jeudi 25 juin 2009

Guantánamo chez nous

L'affaire Syed Fahad Hashmi
par Jeanne Theoharis
Traduit par Isabelle Rousselot. Édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Original : The Nation - Guantánamo at home

Deux jours après avoir prêté serment, le quarante-quatrième président des USA, Barack Obama a signé trois décrets pour interdire la torture, exiger que la CIA utilise les mêmes méthodes que les militaires pour interroger les suspects de terrorisme, fermer le réseau des prisons secrètes de la CIA et la prison de Guantánamo Bay à Cuba dans un délai d'un an. « Ce que les cyniques ne veulent pas comprendre, » a proclamé le Président dans son discours inaugural, « est que le sol a bougé sous leurs pieds. »


Zina Saunders

Mais où exactement le sol a-t-il bougé ? Les lieux où sont concentrés tous les regards – et où se concentrent les plus grandes passions contre la politique terroriste de Bush, ces dernières années – se trouvent à l'extérieur des frontières de notre nation, dans des pays éloignés et des prisons lointaines. Le problème de la torture et des autres violations des droits de l'homme dans la « guerre contre le terrorisme » des USA a été présenté comme un problème qui se déroule bien loin de chez nous. La supposition sous-jacente est que si les détenus de Guantánamo étaient jugés sur le sol des USA et dans des cours fédérales (comme le demandent de nombreux groupes), des abus aussi flagrants ne se produiraient pas.

Mais Guantánamo n'est pas juste une absurdité ; sa fermeture ne va pas faire revenir les USA à l'autorité de la loi ou à son ancien rang parmi les autres nations. Guantánamo est une manière particulière de voir la constitution, de construire le paysage comme un terrain sombre où les ennemis sont tapis, où les tribunaux sont devenus des boucliers contre de tels dangers, où les droits ont des limites et où les normes internationales doivent être mises en balance avec la sécurité nationale. C'est une excroissance d'une « guerre contre la terreur » avec des précédents historiques qui a pris racine sous le gouvernement Clinton (dans lois comme l’ Antiterrorism and Effective Death Penalty Act de 1996), qui s'est répandue comme le chiendent sous Bush et a infiltré la structure du système judiciaire. C'est une stratégie préventive où arrêter le terrorisme revient à placer en détention et poursuivre en justice des gens qui n'ont commis aucun acte réel de terrorisme mais dont les croyances religieuses et les associations politiques révèlent une intention ostensible de le faire.

Le jour après que le Président Obama eut signé les trois décrets, j’ai assisté à une audience de tribunal dans l'affaire Syed Fahad Hashmi. Hashmi est un citoyen usaméricain musulman de 29 ans, détenu en isolement cellulaire au Correctional Center (MCC), la prison fédérale, du Bas Manhattan. Il est inculpé de deux chefs d'accusation pour fourniture et conspiration de fourniture de soutien matériel et deux chefs d'accusation pour avoir apporté et comploté pour apporter une contribution de biens et services à Al Qaïda. S'il est jugé coupable, Hashmi risque soixante-dix ans de prison. Il est aussi un de mes anciens étudiants au Brooklyn College qui a obtenu son diplôme en 2003 et a eu une maîtrise en relations internationales à la London Metropolitan University en 2005.

Hashmi a été arrêté en Grande-Bretagne le 6 juin 2006, sur mandat d'arrêt des USA ; son arrestation fut présentée comme la meilleure histoire dans les programmes d'informations de la nuit sur CBS et NBC, qui ont utilisé des graphiques pour exposer la Piste et le Réseau Terroristes. Détenu pendant onze mois sans incident à la prison de Belmarsh, il est devenu le premier citoyen usaméricain à être extradé par la Grande-Bretagne en vertu des nouvelles mesures assouplissant les normes pour les extraditions dans les affaires de terrorisme.

Le Ministère de la Justice affirme que la « pièce maîtresse » de son dossier contre Hashmi est le témoignage de Junaid Babar. Selon le gouvernement, au début 2004, Babar, également citoyen US, a passé deux semaines avec Hashmi, dans son appartement de Londres. Dans ses bagages, selon le gouvernement, Babar avait des imperméables, des ponchos et des chaussettes imperméables qu'il a ensuite remis au Numéro Trois d'Al Qaïda, au Waziristan-Sud, au Pakistan. Hashmi aurait permis à Babar d'appeler d'autres conjurés d'un complot terroriste, en utilisant son téléphone portable. Babar qui a été arrêté en 2004 et a plaidé coupable pour cinq chefs d'accusation de soutien matériel à Al Qaïda, risque jusqu'à soixante-dix ans de prison. En attendant sa sentence, il a accepté de travailler au service du gouvernement en tant que témoin dans les procès des terroristes en Grande-Bretagne et au Canada, ainsi qu'au procès de Hashmi. Pour sa coopération, Babar aura droit à une peine réduite.

Les lois sur le soutien matériel sont fondées sur la culpabilité par association. Elles permettent de fabriquer une boite noire dans laquelle toutes sortes d'activités protégées par la constitution peuvent être jetées et classés comme suspectes, voire criminelles. Comme dans cette affaire, il y a peu de preuves qui lient directement Hashmi à un acte criminel, la majeure partie de l’accusation consistera à établir quelle était son intention. Pour ce faire, le gouvernement va probablement s'appuyer sur les déclarations qu'a fait Hashmi au sujet de la politique étrangère des USA, sur le traitement des musulmans ici et à l'étranger et sur d'autres questions politiques. Hashmi qui était membre du groupe politique de New York, Al Muhajiroun (Les Émigrés) lorsqu'il était étudiant au Brooklyn College, défendait des positions bien en marge du courant dominant de l'opinion publique usaméricaine. D'ailleurs, il avait attiré l'attention du Time et de CNN, en mai 2002, pour son activisme étudiant et la menace potentielle pour le pays qu’il était censé représenter ; les deux médias rapportaient ses propos lors d'une réunion du Brooklyn College en 2002 : les USA sont « les plus grands terroristes du monde. » Le gouvernement n'a cependant pas classé Al Muhajiroun sur la liste des organisations terroristes ni considéré illégale, l'adhésion à cette organisation. Ainsi, ces poursuites judiciaires permettent de criminaliser un discours politique protégé par la constitution.


Mohamed Junaid Babar, un prétendu membre opérationnel d'Al Qaïda devenu informateur de la police, témoigne ici à charge au procès de Momin Khawaja à Ottawa. Selon lui, Khawaja aurait voulu se rendre en Afghanistan en 2002, pour y combattre, mais ne l'aurait jamais fait. Il aurait en outre mis une maison à disposition de "frères" à Rawalpindi, au Pakistan. AP Photo

En attendant son procès, Hashmi est en cellule d'isolement au MCC, depuis mai 2007. Depuis octobre de cette année, il est détenu selon les « Mesures administratives spéciales » (SAM d'après leur sigle en anglais) imposées et renouvelées par le ministre de la Justice. Le pouvoir du gouvernement d'imposer les SAM a été instauré en 1996. Depuis le 11 septembre, les normes pour les imposer, et les conditions pour leur renouvellement, ont été simplifiés de façon significative. Avec les SAM, Hashmi n'a droit à aucun contact, à l'exception de son avocat, et plus récemment avec ses parents – à aucun appel téléphonique,, aucune lettre, interdiction de parler aux autres prisonniers au travers des murs et sa cellule est surveillée électroniquement à l'intérieur et à l'extérieur. Il doit se doucher et aller aux toilettes sous la surveillance permanente de la caméra. Il ne peut écrire qu'une lettre par semaine à un unique membre de sa famille, mais il a droit à trois feuilles de papier maximum. Il n'a pas le droit d'être en contact, directement ou par le biais de son avocat, avec les médias. Il a le droit de lire le journal mais seulement les parties approuvées par ses geôliers, et pas avant 30 jours après leur publication. ll a droit à une heure de sortie en dehors de sa cellule, par jour – heure qui est souvent refusée – mais il n'a pas le droit de sortir en plein air, par contre il est obligé de faire de l'exercice en isolement, dans une cage. Les SAM représentent une menace importante pour la santé mentale de Hashmi et pour sa capacité à participer pleinement à sa défense. La sévérité de ces mesures jette une ombre de suspicion sur le détenu, le décrivant en fait, comme coupable avant même qu'il n'entre dans la salle d'audience. Sa « propension à la violence » est citée comme raison à ces mesures, malgré le fait qu'il n'ait jamais été accusé (ou déclaré coupable) d'avoir commis un acte de violence.


De plus, avec la Classified Information Procedures Act (Loi de procédure pour les informations classifiées), édictée en 1981, qui vise à empêcher toute manipulation par des agents de renseignements US lors de poursuites judiciaires, la plupart des preuves contre Hashmi sont classées confidentielles, ce qui signifie qu'il n'aura pas le droit de voir beaucoup de preuves lors de son procès. Son avocat a du obtenir une habilitation de sécurité de la CIA pour avoir la possibilité d'en prendre connaissance. Cependant, pour préserver la sécurité nationale, l'avocat de Hashmi a l'interdiction de discuter des preuves du gouvernement avec Hashmi, ni avec aucun expert extérieur qui n'ait pas reçu l’habilitation de la CIA.

À l'audience de Hashmi du 23 janvier, la juge fédérale du district Loretta Preska a écouté la défense contester les conditions de son isolement, avant son procès. La défense a présenté la preuve de l'impact dévastateur de l'isolement cellulaire à long terme et de la privation sensorielle sur le mental des prisonniers ainsi que sur leur santé physique et sur leur capacité à participer à leur défense. L'avocat de la défense, Sean Maher a cité le travail de différents experts médicaux et de spécialistes comme le professeur de psychologie, Craig Haney à l'Université de Californie, à Santa Cruz, qui conclut que « il n'y a pas une seule étude publiée sur l'isolement cellulaire ou l'isolement en sécurité maximum .. qui n'ait pas démontré ses effets négatifs psychologiques. »

La défense a demandé quelques modestes changements aux conditions d'isolement de Hashmi : que ses parents âgés et infirmes aient l'autorisation d'aller le voir tous les deux ensemble, qu'il ait l'autorisation de faire de l'exercice sur l’aire de récréation aménagée sur les toits du MCC et avec d’ autres prisonniers, de participer à un groupe de prière et d'avoir un compagnon de cellule. Le juge a refusé toutes ces demandes, se rangeant du côté de l'argument tautologique du procureur général comme quoi l'imposition première des SAM prescrivant des mesures de haute sécurité démontrait la justesse des considérations de sécurité nationale dans l'affaire Hashimi, rendant ainsi les conditions de son isolement légitimes et nécessaires. Ce n'est donc pas surprenant que, dans des affaires comme celle de Hashmi où les SAM ont été imposées depuis le 11 septembre, presque aucune de ces mesures n'ait été levée. La juge Preska a également soutenu que les restrictions imposées à Hashmi sont « administratives plutôt que punitives » et donc constitutionnelles.

