Appel du Collectif guantánamo - janvier 2003
dimanche 5 janvier 2025
Guantánamo: premier camp de concentration off shore de l’Empire!
Appel du Collectif guantánamo - janvier 2003
jeudi 2 janvier 2025
ANDY WORTHINGTON
Le “fantôme” de Guantánamo est “libéré” : Ridah Al Yazidi, jamais inculpé, détenu depuis le premier jour et dont la libération avait été approuvée il y a 15 ans
Andy Worthington, 31/12/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Andy Worthington est un historien, journaliste d'investigation et réalisateur britannique, auteur de nombreux documents sur le camp de Guantanamo, à commencer par son livre The Guantanamo Files: The Stories of the 774 Detainees in America's Illegal Prison (Pluto Press, 2007)
Une photo proprement fantomatique de Ridah Al-Yazidi (ISN 038), le prisonnier tunisien de Guantánamo qui vient d'être rapatrié, après près de 23 ans passés à Guantánamo et 15 ans depuis que sa libération a été approuvée. Seule photo connue d'Al Yazidi, il s'agit d'une photocopie par l'armée usaméricaine d'une photo de lui, prise quelque temps après son arrivée à Guantánamo, qui figurait dans son dossier militaire classifié, publié par WikiLeaks en avril 2011.
Le Pentagone a annoncé qu'il avait rapatrié de Guantánamo Ridah Al Yazidi, 59 ans, un prisonnier tunisien détenu sans inculpation ni jugement depuis le tout premier jour d'ouverture de la prison, il y a près de 23 ans, le 11 janvier 2002.
Bien qu'il soit presque totalement inconnu du monde extérieur, en raison du manque d'intérêt persistant des médias grand public pour les enquêtes sur l'illégalité banale d'une grande partie des opérations de la prison, le cas d'Al Yazidi est l'un des cas les plus remarquables d'injustice banale à Guantánamo.
Avec deux autres hommes toujours détenus, il avait été autorisé à être relâché il y a 15 ans, à l'issue des délibérations de la très médiatisée Guantánamo Review Task Force, composée de fonctionnaires issus de différents ministères et des agences de renseignement, qui s'est réunie une fois par semaine tout au long de l'année 2009 pour décider administrativement du sort des 240 prisonniers que le président Obama avait hérités de George W. Bush.
156 de ces hommes ont été recommandés pour la libération lorsque le rapport de la Task Force a été publié le 22 janvier 2010, mais, bien qu'Obama ait finalement libéré 153 d'entre eux au cours de ses huit années de mandat, Al Yazidi et les deux autres hommes encore détenus - Taouffiq Al Bihani, un Yéménite, et Mouyin Abd Al Sattar, un prisonnier encore plus mystérieux, qui est un musulman Rohingya apparemment apatride - ont été maintenus dans le camp.
Bien que l'on sache peu de choses sur Al Yazidi, il semble, d'après les évaluations des services de renseignement à Guantánamo, qu'il a quitté la Tunisie pour l'Italie en 1986, à l'âge de 21 ans, où il a exercé divers emplois subalternes et a été arrêté à deux reprises pour trafic de stupéfiants. En 1999, après avoir été brièvement emprisonné, il s'est rendu en Afghanistan, où il a manifestement fini par devenir un petit soldat pour les talibans dans leur guerre civile inter-musulmane avec l'Alliance du Nord, comme tant d'autres hommes détenus à Guantánamo.
Les seuls mots qu'il ait jamais prononcés et qui aient été rapportés au monde extérieur l'ont été après que l'administration Bush a mis en place des examens superficiels des cas de ces hommes en 2004 - les tribunaux d'examen du statut de combattant (Combatant Status Review Tribunals, CSRT), des processus d'examen fondamentalement anarchiques qui s'appuyaient sur des preuves classifiées qui n'étaient pas divulguées aux prisonniers, et pour lesquels ils n'avaient pas le droit d'être représentés par un avocat.
Lors de son audition, comme je l'ai expliqué dans un article sur lui et les deux autres « éternels prisonniers » dont la libération a été approuvée en février de cette année, « il a été allégué qu'il s'était rendu en Afghanistan depuis l'Italie en 1999, qu'il avait fréquenté le camp d'entraînement de Khaldan [un camp indépendant non affilié à Al Qaïda] et qu'il avait combattu sur les lignes de front des talibans en 2001 ». En réponse, il a « déclaré qu'il n'avait pas participé à des combats importants pendant toute la période où il était sur les lignes de front », mais, comme la plupart des hommes dont les cas ont été examinés, il a été considéré comme un « combattant ennemi » qui pouvait continuer à être détenu pour une durée indéterminée.
