez lui, a indiqué une source policière. Il doit rester en détention pendant un mois.
Mubarak Hussain Bin Abul Hashem, 32 ans, est arrivé le week-end dernier dans la capitale bangladaise Dacca sur un vol spécial des Etats-Unis pour être remis à la police. Il a été placé vendredi en état d'arrestation pour un mois pour "activités contre l'Etat", a indiqué une source policière sous couvert de l'anonymat. Cette détention va permettre de nouveaux interrogatoires en vue de déterminer si l'homme "a des liens avec des organisations militantes locales ou internationales", a précisé la source. Mubarak Hussain Bin Abul Hashem avait été arrêté en Pakistan fin 2001 puis remis aux Etats-Unis. Son père, Abul Hashem, un important dignitaire à la mosquée de Dacca, a assuré de l'innocence de son fils, déclarant que sa vie avait été "détruite" par cinq ans de vie en prison. Un autre Bangladais reste détenu à Guantanamo.
Source : http://www.20min.ch/ro/monde/sdastory.tmpl?id=brf013&date=2006-12-23

Mubarak Hossain est arrivé dimanche à la mi-journée à Dacca à bord d'un avion de l'US Air Force, «après cinq années d'horreur dans la prison de Guantanamo», rapporte le Daily Star. «Personne n'a pu lui parler», ni sa famille qui a vainement attendu pendant plusieurs heures devant le bâtiment de l'immigration de l'aéroport international de la capitale bangladaise, ni les journalistes, écrit le Star. Parce qu'il «a aussitôt été arrêté par les services de sécurité». Les Américains l'ont libéré parce qu'ils n'avaient finalement aucune preuve de liens du jeune homme, âgé de 30 ans, avec la nébuleuse al-Qaïda. Mais il était question de le traduire en justice, dès ce lundi, selon le journal qui, comme son confrère New Age, reste très circonspect sur ces éventuelles poursuites au Bangladesh. Le New Age relève que Mubarak vient tout de même de passer de longues années dans les geôles de l'armée américaine à Cuba, Guantanamo Bay, «notoirement connue pour les tortures et les humiliations infligées aux prisonniers», insiste le quotidien. Le New Age rappelle aussi que le jeune Mubarak avait été arrêté fin 2001, à la frontière afghane par les Pakistanais, qui l'avaient rapidement livré aux Américains, comme beaucoup d'autres islamistes présumés. Sa famille n'avait eu aucune nouvelle, jusqu'en 2004, quand le Croissant Rouge bangladais l'a informé de sa détention. A l'époque, ses parents n'y ont pas cru, souligne le journal, parce que leur fils, assuraient-ils, n'avait aucun lien avec un quelconque groupe islamiste radical, même s'il avait étudié dans des madrassa, des écoles coraniques, au Pakistan, dans les années 90.
Source : http://www.rfi.fr/actufr/articles/084/article_48277.asp, 18 décembre 2006

dimanche 17 décembre 2006

Rapatriement de 18 détenus de Guantanamo

L'armée usaméricaine a renvoyé au cours du week-end 18 détenus de Guantanamo dans leurs pays respectifs, a annoncé dimanche 17 décembre le ministère usaméricain de la Défense. Les détenus ont été transférés en Afghanistan, au Yémen, au Kazakhstan, en Libye et au Bangladesh, a précisé un porte-parole du Pentagone. Ils ont été remis aux autorités de leur pays, à l'exception d'un détenu yéménite relâché sans condition. Ces prisonniers, qui étaient depuis plusieurs années sous les verrous sans inculpation sur la base navale américaine de Cuba, ont été transférés ou libéré à l'issue d'un processus militaire de révision, destiné à vérifier qu'ils ne représentent pas une menace pour les USA. Le Pentagone n'a pas fourni de précisions sur les cas individuels. Depuis l'ouverture de la prison en janvier 2002, environ 380 détenus ont quitté le camp de Guantanamo. Quelque 395 autres, soupçonnés de liens avec Al-Qaeda ou les talibans, sont toujours détenus, en majorité sans inculpation. Les États-Unis les considèrent comme des «combattants ennemis» et ne leur reconnaissent pas le statut de prisonnier de guerre.
Source : AP, 17 décembre 2006

vendredi 8 décembre 2006

Les juges françaises veulent la levée du secret défense

Les juges parisiennes Sophie Clément et Nathalie Frydman, chargées d'instruire la plainte pour "détention arbitraire, enlèvement et séquestration" des ex-détenus français de Guantánamo, ont demandé la levée du secret-défense. Cette demande adressée le 17 octobre aux ministères de la défense, de l'intérieur et des affaires étrangères a été transmise à la commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), le 10 novembre, qui en a accusé réception le 29. Celle-ci devrait rendre son avis - généralement suivi par les ministres - dans le courant du premier trimestre 2007.
Interpellés au Pakistan en décembre 2001 après qu'ils eurent séjourné dans des camps d'entraînement d'Al-Qaida en Afghanistan, les ex-détenus avaient été transportés par les troupes américaines vers Guantánamo. Les deux magistrates sont intéressées par les interrogatoires qu'ils ont subis en 2002 sous le contrôle des soldats américains et hors de tout cadre légal.
Leurs dépositions avaient été recueillies par un agent de la DGSE, un policier de la DST et un représentant de l'ambassade de France à Washington envoyés à Guantánamo. Les juges souhaitent obtenir les enregistrements et les scripts de ces auditions.La plainte déposée dès 2002 à Lyon par Mes Jacques Debray et William Bourdon, les avocats de Nizar Sassi et de Mourad Benchellali - deux des six Français internés pendant plus de quatre ans à Guantánamo - avait été retenue à l'issue d'un marathon judiciaire arbitré le 4 janvier 2005 par la Cour de cassation qui avait confié le dossier à la cour d'appel de Paris.
Parallèlement au dossier instruit par Mmes Clément et Frydman, les juges de la section antiterroriste avaient été saisis en 2002 d'une information pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste".
Renvoyés devant le tribunal correctionnel, les six anciens détenus ont comparu du 3 au 12 juillet. Le tribunal qui devait rendre son jugement le 27 septembre a décidé de rouvrir le procès le 2 mai 2007, afin de procéder à "un supplément d'information". Il avait estimé être "insuffisamment éclairé sur le cadre légal dans lequel sont intervenus plusieurs fonctionnaires, lorsqu'ils se sont rendus à plusieurs reprises sur la base de Guantánamo pour y rencontrer les prévenus" (Le Monde du 29 septembre).
Le président du tribunal, Jean-Claude Kross, devrait convoquer dans son cabinet les trois fonctionnaires français avant la fin de l'année. Si ces derniers refusent de répondre à ses questions, en opposant le secret-défense, il pourrait à son tour en demander la levée.

lundi 4 décembre 2006

L’odyssée du citoyen italien Abou Elkassim Britel, victime d’un « transfert extraordinaire » par la CIA, détenu au Maroc

Par statewatch.org, novembre 2006
Depuis plusieurs mois, une commission du Parlement européen présidée par Claudio Fava enquête sur les « transferts extraordinaires » (« extraordinary renditions ») opérées par la CIA à travers toute l’Europe, en dehors de tout cadre légal, de suspects de terrorisme. Un des cas les plus incroyables est celui du citoyen italien d’origine marocaine Abou Elkassim Britel, condamné sans preuves à 9 ans de prison au Maroc. Son épouse et son avocate contnuent à se battre pour obtenir que l’Italie intervienne en faveur de sa libération. Voici l’histoire de Abou Elkassim Britel, telle qu’elle est rapportée par le site britannique statewatch.org, sur la base des documents de la commission d’enquête.
(TLAXCALA)