Hashmi a passé presque un an et demi, sous SAM, dans un centre de détention fédéral à Manhattan sous l'autorité du Tribunal fédéral du District Sud de New York. Les conditions de son isolement avant son procès ne sont pas vraiment plus humaines que celles de beaucoup de prisonniers à Guantánamo, tout comme son droit à un procès juste dans la ville de New York n'est pas explicitement plus protégé que celui des ressortissants étrangers confrontés aux commissions militaires US dans d'autres parties du monde. Que va t-il se passer alors si les détenus de Guantanamo sont transférés et jugés par des tribunaux fédéraux ?

Les conditions inhumaines de l’isolement de Hashmi pendant sa détention préventive ne sont pas isolées. Le citoyen canadien et résident légal aux USA, Mohammed Warsame a été détenu pendant plus de cinq ans à Minneapolis sans procès (dont la majorité en isolement cellulaire en application de SAM) malgré une procédure pour accélérer le procès enclenchée par ses avocats, il y a plus de trois ans. En décembre 2003, Warsame disparut secrètement pendant quatre jours pour interrogatoire "volontaire" dans une base militaire au nord du Minnesota. Les autorités pensaient qu'il détenait des informations sur Zacarias Moussaoui, car les deux hommes allaient à la même mosquée au Minnesota. Détenu en tant que témoin matériel, Warsame connaissait à peine Moussaoui et n'avait aucun témoignage à fournir à son sujet, même lorsqu'il a comparu à son procès. Le gouvernement a alors déposé des accusations de soutien matériel contre Warsame, affirmant qu'il avait enseigné l'anglais à des infirmières talibanes, qu'il avait mangé dans la même pièce qu'Ossama Ben Laden et qu'il avait envoyé 2 000 $ à des gens en Afghanistan qui, selon le gouvernement, seraient des Talibans.

Les violations des droits civiques sont également établies dans la politique pénitentiaire. En décembre 2006, le Ministère de la Justice a tranquillement mis en place une infrastructure ségrégationniste, l'Unité de gestion de communication, à la prison fédérale de Terre Haute dans l'Indiana, pour des détenus pour terrorisme de sécurité moyenne. Presque tous les détenus transférés à Terre Haute sont musulmans. Tous les appels et courriers (communication habituellement restreinte par les employés de la prison) sont surveillés et les prisonniers ne sont autorisés à communiquer entre eux qu’en anglais. Les terroristes les plus dangereux sont généralement envoyés dans l'unité pénitentiaire et administrative de sécurité maximum, connue sous le nom de Supermax, à Florence au Colorado. Le Gouverneur du Colorado, Bill Ritter envisage d'ouvrir les portes de la prison aux détenus de Guantanamo ; l'infrastructure, selon le porte-parole de Ritter, est "construite exactement pour ce type de détenus à haut risque" Amnesty International a émis des critiques envers les conditions de vie à Supermax, où les prisonniers n'ont pratiquement aucune possibilité d'interaction humaine, d'exercice physique ou de stimulation mentale – ces mêmes conditions que subissent beaucoup d'hommes à Guantánamo et que subit Hashmi à Manhattan. De fait, un des suspects de terrorisme les plus recherchés des USA, Khalid Al Fawwaz se bat contre son extradition aux USA en plaidant que les conditions dans une prison comme Supermax au Colorado, sont en violation de l'article 3 de la Loi britannique sur les droits de l'homme, qui interdit la torture et autre traitement ou châtiment inhumain ou dégradant.



Le Metropolitan Correction Center de Manhattan


Des six personnes, dont Hashmi , soumises aux SAM en détention préventive aux USA, trois se trouvent sous la juridiction du procureur général pour le District Sud de New York. Proche de Ground Zero, théâtre politique du 11 septembre, ce bureau de Manhattan a pris une grande latitude en imposant des conditions d'emprisonnement extrêmes. Avant 2001, les SAM étaient utilisées contre les prisonniers de haute dangerosité dont le pouvoir et l'influence pouvaient inspirer des actes de violence à l'extérieur de la prison (comme le chef du gang des Latin Kings qui a ordonné un meurtre depuis la prison). Aujourd'hui, ces mesures sont imposées de façon plus abusive, contre les suspects que le gouvernement cherche à étiqueter comme dangereux, sans tenir compte d’ actes qu'ils auraient réellement commis ni de leur influence à l'extérieur de la prison (D'ailleurs, le procureur général n'a pas affirmé publiquement que Hashmi avait une action à l'extérieur de la prison). De plus, le District Sud de New York est un tremplin majeur pour un poste national – et poursuivre des terroristes donne un plus à votre CV.


Sur la scène de la justice usaméricaine contre le terrorisme, les procureurs généraux à travers tout le pays sont désormais devenus les acteurs principaux. Mis en avant aux actualités télévisées du soir, ils parlent avec des tons sinistres de l'importance des derniers actes d'accusation de terrorisme – complots déjoués, cellules dormantes découvertes, terroristes attrapés. La représentation publique de ces actes d'accusation rappelle aux Usaméricains le grave danger auquel fait face la nation et la nécessité de mesures spéciales pour nous protéger, et ceci nous rassure sur la capacité du gouvernement à déjouer le danger. L’absence de preuves dans beaucoup de ces affaires et le traitement inhumain des suspects ont suscité une indifférence notable des juges. Mais de telles dérogations au droit et au principe d’une justice équitable reçoivent rarement une couverture médiatique importante.


À Miami, les procureurs retournent pour la troisième fois au tribunal, cherchant à condamner six hommes pour les chefs d'accusation de soutien matériel et de conspiration dans l'intention de faire sauter la Tour Sears. Les informations du soir de juin 2006 avaient claironné l'arrestation de sept hommes « musulmans » et la mise en échec de leur plan d'attaquer la Tour Sears dans le cadre d'un jihad (le jour suivant cependant, même le FBI a décrit le plan comme « un projet plutôt qu'une réelle opération. » ["aspirational rather than operational."]) Les sept hommes sont en fait des membres du Moorish Science Temple, une secte religieuse qui mélange des éléments du christianisme, du judaïsme, de l'Islam et du nationalisme noir. L'affaire, manquant de preuve concrète, comme des armes ou des plans et utilisant des informateurs douteux (les jurés eurent le sentiment qu'un informateur du FBI influençait les hommes), s'est déjà terminée par deux non-lieux pour vices de procédure. Pourtant le procureur des USA a fait pression pour un troisième procès afin de « protéger la communauté », même si aucune nouvelle preuve n'est apparue.


Les différents médias du pays ont gonflé l'histoire des « cellules dormantes » découvertes à Detroit en 2002 et à Lodi en Californie en 2005. Deux hommes à Detroit furent reconnus coupables en 2003 mais virent par la suite leurs sentences suspendues (et le procureur général fut inculpé) quand il fut découvert que le procureur général dissimulait une preuve disculpatoire. À Lodi, un autre informateur du FBI qui avait été payé 250 000 $ pour son travail, avait agi en tant qu'agent provocateur avec le père et le fils, Umer et Hamid Hayat. Le gouvernement réussit à obtenir une condamnation du fils en utilisant les confessions contradictoires et mensongères des Hayat – les deux demandèrent à coopérer avec les enquêteurs. (Le père alla jusqu'à affirmer que son fils s'entraînait dans un sous-sol, et y pratiquait des exercices de sauts à la perche. Quand l'interrogateur du FBI remarqua que le plafond du sous-sol devait être très haut, le père fut d'accord…). Un agent du FBI depuis de longues années, allait témoigner pour la défense des Hayat en disant que c'était « l'enquête la plus négligente et juvénile » qu'il ait jamais vu produite par le FBI, mais la cour rejeta son témoignage.

Et puis il y a l'affaire du « chef terroriste » et professeur à l'Université de Floride du Sud, Sami Al-Arian, racontée en détail par Alexander Cockburn dans The Nation. Après plus d'une décennie de surveillance, des années d'isolement cellulaire et un procès qui a duré six mois et a coûté 50 millions de $, les jurés ont acquitté Al-Arian pour huit des chefs d'accusation les plus graves (et classé sans suite le reste des accusations). Le gouvernement a poussé Al-Arian à plaider coupable pour un chef d’inculpation et puis a annulé son accord en l'assignant devant un grand jury. Refusant de se présenter, Al-Arian risque maintenant une condamnation pour outrage à magistrat, portée par l'assistant du procureur général pour le District Oriental de Virginie. La Juge Leonie Brinkema envisage un non-lieu pour cette affaire. Début mars, elle a mis en doute les actions du procureur général dans l’accord avec Al-Arian : « Je pense qu'il y a quelque chose de plus important ici, et c'est l'intégrité du ministère de la justice».


Lors de sa confirmation au poste du ministre de la Justice, Eric Holder a déclaré sans équivoque que « Guantánamo sera fermé », tout en promettant simultanément de « combattre le terrorisme avec tous les outils disponibles. » Il est important de fermer une prison renégate dans un coin éloigné de Cuba. Mais c'est tout aussi important, même si c'est plus difficile, de regarder ce qui se passe chez nous. C'est ici, dans le Bas Manhattan, à Minneapolis et à Miami, dans notre ministère de la Justice, que les choses doivent bouger sous nos pieds. C'est ici que des citoyens Usaméricains et des résidents, dans notre système de cours fédérales et sous nos yeux, attendent leurs procès et se trouvent souvent face à des preuves classées secrètes et spécieuses dans des conditions inhumaines qui donnent lieu à des punitions cruelles et inhabituelles. Fermer Guantánamo exige que nous examinions et reconstruisions les systèmes politiques et judiciaires à l'intérieur de nos frontières – réformer le ministère de la Justice, les tribunaux et la politique pénitentiaire. Il serait judicieux que nous prêtions attention à l'avertissement de l'ancien Président de la Cour suprême, Earl Warren, sur les dangers qui guettent nos processus judiciaires : « Ce serait vraiment ironique, » prévenait Warren en 1967, « que, au nom de la défense nationale, nous autorisions la destruction de (…) ces libertés (…) qui font que la nation vaut la peine d’être défendue. »

mercredi 24 juin 2009

Pourquoi Obama refuse la publication des photos

par Yvonne RIDLEY. Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original : Why Obama refuses to put us in the picture

Il existe un groupe d’hommes et de femmes pleins de suffisance au sein des services de renseignement US qui savaient très bien que le président Barack Obama n’autoriserait jamais la publication des photos et vidéos de tortures de prisonniers.
Ils savaient très bien que ces images étaient trop choquantes pour être révélées aux yeux du monde extérieur et la triste vérité est qu’elles resteront choquantes pendant les 50 années à venir.
Je le savais aussi bien mais je ne l’ai pleinement réalisé qu’il y a quelques semaines au cours d’une rencontre destinée à éveiller la conscience publique sur le legs de la Guerre contre terrorisme de George W Bush.