Comme je l'ai également expliqué, « son dossier militaire classifié, datant de juin 2007 et publié par WikiLeaks en 2011, recommandait son maintien en détention, mais comme je l'ai découvert pour un article en juin 2012, un processus d'examen ultérieur de l'ère Bush, les Administrative Review Boards (ARB), un successeur des CSRT, a recommandé sa libération le 19 novembre 2007. Cependant, lorsqu’Obama est entré en fonction, toutes les recommandations de libération de George W. Bush, concernant au moins 40 hommes, ont été abandonnées et remplacées par les recommandations de la Guantánamo Review Task Force.
La longue incarcération d'Al Yazidi depuis que sa libération a été approuvée peut s'expliquer - mais non se justifier - par les difficultés rencontrées par les administrations Obama et Biden dans les négociations avec son gouvernement d'origine, mais aussi par son propre refus de traiter avec les autorités de Guantánamo, pour lesquelles il n'existe aucun mécanisme permettant d'empêcher les prisonniers de disparaître dans un « trou noir » juridique ou même existentiel.
Lorsque la Cour suprême a statué, en juin 2004, que les prisonniers avaient des droits en matière d'habeas corpus, permettant enfin aux avocats de commencer à les représenter, Brent Rushforth a été chargé de le représenter, mais en 2015, lorsque Carol Rosenberg, qui travaillait alors au Miami Herald, a écrit un article sur les hommes du premier vol à Guantánamo et s'est entretenue avec Rushforth, celui-ci lui a dit qu'il n'avait « rencontré Al Yazidi qu'une seule fois en 2008 » et que, depuis lors, il avait « refusé les appels et les invitations à d'autres rencontres ».
En décembre 2016, comme je l'ai expliqué ici, Charlie Savage du New York Times a rapporté que des fonctionnaires lui avaient dit que l'administration Obama était « réticente à rapatrier » Al Yazidi, et deux autres hommes, « pour des raisons liées à leurs pays d'origine », mais tous les efforts pour trouver un pays tiers pour sa réinstallation ont été contrecarrés en raison de son refus de dialoguer avec qui que ce soit.
Carol Rosenberg, qui travaille actuellement au New York Times, a parlé à Ian Moss, qui a passé dix ans au département d'État à organiser des transferts de prisonniers et de détenus, et qui a confirmé qu'il n'était pas parti plus tôt parce que la Tunisie avait été jugée trop dangereuse ou n'avait pas voulu l'accueillir, et qu'il n'était pas disposé à chercher d'autres pays qui auraient pu le réinstaller.
Comme l'a également expliqué Moss, « il aurait pu partir depuis longtemps si la Tunisie n'avait pas traîné les pieds ».
Ce que l'on ignorait jusqu'à sa libération, c'est que l'administration Biden négociait son rapatriement depuis un certain temps. Le communiqué de presse du Pentagone révèle que le secrétaire à la défense, Lloyd Austin, « a notifié au Congrès son intention de soutenir ce rapatriement » il y a près d'un an, le 31 janvier 2024, satisfaisant ainsi à une exigence irritante de la législation usaméricaine, introduite par les républicains, selon laquelle le Congrès doit être informé 30 jours avant la libération de tout prisonnier de Guantánamo.
Le Pentagone a également expliqué que, « en consultation avec notre partenaire en Tunisie, nous avons rempli les conditions d'un transfert responsable » avant sa libération, bien que, comme c'est toujours le cas avec les libérations de Guantánamo, les détails des arrangements avec les gouvernements d'origine - ou les gouvernements d'accueil dans le cas d'hommes qui ne peuvent pas, pour diverses raisons, être rapatriés, et qui sont réinstallés dans des pays tiers - sont classifiés, et ne contiennent aucun mécanisme visible pour garantir un traitement humain de la part des gouvernements d'accueil. Étant donné qu'une grande partie de l'histoire d'Al Yazidi est entourée de mystère, on ne sait même pas publiquement s'il a des membres de sa famille survivants en Tunisie qui pourront l'aider à reconstruire sa vie après cette longue épreuve.
Avec la libération d'Al Yazidi, 26 hommes sont encore détenus à Guantánamo, dont 14 ont été autorisés à être libérés - 12 entre octobre 2020 et septembre 2022, plus les deux compagnons d'Al Yazidi, « prisonniers à vie » à long terme. Parmi ces deux hommes, la longue détention de Taoufik Al Bihani reste inexplicable, car il devait prendre un vol pour l'Arabie saoudite avec d'autres prisonniers dont la libération a été approuvée en avril 2016, mais il a été empêché de monter à bord de l'avion à la dernière minute, sans qu'aucune explication n'ait jamais été fournie.