Francesca Maria Longhi, l’avocate de la défense représentant le Marocain Abou Elkassim Britel, qui a obtenu la citoyenneté italienne en 1999, a fait parvenir des documents à la commission d’octobre du Parlement européen qui enquête sur les « transferts extraordinaires » opérés par la CIA, pour ajouter de nouveaux éléments à ceux fournis lors de sa comparution devant la commission du 14 septembre 2006. Elle a raconté à l’audience l’enlèvement et les interrogatoires subis par Britel au Pakistan, sa déportation au Maroc où il a été torturé, relâché, de nouveau arrêté alors qu’il se rendait en Espagne et où il a été condamné à une peine de neuf ans de prison fondée sur des déclarations obtenues sous la torture et sur des rapports provenant d’Italie selon lesquels il serait impliqué dans des activités terroristes. Malgré une surveillance de deux ans et une longue enquête judiciaire sur ses activités, dont une perquisition et des interceptions téléphoniques, Britel n’avait pas été poursuivi en Italie. Longhi remarque qu’une fois que l’affaire avait été classée, l’accès aux pièces de l’enquête lui avait été accordé, confirmant « avec une clarté absolue les informations qu’[elle] avait données, fondé sur un prcessus déductif lors de [son] témoignage le 14 septembre ». Elle insiste sur le fait que les informations prouvent que « l’autorité judiciaire aussi bien que le ministère de l’Intérieur étaient en coopération constante avec les services secrets étrangers et étaient en permanence au courant de chaque mouvement entrepris par la personne que je représente et de toute action illégale menée à son encontre, plus précisément, depuis sa première arrestation au Pakistan. »

Les documents incluent :

-la requête de classement sans suite émanant du procureur (en du 28 juillet 2006) en raison :
« d’un manque absolu de preuves d’accusation, pouvant être utilisés pendant le procès qui rendraient possible l’affirmation selon laquelle les personnes faisant l’objet d’une enquête ont fait partie d’une organisation terroriste islamiste dont l’objectif était de mener des actions violentes à des fins terroristes ou de subversion de l’ordre démocratique. »
- l’ordre du juge d’ instruction préliminaire décrétant la fin des procédures judiciaires (doc. 9745/06, daté du 29 septembre 2006), parce que :
« les vérifications qui ont été entreprises, les interceptions téléphoniques et les vérifications effectuées sur les comptes bancaires n’ont apporté aucun appui aux allégations ».
Il a également été remarqué que l’enquête était justifiée par des preuves de contact établis avec des suspects trouvés dans des enregistrements téléphoniques, des preuves de fanatisme religieux dans des documents trouvés lorsque la maison de Britel et de sa femme italienne Anna Pighizzini (cette dernière a également fait l’objet d’une enquête) a été perquisitionnée et lorsque des conversations téléphoniques ont été interceptées, tout comme les preuves qui ne pourraient pas être utilisées devant un tribunal, à savoir une note réservée sur sa présence dans un camp d’entraînement paramilitaire en Afghanistan où il aurait souffert de malaria et un rapport selon lequel ses coordonnées ont été trouvées par un journaliste dans un appartement de Kaboul qui a été fréquenté par des membres d’ Al Qaïda. Ils sont décrits comme n’étant « absolument pas » suffisants « pour soutenir l’accusation de sa participation dans l’organisation terroriste Al Qaïda . »
- Un troisième document, datant du 22 mai 2003, une note réservée de l’unité d’opérations spéciales de la police DIGOS, envoyée par le bureau du magistrat du parquet de Bergame pour transmettre les informations « réservées » selon lesquelles Britel a été arrêté aux douanes en traversant la frontière de Melilla « parce qu’il a été identifié dans le passé comme un individu ayant participé au camp d’entraînement paramilitaire en Afghanistan dirigé alors par Al Qaïda. ». La note souligne également « qu’en dépit d’une absence d’éléments revendiquant la participation de Britel dans les fameuses attaques de Casablanca, il est actuellement interrogé. »
Le document est décrit par Longhi comme « éclairant » en référence aux informations qu’elle a envoyées à la commission du 12 juillet 2006 sur l’illégalité de l’arrestation de Britel à la frontière de Melilla et sur les fausses informations apparaissant dans la presse italienne sur cette affaire. En remarquant qu’il existe un grand nombre d’informations nécessitant des explications, elle « espère qu’en ayant clarifié davantage et de manière incontestable ces circonstances sérieuses , l’État italien adoptera enfin une position pour permettre la libération immédiate de l’un de ses citoyens, [qui avait été] reconnu coupable par l’État marocain en vertu des confessions qu’on lui a arrachées par la torture et fondées sur des actions supposées criminelles qui sont survenues de l’interaction entre les services secrets italiens et américains, et celles de pays arabes modérés pour mettre leurs forces de police en condition d’intervenir et certaines opérations préventives ont été remplies de succès. » [souligné dans l’original], selon une déclaration faite par Gianfranco Fini, le vice-Premier ministre du gouvernement Berlusconi, qui a été rapportée dans le journal Corriere della Sera du 21 novembre 2001.

Source

Doc. A 2006 11668 – Documents envoyés par Francesca Longhi à la commission enquêtant sur les transferts extraordinaires, Bergame, 28/10/2006 ; Corriere della Sera, 21/11/2006.


Arrière-fond : le transfert extraordinaire de Britel

Avant de fournir des preuves en septembre, Francesca Maria Longhi a envoyé un grand nombre de documents à la commission du Parlement européen en apportant des détails sur le transfert extraordinaire et ses circonstances.
Ils comprennent une chronologie des évènements apportés par la femme de Britel, fondée sur le propre compte-rendu que lui en a fait Britel lorsqu’elle l’a vu en mars 2003, et sur ses efforts déchirants pour obtenir les informations ci-dessous :

Britel a pris l’avion pour l’Iran de Rome le 17 juin 2001 et a rencontré des difficultés à la suite des attaques terroristes du 11 septembre 2001, de la militarisation de la région et de la guerre qui a suivi en Afghanistan. Il a été arrêté le 10 mars 2002 lors d’un contrôle d’identité à Lahore (Pakistan) et emmené au commissariat « Garden Town » où son passeport était considéré (à tort) comme faux, il a été ainsi torturé, attaché et enchaîné. Dix jours plus tard, il a été emmené au Département d’enquête criminelle (Crime Investigation Department) à Lahore pour cinq jours d’interrogatoires accompagnés de mauvais traitements, de violences et de privation de sommeil. Ramené à la police et ensuite au Service secret pakistanais, il a été de nouveau torturé lors de deux interrogatoires début avril, au cours d’un desquels, il a admis deux éléments qu’il était obligé de déclarer sous la pression.

Il a été transféré le 5 mai à Islamabad pour être interrogé par le FBI dans une villa à quatre reprises. Les Américains lui ont promis de l’argent en échange d’informations concernant Oussama Ben Laden et l’ont autorisé à rencontrer l’ambassadeur marocain, alors que l’accès aux autorités diplomatiques italiennes, ce qu’il demandait constamment, lui étaient refusées depuis son arrestation.

Le 24 mai, on lui a bandé les yeux, on l’a menotté et emmené dans un avion privé usaméricain vers Rabat (Maroc). Une fois là-bas, il a été conduit dans un centre de détention non-officiel à Temara, où la DST (Direction de la Surveillance du Territoire) garde des prisonniers dans des conditions illégales, où ceux-ci ne peuvent pas avoir de contacts avec des avocats, ni avec leur famille, et où des abus comme l’usage régulier de la torture et de l’isolement ont été rapportés par des organisations de défense des droits humains.

