mercredi 12 septembre 2012

Suicide à Guantanamo du détenu numéro 156, le 9e mort en dix ans


LE MONDE | 

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Photo d'Adnan Fahran Abdul Latif, fournie par son avocat.
Les autorités militaires ont choisi le 11 septembre, 11e anniversaire des attentats de 2001 aux Etats-Unis, pour annoncer la mort du détenu numéro 156 de Guantanamo. Le décès lui-même remonte à samedi 8 septembre. Le détenu a été trouvé inconscient dans sa cellule du Camp 5, le quartier de haute sécurité, a indiqué le Pentagone, sans autre précision. Occupés à la commémoration des attentats contre le World Trade Center, les médias ont à peine évoqué cette neuvième mort en dix ans à "Gitmo" (Guantanamo), un trou noir juridique largement sorti de la conscience collective.
Le numéro 156 s'appelait Adnan Fahran Abdul Latif. Il avait une trentaine d'années (32 ans, selon le Pentagone, 35 ou 36 ans, selon son avocat) et était arrivé parmi les premiers à Guantanamo en janvier 2002. Il faisait partie des détenus contre lesquels aucune charge n'a jamais été retenue et que l'armée avait jugés sans danger depuis des années. Il devait être renvoyé depuis 2006 au Yémen, son pays d'origine, mais restait détenu, comme 55 de ses compatriotes. Les rapatriements ont été suspendus après la tentative d'attentat de décembre 2009 qui a vu le Nigérian Umar Farouk Abdulmutallab, formé au Yémen, tenter de faire sauter en vol un avion à destination de Detroit.
Le Camp 6 de la prison américaine de Guantanamo, fin 2008.
Adnan Fahran Abdul Latif avait un avocat bénévole, David Remes. Interrogé par l'agence Associated Press, celui-ci a décrit son client comme un rebelle n'ayant"jamais accepté sa situation". Les autorités militaires l'ont dit atteint de troubles mentaux. Dans la communauté des juristes et défenseurs des droits de l'homme qui se préoccupent du sort des 167 hommes qui restent emprisonnés à Guantanamo, il était connu comme un détenu continuellement en grève de la faim, nourri de force et qui avait tenté plusieurs fois de se suicider. Au moment de sa mort, il était au quartier disciplinaire pour avoir lancé un cocktail de "fluides corporels" sur les gardiens. "Il lui était arrivé d'avaler des vis, a indiqué son avocat. Des sacs de plastique." Pendant une visite, l'avocat lui-même avait été aspergé de sang par le détenu.
"VENDU" PAR LES PAKISTANAIS
Le Yéménite avait été capturé fin 2001 au Pakistan. Il avait affirmé y être allé se faire soigner, après une blessure à la tête due à un accident de voiture en 1994. Il espérait y trouver une ONG dispensant des soins gratuits. Ses avocats pensent qu'il a été "vendu" par les Pakistanais aux Américains en échange d'une récompense, comme beaucoup d'autres étrangers. En 2010, il s'était adressé à la justice américaine, pour obtenir la confirmation de la décision de l'administration de le libérer. Un juge fédéral avait estimé que les preuves de son implication avec Al-Qaida étaient insuffisantes et ordonné sa remise en liberté. Mais l'administration Obama avait fait appel et, en juin 2012, la Cour suprême avait refusé de se saisir du dossier, plongeant les défenseurs des droits de l'homme dans la désolation.
Adnan Fahran Abdul Latif était "fragile et tourmenté", a estimé son défenseur."Mais quelle que soit la façon dont vous regardez les choses, il est évident que c'est Guantanamo qui l'a tué." Latif composait des poèmes. Comme celui qu'il écrivit en 2010 dans une lettre en arabe : "En finir est une miséricorde pour cette âme."

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