Jusque-là j’avais cru naïvement que l’administration Obama remplirait sa promesse d’être l’administration la plus ouverte dans l’histoire de l’Usamérique.
Chaque fois que j’avais des doutes sur les promesses courageuses d’Obama la réponse à la question : « Pouvez-vous vraiment ? » était un sonore : « Oui, nous le pouvons ».

Comme je l’ai dit, les doutes m’ont assailli lors d’une rencontre à Bradford, dans le Nord de l’Angleterre, durant un discours à réveiller les morts, tenu par Anas Al Tikriti, de la Fondation Cordoba, sur les injustices de la Guerre contre le terrorisme auxquelles nous continuons à être confrontés.

Pour illustrer son discours, des images parlantes de la prison d’Abou Ghraïb étaient projetées sur des écrans géants tout autour de la salle…J’ai constaté avec surprise que j’avais de fait oublié à quel point elles étaient horribles. Nous nous souvenons tous de l’image, devenue icône, de Satar Jabar encagoulé, debout sur une caisse et tenant deux fils électriques dans ses mains, avec un autre fil attaché à son pénis, persuadé qu’il est sur le point d ‘être électrocuté.

Mais les autres photos, quand elles ont été projetées, ont coupé le souffle et le sifflet au public, qui s’est mis à s’agiter sur ses chaises, mal à l’aise. Il semble que le temps avait émoussé nos souvenirs et que certains d’entre nous avaient oublié les hommes nus, empilés en pyramides humaines, les chiens montrant les dents et haletant au-dessus de prisonniers terrorisés, lorgnés par des militaires US ricaneurs.
Je me suis penchée vers mon voisin de gauche et lui ai confié : « Je ne peux pas croire que j’avais oublié l’horreur qu’était Abou Ghraïb. »

Il m’a chuchoté en retour : « Ce n’est rien. Rappelle-toi que les photos sont sorties longtemps après l’ouverture de Guantanamo et plus de trois ans après que des gens avaient déjà été torturés et assassinés à Bagram. Si tu penses que ces photos sont horribles, attends que les autres soient publiées. »
Et à ce moment-là, j’ai réalisé que justement, ça ne va pas avoir lieu.

Mon voisin n’était autre que Moazzam Begg, sans doute le plus connu ex-pensionnaire de Guantanamo Bay, un homme qui a témoigné des brutalités et des atrocités, y compris le meurtre et la torture, commises de façon routinière par les interrogateurs et les soldats US à Bagram, en Afghanistan.


Avant son kidnapping

Nous étions venus tous deux à Bradford pour parler de l’odyssée du Dr. Aafiya Siddiqui, une mère de trois enfants qui a été kidnappée, torture et détenue plusieurs années à Bagram avant d’être blessée par balle par des soldats US et d’être soumise à un transfert extraordinaire vers New York.

À cette époque, les USA démentaient que le Dr. Siddiqui eût jamais été détenue à Bagram – bien que j’en eusse des preuves irréfutables, dont une identification positive par d’anciens détenus.

Et il m’est apparu que dans ces immondes archives cachées de photos et de vidéos révélant toute l’étendue des tortures US, il devait certainement y avoir des photos du Dr. Aafiya Siddiqui.

Comme les USA continuent à démentir avoir jamais détenu le Dr Siddiqui, il est hors de question qu’ils publient l’intégralité des archives de photos et de vidéos car celles-ci sont trop accusatrices et ouvriraient les vannes à un flot de toutes sortes d’actions en justice, d’annulations de procès et sans doute de compensations.

Bien sûr, l’autre raison pour laquelle le président Obama ne veut pas que ces images soient rendues publiques, c’est que cela enflammerait à la fois les amis et les ennemis et à long terme, sans doute, cela mettrait en danger la vie de tout citoyen US voyageant dans le monde musulman, pour ne pas parler des militaires.

Obama a lui-même dit qu’il avait décidé d’empêcher la publication des images de détenus torturés par les interrogateurs US pour la raison que “la conséquence la plus directe d’une publication, je crois, serait d’enflammer encore plus l’opinion anti-US et de mettre nos troupes encore plus en danger ». L’animateur de télé Jon Stewart a noté avec une ironie désabusée dans son show Comedy Central que la déclaration d’Obama « résume le dilemme dans lequel nous nous trouvons dans cette affaire de torture et d’abus. Torturer des détenus est censé être l’unique moyen d’obtenir certaines informations qui nous donneront une plus grande sécurité. Mais publier des photos de nous le faisant, ça, ça nous mettrait en danger. »

Bien sûr, si les interrogateurs n’avaient rien fait de fâcheux, il n’y aurait rien eu à cacher. Mais il est clair qu’il ya quelque chose à cacher, non ? Et si ce que Moazzam dit est vrai, ce dont nous parlons, c’est le viol, les abus sadiques et les brutalités pas seulement d ‘hommes et de femmes, mais aussi d’enfants.

Si certains culs-terreux républicains se contenteraient sans doute de rigoler au spectacle d’hommes au teint basané que l’on brutalise, je ne suis pas sûre qu’ils se contenteraient de hausser les épaules devant les photos de tortures de femmes et de jeunes enfants.


Le Dr. Aafia Siddiqui, photographiée en détention en Afghanistan en juillet 2008

Deux des enfants du Dr. Aafiya Siddiqui sont encore portés disparus – l’un d’eux n’était qu’un bébé de quelques mois lorsqu’il a été arraché des bras de sa mère par un agent féminin US qui avait pris part à l’arrestation. L’autre enfant, une petite fille, avait juste commencé à marcher.

Cette information, soit dit en passant, m’a été donnée gratuitement par un des policiers de Karachi qui avait participé à l’opération conjointe [pakistano-US, NdT] d’arrestation du Dr. Siddiqui en mars 2003. Et pourtant les autorités US continuent à mentir, malgré l’accumulation de preuves.

Alors, croyez-vous que les Usaméricains ont torture le bébé ou la petite fille ? Est-ce de cela que les interrogateurs de la CIA et du FBI, et leurs sous-traitants free lance, sont capables ? Est-ce pour cela qu’Obama ne peut pas, ne veut pas que les photos et vidéos soient rendues publiques ?

Croyez-vous que les interrogateurs de la CIA ont procédé à des simulacres de noyade avec les enfants du Dr. Siddiqui ? Peut-être les ont-ils même soumis à des abus sexuels comme ils l’ont fait avec des hommes et des femmes détenus à Abou Ghraïb.

Aha, j’entends déjà certains d’entre vous hurler au ciel, objectant bruyamment à mes commentaires et folles spéculations. Vous pourriez m’accuser d’être irresponsable et de nourrir les flammes de la haine du monde musulman envers chaque soldat US et chaque détenteur d’un passeport US. Et vous pourriez avoir raison, mais ne vous en prenez pas à moi, prenez-vous en à votre président.
Car c’est lui qui AVAIT promis de rendre publiques ces affreuses archives et c’est lui qui A dit une fois que “la lumière du jour est le meilleur désinfectant”.

Mais après avoir visionné ce matériel obscène, il a choisi d’adopter la position de l’autruche, dans la croyance idiote que ça ca va passer et être bientôt oublié

Mais ça ne sera pas le cas, et jusqu’à ce que ces archives soient rendues publiques, les folles spéculations continueront à grossir, nourries par la haine et la colère devant le fait qu’à nouveau un président US a été élu sur des fausse promesses et des mensonges.

Albert Einstein a dit un jour: « Le monde est un endroit dangereux où vivre, non pas à cause des gens qui sont mauvais, mais à cause de ceux qui ne font rien par rapport à ça. » Obama peut-il faire quelque chose pour que ces photos et vidéos soient rendues publiques. OUI, IL LE PEUT !

vendredi 19 juin 2009

La Chambre des représentants dit NO au transfert de détenus de Guantánamo vers le territoire US

La commission des Services armés de la Chambre des représentants américaine a interdit hier, dans le cadre du projet de budget 2010 de la Défense, le transfert vers les États-Unis de détenus de Guantánamo.
La commission a approuvé par 61 voix à 0 le budget du ministère de la Défense américain pour l'exercice 2010, soit 550,4 milliards de dollars.
Le projet de budget, qui devra être approuvé par la Chambre dans son ensemble, prévoit également la mise à disposition du ministère de 130 milliards de dollars pour les opérations en Irak et en Afghanistan, ou tout autre théâtre d'opération étranger éventuel.
Mais le texte ne contient pas de fonds visant à financer des transferts de détenus de Guantánamo vers les États-Unis pour l'exercice 2010 qui commence le 1er octobre 2009.
«Il est interdit de transférer les détenus sans que le président [Barack Obama] ait présenté un plan sur les dangers potentiels pour les États-Unis, leurs territoires et possessions, sur la façon dont le président envisage d'atténuer ces risques et sur le sort de chaque détenu», lit-on dans le résumé du projet approuvé par la commission.
Début juin, les membres d'une sous-commission du Congrès chargée de la répartition de fonds publics avaient approuvé le budget 2010 du ministère de la Justice de 64,4 milliards de dollars, sans y inclure les fonds demandés par l'administration pour fermer Guantánamo.
Cette commission avait également interdit le transfert de détenus sur le sol américain.
Par ailleurs, le projet de budget supplémentaire pour financer les troupes américaines jusqu'au 30 septembre 2009, adopté par la Chambre mardi soir, ne fournit pas non plus de fonds pour la fermeture du camp. En revanche, dans ce cadre, un accord permet à l'administration de transférer des détenus sur le sol américain en vue de leur procès.
Le ministre de la Justice, Eric Holder, s'est dit convaincu hier que les États-Unis parviendraient «à trouver un pays d'accueil» pour la cinquantaine de détenus de Guantánamo considérés comme libérables.
Source : AFP, 18/6/2009

3 détenus de Guantanamo transférés en Italie après le G8 de juillet...