Le 11 février 2003, il a été emmené à Kénitra dans sa famille et a été relâché après une série de questions et d’interrogatoires approfondis sur ses activités, aucune charge n’a été retenue contre lui. Néanmoins, son passeport ne lui a pas été rendu. Le 26 février, Anna Pighizzini s’est rendue au Maroc pour enfin voir son mari et l’a trouvé en mauvaise condition physique. Un responsable de la DST le garde sous son contrôle par des coups de téléphone et des visites régulières, en lui mettant la pression pour qu’il collabore avec eux sur son retour en Italie et pour qu’il rentre en Italie illégalement, en utilisant de faux papiers. Après son retour en Italie a la mi-mars (il est resté plus longtemps au Maroc), Britel a expliqué par téléphone qu’il était sous pression pour obtenir de faux papiers mais qu’il ne voulait rien faire d’illégal. Le 4 avril, Britel lui a affirmé que l’ambassade italienne était d’accord pour lui remettre un passeport afin qu’il retourne en Italie. Sa femme est retournée au Maroc, et il lui a expliqué qu’il était peu probable qu’il soit autorisé à partir en Italie en avion puisqu’il n’avait pas de visa. L’ambassade italienne lui a expliqué qu’il était impossible de l’accompagner à l’aéroport et il envisageait de partir de la frontière marocco-espagnole Nador/Melilla. Il a reçu un passeport le 12 mai et dans l’après midi, il a emprunté un bus en partance pour Nador. Le 15 mai, il a appelé pour déclarer que la police espagnole et marocaine ne le laisseraient pas passer, et il a ensuite affirmé qu’il avait trouvé quelqu’un qui l’aiderait à traverser la frontière.

Ce fut leur dernier contact et le lendemain les attaques terroristes de Casablanca ont eu lieu. Le 17 mai, la télévision espagnole a rapporté qu’un italo-marocain traversant la frontière de Melilla avait été arrêté. Le 19 mai, un journal marocain a publié son nom et sa date de naissance en prétendant qu’il avait été arrêté avant les attaques comme une personne qui aurait pu être en contact avec Al Qaïda. La femme de Britel s’est rendue au consulat italien de Rabat qui n’avait reçu aucune information et elle a engagé un avocat qui l’a également informée qu’il était impossible pour l’instant d’obtenir plus d’information. Elle s’est ensuite rendue au ministère de la Justice marocain pour enquêter sur le lieu où se trouvait son mari et on lui a affirmé le 29 mai que « [son] mari n’était pas en état d’arrestation », une déclaration à laquelle elle a réagi en affirmant qu’il était illégalement arrêté sans que personne ne le sache. Elle a été encouragée à porter plainte, ce qu’elle a fait, et on lui a répondu qu’une enquête serait menée. Après son retour en Italie le 6 juin 2006, elle a adressé une lettre au ministère de la Justice marocain et par la suite à plusieurs autres ministères marocains. Son avocate, Melle Longhi, a adressé une lettre demandant des informations au procureur général marocain.
Une correspondance approfondie entre Longhi et les tribunaux italiens dans laquelle l’avocate demande que les enquêtes judiciaires sur les activités de son client cessent (1 er avril 2004), souligne que :
- Du 25 mai 2002 au 11 février 2003, et de nouveau du 16 mai 2003 au 10 septembre 2003, Britel a été emmené illégalement à Temara, un centre accusé par les ONG y compris par Amnesty International et la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) d’être un lieu où les interrogatoires, la détention secrète et la torture sont pratiqués.
- Le 3 octobre 2003, une peine de 15 ans de prison a été prononcée contre Britel à Rabat pour des crimes terroristes avant d’être réduite à neuf ans en appel le 7 janvier 2004.
- Considérant que le procès était sommaire et qu’il enfreignait à plusieurs reprises les normes positives et de procédure de la loi marocaine, y compris le rejet par le tribunal des textes qui appuyaient la cause du prévenu et l’utilisation de confessions obtenues sous la torture et les mauvais traitements.
- Considérant le fait que Britel faisait l’objet d’une enquête en Italie et que les rapports des journaux avaient été des éléments importants en faveur des charges retenues contre lui au Maroc, bien que l’enquête ait échoué à retenir des charges contre lui, et que les rapports des journaux étaient parfois inexacts.

Original : http://www.statewatch.org/news/2006/nov/01italy-abu-omar-britel.htm
Traduit de l’anglais par Florence Razimbaud et révisé par Fausto Giudice, membres de
Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est en Copyleft pour tout usage non-commercial : elle est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner sources et auteurs.
URL de cet article :
http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=1689&lg=fr

jeudi 23 novembre 2006

Un journaliste à Guantánamo


par Simon Petite, Le Courrier, Genève, éditorial, 23 novembre 2006


Que n'a-t-on pas dit ou écrit sur Guantánamo? Le camp militaire abrite-t-il un journaliste. Il s'appelle Sami al-Hajj et il est Soudanais. «C'est le seul représentant des médias qui puisse parler avec les détenus de Guantánamo... Et il travaille pour Al-Jazira, la chaîne de télévision tant honnie par l'administration Bush», ironise son avocat, le Britannique Clive Stafford-Smith, qui travaille pour l'ONG Reprieve. Sami Al-Hajj a été arrêté le 15 décembre 2001 à la frontière afghane. Le régime taliban était à peine tombé, le caméraman et son équipe venaient couvrir l'intronisation du nouveau régime. Des mains pakistanaises, Sami al-Hajj passe rapidement à celles étasuniennes. Il est transféré sur la base de Bagram près de Kaboul –«le pire moment» de sa vie– puis dans une prison de Kandahar, avant d'atterrir à Guantánamo le 13 juin 2002. Le Courrier a décidé de parrainer le caméraman. En collaboration avec Reporters sans frontières (RSF), nous vous donnerons de ses nouvelles chaque fois que nous le pourrons. Selon RSF, 139journalistes se trouvent actuellement derrière les barreaux du monde entier et ce jeudi 23 novembre 2006 leur est dédié pour la dix-septième année consécutive. «Depuis 1989, plus de cent journalistes ont été parrainés par divers médias. Près de la moitié d'entre eux ont été libérés, et c'est en partie grâce au soutien que leurs parrains leur ont apporté. Beaucoup de journalistes remis en liberté ont insisté sur l'importance de ne pas se sentir oublié de tous et de tout», écrit RSF. La dernière filleule du Courrier –la cyberdissidente des Maldives Jennifer Latheef– a été libérée cet été. «Ce n'est pas près d'arriver à Sami al-Hajj, prédit M. Stafford-Smith. Aucune charge officielle ne pèse contre lui. Il ne sera donc jamais jugé.» L'avocat pense qu'au début le Pentagone soupçonnait son client d'être le caméraman attitré d'Al-Qaïda, l'auteur des fameuses cassettes de Ben Laden. Par la suite, les interrogateurs ont tenté de prouver des liens entre Al-Jazira et l'organisation terroriste. Sami al-Hajj aurait reçu la promesse d'une libération s'il acceptait d'espionner son employeur. Selon M. Stafford-Smith, le caméraman a subi 130 interrogatoires. Enduré des privations de sommeil ou des expositions au froid. Mené une grève de la faim. Vu plusieurs de ses camarades de Guantánamo se suicider. «Je l'ai rencontré pour la dernière fois en septembre, raconte M. Stafford-Smith. On ne le questionne plus qu'une fois par mois. Depuis le temps qu'ils sont là-bas, les prisonniers n'ont plus rien à avouer. Sami aurait besoin d'une opération au genou et de médicaments pour se soigner des suites d'un cancer à la gorge. C'est de l'éloignement avec sa famille, mais surtout d'avec son fils de 5 ans dont il souffre le plus.»