Pour Mouyin Abd Al-Sattar, son statut de fantôme est encore plus prononcé que celui de Ridah Al Yazidi, car non seulement sa nationalité est incertaine, mais il n'a même jamais été représenté par un avocat.
À 20 jours de l'entrée de Donald Trump à la Maison Blanche, je ne peux même pas commencer à exprimer à quel point il est important que l'administration Biden ait mis en place des dispositions pour la libération de ces 14 hommes, dont la plupart ont besoin d'être réinstallés dans des pays tiers, parce qu'ils sont en grande partie yéménites, et que les républicains ont, depuis de nombreuses années, inclus des dispositions dans le projet de loi annuel sur les dépenses de défense, interdisant le rapatriement de prisonniers vers certains pays interdits, dont le Yémen.
Mouyin Abd Al-Sattar sera-t-il libéré ou restera-t-il, comme Ridah Al Yazidi jusqu'à hier, un « fantôme » dont la présence démontre, de manière trop convaincante, comment, avec tous ses autres crimes, Guantánamo est, et a toujours été capable de faire disparaître entièrement des personnes, comme les recoins humides d'un effroyable donjon médiéval ?
NdT
En 2005, Ridah Al Yazidi avait été condamné par contumacepar un tribunal militaire tunisien à 20 ans de prison , assortie de la privation des droits civils et de 5 ans de contrôle administratif.
➤Pour une chronique de l'odyssée des 12 Tunisiens détenus à Guantanamo, voir ici
jeudi 18 janvier 2018
Forty-One Hearts Are Still Beating in Guantanamo
jeudi 16 février 2017
Khalid Cheikh Mohamed: les USA devraient revendiquer l'attentat du 11 Septembre
Khalid Sheik Mohammed's letter to Obama
Alleged mastermind tells Obama 9/11 was America’s fault
By Carol Rosenberg, Miami Herald, Feb. 8, 2017
Khalid Sheik Mohammed, accused Sept. 11 attacks mastermind
Read more here: http://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/guantanamo/article131466294.html#storylink=cpy
Case of Captive in Yemen Could Test Trump’s Guantánamo Pledge
Ils étaient de l'autre côté du grillage à Guantanamo
Andreas Schuller, avocat en droit international, inscrit au barreau de Berlin, travaille au sein de l'European Center for constitutional and human rights (ECCHR), un centre dans lequel se retrouvent des juristes spécialistes pour la plupart en droit pénal international et très sensibilisés à la question du respect des droits de l’homme. Il y a deux ans, il m’a invité dans leurs locaux en Allemagne. Ce jour-là, il m’a présenté le fondateur de l’ECCHR, Wolfgang Kaleck, qui m’a expliqué comment depuis plusieurs années ils nous soutenaient, mes avocats, William Bourdon et Apolline Cagnat, et moi, dans notre combat judiciaire pour faire la lumière sur le traitement qui nous avait été réservé à Guantánamo. Depuis 2004, l’ECCHR a par exemple engagé des procédures pénales contre des militaires américains, notamment contre l’ancien secrétaire à la Défense américain Donald Rumsfeld.
«Des experts des Etats-Unis», me disait-il. En fait, il s’agissait de hauts responsables américains. L’occasion pour moi, pour la première fois de ma vie, de me confronter aux responsables de ce piège dans lequel je suis tombé (lire portrait dans Libération), de comprendre leur point de vue, de saisir ce qui les a menés à mettre en place cette justice d’exception, cette machine infernale des «techniques d’interrogatoires musclées», cet arbitraire qui consistait à nous décrire comme les ennemis de l’Amérique «les pires des pires» ou «les terroristes qui occupaient hier l’Afghanistan, [et] croupissent aujourd’hui à Guantánamo», disaient dès janvier 2002 l’ancien président des Etats-Unis George Bush. Je suis impatient de les entendre et curieux de savoir ce qu’ils pensent aujourd’hui. Bref l’occasion de comprendre cette grande histoire dans laquelle la nôtre, beaucoup plus petite, s’est noyée.