...pour y être incarcérés !
Les détenus de Guantanamo - vraisemblablement au nombre de trois - que l'Italie a accepté d'accueillir n'arriveront pas «avant le sommet du G8» prévu du 8 au 10 juillet, a indiqué mercredi le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini.
Le délai pour les accueillir «dépendra exclusivement des États-Unis», a déclaré à la presse le ministre, excluant qu'ils arrivent «avant le G8» de L'Aquila, selon l'agence de presse Ansa.
Le président américain Barack Obama a annoncé lundi que l'Italie avait accepté d'accueillir trois détenus de la prison de Guantanamo à Cuba, lors d'une rencontre avec Silvio Berlusconi à Washington.
Le ministre italien des Affaires étrangères a cependant indiqué mardi que «ce sera trois personnes ou peut-être un autre nombre».
Il a également précisé qu'il s'agirait de personnes «jugées libérables» par la justice américaine.
Les détenus sont, selon la presse italienne, trois Tunisiens: Riadh Nasri, Moez Fezzani et Abdul bin Mohammed bin Ourgy.
Selon l'agence Ansa, ils sont tous les trois visés par un mandat d'arrêt du parquet de Milan (nord).
Selon la presse italienne, les deux premiers ont été inculpés en 2007 d'association de malfaiteurs à but de terrorisme international pour avoir fourni un soutien logistique à une «cellule italienne proche du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC)» en 1997 et 2001.
Le troisième est soupçonné d'avoir eu des liens avec des personnes chargées de recruter des combattants pour l'Irak et l'Afghanistan, selon l'Ansa.
Leur profil donnerait donc satisfaction (sic) au ministre de l'Intérieur Roberto Maroni, un haut responsable du parti anti-immigrés de la Ligue du Nord, qui souhaite que les ex-détenus de Guantanamo accueillis par l'Italie puissent être incarcérés dès leur arrivée, afin de ne pas augmenter le risque terroriste en Italie.
Source : AFP, 17/6/2009

La FIDH : Vive les Bermudes !

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et son organisation membre aux Etats-Unis, le Center for Constitutional Rights (CCR) se réjouissent de la décision prise par le Premier ministre des Bermudes, Ewart Brown, d’accueillir quatre ouïghours détenus à Guantanamo. Ces hommes avaient été blanchis de tout soupçon et déclarés « libérables » depuis de nombreuses années, mais ne pouvaient retourner en Chine, leur pays natal, car ils encourraient des risques de torture et de persécution. Ils n’avaient jamais pu quitter Guantanamo, faute d’un pays tiers acceptant de les accueillir.
« Personne ne nie le fait que ces détenus innocentés méritent depuis longtemps d’être accueillis dans un pays sûr. En accueillant et soutenant les quatre ouïghours, les Bermudes défient les préjugés injustifiés et les stéréotypes injustement associés aux détenus de Guantanamo. Les Bermudes ont ouvert la voie à une réinsertion à visage humain des détenus de Guantanamo qui ne peuvent rentrer dans leur pays natal. La FIDH exhorte les pays européens (et notamment l’Allemagne qui a la plus grande communauté ouïghour après la Chine), à suivre l’exemple des Bermudes », a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.
« Nous remercions le Premier ministre Brown et le peuple des Bermudes pour leur compassion et leur générosité. Leur geste humanitaire restera ancré dans les mémoires comme un acte important d’un petit pays face à l’inaction des plus grands. Nous espérons que d’autres suivront la voie des Bermudes », a ajouté Vincent Warren, directeur exécutif du CCR.
Source : FIDH, 18/6/2009

Mohammed al-Gharani libéré après une semaine de garde à vue au Tchad

Un ex-détenu de Guantanamo innocenté par un juge américain et transféré au Tchad a été maintenu pendant une semaine en garde à vue par la police à N'Djamena, sans motif officiel, avant d'être libéré jeudi, a-t-on appris auprès des autorités tchadiennes.
"Il a été libéré vers 16H30 (15H30 GMT), il a été remis à son oncle pour rentrer chez lui", a déclaré à l'AFP le directeur général de la police nationale, le général Youssouf Chakir.
Aucune charge n'a été retenue à son encontre.
Arrêté à l'âge de 14 ans par les Américains, Mohammed al-Gharani, qui a la double nationalité tchadienne et saoudienne, avait été innocenté par un juge fédéral le 14 janvier après avoir passé sept ans à Guantanamo. Libéré, il avait ensuite été transféré au Tchad où il est arrivé le 11 juin.
Le ministre tchadien de l'Intérieur et de la Sécurité, Ahmat Mahamat Bachir, avait affirmé plus tôt jeudi à l'AFP que Mohammed al-Gharani était maintenu en garde à vue depuis son arrivée, notamment pour "vérifier sa nationalité tchadienne".
"On nous a balancé une personne sans aucun document, aucun papier sur lui, ni même de papier de justice. Nous ne savons pas sur quelle base juridique il a été libéré", avait déclaré le ministre, assurant toutefois que l'ex-détenu n'était "pas en prison".
Dans un communiqué, l'association britannique Reprieve, qui assiste des détenus de Guantanamo, s'était de son côté dite "consternée" par "l'incarcération inexplicable par le gouvernement tchadien du prisonnier +libéré+ de Guantanamo Mohammed al-Gharani".
Elle demandait qu'il soit "immédiatement remis à sa famille".
D'après cette organisation, Mohammed al-Gharani avait été "vendu à l'armée américaine à seulement 14 ans" avant d'être reconnu innocent et "enfin libéré la semaine dernière par l'administration Obama".
Reprieve avait souligné que "la détention de Mohammed (allait) même à l'encontre de la loi tchadienne, qui n'autorise pas de maintenir quelqu'un en garde à vue plus de 48 heures sans l'inculper".
Source : AFP, 18/6/2009

Un europhile pour «vendre» Guantánamo

par Luis Lema, Le Temps, 19/6/2009


En tournée en Europe, Daniel Fried arrive ce vendredi à Berne pour tenter de placer des détenus «libérables»
Trois détenus pour l’Italie. Quatre supplémentaires pour l’Espagne. Peut-être «un ou deux» en Hongrie. Et la Suisse? En tournée d’une semaine en Europe, Daniel Fried, le «Monsieur Guantanamo» du Département d’Etat américain, devrait tenter ce vendredi d’ajouter Berne à son palmarès. Ce diplomate europhile, nommé à son poste en mars dernier par Hillary Clinton, a une tâche bien précise: convaincre l’Europe de prendre des engagements concrets à l’heure d’accepter les prisonniers de Guantanamo dont les Etats-Unis ne veulent pas.

L’Europe réticente
Dès la première heure, Daniel Fried fut l’un des défenseurs, aux Etats-Unis, du métallurgiste de Gdansk Lech Walesa. Devenu l’un des maîtres d’œuvre de l’élargissement de l’OTAN à l’Europe de l’Est, puis ambassadeur en Pologne, il a été choisi parce qu’il connaît bien l’Europe et les Européens. Plus: sous George Bush, il faisait le poing dans la poche, défendant les intérêts européens au Conseil national de sécurité, alors que son administration raillait à qui mieux mieux cette «vieille Europe» décadente.

Aujourd’hui, c’est à ce même Daniel Fried d’essayer de réparer les pots cassés. Or il le sait mieux que personne: l’Europe est encore extrêmement réticente à l’idée d’endosser ce fardeau hérité de l’administration Bush. Et ses réserves ne sont pas infondées. Comme le résumait récemment le ministre allemand de l’Intérieur, Wolfgang Schäuble: «Si aucun des Etats américains ne veut prendre ces prisonniers, il faut expliquer au public européen pourquoi les règles en Europe devraient être différentes de celles des Etats-Unis.»
Pour une raison bien simple, en réalité: devenue un très gros enjeu politique américain, la libération des prisonniers de Guantanamo rencontre une opposition de plus en plus frontale aux Etats-Unis. Républicains et démocrates confondus, les élus ne veulent pas entendre parler de ces détenus qui, après avoir été présentés comme «le pire du pire» par l’équipe de George Bush, se perdraient dans la nature en Amérique. Or ils ne peuvent être renvoyés dans leur pays d’origine où ils risquent la torture et la persécution. Si Daniel Fried ne parvient pas à faire plier les Européens, la promesse présidentielle de fermer Guantanamo d’ici à janvier prochain pourrait être sérieusement compromise.
Pressé de questions, le ministre de la Justice, Eric Holder, l’a admis devant les sénateurs mercredi: il estime que, sur les quelque 230 détenus qui restent à Guantanamo, une cinquantaine tout au plus seront jugés aux Etats-Unis, dans des cours civiles ou militaires. D’autres (dont le nombre n’est pas établi) continueront d’être emprisonnés sans jugement. Des négociations sont par ailleurs en cours avec l’Arabie saoudite pour qu’elle se charge d’un fort contingent de prisonniers yéménites que l’administration ne veut renvoyer au Yémen de peur qu’ils grossissent là-bas les rangs des sympathisants d’Al-Qaida. Restent encore une soixantaine de détenus «libérables», sur lesquels ne pèse aucune charge, et que Daniel Fried doit «vendre» en Europe, ou alors en Asie ou en Australie.

Niveau de «dangerosité»?
Vendre? Cette semaine, le délégué américain a exclu que les Etats-Unis offrent de l’argent en échange des détenus. Il a cependant répété que Washington était prêt à financer une partie des coûts de leur prise en charge. Fait nouveau: le diplomate vient aussi de suggérer que les futurs pays hôtes pourront «interviewer» les prisonniers avant de décider ou non de les accepter. Comme la Suisse (LT du 16.06.2009), de nombreux pays d’accueil se sont plaints du fait que les dossiers transmis par Washington sont extrêmement lacunaires. Pas moyen, notent ces Etats, d’avoir une idée précise de l’histoire des détenus ou de leur niveau de «dangerosité».

La Suisse a été le premier pays à s’engager à accueillir des prisonniers de Guantanamo, le jour même de l’investiture de Barack Obama. Jeudi, Amnesty International invitait Berne à se saisir de l’occasion de la visite de Daniel Fried pour «débloquer le dialogue hésitant mené jusque-là». Le Conseil fédéral, disait encore l’organisation de défense des droits de l’homme, «doit maintenant donner des informations de manière transparente sur la suite de la procédure et sur les problèmes restant à résoudre pour qu’une décision puisse rapidement être prise».