mercredi 22 novembre 2006

Carton rouge à Robert Ménard

L’inimitable et inamovible secrétaire général de Reporters sans frontières, Robert Ménard, qui vise sans doute à battre les records de longévité de Fidel Castro et Saddam Hussein, a commis une bourde grave, qui reflète le peu d’attention que porte en réalité RSF au sort de Sami Al Haj, le caméraman d’Al Jazeera enfermé à Guantánamo. Dans une tribune publiée par le quotidien Le Monde et cosignée par le président-potiche de RSF, Pierre Veilletet (dont personne n’a jamais entendu parler), à l’occasion de la journée annuelle organisée par RSF pour faire son numéro de charme auprès des donateurs (cette année, ils ont sorti un album de photos du Studio Harcourt, avec la pulpeuse mannequin corse Letizia Casta, dont on se demande ce qu’elle vient faire dans cette affaire : à quand les calendriers de pin-up style « Camionneurs sans frontières ?), Ménard écrit que Sami Al Haj est un journaliste…irakien ! NON, Missié Ménard, Sami n’est pas Irakien, il est Soudanais ! Révisez votre copie ! À moins que vous ayez des informations exclusives et confidentielles. Dans ce cas, toutes nos excuses et bonjour chez vous, à Helsinki (si Sami est Irakien, alors Ménard est Finlandais).
(Lire l’article :
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-837298,0.html)

mardi 21 novembre 2006

La barbarie à visage humain

Un juge fédéral, saisi en urgence par un détenu cardiaque de Guantánamo qui doit subir une angioplastie et demande à être opéré ailleurs, a estimé lundi que la base navale américaine à Cuba était suffisamment équipée."Le plaignant ne montre pas en quoi il risque des dommages irréparables", a déclaré le juge Paul Friedman, chargé de l'affaire au tribunal fédéral de Washington. Saifullah Paracha, un Pakistanais de 59 ans, arrêté en 2003 à Bangkok, a déjà eu deux crises cardiaques et souffre de douleurs à la poitrine. Les médecins de Guantánamo ont recommandé une angioplastie, qui consiste à insérer un cathéter muni d'un ballon que l'on gonfle pour ouvrir une artère totalement bouchée. Les autorités ont fait venir du matériel et une équipe médicale spécialisée afin de procéder à l'opération cette semaine à l'hôpital naval de Guantánamo, où un autre détenu a déjà subi une angioplastie avec succès en 2003.
Les représentants du gouvernement ont assuré que M. Paracha ne serait pas opéré sans son consentement, et rappelé que même les détenus de droit commun n'avaient pas le choix de l'hôpital où ils étaient soignés.
Mais les avocats de M. Paracha estiment que l'hôpital de Guantánamo n'est pas assez équipé pour intervenir en cas de complications et ne peut pas assurer tous les soins post-opératoires. Quand il est hospitalisé, M. Paracha a en permanence les pieds et les mains menottés à son lit, alors que les médecins recommandent un exercice physique régulier, a affirmé son avocat, Gaillard Hunt, en demandant: "Comment va-t-il pouvoir récupérer? ".
Source : http://www.7sur7.be/