C’est donc à Paris, le 26 janvier dans la soirée, dans la grande salle de l’Eléphant Paname, dans le IIe arrondissement, que nous nous sommes retrouvés. La conférence sur «l’expérience américaine, l’outrepassement de la loi dans la lutte antiterroriste» organisée par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), la Ligue des droits de l’homme (LDH), le ECCHR et le CCR (Center of Constitutionnal Rights) allait permettre de nous confronter à quatre «officiels» venus des Etats-Unis et appartenant au monde politique et militaire. Il y avait du beau monde. Costards-cravates et tenues chics, côte à côte, ils nous font face. Je m’assois au premier rang pour les écouter. Je ne veux pas en perdre une miette, rassuré de voir que leurs propos seront traduits en simultané. Le casque sur les oreilles, je me plonge dans les coulisses du tournage de ce film dont j’étais l’un des personnages et dont les scénaristes, assis en face de moi aujourd’hui, étaient les seuls maîtres de mon destin.
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lundi 30 janvier 2017
Inquiétude sur le retour de la torture aux USA
vendredi 27 janvier 2017
Guantanamo: énième report dans la procédure contre les accusés du 11-Septembre
Alors qu'avocats, magistrats, journalistes, observateurs avaient fait le chemin jusqu'à Guantanamo pour une session de deux semaines, le juge James Pohl a dû annoncer le report des audiences, l'un des avocats de la défense ne pouvant y assister du fait d'un poignet cassé.
La procédure contre les cinq accusés du 11-Septembre suscite un regain d'intérêt après l'arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump, qui a affirmé qu'il n'hésiterait pas à reprendre les méthodes controversées de l'administration de Georges W. Bush face aux extrémistes.
Selon des journaux américains mercredi, le nouveau président américain s'apprête à révoquer des décrets signés par son prédécesseur Barack Obama en janvier 2009 qui ordonnaient la fermeture du centre de détention de Guantanamo et des prisons de la CIA en dehors du pays. Ils avaient aussi mis fin aux techniques d'interrogatoires assimilées à de la torture.
Sean Spicer, porte-parole de la Maison Blanche, a démenti ces informations.
Quinzaine d'années sans procès
Les cinq accusés du 11-Septembre --dont Khaled Cheikh Mohammed (KSM) qui est considéré comme le cerveau des attentats-- sont détenus depuis une quinzaine d'années par les autorités militaires américaines. Ils risquent la peine de mort.
Ils ont été inculpés il y a neuf ans, mais il est impossible à ce stade de prévoir la date de leur procès. Il s'agit de l'une des procédures les plus complexes de l'histoire judiciaire américaine.
"Nous sommes plus déterminés que jamais à présenter ces personnes devant la justice, et nous le ferons, quel que soit le temps que cela prendra", a déclaré mardi le général Mark Martins, procureur principal dans cette affaire.
Selon lui, la sélection du jury pourrait commencer en mars 2018. Côté défense, 2020 est considéré comme un calendrier plus réaliste.
Malgré le report des audiences, le juge a tenté mercredi d'avancer ce qui pouvait l'être.
Il a ainsi maintenu l'enregistrement du témoignage d'un octogénaire ayant perdu son fils, sa belle-fille et sa petite-fille, qui se trouvaient à bord d'un des avions. Il est prévu vendredi.
Il dira en peu de mots, "très posément, qu'il a vu à la télévision le meurtre de sa famille", a expliqué Ed Ryan, de l'équipe d'accusation.
Le tribunal veut enregistrer ce genre de dépositions pour qu'elles puissent être utilisées lors du procès lui-même, alors que les témoins seront peut-être décédés.
Eléments à charge secrets?
Le processus judiciaire est d'autant plus complexe que les prisonniers sont passés par les prisons secrètes de la CIA, où certains ont subi des "procédures d'interrogatoires poussés" --un euphémisme pour désigner la torture-- qui ont servi à construire le dossier d'accusation.
C'est en particulier le cas pour KSM, arrêté au Pakistan en 2003, qui a notamment été soumis à de nombreuses sessions de simulation de noyade ("waterboarding") ou encore à des séances de "réhydratation rectale" sans justification médicale, avant d'être transféré à Guantanamo en 2006.
Des éléments à charge recueillis par la CIA demeurent classifiés dans le rapport du gouvernement américain sur la torture. Ce qui rend furieux les avocats de la défense car ils n'ont pas connaissance de tout le dossier dont dispose le gouvernement.
"Nous ne savons pas ce que nous ne savons pas, et c'est bien là le problème", a résumé Walter Ruiz, avocat du Saoudien Moustapha al-Houssaoui.
Il reste encore 41 détenus à Guantanamo, que M. Obama n'a pas réussi à fermer en raison de l'opposition du Congrès.
Les trois autres accusés du 11-Septembre sont les Yéménites Ramzi ben al-Chaïba et Walid ben Attach, et le neveu de KSM, Ammar al-Baluchi, aussi appelé Ali Abdoul Aziz-Ali, d'origine pakistanaise comme son oncle.