Waterboarding, par Carlos Latuff


Waterboarding by ~Latuff2 on deviantART

jeudi 18 juin 2009

Zapatero : "J'en prendrai entre 3 et 5"

Le gouvernement espagnol est disposé à accueillir entre trois et cinq détenus du camp de prisonniers américain de Guantanamo, affirme le journal El Pais alors qu'un envoyé spécial américain devait discuter mercredi matin de cette question à Madrid.
Le ministère espagnol des Affaires étrangères n'était pas immédiatement disponible pour commenter ces informations.
Le journal qui cite des "sources du gouvernement" espagnol précise que le représentant américain, Daniel Fried, doit présenter une liste de prisonniers potentiellement transférables en Espagne, lors d'une réunion mercredi avec des représentant des ministères espagnols des Affaires étrangères, de l'Intérieur et de la Justice.
Il s'agit de détenus de nationalité syrienne et tunisienne qui ont demandé à être transférés en Espagne, selon El Pais.
L'Union européenne a entériné lundi une déclaration négociée avec Washington précisant les conditions de transfert d'ex-détenus de Guantanamo vers l'Europe où Européens et Américains soulignent que "la responsabilité première pour la fermeture de Guantanamo et pour trouver un lieu de résidence pour les ex-détenus revient aux Etats-Unis" et que la décision d'accueillir des détenus revient individuellement aux gouvernements européens.
La semaine dernière, M. Obama a accéléré le processus de transfert de détenus du centre de détention, avec le départ de neuf d'entre eux vers le Tchad, l'Irak ou encore les Bermudes.
L'Italie a accepté d'accueillir trois détenus de la prison de Guantanamo, avait parallèlement annoncé le président américain Barack Obama en recevant le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi.
M. Obama qui compte fermer le camp situé sur l'île de Cuba d'ici janvier 2010, espère convaincre d'autres pays d'accueillir les quelque 50 détenus libérables de Guantanamo.
Depuis 2002, plus de 540 détenus ont été transférés de Guantanamo vers au moins 30 pays. Mais le centre de détention ouvert en 2002 et devenu le symbole des excès de la "guerre contre le terrorisme" lancée par George W. Bush après les attentats du 11-Septembre, compte encore quelque 230 prisonniers.
Source : AFP, 17/6/2009

vendredi 12 juin 2009

On s'en doutait

On se souvient des extraordinaires "aveux" de Khalid Cheikh Mohammed, qui avait reconnu tous les crimes possibles. Il faut dire que vu la manière dont on l'avait traité (183 séances de waterboarding), il aurait même reconnu avoir tué Kennedy et Lincoln.
Comparaissant devant le "tribunal militaire" de Guantánamo en 2007, il a d'ailleurs déclaré qu'il avait "inventé des histoires". C'est ce qui ressort des comptes-rendus de ses auditions rendus publics lundi. Ces documents ont été publiés à la suitte d'un recours juridique intenté par l'American Civil Liberties Union. Par exemple, Mohammed affirme avoir été torturé après avoir dit ne pas savoir où se trouvait Oussama ben Laden. Il a alors suggéré un lieu où se trouverait le chef d'Al-Qaïda, mais aurait aussi été torturé ensuite. Quand il a répondu non à d'autres questions, il a encore été malmené, selon ses affirmations.
Les extraits publiés lundi révèlent également qu'un autre détenu, Abou Zoubaydah, a affirmé à la cour qu'« il avait cru mourir quatre fois » sous la torture lorsqu'il était interrogé par la CIA. « Après des mois de souffrances et de tortures, physiques et mentales, ils ne s'intéressaient plus aux blessures qu'ils m'avaient infligées, à l'oeil, à l'estomac, à la vessie, à ma cuisse gauche et à mes organes génitaux. Ils se fichaient du fait que j'étais presque mort de ces blessures, les médecins m'ont dit que j'avais failli mourir quatre fois », dit-il dans l'un des enregistrements.
Abou Zoubaydah est le premier détenu qui a été soumis aux méthodes d'interrogatoires musclées autorisées sous l'administration de George W. Bush. Les interrogatoires consistaient notamment en simulation de la noyade (waterboarding), à projeter le détenu contre les murs ou encore à le forcer à demeurer nu pendant de très longues périodes.

Berlusconi : "J'en prends trois"

L'Italie a accepté d'accueillir trois détenus de la prison de Guantanamo à Cuba, a annoncé lundi le président Barack Obama en recevant le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi.
"J'ai remercié le Premier ministre pour son soutien à notre politique de fermeture de Guantanamo", a déclaré M. Obama à l'issue d'un entretien avec M. Berlusconi à la Maison Blanche. "Ce ne sont pas que des mots: l'Italie a accepté de recueillir trois détenus spécifiques", a-t-il ajouté.
Les autres pays de l'UE qui se sont dits prêts à accueillir des détenus de Guantánamo sont : la Belgique, le Royaume-Uni, la France (qui a déjà accueili l'Algéro-Bosniaque Lakhdar Boumediene), l'Irlande, le Portugal et l'Espagne.

Des policiers de Sa Majesté accusés d'avoir recouru au waterboarding

Six agents de Scotland Yard auraient utilisé à plusieurs reprises la technique de simulation de noyade, dite du waterboarding, contre quatre suspects. Ils ont été suspendus.

Alors même que la Grande-Bretagne enquête sur des actes de torture présumés perpétrés par l'armée américaine sur un ex-détenu de Guantanamo, la police londonienne royaume se retrouve elle-même au cœur d'une affaire similaire. Selon la presse britannique, six officiers d'Enfield, au nord de la capitale, sont accusés d'avoir utilisé à plusieurs reprises la technique d'interrogation, dite du waterboarding, ou simulation de noyade.

Cette technique controversée a notamment été utilisée à de multiples reprises par la CIA, avant d'être condamnée et assimilée à un acte de torture par Barack Obama.

D'après le Daily Mail et le Times, ces policiers se seraient livrés à ces pratiques sur quatre suspects, la plupart étrangers, dans le cadre d'opérations de lutte contre le trafic de drogue, le 4 novembre 2008.

«Il semble que plusieurs officiers de cette brigade étaient complètement hors de contrôle», affirme une source proche de l'enquête, au Daily Mail.


Enquête de corruption

Ces hommes ont tous été suspendus de leur fonction, mais n'ont pas été arrêtés. Ils font l'objet depuis le 3 avril d'une enquête de la police des polices britannique, la Independent Police Complaints Commission (IPCC), qui prend cette affaire «très sérieusement».

«C'est une enquête criminelle en cours et les six officiers seront interrogés comme tels», a précisé au Times l'IPCC.

Ce n'est pas la première fois que la brigade d'Enfield fait parler d'elle : en plus d'être au cœur d'une vaste enquête de corruption, neuf de ses officiers ont été suspendus dans une affaire de vols et de racket, en février dernier.

Ces accusations plongent de nouveau Scotland Yard dans l'embarras. Les quatre premiers mois de son nouveau chef, Sir Paul Stephenson, ont déjà été émaillés d'une série de polémiques et de violences policières présumées, à commencer par l'affaire de la mort d'un manifestant du G20 de Londres.

Son prédécesseur, Sir Ian Blair, avait déjà dû démissionner en octobre 2008, après avoir été accusé de racisme et mis en cause dans une affaire de bavure policière.
Source : Le Figaro, 10/6/2009

Les prisons américaines causent plus de soucis que Guantanamo

Par Dahlia Lithwick, slate.fr, 10/6/2009. Traduit de l'anglais par Bérengère Viennot.

Prison de Saint-Quentin, Californie. Lou Dematteis/REUTERS

Comme il est fascinant, le pas de deux de l'opinion publique au sujet de la fermeture du camp de prisonniers de Guantanamo, et pas seulement parce que les Américains souhaitent désormais laisser le camp indéfiniment ouvert. Le désastre juridique actuel concernant le devenir des prisonniers de Guantanamo montre que contrairement aux idées reçues, les Américains s'intéressent aux prisons, aux prisonniers et aux réformes carcérales, mais uniquement quand les détenus menacent de débouler à leurs portes.

Mais voilà le hic: nous avons déjà un problème de prison, et il est déjà à nos portes. C'est ce que veut nous faire comprendre le sénateur démocrate de Virginie James Webb en proposant une nouvelle et ambitieuse réforme des prisons américaines au niveau national. Certes, rien d'aussi spectaculaire qu'imaginer Abu Zoubaydah, un détenu de Guantanamo, s'échappant de la prison Supermax [sécurité maximale] du Colorado et faisant des ravages dans les Rocheuses, mais la crise carcérale américaine s'aggrave chaque année, sans que personne ne semble s'en soucier. Webb a décidé de réactiver le sujet de la réforme carcérale car à ses yeux, il suffit que les Américains sachent compter pour comprendre le problème des prisons.

Voici la situation des prisons américaines, selon Webb:

Les États-Unis, avec 5 % de la population mondiale, comptent presque 25 % des prisonniers du monde. Pour Webb: «Soit nous sommes le peuple le plus malfaisant de la terre, soit nous nous trompons quelque part.» Nous incarcérons 756 personnes pour 100.000 habitants, soit presque cinq fois la moyenne mondiale. Aujourd'hui, environ 1 adulte sur 31 aux États-Unis est en prison, ou en liberté surveillée. Les dépenses destinées aux sanctions au niveau local, des états et fédéral, se montent aujourd'hui à environ 70 milliards de dollars par an et ont augmenté de 40 % au cours des 20 dernières années.

Webb n'a pas de problème avec la détention des pires criminels. En fait, il veut réformer le système judiciaire en partie pour pouvoir neutraliser les pires de tous. Mais il veut que nous reconnaissions qu'entasser les toxicos et les malades mentaux dans des centres de détention surpeuplés entraîne une augmentation du nombre des détenus plus vicieux, plus violents et moins susceptibles d'être embauchés à la sortie. Et contrairement à Guantanamo, il y aura toujours des prisonniers relâchés.

Le ministère de la Justice estime que 16% des détenus adultes des prisons américaines – plus de 350 000 prisonniers – souffrent de maladies mentales; et ce pourcentage est encore plus élevé parmi les jeunes. Des statistiques 2007 du ministère indiquent que presque 60% des détenus condamnés pour des délits liés à la drogue n'ont aucune violence à leur actif et que quatre arrestations liées aux stupéfiants sur cinq concernaient la possession et non la vente. Webb nous rappelle aussi que si l'utilisation des drogues varie peu en fonction des groupes ethniques aux États-Unis, les afro-américains – estimés à 14% des utilisateurs – constituent 56% des détenus dans les prisons non fédérales pour des délits liés aux stupéfiants. Or, nous savons tout cela. La question est: combien de temps allons-nous continuer d'esquiver le problème?

Qu'est-ce qui fait penser au sénateur de l'un des États les plus farouchement favorables à l'incarcération qu'accaparés par deux guerres, une économie en plein effondrement et le prochain épisode d'America's Next Top Model, les Américains sont prêts à se colleter avec cette nouvelle législation – la National Criminal Justice Commission Act de 2009 – instaurant une éminente commission dont l'objectif est d'analyser dans son intégralité le système carcéral du pays?

Les politiques basées sur la peur ne vont jamais très loin, et quand il s'agit de drogue et de prison, c'est la réalité qu'il faut affronter. Webb montre son empressement d'expliquer le problème aux Américains et de travailler avec eux pour le résoudre. Il estime qu'en abordant nos désastreuses politiques carcérales de façon réaliste, nous comprendrons que les indicateurs pointent tous dans des directions très dangereuses: nous enfermons de plus en plus de gens pour des infractions de moins en moins violentes, ce qui nous coûte de plus en plus cher, pour finir par transformer des détenus en criminels dangereux tout en ignorant les pires d'entre eux.

Le problème de Guantanamo, que nous avons fini par aborder d'une manière plus pragmatique que symbolique – c'est un lieu dangereux renfermant des gens dangereux – ne constitue qu'une fraction infime du plus grand programme carcéral américain. Un article de l'agence Associated Press de la semaine dernière révèle qu'une petite ville du Montana est plus que volontaire pour accueillir tous les prisonniers de Guantanamo et les incarcérer, car au final, une prison est une prison et un prisonnier, c'est un prisonnier. Si le fait d'enfermer à vie quelques terroristes dans des prisons américaines de haute sécurité nous inquiète à ce point, ne devrions-nous pas accorder un minimum d'attention à ceux qui sont déjà sous les verrous? Comme l'a récemment observé Dennis Jett dans le Miami Herald, «même si tous les détenus de Guantanamo étaient transférés dans une prison américaine, cela représenterait une augmentation d'un centième d'un pour cent du nombre total de prisonniers de ce pays.»