lundi 20 novembre 2006

Affaire Murat Kurnaz: complicité allemande dans les crimes de guerre américains


Par Justus Leicht et Peter Schwarz, 20 novembre 2006
Dans le contexte de leur soi-disant guerre à la terreur, les autorités allemandes sont mêlées bien plus étroitement aux pratiques illégales des Etats-Unis qu’elles ne l’avaient jusque-là admis publiquement.
Une commission d’enquête du Bundestag, le parlement allemand, examine à ce propos depuis quelque temps les activités du Bundesnachrichtendienst (BND), le service de renseignement allemand. Une des affaires examinées est celle du citoyen allemand Khaled El Masri, qui fut enlevé par la CIA et transféré en Afghanistan.
D’autres affaires concernent la présence d’agents des services de renseignement allemands pendant les interrogatoires de prisonniers allemands dans un centre de torture syrien et au camp de concentration américain de Guantánamo. En janvier de cette année déjà, on avait appris que deux agents de renseignement allemands avaient collecté à Bagdad des informations qui furent ensuite transmises aux forces d’occupation américaines.
On apprend à présent que les forces spéciales de l’armée allemande (KSK) ont directement apporté de l’aide à la chaîne internationale de prisons illégales organisée par les Etats-Unis. Des soldats du KSK ont gardé des prisonniers (qui furent ensuite déportés vers Guantánamo) dans la ville de Kandahar dans le sud de l’Afghanistan. Parmi ces détenus se trouvait Murat Kurnaz, un citoyen turc qui est né en Allemagne et y a vécu toute sa vie.
Kurnaz fut arrêté au Pakistan à l’automne de 2001 et livré contre paiement d’une prime à l’armée américaine en Afghanistan. En janvier 2002, il fut transféré à Guantánamo, où il est resté emprisonné pendant quatre ans et demi, jusqu’à sa récente libération, bien que les gouvernements allemand et américain aient su quelques mois après son arrestation qu’il était innocent. Depuis, toutes les charges contre lui ont été abandonnées.
La vraie nature des activités du KSK ne fut révélée qu’à la suite des déclarations de Kurnaz lui-même, revenu en Allemagne en août de cette année. Kurnaz déclara que des soldats, parlant parfaitement allemand et sur les uniformes desquels figurait le drapeau allemand, lui avaient tiré les cheveux et frappé la tête contre le sol. Il dit aussi que des agents des services allemands de renseignement avaient essayé de l’enrôler comme indicateur.
Lors du premier interrogatoire, on le confronta à des informations qui laissaient à penser que ceux qui l’interrogeaient connaissaient ses habitudes: on savait où il avait acheté son appareil photo numérique avant de partir au Pakistan, à qui il avait vendu son téléphone portable, etc. « Je n’avais aucun doute sur le fait qu’ils coopéraient avec les autorités allemandes » déclara Kurnaz.
Deux semaines plus tard, il fut interrogé par des Allemands qui s’étaient fait reconnaître en tant que tels. « On m’informa que deux soldats allemands voulaient me voir » note-t-il. Ils étaient habillés de façon à dissimuler leur identité. On força Kurnaz à s’allonger sur le sol, mains liées derrière le dos. Lorsque l’hebdomadaire Stern lui demanda récemment si ces hommes faisaient partie du KSK, Kurnaz répondit : « C’est possible. Ils me frappèrent la tête contre le sol, une chose que les américains trouvèrent amusant. »
Pendant des semaines, le ministère de la Défense allemand n’a rien épargné pour donner l’impression que Kurnaz affirmait des choses farfelues, tout en niant tout contact entre lui et des soldats allemands. Puis, il y a deux semaines, le ministère admit soudain que des unités du KSK faisaient bien, et ce suite à une requête des Etats-Unis, partie du personnel gardant le camp de Kandahar et qu’ils avaient rencontré Kurnaz.
On avait informé les Allemands, lorsqu’on les avait informés sur les tâches qui étaient les leurs, de ce que parmi les prisonniers il y avait un homme auquel ils pouvaient parler en allemand. A la suite de quoi, il y avait eu « un contact avec un prisonnier parlant allemand », selon un porte-parole du ministère de la Défense. Des soldats avaient informé le ministère de la Défense allemand le 3 janvier 2002 de la présence du prisonnier mais le ministre de la Défense de l’époque, Rudolf Scharping (social-démocrate, SPD), n’aurait pas été informé personnellement.
Le ministère de la Défense nie que des soldats du KSK aient maltraité Kurnaz. Selon le secrétaire d’Etat parlementaire auprès du ministère de la Défense, Christian Schmidt (Union chrétienne-sociale, CSU) il n’y avait eu qu’un contact verbal et non « physique ». Il n’y avait aucun « indice », dit-il pour confirmer les déclarations de Kurnaz, la raison étant qu’aucun des soldats en service à Kandahar et à qui on avait écrit n’avait confirmé ces déclarations.
Depuis, la commission parlementaire de la Défense a pris le rôle d’une commission d’enquête afin, selon elle, de clarifier « immédiatement et sans réserves » les allégations de Kurnaz. La commission est toutefois liée au secret, de manière qu’on ne peut en attendre grand chose en fait de clarification. Sa tâche réelle est de garantir que le mandat du KSK en Afghanistan, qui expire en novembre, soit prolongé par le Bundestag.
La commission comme les médias ont concentré leurs efforts sur deux choses : savoir si Kurnaz avait été physiquement maltraité ou si le contact n’avait été que « verbal » et pourquoi l’information n’avait pas été transférée à la direction du ministère de la Défense. Ce sont là des questions importantes mais secondaires comparées à la question plus fondamentale du rôle d’ensemble joué par le KSK en Afghanistan.
Le rôle du KSK
La troupe d’élite du KSK fut créée il y a dix ans pour faire face, selon le site internet de l’Armée allemande, à de nouveaux défis et de nouvelles tâches auxquelles on ne peut faire face, ou alors de façon inadéquate, au moyen de forces armées conventionnelles. Le site internet vante le fait que le KSK est déployé dans le monde entier et que cela se passe généralement sans que le public s’en rende compte.
Au mois de novembre 2001, le gouvernement de l’époque, une coalition du Parti social démocrate (SPD) et des Verts, envoya le KSK en Afghanistan muni d’un blanc-seing. Tandis que des unités de l’armée allemande sont présentes dans la capitale afghane et sont intégrées aux forces de l’ISAF (Force internationale d’assistance à la Sécurité) opérant sous l’égide de l’ONU, les unités du KSK opèrent elles sur l’ensemble du territoire couvert par l’opération « enduring freedom » contre Al-Quaïda et les Talibans et qui est placée sous commandement américain.
Les activités clandestines de cette unité spéciale qui comprend une centaine d’hommes sont considérées comme éminemment secrètes. Le député du parti du FDP (Parti libéral démocrate), Werner Hoyer, se plaignit dans le journal Die Welt de ce que la commission parlementaire des Affaires étrangères n’avait reçu aucune information sur le KSK durant les treize mois passés. « Je suis profondément troublé par le secret observé par le ministère de la Défense. Je ne sais pas ce que le KSK fait concrètement en Afghanistan, quels ordres il a reçu » a-t-il déclaré.
Etant donné que l’armée américaine et les médias répandent systématiquement des informations sur des nombres importants de « combattants Taliban » tués, et ce en l’absence de témoins ou de preuve de ce qu’il s’agisse vraiment de « combattants », il faut supposer que le KSK est, lui aussi, impliqué dans de telles actions et qu’on lui a accordé un permis général de tuer.
Jusque-là il n’y a pas de preuve formelle, à part les déclarations de la victime elle-même, que le KSK ait maltraité Kurnaz, mais les dénégations officielles sont elles-mêmes bien faibles. Selon un officier supérieur du KSK, s’adressant au magazine Stern : « On avait déjà vu comment les Américains frappaient les prisonniers à coup de pieds et comment ils étaient battus. C’était carrément méchant.»
Le fait que le KSK ait gardé, et est peut-être encore en train de garder en Afghanistan, des prisonniers américains détenus dans des conditions qui violent le droit international montre la totale hypocrisie des condamnations pour la forme de tels camps par le gouvernement allemand. Le journal Die Welt a cité un ex-membre du KSK qui affirme que l’ordre de garder les prisonniers détenus par les forces armées américaines à Kandahar venait directement du ministère de la Défense à Berlin.
Il semble aussi que le gouvernement allemand était mieux informé sur le cas de Kurnaz qu’il veut bien l’admettre. Le BND avait déjà informé la chancellerie en décembre 2001 de ce que « MK, citoyen turc né en Allemagne » était emprisonné dans un camp à Kandahar et serait bientôt transféré à Guantánamo.
C’est ce qui ressort d’un rapport confidentiel du gouvernement destiné à la commission parlementaire de contrôle pour les services de renseignement (PKG) et qui a été publié dans les médias, le service de renseignement faisant remarquer qu’« il y [avait] une possibilité pour les autorités allemandes d’interroger MK, et peut-être même en Afghanistan. »
Le ministère de la Défense ayant reçu le rapport sur Kurnaz six jours avant, il est probable que ce rapport ait été la source de l’information passée directement par le service de renseignement à la chancellerie dirigée à l’époque par l’actuel ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier (SPD). On sait aussi qu’en octobre 2002 le gouvernement allemand a refusé une offre des Etats-Unis de libérer Kurnaz et de le rapatrier en Allemagne.
Les dangers du militarisme
L’affaire Kurnaz a révélé les énormes dangers du virage vers le militarisme. La création du KSK a établi une force armée secrète qui opère en dehors de tout véritable contrôle alors que les services de renseignement allemands sont directement impliqués dans les machinations illégales des services secrets américains.
La grande coalition des conservateurs et des sociaux démocrates (CDU-CSU/SPD) est résolue à maintenir ce cours. Sachant que se sont les partis de la coalition qui dominent les commissions d’enquêtes parlementaires, on a peu à en attendre en fait de réelle clarification.
La commission d’enquête parlementaire sur le BND a explicitement justifié la pratique des interrogatoires dans des camps de prisonniers clandestins. Le rapport final de la commission déclare de façon pudique que le gouvernement allemand avait accepté « des offres de la part de l’étranger d’interroger des prisonniers suspects de terrorisme, même si les conditions dans lesquelles ils étaient arrêtés et détenus ne correspondaient pas exactement aux critères du droit international et aux droits de l’homme ». Par conséquent l’interrogatoire de Kurnaz a Guantánamo sur la base d’ « indications » non confirmées d’une « cellule » Al-Quaïda « a Brême » était « une nécessité ».
Le « Livre blanc sur la politique de sécurité en Allemagne » rédigé par le ministre de la Défense conservateur, Franz-Josef Jung déclara que « la lutte contre le terrorisme international » était la tâche centrale des forces armées allemandes. Pour ce qui est des activités du KSK et d’autres troupes spéciales, ce « Livre blanc » déclare : « le rayon d’action des forces spéciales inclut l’extraction d’information essentielle, la protection des propres forces armées à distance, la défense et le secours par rapport aux menaces terroristes tout comme les missions de combat en territoire hostile ».
Ce « Livre blanc » souligne aussi la signifiance de la collaboration entre les différents services dans les « décisions sur la sécurité au niveau national et international ». Sur cette base, la collaboration avait déjà été intensifiée entre le BND et les services secrets militaires. En d’autres mots, les forces armées supervisées par le ministère de la Défense considèrent de plus en plus le maintien de la sécurité intérieure comme leur responsabilité, ce qui est strictement interdit par la constitution allemande.
Dans le passé, le BND, bien qu’étant exclusivement responsable pour les activités d’espionnage à l’étranger, fit espionner des journalistes en Allemagne même, en violation flagrante de la liberté de la presse. Les activités du BND furent révélées au printemps dernier dans le « Rapport Schäfer ».
Mais qu’en est-il du KSK? S’il peut agir en dehors de tout contrôle à l’étranger, alors pourquoi pas en Allemagne même. Et cela en accord avec la campagne politique de plus en plus agressive exigeant que soit permis aux forces armées d’intervenir sur le front domestique au nom de la « guerre contre le terrorisme » ? L’apparition d’une puissante unité d’élite qui agit en dehors de tout contrôle légal et public représente une menace patente vis-à-vis de la démocratie.
Source : http://www.wsws.org/francais/News/2006/novembre06/201106_Murat.shtml
(article original publié le 2 novembre 2006)

L’étrange destin des Algériens de guantánamo

En Algérie, de source bien informée, on a appris que le prisonnier algérien, récemment libéré de Guantánamo, est originaire de Mostaganem, exactement du quartier Tigditt. Il s’agit de Boucetta Fethi, un médecin de 43 ans, marié et père de 6 enfants. M. Boucetta qui a, semble-t-il, émigré au Pakistan en 1998, a été arrêté en 2001 par les autorités pakistanaises, en collaboration avec les services du FBI, pour cause d’appartenance à un groupe de moudjahidin lié à El Qaïda. Après l’avoir libéré, les autorités américaines l’ont transféré en Albanie où il se trouve à présent, avec un autre prisonnier égyptien. Toujours selon notre source d’information, Boucetta Fethi a téléphoné, à partir de ce pays, à sa famille résidant à Haï Tigditt, pour lui dire qu’il est en bonne santé et que le tribunal militaire de Guantánamo a décidé de le remettre en liberté avant de le transférer vers l’Albanie.
Lakhdar Hagani — La Voix de l’Oranie
Source : http://actualite.el-annabi.com/article.php3?id_article=2609

ALGÉRIENS DE GUANTÁNAMO : L’étrange décision américaine
par Ali TITOUCHE, L’Expression (Alger) 20 novembre 2006
Le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, a souvent abordé le sujet avec ses interlocuteurs US.
Les Algériens détenus à Guantánamo n’ont-ils pas le droit de rentrer au pays? L’affaire de l’Algérien, libéré, avant-hier, de la base américaine à Cuba, témoigne du flou qui entoure la décision américaine. Certes, la Bosnie avait été gommée de la liste des pays à choisir pour la réception des six prisonniers algériens de nationalité bosniaque. Mais la surprise, plutôt l’illogisme, demeure toutefois intact! Pourquoi le Pentagone a-t-il opté pour l’Albanie comme pays d’accueil aux trois détenus libérés, dont l’Algérien?
Dans une récente publication du très influent quotidien américain The Washington Post, il a été retenu le fait que les six Algériens de nationalité bosniaque pourraient être extradés vers leur pays d’origine.Les six Algériens, à en croire le quotidien US, ne seront jamais autorisés à retourner en Bosnie qui leur avait accordés la citoyenneté. Au lieu de cela, «les USA ont demandé à l´Algérie de rapatrier les prisonniers à condition qu´ils soient mis sous surveillance», retient The Washington Post. Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (Cncppdh), interrogé récemment par L’Expression au sujet de cette affaire, a rejeté catégoriquement le «refus», par l’Algérie, de «rapatrier les prisonniers». Le contraire serait plutôt moins surprenant d’après maître Farouk Ksentini. Car, selon ses explications, «l’Algérie n’a jamais abandonné ses ressortissants et a toujours oeuvrer pour faire valoir leurs droits». Plus concrètement encore, le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, a abordé le sujet avec ses interlocuteurs américains, lors de sa visite effectuée à Washington au début de l’année en cours. De ce cheminement découle «l’inimaginable refus des autorités algériennes d’accueillir les détenus», soutient-on. Pourquoi donc le Pentagone préfère jouer la carte de l’Albanie?Les justificatifs américains qui ont accompagné le choix de ce pays ne tiennent absolument pas la route. Selon l’administration Bush, l’Albanie est le seul Etat qui a accepté d’accueillir les trois détenus, dont l’Algérien, et d’oeuvrer pour réussir leur insertion au sein de la société.Un discours qui ne plaît pas, d’autant qu’aucune information n’est fournie au sujet des trois détenus libérés, et encore moins leurs véritables identités. L’Algérien fait-il partie des six prisonniers de nationalité bosniaque? L’interrogation demeure toujours sans réponse.
Le Pentagone se contentait d’annoncer que les trois otages libérés sont de nationalité algérienne, égyptienne et ouzbekistanaise. En tout cas, si l’Algérie avait été sollicitée pour accueillir son ressortissant, «son refus serait injustifiable».25 Algériens croupissent toujours dans la base de non-droit de Guantánamo, dont six naturalisés bosniaques. Ils sont accusés d’activité terroriste et de lien avec l’organisation criminelle d’Al Qaîda. Le 17 janvier 2002, la Cour suprême de Bosnie a ordonné la libération des six Algériens prétextant l’absence de pièces à conviction suffisantes pour leur inculpation. Le même jour, la Chambre bosniaque des droits de l´homme a publié une décision permettant aux Algériens de rester en Bosnie et de ne pas être expulsés. Peu avant l´aube du 18 janvier, les Algériens ont été officiellement libérés. Mais au lieu de retrouver leur liberté, ils ont été remis par la police bosniaque aux militaires américains.
Source : http://www.lexpressiondz.com/T20061120/ZA4-5.htm

samedi 18 novembre 2006

Boom dans la construction : appel d'offres pour construire des nouvelles salles d'audience à guantanamo

L'armée US a lancé un appel d'offres pour la construction à guantanamo de nouvelles salles d'audience pour juger des détenus de la "guerre contre le terrorisme" à partir de l'été prochain, a-t-on appris vendredi auprès du Pentagone. "Nous avons besoin de construire un tribunal avec deux grandes salles d'audience (...) nous avons besoin de logements", a dit à l'AFP un porte-parole du Pentagone, le capitaine Chito Peppler.
La base de Guantanamo ne dispose actuellement que d'une seule salle d'audience et les logements ne sont pas suffisants pour accueillir les centaines d'avocats, de journalistes et autres personnes attendus à ces procès.L'appel d'offres a été publié sur un site web officiel par l'US Navy, qui gère la base de Guantanamo. Daté du 3 novembre, il évalue le coût de construction entre 75 et 125 millions de dollars, les travaux devant être achevés d'ici juillet 2007.L'US Navy veut construire deux nouvelles salles d'audience pour organiser plusieurs procès en même temps, des logements pour 800 à 1.200 militaires, avocats et journalistes, une salle à manger pouvant accueillir 800 personnes, des espaces de travail, un garage pour 100 véhicules officiels, selon le texte de l'appel d'offres.Le gouvernement US a annoncé son intention de traduire 60 à 80 des quelque 435 détenus de guantanamo devant des tribunaux militaires d'exception.
Pour l'instant, seuls 10 d'entre eux ont été inculpés.Une loi adoptée par le Congrès en septembre instaure ces tribunaux d'exception pour juger les "combattants ennemis" et prévoit l'annulation de plus de 400 recours de prisonniers qui contestent devant la justice civile US leur détention sans inculpation.Des avocats de détenus ont demandé à la cour d'appel fédérale de Washington, chargée de la plupart de ces centaines de recours, de ne pas appliquer la disposition annulant les procédures, arguant qu'elle était contraire à la Constitution.La victoire des démocrates aux élections parlementaires du 7 novembre laisse envisager un nouveau débat sur le traitement des suspects de terrorisme [on peut toujours rêver !]. Les multiples recours judiciaires pourraient aussi remonter devant la Cour suprême dans les prochains mois.S'ils ne sont pas retardés par les recours annoncés, les premiers procès pourraient commencer l'été prochain.
Source : AFP, 18 novembre 2006