Comparé à la poudrière de notre système carcéral national, le problème de Guantanamo paraît finalement assez bénin. Et si nous sommes à la veille d'une gigantesque crise de panique nationale à l'idée d'incarcérer des individus dangereux après le 11-Septembre, ayons l'honnêteté d'admettre que les risques qu'une poignée de prisonniers de Guantanamo «rejoignent le champ de bataille» ou s'évadent de prisons de sécurité maximum sont bien plus minces que ceux posés par la crise qui couve actuellement dans nos propres prisons. Les Américains qui disent leur inquiétude de laisser des présumés terroristes arriver à leur porte feraient bien de commencer par y passer un coup de balai. Le système carcéral américain tel qu'il existe aujourd'hui est encore moins cohérent que le camp de détenus de Guantanamo. Et contrairement à Guantanamo, quoi que nous puissions souhaiter, nous ne pourrons le maîtriser, l'ignorer ou nous en détourner indéfiniment.

"Chacun chez soi, et les Ouïghours seront bien gardés" (proverbe canadien)

Un chroniqueur canadien du Globe and Mail de Toronto, Norman Spector, écrit:

"il est difficile d'être en désaccord avec le refus du gouvernement Harper d'accueillir au Canada les Ouïghours qui doivent être libérés sous peu de la prison de Guantánamo. Un refus qu'avait déjà essuyé le président George W. Bush.

Certes, cela pose un sérieux problème aux Américains. Peu après son élection, le président Barack Obama avait promis de fermer la prison de Guantánamo d'ici un an. L'ennui, c'est qu'il a fait cette promesse sans en prévoir l'exécution.

Selon un récent sondage Gallup, les Américains sont fermement opposés à la fermeture de Guantánamo et au transfert de certains détenus dans les prisons des États-Unis. Près des deux tiers (65 %) de la population pensent que Guantánamo ne devrait pas être fermée. Les trois quarts (74 %) s'opposent à ce que l'on déplace les détenus dans une prison près de chez eux.

Jusqu'à présent, l'Union européenne a elle aussi refusé d'accueillir des prisonniers ouïghours à la demande des Américains. Ils arguent qu'ils ne devraient pas avoir à accepter des prisonniers que les Américains ne sont pas prêts à accueillir eux-mêmes. Voilà une position raisonnable que devrait suivre le Canada, spécialement à la lumière des récents commentaires formulés par Janet Napolitano, secrétaire à la Sécurité intérieure au sein du cabinet Obama.

Mme Napolitano reconnaît maintenant que les malfaiteurs des attentats terroristes du 11-Septembre ne sont pas venus du Canada. Néanmoins, la secrétaire insiste pour dire que «dans la mesure où les terroristes sont entrés dans notre pays à travers une frontière, il faut que ce soit par la frontière canadienne».

Évidemment, les Américains ne croient plus que les prisonniers ouïghours de Guantánamo sont une menace à leur sécurité. Pourquoi alors ne pas les accueillir chez eux? Le cas échéant, le Canada pourrait collaborer en aidant les Américains à régler un problème qui est devenu une préoccupation pour toute la communauté internationale, y compris pour beaucoup de Canadiens. Sinon, pourquoi irions-nous courir le risque d'accueillir ces gens alors qu'ils n'ont aucun lien avec notre pays?"
Source : http://www.ledevoir.com/2009/06/11/254425.html

Le Colorado dit oui aux détenus de Guantanamo

par Nicholas Riccardi, Los Angeles Times. Traduit par Courrier international, 11/6/2009
Que faire des 240 prisonniers toujours incarcérés dans le centre de détention situé sur l’île de Cuba ? La petite ville de Florence a peut-être la solution…

Comme beaucoup d’habitants de la paisible petite bourgade de Florence, dans le Colorado, Patty Liberty ne voit pas d’inconvénient à vivre dans la même ville que l’un des terroristes les plus célèbres du monde. Zacharias Moussaoui, surnommé le “20e pirate de l’air” pour son implication dans les attentats du 11 septembre 2001, est en effet incarcéré dans la prison de sécurité maximale située à la périphérie de la ville. Richard Reid, l’homme aux chaussures bourrées d’explosifs, et Ramzi Youssef, qui a participé à l’attentat contre le World Trade Center de 1993, y sont également détenus, ainsi que Theodore Kaczynski, plus connu sous le nom d’Unabomber.

“Il y a là des gens effroyables, mais on n’y pense même pas”, poursuit Patty, une femme de 36 ans mère de deux enfants qui travaille dans une station-service. Comment réagirait-elle si le gouvernement transférait les détenus du centre de détention de Guantanamo Bay dans la prison de haute sécurité de Florence, une initiative que les sénateurs du Colorado jugent trop risquée ? “Tant qu’ils les maintiennent là où ils doivent être…”, répond Patty avec un haussement d’épaules. La question qui fait le plus débat aujourd’hui à Washington est de savoir où transférer les dangereux terroristes de Guantanamo après la fermeture du camp promise par Obama pour janvier 2010. Le 20 mai dernier, le Sénat de Washington a rejeté à une très large majorité la demande de financement nécessaire à la fermeture, en faisant valoir qu’aucune localité américaine ne serait d’accord pour accueillir des suspects de terrorisme.

Sans doute ne connaissent-ils pas Florence. Il y a dix-sept ans, alors que cette petite ville de 3 600 habitants manquait cruellement d’emplois, la municipalité a fait l’acquisition d’un vaste terrain et en a fait don au gouvernement fédéral pour qu’il y construise une prison de sécurité maximale destinée à accueillir les criminels les plus dangereux.
La majorité des habitants ne manifestent aucune réticence à l’idée d’accueillir des détenus de Guantanamo, et même ceux qui protestent reconnaissent que leurs conversations de tous les jours continuent à tourner essentiellement autour de leurs troupeaux et de l’équipe de football du lycée. “Les gens s’en fichent”, commente Bob Wood, rédacteur en chef du journal local, le Florence Citizen. “Ils sont convaincus que, si on les envoie ici, [les gardiens] veilleront sur eux.”

Cela ne signifie pas pour autant que tout le monde soit indifférent à l’arrivée des détenus de Guantanamo. “Ils sont beaucoup plus malins et savent déjouer les systèmes de sécurité les plus élaborés”, observe Marilyn Snellstrom, agent immobilier. Mais c’est un point de vue minoritaire. “Il n’y a jamais eu d’évasions, ici, et ces types n’iront nulle part”, affirme Tom Piltingsrud, l’administrateur de la ville. “J’ai soulevé la question à notre dernière réunion du Rotary Club et personne ne s’est dit inquiet.”
Obama n’a pas précisé la destination prévue pour les 240 détenus de Guantanamo. Il a juste indiqué dernièrement que certains seraient remis en liberté, mais que les autres seraient maintenus en détention sans avoir été jugés. La prison de haute sécurité du Colorado a quasiment atteint ses capacités d’accueil : sur ses 490 places, elle n’en a plus qu’une de disponible. Pour qu’elle puisse accueillir les détenus de Guantanamo, il faudrait donc l’agrandir ou transférer certains de ses prisonniers actuels dans un autre pénitencier.

Pourtant, son nom est souvent cité comme une destination possible pour les détenus de Guantanamo. La sénatrice démocrate de Californie Dianne Feinstein l’a proposé le mois dernier, et le gouverneur du Colorado Bill Ritter Jr., lui aussi démocrate, en avait lancé l’idée en janvier. Les détenus placés sous régime de haute sécurité de la prison du Colorado ne sont autorisés à sortir de leur cellule qu’une heure par jour pour pratiquer des activités physiques. Ils sont complètement isolés des autres détenus. Aucun prisonnier ne s’est évadé de cet établissement depuis son ouverture en 1994, et deux ont été abattus lors d’un soulèvement qui a sensibilisé l’opinion au problème de la surpopulation carcérale, en avril 2008. La prison figure parmi la dizaine de pénitenciers construits dans les environs de Florence, au cœur d’une zone rurale située à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de la ville de Colorado Springs. Plusieurs prisons d’Etat et locales se dressent sur les collines environnantes.

La prison de sécurité maximale, qui se trouve à la sortie de la ville, non loin d’un terrain de golf, jouxte deux autres prisons fédérales d’un niveau de sécurité moindre et un camp à régime souple pour les délinquants non violents. La plupart des habitants ne pensent pas à ces pénitenciers. Pour eux, ils font partie du paysage, au même titre que l’entrée escarpée de la gorge de l’Arkansas qui se dresse à l’ouest. “Quand on entend une sirène, on pense à un accident avant de penser à une évasion de prisonnier”, indique Diana Winkler, qui travaille dans un magasin d’antiquités de la ville. De fait, les habitants de Florence considèrent que leur ville devrait être davantage connue pour sa vingtaine de magasins d’antiquités et ses édifices victoriens que pour ses pénitenciers. Si les détenus de Guantanamo sont transférés à la prison de sécurité maximale, ils craignent que Florence ne devienne un symbole international de l’oppression américaine. “On sera connus dans le monde entier”, observe Jerry Draper, un instituteur à la retraite. “Quel mal y a-t-il à laisser Guantanamo ouvert ?”

La région est conservatrice : lors de la dernière élection présidentielle, le comté de Fremont a voté à 63 % pour le sénateur républicain John McCain. “[Obama] n’est pas mon président”, m’a précisé Leland Jenkins, un propriétaire de ranch de 54 ans. Mais, comme d’autres habitants de la ville, il a tout de même convenu que, si le président menait à bien son projet de fermeture de Guantanamo, Florence serait un endroit adapté pour accueillir ses prisonniers. Faisant état de son patriotisme et de son attachement au 2e amendement [qui garantit aux citoyens le droit de détenir une arme], il a admis que les détenus seraient “beaucoup plus en sécurité dans cette prison que dans les rues de la ville”.