Trois détenus de Guantanamo remis en liberté en transférés en Albanie

Trois détenus de la prison de Guantanamo ont été relâchés et transférés en Albanie, après que les autorités US ont décidé de ne plus les considérer comme des "combattants ennemis", ont déclaré les autorités vendredi. Le département d'État US a annoncé que l'Albanie avait donné son accord pour accueillir ces anciens détenus - un Algérien, un Égyptien et un homme d'origine ouzbek. Leur identité n'a pas été communiquée. "Les USA ont fait tout leur possible pour s'assurer que ces trois détenus seront traités humainement au moment de leur libération", a déclaré le département de la Défense dans un autre communiqué. "Notre objectif clé a été d'implanter ces détenus dans un environnement qui leur permettra de reconstruire leur vie. L'Albanie va offrir cette possibilité". Ces trois prisonniers étaient les derniers parmi 38 détenus de Guantanamo dont le statut a été revu par les autorités US, qui ont décidé de ne plus les accuser d'actes terroristes. Pendant les nombreux mois nécessaires au département d'État pour trouver des pays d'accueil pour ces personnes, elles étaient détenues dans un camp séparé à Guantanamo. Selon le Pentagone, il reste environ 430 prisonniers dans cette prison située dans l'enclave US à Cuba. Certains y sont détenus depuis son ouverture en 2002. Ces détenus n'ont pas la possibilité de contester leur détention par le biais du système juridique civil US. Selon un nouvelle loi antiterroriste promulguée par le président George W. Bush en octobre, ils seront jugés par des tribunaux militaires.
Source : AP, 18 novembre 2006

« A Guantanamo, tout est fait pour condamner les prisonniers »

Entretien avec Clive Stafford Smith, avocat anglo-américain et militant contre la peine de mort au sein de l’organisation britannique Reprieve.

Son engagement auprès des prisonniers de Guantanamo l’a conduit à défendre Sami Al-Haj, un caméraman d’Al-Jazira détenu depuis le 13 juin 2002 dans la base militaire.
Propos recueillis par Benoît Hervieu. Traduction Zuzana Loubet del Bayle, Yanne Pouliquen et Laureen Martin



Pour quelles raisons vous êtes-vous engagé en faveur des prisonniers de Guantanamo ?

La première mesure de l’administration Bush, quand elle est arrivée au pouvoir en 2001, a été de créer, au nom de la loi, une prison où la légalité n'existe pas. J’étais choqué de voir qu’elle était capable de faire une chose pareille, c’était absolument insensé. Il était clair que cette prison allait poser plus de problèmes qu’elle ne pouvait en régler. A l’époque, les prisonniers n’avaient pas encore la possibilité d’entrer en contact avec des avocats. Mais je me suis dit qu'il fallait quand même se préoccuper des droits de ces gens.
Quelle a été votre marge de manoeuvre sur place ?

Je me suis rendu sur place quinze fois mais les militaires rendent ce voyage de plus en plus difficile. Cela émane sans doute d’une volonté d’ôter aux prisonniers tous leurs droits. C'est donc très dûr pour nous de les leur donner. Le travail des juristes consiste simplement à présenter les faits devant un tribunal et à dire comment les prisonniers sont traités. De dire la vérité, d'informer sur la situation. Grâce à la pression de l’opinion publique, plus de trois cents d’entre eux ont déjà été libérés.
Vous avez été menacé de prison par les autorités militaires...

Deux incidents se sont produits. Le premier s’est passé en août 2005. On m’avait accusé d’être responsable de la grève de la faim qui avait eu lieu à l’époque. Le deuxième incident a eu lieu il y a deux mois. On a essayé de faire dire à l’un de mes jeunes clients, âgé d’à peine 18 ans, que j’étais à l’origine des trois suicides survenus en 2006 et que j’avais encouragé les détenus à se suicider. Les prisonniers sont traités comme s’ils n’avaient plus d’espoir de vivre. C’est la vraie raison des dépressions et des suicides. Et il y en aura certainement d’autres si nous ne réagissons pas.

Pourriez-vous nous rappeler les raisons de l'arrestation de Sami Al-Haj ?
Il est difficile de connaître avec certitude les raisons de son arrestation parce que les Américains ne nous les donnent pas. Ils doivent penser que Sami était le caméraman d’Al-Jazira ayant participé à des interviews de Ben Laden. C’est faux et, si l'arrestation de Sami est basée sur ce motif, ils se sont trompés. Mais je pense que c’est la raison première de son arrestation. Ils ont avancé depuis lors toutes sortes d'explications toutes plus malhonnêtes les unes que les autres pour le maintenir en détention, mais Sami n’a, bien entendu, jamais eu droit à un quelconque procès.

On a dit que son passeport aurait été volé, qu'il aurait participé à un site terroriste...

Tout cela n'est pas crédible. Il n'a d'ailleurs jamais eu la possibilité répondre de ces allégations. L’administration Bush semble croire qu’Al-Jazira est à la solde d’Al Qaida, ce qui, à mon avis, est totalement infondé. C’est déplorable que l’administration Bush ait choisi de s'attaquer à ce qui est probablement un fleuron de la libre expression au Moyen-Orient.

Quelles sont les conditions de détention de Sami Al-Haj aujourd'hui ?

Sami est détenu à Guantanamo, mais pas dans les conditions les plus dures. La dernière fois que je l’ai vu, il était au Camp 5 mais j’ai peur qu’il soit très bientôt transféré au Camp 6, une unité de sécurité maximale. Car les militaires sont en train de placer tous les prisonniers en cellules individuelles. En détention, Sami est tombé malade. Il a eu de sérieux problèmes, des problèmes physiques. Il a besoin d’une opération du genou qui n’a pas eu lieu. En fait, le docteur de Guantanamo a dit qu’il était impossible de faire cette opération à Guantanamo, faute des équipements adéquats. Il risquerait d'être handicapé à vie. Il a eu aussi un cancer de la gorge, il y a plusieurs années ; il a été soigné et doit rester sous traitement médical pour éviter une rechute. Mais on lui a malheureusement refusé ce traitement depuis qu’il se trouve à Guantanamo.

Que pouvez-vous faire contre la légalisation de la torture récemment entérinée par le Congrès américain ?

Il est extrêmement difficile de croire que le MCA (Military Commission Act) [adopté le 28 septembre dernier par le Congrès] puisse être la solution à la situation dans laquelle nous nous trouvons depuis des années. Avec cette loi, l’administration Bush a essayé de supprimer tous leurs droits aux prisonniers de Guantanamo. Ils ne disposent donc plus d’aucun recours pour remettre en cause la légalité de leur détention. C'est une chose incroyable. Cela a été fait dans une optique purement politicienne, dans l’attente des élections de novembre. Mais lorsqu'une loi est votée, il est très difficile de s’en débarrasser. Nous sommes bloqués pour des années en attendant que la Cour Suprême ne la juge inconstitutionnelle.
Source : http://www.typepad.com/t/trackback/6847805

Note Me Stafford-Smith est le directeur juridique de la section britannique de l'organisation Reprieve (qui signifie "remise de peine, sursis, répit") > http://www.reprieve.org.uk/