"Libération" d'un Tchadien et d'un Irakien

Deux détenus de Guantanamo, un jeune homme à la double nationalité tchadienne et saoudienne et un Irakien, ont été transférés respectivement vers le Tchad et vers l'Irak, a annoncé jeudi le ministère américain de la Justice.
Jawad Jabber Sadhkan a posé le pied en Irak dans la nuit de mercredi à jeudi, tandis que Mohammed al-Gharani est arrivé jeudi au Tchad, a précisé le ministère dans un communiqué.
Il s'agit des septième et huitième libérations du centre de détention le plus controversé du monde, ouvert en 2002 par George W. Bush, depuis l'arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche.
Arrêté à l'âge de 14 ans par les Américains, Mohammed al-Gharani avait été innocenté par un juge fédéral le 15 janvier après avoir passé sept ans à Guantanamo.
Le ministère ne donne aucune précision sur les conditions dans lesquelles M. Sadhkan a été déclaré libérable, laissant supposer qu'il s'agit du résultat du réexamen de son dossier par le groupe de travail intergouvernemental chargé de déterminer le sort des quelque 240 détenus encore enfermés.
Source : AFP / 12 juin 2009
Question à 1000 dollars : connaîtront-ils le même sort que le détenu libyen "suicidé" en prison en Libye ?

Dispatching

L'Empire dispatche ses bagnards. Ainsi, les 17 Ouïghours de Chine encore détenus à Guantánamo vont être expédiés, pour quatre d'entre eux, aux Bermudes, et pour les 17 autres, à Palau (Palaos), en plein Océan Pacifique (à 800 km à l'Est des Philippines), un territoire théoriquement indépendant des USA depuis 1994 mais toujours contrôlé par eux. Une manière comme une autre de diversifier les sources de revenus pour pays de 21 000 habitants qui vit de la pêche et du tourisme. Quant aux Bermudes, colonie britannique et paradis fiscal, elles inaugurent une nouvelle forme de pavillon de complaisance : le pavillon de complaisance pénitentiaire...Mais leur décision a fait grincer des dents à Londres, siège de la maison-mère:
Le gouvernement des Bermudes "aurait dû consulter" Londres avant de prendre la décision d'accueillir quatre Ouïghours détenus à Guantanamo, a indiqué un porte-parole du Foreign office jeudi à l'AFP.
"Nous avons indiqué au gouvernement des Bermudes qu'il aurait dû consulter le Royaume-Uni sur la question de savoir si cela entre dans leur domaine de compétence ou s'il s'agit d'une question sécuritaire pour laquelle le gouvernement des Bermudes n'a pas de délégation de responsabilité", a indiqué le ministère britannique des Affaires étrangères.
Les Bermudes sont un territoire britannique doté d'autonomie sur les affaires de politique intérieure, situé à l'est des côtes de Floride (sud-ouest des Etats-Unis).
Quatre des 17 Chinois ouïghours détenus à Guantanamo et blanchis de tout soupçon de terrorisme depuis des années ont rejoint jeudi les Bermudes, qui a accepté de les accueillir.
Les quatre Ouïghours pourront "être naturalisés" puis pourront quitter l'archipel, a affirmé le Premier ministre de ce territoire britannique, tout en précisant attendre encore le feu vert de Londres.
Source : AFP / 11 juin 2009
Ci-dessous un commentaire du site http://www.affaires-strategiques.info/
Pékin, Guantanamo et les Ouïgours
« La Chine exige que la partie américaine se conforme à ses obligations internationales sur l’antiterrorisme, bloque le transfert de ces suspects dans un quelconque pays tiers et les rapatrie en Chine », a déclaré aujourd’hui le ministère des Affaires étrangères chinois, en référence à la volonté de Washington d’envoyer dix-sept détenus chinois ouïgours, en prison à Guantanamo depuis 7 ans, dans les îles Palaos. Ce micro-Etat du Pacifique a en effet annoncé que les Ouïgours étaient les bienvenus, ce qui a quelque peu aidé les Etats-Unis. Ces derniers ne savent pas en effet où renvoyer ces Ouïgours, le Canada, l’Australie (entre autres) ayant refusé, et l’Allemagne ayant fait machine arrière.
Berlin ne veut pas contrarier Pékin qui considère les dix-sept Ouïgours comme des terroristes présumés pour leur appartenance au « Mouvement islamique du Turkestan oriental, classé comme groupe terroriste par le Conseil de sécurité des Nations unies ».La solution américaine a par ailleurs été qualifiée de « demi-mesure temporaire » par Amnesty International, de même que la communauté ouïgour de Washington s’est inquiétée du déracinement linguistique et culturel que représenterait cette solution pour des gens originaires du Xinjiang, une région du nord-ouest de la Chine désertique et montagneuse, peuplée de quelque huit millions d’Ouïgours. Reste à voir si les pressions de Pékin suffiront à résoudre ce casse-tête diplomatique qui rend difficile la tâche de l’Administration d’Obama sur Guantanamo.
Et voici la réaction d'Amnesty International
Guantánamo. La proposition des Palaos d’accueillir des détenus n’exonère pas les États-Unis de leur responsabilité
Les informations selon lesquelles le gouvernement des Palaos a proposé d’accueillir provisoirement jusqu’à 17 détenus de Guantánamo laissent bien des questions en suspens. Si l’offre est acceptée, cela n’exonérera pas les autorités américaines de leur responsabilité envers ces hommes, a déclaré Amnesty International ce mercredi 10 juin 2009.
Le président des Palaos, Johnson Toribiong, a affirmé ce 10 juin que cet État des îles du Pacifique avait accepté de faire « un geste humanitaire » et d’accueillir à titre provisoire 17 Ouïghours détenus sans inculpation ni jugement à Guantánamo depuis 2002. Leur situation ferait l’objet d’un examen périodique. Un représentant de l’État américain aurait indiqué peu après sous couvert d’anonymat : « Aucune décision définitive [n’a été prise], ni aucun détail discuté. Nous allons poursuivre les discussions avec les Palaos. »
« Bien qu’Amnesty International invite les autres pays du globe à accorder une protection humanitaire aux prisonniers de Guantánamo, cette annonce soulève plus de questions qu’elle n’en résout et n’exonère en aucun cas les autorités américaines de leur responsabilité envers ces hommes », a affirmé ce 10 juin 2009 Daniel Gorevan, responsable de la campagne d’Amnesty International Contre le terrorisme : la justice.
On ignore si l’offre des Palaos prévoit le placement en détention de ces hommes à leur arrivée sur l’île.
On ignore également si les souhaits des détenus ont été pris en compte dans cette décision, si les États-Unis ont adopté les mesures nécessaires pour faciliter le regroupement familial et si ces hommes seront soutenus dans leur adaptation à une nouvelle vie dans un pays très différent du leur, en prenant en compte leurs besoins particuliers après plusieurs années de détention illimitée.
« Le fait que cette proposition soit provisoire soulève aussi des questions graves. Après avoir passé plus de sept ans à Guantánamo dans une situation de non-droit, ces hommes ont besoin d’autre chose que de demi-mesures temporaires. Ils ont besoin d’une solution permanente et durable – et sont en droit de l’attendre », a fait valoir Daniel Gorevan.
Les États-Unis ont initié les détentions à Guantánamo et, de ce fait, portent la responsabilité première d’y mettre un terme, dans le respect de leurs obligations internationales. Néanmoins, Amnesty International demande depuis longtemps aux autres États du globe de leur prêter main forte en accueillant des prisonniers qui ne peuvent pas rentrer dans leur pays. Bien des États refusent, invoquant la propre réticence des États-Unis à admettre ces détenus sur le territoire américain.
Complément d’information Les 17 Ouïghours sont maintenus en détention sans inculpation ni jugement à Guantánamo depuis 2002 et demeurent en détention illimitée à la base, alors qu’il y a plus de huit mois un juge fédéral américain a conclu à l’illégalité de leur détention et ordonné leur libération immédiate aux États-Unis. Les autorités américaines ont fait appel et eu gain de cause – l’affaire repose désormais entre les mains de la Cour suprême. Elles maintiennent ces hommes en détention, faisant valoir qu’il appartient aux branches politiques du gouvernement de décider qui doit être relâché sur le sol américain.
Si l’annonce du président Toribiong laisse planer le doute quant à la pertinence du transfert provisoire des 17 Ouïghours aux Palaos, il est certain que leur libération de Guantánamo s’impose de longue date. Tous ont reçu le feu vert pour être libérés à divers moments entre 2003 et 2008, mais aucun pays n’était disposé à les accueillir. Bien que leur remise en liberté sur le sol américain ait été ordonnée par la justice en octobre 2008, les autorités américaines n’ont pas assumé leur responsabilité en leur permettant de reconstruire leur vie sur le continent et n’ont cessé de chercher d’autres pays prêts à l’endosser. En 2006, l’Albanie a accueilli cinq autres Ouïghours détenus à Guantánamo.
Les 17 hommes concernés viennent de la région autonome ouïghoure du Xinjiang, en Chine. Ils ne peuvent retourner en Chine, où ils risquent d’être torturés ou exécutés. Le gouvernement de George Bush avait fait savoir qu’il avait demandé à plus de 100 pays d’accueillir ces prisonniers, essuyant autant de refus.

mercredi 10 juin 2009

Ahmed Ghailani plaide non coupable

par Richard Hétu, La Presse (Canada), 10/6/2009


(New York) Pour sa première comparution devant un tribunal de droit commun, Ahmed Ghailani ne portait pas de menottes aux poignets ni aux pieds, contrairement à la plupart des accusés. Mais le premier détenu de Guantánamo à avoir jamais été transféré aux États-Unis se trouvait sous bonne escorte: pas moins de 10 «Marshalls» surveillaient ses moindres gestes dans la salle d'audience de la juge Loretta Preska, de la Cour fédérale de New York, hier après-midi.

«Avez-vous lu l'acte d'accusation?» a demandé la magistrate au Tanzanien d'origine, qui fait face à 286 chefs d'inculpation, dont celui de conspiration avec Oussama ben Laden et d'autres membres d'Al-Qaeda en vue de tuer des Américains.

«Non», a répondu Ghailani, qui est également accusé du meurtre de chacune des 224 personnes tuées lors des attentats contre les ambassades des États-Unis au Kenya et en Tanzanie, le 7 août 1998.

«Votre avocat vous a-t-il expliqué ce que contenait l'acte d'accusation ?


- Oui.

- Et comment plaidez-vous ?

- Non coupable», a répondu en anglais l'accusé, vêtu d'un uniforme de prisonnier bleu et arborant une barbichette.

Ainsi a débuté le procès d'Ahmed Ghailani, qui s'inscrit dans le cadre des efforts de Barack Obama pour fermer le centre de détention de Guantánamo. Faisant fi de l'opposition des républicains, et d'une partie de la population américaine, le président démocrate entend transférer plusieurs autres détenus de la prison controversée vers les États-Unis, où certains d'entre eux seront traduits devant la justice civile.

«Le ministère de la Justice a maintes fois par le passé détenu et jugé avec succès des suspects de terrorisme», a rappelé le ministre de la Justice, Eric Holder, en annonçant le transfert de Ghailani, qui est arrivé tôt hier matin dans une prison de New York.

Controverse

Les républicains n'ont pas tardé à critiquer ce transfert. «C'est le premier pas dans le plan des démocrates pour importer des terroristes aux États-Unis», a déclaré John Boehner, chef de la minorité républicaine à la Chambre des représentants.