Reprieve, par Deborah Clem

vendredi 17 novembre 2006

Un rapport dénonce la procédure sur le statut des détenus de Guantanamo

Les commissions de révision du statut de «combattant ennemi», qui justifient la détention sans inculpation à guantanamo, ne laissent pratiquement aucune chance au détenu de se défendre, selon un rapport universitaire publié vendredi.Diffusé par la faculté de droit de Seton (New Jersey, est), le rapport analyse les minutes, disponibles sur internet, des audiences tenues devant ces commissions pour 361 détenus entre juillet 2004 et janvier 2005.
Pour le gouvernement, ces commissions remplacent les recours d'«habeas corpus», par lequel un prisonnier peut exiger d'être présenté devant un juge, une procédure désormais interdite aux «combattants ennemis».Menottés et sans avocat face à trois juges et un procureur militaires, les détenus n'ont reçu qu'un résumé des éléments confidentiels retenus contre eux, et dans la plupart des cas n'ont même pas eu accès à des documents non confidentiels présentés par l'accusation.Les détenus n'ont pas pu citer de témoins qui ne soient pas déjà à guantanamo, et lorsqu'ils ont cité des co-détenus, le gouvernement a refusé dans 74 % des cas que ces derniers viennent déposer.Les commissions ont systématiquement admis comme dignes de foi les documents présentés par l'accusation, mais n'ont accepté que dans 25 % des cas d'examiner tous les documents présentés par un détenu.
Seuls 38 des 558 détenus présentés ont obtenu la révision de leur statut, alors que dans un rapport publié en février à partir des mêmes documents, les auteurs avaient déjà conclu que 55 % des détenus n'étaient accusés d'aucun acte hostile contre les USA et que seulement 8 % étaient considérés comme des combattants d'Al Qaïda.Il reste environ 435 détenus à guantanamo. Le gouvernement a annoncé son intention de traduire 60 à 80 d'entre eux devant un tribunal militaire d'exception, et de renvoyer encore 110 détenus dans leur pays, sans préciser ce qu'il pouvait advenir des quelque 250 restant.
Source : AFP, 17 novembre 2006

dimanche 2 avril 2006

L'étrange aventure de Nizar Sassi : note de lecture

par Fausto Giudice
Español  La extraña aventura de Nizar Sassi: reseña
Nizar Sassi est ce que les Américains appellent un “home boy”, un “gars du quartier”: un petit gars de la banlieue lyonnaise la plus célèbre du monde, les Minguettes, où il a passé la quasi-totalité de ses vingt-sept années de vie. Ce fils d'un ouvrier immigré tunisien analphabète aurait pu se retrouver sous l'uniforme comme militaire ou policier, car sa grande passion, c'était les armes à feu. Mais la perspective de s'engager dans l'armée pour trois ans l'avait découragé et pour ce qui est d'entrer dans la police, il a raté son coup. 
Ce garçon banal qui n'avait aucune passion politique ou
religieuse s'est retrouvé embarqué dans une étrange aventure par un concours de circonstances. Il rencontre à la mosquée un gars qui est le frère d'un ami. Le gars le recrute et voici Nizar embarqué dans ce qui deviendra une odyssée, ensemble avec son ami Mourad Benchellali. Cette odyssée le conduira de Londres au Pakistan et de là en Afghanistan, pour finir à Guantánamo, où il a été détenu pendant trente mois, avant d'être rapatrié en France et d'y passser un an et demi en détention préventive, pour être remis en liberté en janvier 2006. Il vient de raconter cette étrange aventure dans un livre écrit avec Guy Benhamou, Prisonnier 325, Camp Delta, De Vénissieux à Guantánamo, aux éditions Denoël.
Le récit de Sassi et Benhamou est simple et linéaire. Il ne contient aucune révélation explosive et quelques petites erreurs factuelles, sans doute dues aux conditions de la production de livres à notre époque. Ainsi, Youssef Yee, l'aumônier musulman de Guantánamo, n'est pas, comme ils l'écrivent “d'origine indonésienne”, mais chinoise.
Nizar n'est pas un jihadiste, à peine un Musulman pratiquant. Il ne parle pas l'arabe - ni l'anglais. Il n'apprend qu'il fait partie d'Al Qaïda qu'après le 11 septembre 2001, dont il suit les retombées par Rado France internationale, sur la petite radio qu'il s'est acheté juste avant les “événements”. Il est alors depuis plusieurs semaines dans le camp d’entrainement militaire Al Farouq, près de Kandahar, où il s'initie péniblement au maniement des armes et à la lutte armée, sous les ordres d'un instructeur iraquien, dont il ne comprend même pas les explications, données en arabe. Ce camp Al Farouq où sont passés tous les jeunes gens recrutés par le réseau dont le centre était la mosquée londonienne de Finsbury Park, dirigée par le fameux “imam crochet”, Abou Hamza El Masri.
Début décembre 2001, Nizar et ses compagnons sont évacués vers le Pakistan. Ils passent quelques semaines à se terrer dans les montagnes de Tora Bora, pilonnées par l'aviation US, puis, une fois arrivés au Pakistan, ils sont livrés à l'armée, qui les remet aux US. Emprisonné à Kandahar, il est dans le premier lot livré à Guantánamo en janvier 2002.
Le récit sur le séjour à Guantánamo - que Nizar appelle ironiquement sa “villégiature cubaine” - est, disons, minimaliste et ne fait que confirmer tous les autres témoignages déjà rendus publics. Une particularité dans le récit de Nizar : les quelques rencontres humaines qu'il a faites durant son enfermement. Avec Hamza, l'aumônier musulman auquel succèdera Youssef Yee, avec Eke, un jeune d'origine turque chargé de la “bibliohèque” du camp et avec un soldat noir qui vient le voir après le boulot pour discuter avec lui. Le reste est connu : les tabassages, les humiliations, les interrogatoires épuisants et stériles, la solidarité des détenus et leurs combats d'autodéfense. Extrait :
«Pas un jour ne passe sans que que les incidents éclatent entre détenus et gardiens. Lorsqu'un détenu, pour une raison ou une autre, refsue de sortir de sa cage, le Américains font entrer les chiens. D'autres fois, pour venir à bout d'un récalcitrant, ils arrievnt à cinq géants, en tenue de combat. Casqués, vêtus de gilets pare-balles, équipés de genouillères noires et de boucliers, ils commencent par asperger le détenu de gaz lacrymogène à travers le grillage. Puis ils ouvrent la porte, se jettent sur le type en le coinçant avec un bouclier contre la paroi. Après, c'est la dérouillée générale. Le gars est frappé, mis à terre, ligoté et traîné dehors. Le tout sous les cris et les hurlements des autres détenus.
Ce genre d'exaction donne évidemment lieu à des mesures de rétorsion. Des vengeances à hauteur de nos moyens. Il y a le crachat, le lancer de seau d'eau, les jets d'urine et les tirs d'excréments au passage des gardiens. Terribles, mais pas sans risques pour les compagnons de cellule qui font face au tireur. Les erreurs de trajectoire ont des conséquences assez déplaisantes.
Plus pacifique, mais très pénalisant, les confettis. On récupère les assiettes et les gobelets en palstique des plateaux repas, on les découpe en mille morceaux et, quelques minutes avant la relève, on répand le tout dans l'allée centrale. Quand on veut vraiment être plus vaches encore, on enduit les débris avec de la pâte dentifrice, de façon qu'ils collent au sol. Pour les gardiens, c'est la corvée assurée. leur service est terminé, mais ils n'ont pas le droit de laisser les lieux dans cet état. C'est le règlement. Alors ils sont obligés de faire des heures sup et de tout nettoyer, sous nos quolibets. »
 Finalement, en juillet 2004, Nizar et trois autres détenus français seront rapatriés en France, suivis en mars 2005 par les trois derniers. Tous, sauf un, seront à nouveau emprisonnés, mais, comme l'écrit Nizar, la prison en France, après Kandahar et Guantánamo, c'est “la liberté”.
On referme ce livre avec la conviction que Nizar a suffisamment payé pour cette “erreur de jeunesse”, due à un mélange d'inconscience et d'esprit d'aventure. Puissent les juges français qui auront à le juger prochainement partager cette conviction.
N
izar Sassi, avec la collaboration de Guy Benhamou, Prisonnier 325, Camp Delta, De Vénissieux à Guantanamo, éditions Denoël, mars 2006, 215 pages, 17 €