Malgré la controverse à Washington autour du sort des détenus de Guantánamo, c'était le calme plat à l'extérieur de l'édifice du sud de Manhattan où Ahmed Ghailani a comparu. À part quelques cars de reportage, rien n'indiquait que s'ouvrait à l'intérieur un chapitre controversé de la présidence de Barack Obama.

Il faut dire que New York a été le théâtre de plusieurs procès importants de terroristes, dont celui de l'ex-Montréalais Ahmed Ressam, reconnu coupable d'avoir planifié un attentat à l'aéroport de Los Angeles.

Âgé de 34 ans, Ghailani a été arrêté au Pakistan en 2004. Il a transité par une des prisons secrètes de la CIA, où plusieurs membres d'Al-Qaeda ont été torturés avant d'aboutir, en septembre 2006, à Guantánamo.

Selon l'acte d'accusation, Ghailani a notamment participé à l'achat et au chargement des réservoirs des produits chimiques et des caisses d'explosifs utilisés dans l'attentat contre l'ambassade des États-Unis à Dar es-Salaam. Il ne sera pas le premier suspect de terrorisme à être jugé aux États-Unis depuis le 11 septembre 2001. Il sera cependant le premier à être traduit devant la justice civile après être passé devant les tribunaux militaires d'exception de Guantánamo.

Deux de ses avocats militaires étaient d'ailleurs présents parmi les spectateurs hier. Ahmed Ghailani, qui risque la peine de mort, leur a adressé un sourire avant de retourner dans sa nouvelle prison, où l'un des détenus est nul autre que le financier déchu Bernard Madoff.


D'autres transferts en préparation

Blanchis depuis des années de toute accusation de terrorisme, 17 Chinois ouïgours pourraient bientôt quitter la prison de Guantánamo.

Le gouvernement américain a reconnu être en train de négocier le transfert de ces musulmans vers Palau, un petit État du Pacifique. L'administration a également ouvert des pourparlers sur cette question avec l'Allemagne et l'Autriche. Contrairement au Canada, qui a refusé de recevoir certains de ces hommes, les deux pays européens réfléchissent encore.

L'administration serait également sur le point de libérer trois autres détenus de Guantánamo, de nationalités tchadienne et saoudienne, dont Mohammed al-Gharani, arrêté à l'âge de 14 ans et innocenté en janvier après avoir passé sept ans à Guantánamo.

Il reste 240 détenus à Guantánamo, dont une cinquantaine sont considérés libérables. Les autres devraient être inculpés ou détenus au États-Unis.

mardi 9 juin 2009

Lakhdar Boumediene, matricule 10 005, sept ans d’ enfer à Guantanamo

Un grand reportage de Véronique Gaymard sur RFI, 9/6/2009
Lakhdar Boumediene, ancien détenu à Guantanamo qui a passé plus de sept ans dans le camp américain sur l’île de Cuba, est arrivé en France le 15 mai dernier. Bien qu'innocent, ce n’est qu’en novembre 2008 qu’un juge fédéral américain a exigé sa libération et celle de quatre autres Algériens de Bosnie. Il livre son témoignage à RFI.
Écouter le reportage ici

Ahmed Ghailani transféré de Guantánamo à New York

WASHINGTON - Ahmed Khalfan Ghailani, militant présumé d'Al Qaïda accusé d'implication dans les attentats de 1998 contre les ambassades US au Kenya et en Tanzanie, a été transféré mardi de la prison de Guantanamo à New York, où il comparaîtra devant un tribunal, annonce le département de la Justice.

Ghailani est le premier détenu de Guantanamo à être traduit devant la justice civile. Il sera présenté dans la journée à un tribunal fédéral de Manhattan, a précisé le ministère.
Cette comparution découle de la décision du président Barack Obama de fermer d'ici un an le centre de détention créé par l'administration Bush sur la base navale US située à la pointe est de Cuba.
Ghailani est arrivé à New York escorté par des "Marshals", un corps de police fédérale.
De nationalité tanzanienne, il fait partie d'un groupe de 14 "détenus de grande valeur" transférés à Guantanamo en septembre 2006 à partir de prisons secrètes de la CIA.
Le prévenu devra répondre de 286 chefs d'accusation, dont celui de conspiration avec Oussama ben Laden et d'autres membres d'Al Qaïda en vue de tuer des Usaméricains.
Il est également accusé du meurtre de chacun des 224 personnes tuées lors des attentats contre les ambassades des Etats-Unis à Nairobi et Dar es Salaam le 7 août 1998.
L'attentat de Tanzanie avait fait 11 morts, celui du Kenya 213 morts. On accuse notamment Ghailani d'avoir participé à l'achat et au chargement des réservoirs de produits chimiques et des caisses d'explosifs utilisés à Dar es Salaam.
Selon les minutes d'une audience en 2007 à Guantanamo, il avait reconnu avoir livré ces produits et présenté ses excuses, assurant ne pas avoir su qu'ils serviraient à un attentat.
L'éventuelle présence sur le sol US d'ex-détenus de Guantanamo a suscité des critiques du camp républicain, pour qui ils constitueraient une menace pour la sécurité nationale.
Dans un communiqué, le ministre de la Justice Eric Holder a souligné que son département avait une longue expérience de gestion de la détention et des procédures judiciaires en matière de terrorisme qu'il mettrait à profit pour obtenir la justice dans ce dossier.
Source : Reuters, 9/6/2009

lundi 1 juin 2009

Kaboul veut rapatrier Mohammad Jawad, emprisonné à Guantanamo depuis l'âge de 12 ans

L'Afghanistan a demandé aux Etats-Unis le rapatriement d'un Afghan de 19 ans, envoyé à l'âge de 12 ans à la prison de Guantanamo (Cuba), selon un procureur de l'Etat afghan, tandis que des avocats ont affirmé qu'il avait été torturé dans la prison américaine.
Alors âgé de 12 ans, Mohammad Jawad avait été arrêté par la police afghane en décembre 2002 pour avoir lancé une grenade qui avait blessé deux soldats américains. Il avait ensuite été livré à l'armée américaine et transféré début 2003 à Guantanamo où il est toujours.
«Il n'y a aucun doute que Jawad a été torturé pendant qu'il était aux mains du gouvernement américain pendant les sept dernières années», a lancé son avocat, Eric Montalvo, un commandant du corps des Marines américains désigné par le département américain de la Défense.
«Nous avons envoyé une lettre officielle à l'ambassade américaine (à Kaboul, ndlr) demandant le rapatriement le plus rapide possible de Mohammad Jawad», a déclaré le procureur de l'Etat afghan Sayed Sharif Sharif, au cours de la même conférence de presse.
«Nous attendons du gouvernement américain qu'il laisse rentrer Jawad sans délai», a ajouté M. Sharif, pour qui la détention du jeune homme est «totalement illégale».
Une fois rentré, Mohammad Jawad sera interrogé par les autorités afghanes, selon la même source. «Il est probablement innocent et il sera libéré», a dit M. Sharif.
Par ailleurs, l'Association du barreau d'Afghanistan, qui a appelé lundi les présidents afghan Hamid Karzaï et américain Barack Obama à libérer le jeune homme, a elle aussi accusé l'armée américaine de tortures.
Source : AFP, 1/6/2009
Emprisonné à 12 ans
Mohammad Jawad, un Afghan envoyé début 2003 à la prison de Guantanamo à l'âge de 12 ans sous l'accusation d'avoir lancé une grenade qui a blessé des soldats américains à Kaboul, s'y trouve toujours, a annoncé mardi à l'AFP son avocat américain, qui demande son retour au pays.
"Nous allons faire tout ce que nous pouvons pour le libérer de sa cage (...) et le faire revenir en Afghanistan, ce qui aurait dû être fait depuis longtemps", a expliqué à Kaboul le commandant du corps des Marines américains Eric Montalvo, désigné comme son avocat par le département américain de la Défense.
Aujourd'hui âgé de 19 ans, le jeune homme "est dans un mauvais état mental", souligne l'officier, qui le rencontre chaque mois.
"Cela fait presque sept années qu'il est incarcéré. Il a tenté de se suicider en 2003. C'est une situation très difficile, mais il garde espoir et c'est ce qui le fait tenir", ajoute l'avocat.
L'avocat dénonce notamment "les mauvais traitements et la torture infligés à un jeune homme qui a passé son adolescence en prison".
Les deux défenseurs américains de Mohamed Jawad, M. Montalvo et le capitaine Christopher Kannady, ont présenté lundi une requête devant la Cour suprême afghane lui demandant de reconnaître l'illégalité de l'extradition vers Guantanamo "d'un enfant afghan accusé à tort", indique un communiqué qu'ils ont publié avec la Commission afghane indépendante des droits de l'Homme.
"Nous le pensons innocent. Nous allons démontrer cela avec le procureur général afghan" au cours de la procédure, a précisé M. Montalvo, qui dit avoir "le soutien total" du ministre afghan de la Défense, le général Abdul Rahim Wardak.
Selon le communiqué, Mohammad Jawad a été arrêté en décembre 2002, accusé d'avoir lancé une grenade sur une patrouille américaine qui a blessé deux soldats et leur interprète afghan.
Après un séjour dans les prisons afghanes fait de "mauvais traitements et torture" alors qu'il était âgé d'"environ 12 ans à l'époque", il avait été remis à l'armée américaine qui "l'avait transféré unilatéralement en février 2003 de la base de Bagram (la plus grande base américaine en Afghanistan, ndlr) à Guantanamo, où il se trouve depuis", poursuit le document.
"M. Jawad a été continuellement privé des conditions de détention appropriées à son âge ou de toute opportunité de réhabilitation", comme l'exige la Convention des droits de l'Enfant "dont les Etats-Unis et l'Afghanistan sont signataires", dénonce le communiqué.
"La Commission afghane indépendante des droits de l'Homme mène elle-même une enquête" et a réclamé le soutien du gouvernement afghan, ajoute le document.
L'armée américaine a longtemps détenu à Guantanamo des prisonniers sans jugement pour une durée illimitée au nom de la "guerre contre le terrorisme".
Une fois sortis, des prisonniers ont raconté avoir subi de multiples mauvais traitements, voire de la torture mentale ou physique.
Depuis juin 2008, les détenus de Guantanamo peuvent contester leur emprisonnement devant la justice de droit commun, et le président américain Barack Obama, élu en novembre dernier, s'est engagé à libérer les prisonniers que la justice aurait déclaré illégalement détenus.
En juillet 2002, un Canadien de 15 ans, Omar Khadr, avait été arrêté en Afghanistan, soupçonné d'avoir lancé une grenade qui a tué un soldat américain, puis transféré en octobre 2002 à Guantanamo, où il se trouve depuis.
La justice canadienne a ordonné son rapatriement en avril mais le gouvernement canadien a fait appel de cette décision.
Source : AFP, 26/5/2009